Mission d'information sur l'incendie d'un site industriel à rouen

Réunion du mercredi 6 novembre 2019 à 15h40

Résumé de la réunion

Les mots clés de cette réunion

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  • nettoyage
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La réunion

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La séance est ouverte à quinze heures quarante.

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Nous poursuivons les auditions dans le cadre de la mission d'information sur l'incendie de Lubrizol à Rouen qui a été décidée en conférence des Présidents. Cette mission cherche tout à la fois à comprendre l'évènement en tant que tel, sa gestion, la gestion de crise et la communication de crise, faire un retour d'expérience, en tirer un certain nombre de conclusions et si possible faire des propositions d'amélioration sur tous les aspects qui « s'accrochent » à ces évènements. Nous auditionnons cet après-midi Mme la rectrice de l'académie accompagnée de Mme la directrice de son cabinet.

J'aimerais comprendre la façon dont vous avez été averties – quand je dis « vous », c'est, bien sûr, l'Éducation nationale – et quel rôle vous jouez dans le dispositif à la fois de gestion et de crise et même de communication de crise. Il y a des directives précises par voie de circulaires ou de notes qui émanent de l'administration centrale, de l'Éducation nationale, mais qui permettent sans doute de décrire dans les détails le rôle de chacun. Pouvez-vous les rappeler ?

Pendant l'évènement et après, nous avons vu beaucoup de réactions de la part des maires, à la fois sur le niveau d'information qui était le leur, mais aussi sur la question du confinement des écoles et de la relation avec les directeurs ou les directrices des écoles en termes d'information. Pourriez-vous nous éclairer sur ce point ? Des maires nous ont dit qu'on leur avait indiqué qu'il fallait qu'ils puissent rentrer en contact avec les directeurs d'écoles et parfois ils ne savaient pas s'ils devaient le faire eux-mêmes ou s'ils devaient d'abord passer par l'inspection. Ils ne disposaient d'ailleurs pas tous des numéros de portable des directeurs et des directrices. Lorsque vous réalisez des exercices comme les plans particuliers de mise en sûreté (PPMS), c'est l'occasion de vérifier si, sur l'ensemble du dispositif, vous avez en main tous les éléments d'information, et de communication qui peuvent permettre d'être opérant face à un évènement de cette nature. Avez-vous eu un retour de la part des directeurs et des directrices des écoles, des enseignants, des syndicats d'enseignants, des représentants des parents d'élèves ? Est-ce que cela fait l'objet d'un retour d'expérience ? Avez-vous sollicité chacune des écoles et des communes qui ont été concernées par les consignes de confinement ? Il y a une question qui est remontée de la part des maires des communes concernées, c'est vrai que c'est très difficile lorsque vous êtes sur un espace avec une continuité urbaine, même si pour définir les villes concernées, il fallait bien se fixer une règle, mais nous avons toujours des effets de frontière. Je pense par exemple à la vallée du Cailly ou aux communes autour de Rouen ou même sur les hauteurs. Par cet effet frontière, vous pouvez être situé à quelques mètres, voire à des centaines mètres. Il y a une incompréhension de la part des parents de savoir que l'école à côté est confinée et pas la leur, ou en tout cas que les enfants ne sont pas accueillis quand d'autres écoles le font. Avez-vous un retour d'expérience qui pourrait améliorer, si possible, le dispositif et tout autant la compréhension qu'on peut en avoir ?

Sur la question du confinement, à travers le retour que vous avez des PPMS, y a-t-il un bon niveau de satisfaction concernant l'information ? Comment intégrez-vous certains moyens de communication qui sont ceux d'aujourd'hui ? Nous voyons bien que l'information va très vite. Comment communiquez-vous au niveau du rectorat ? Comment participez-vous à cette nécessité de répondre le plus vite possible à un certain nombre d'interrogations ?

Dernière question ; elle a aussi son importance, me semble-t-il. Nous savons qu'il y a un dispositif de suivi médical et épidémiologique qui répond à la fois à la demande que l'on a pu exprimer, mais qui répond aussi à la circulaire de 2012 en la matière. De votre côté, je pense notamment à la médecine scolaire, avez-vous un rôle à jouer ? Si vous ne l'avez pas aujourd'hui de par les textes, ne pensez-vous pas que cela serait utile, malgré tout ? Notamment sur des aspects psychologiques, il y a eu quand même beaucoup de questions qui ont été soulevées par les enfants qui fréquentent les écoles. Ils ont pu être choqués par les images, ils entendent beaucoup de choses en la matière mais peuvent, à travers leurs parents, avoir des éléments de compréhension. N'y a-t-il pas un rôle à jouer du côté de l'Éducation nationale pour participer à la compréhension d'un évènement de cette nature ?

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Effectivement, comme le disait M. le président, nous avons des questions sur la gestion du point de vue de l'Éducation nationale de cette crise et de l'information de l'ensemble des parties prenantes de l'Éducation nationale concernant cet incendie. Je pense qu'il faut faire une séparation entre les 12 communes qui ont été impactées par l'interdiction d'ouverture des écoles émanant de la préfecture et toutes les autres communes qui ont pris des initiatives de fermeture d'écoles. M. le président citait la vallée du Cailly, c'est effectivement une réalité. Ensuite, il y a une troisième catégorie, ce sont les 112 communes impactées par le panache de fumée et qui ont pu être impactées par les conséquences de ce panache, sans forcément qu'il y ait de fermeture des établissements dès le jeudi matin. J'aimerais savoir déjà quelle a été la structuration de la communication interne à l'Éducation nationale, c'est à dire entre vous, les inspecteurs présents sur le terrain, et derrière eux, les directeurs d'établissement, et aussi savoir comment toute cette machinerie a pu se mettre en branle et comment les choses ont commencé à partir du moment où la cellule de crise se met en place et à quel moment l'Éducation nationale est officiellement informée. J'aimerais que l'on puisse revenir sur cet épisode de SMS qui n'auraient pas été envoyés en temps et en heure et qui, au lieu d'intervenir le matin vers 8 heures, auraient été envoyés vers 10 heures, occasionnant quelques petits soucis… Vous nous direz ce qu'il en est.

Il s'agit de la gestion de la crise en tant que telle le jour même pour être sûr que nous n'ayons pas d'enfants qui soient déposés par leurs parents sans que l'école soit ouverte et qu'ils se trouvent sans personne pour s'occuper d'eux ; est-ce que cela a été le cas sur une des communes impactées par les fermetures d'établissements ?

Revenir également sur l'aspect médecine scolaire. Quelles ont été les consignes particulières reçues par les médecins scolaires ou les infirmières scolaires ? Ont-ils constaté une augmentation du nombre de sollicitations dans les établissements sur des questionnements, sur des problématiques de santé ? Même sujet d'interrogation concernant les psychologues scolaires, ont-ils déjà constaté, dans leur pratique, certains indices qui pourraient être liés à l'incendie et à ses conséquences ?

Une dernière question concerne le nettoyage des différents établissements, un autre sujet qui relève de votre compétence. Il y a la problématique des suies et celle des fibrociments, je pense, à traiter séparément. Pourriez-vous nous indiquer quels ont été les moyens et les préconisations en oeuvre pour traiter ces deux points ?

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Christine Gavini-Chevet, rectrice de l'académie de Caen

Je vais concentrer cette première intervention sur les premiers jours de la crise parce que cela correspond déjà aux questions que vous venez de me poser.

Ces premiers jours, c'est du jeudi jusqu'au lundi, c'est-à-dire de la fermeture des écoles jusqu'à la réouverture des écoles le lundi matin. Je vais présenter cette intervention en trois points. Le premier est la chaîne d'alerte, ce fameux jeudi 26 septembre quand nous avons été alertés et comment nous avons pu alerter les écoles, les collèges et les lycées. Ensuite, la gestion de la crise de la fermeture des écoles ce jeudi jusqu'au lundi matin et l'opération de nettoyage. Enfin, comme vous me l'avez demandé, des points forts et des faiblesses et surtout des pistes d'amélioration.

Le 26, la chaîne d'alerte se met en place à partir de 6 heures 45. L'Éducation nationale est présente au centre opérationnel départemental à partir de 6 heures 15 pour être exact, à travers le secrétaire général du rectorat de Rouen. À partir de là, nous avons une excellente connexion entre le COD, le rectorat et la direction des services départementaux de l'éducation nationale (DSDEN), où se trouve l'inspecteur d'académie. Je rappelle, puisque cela a été demandé, que la chaîne de commandement en cas de crise est simple. C'est une chaîne de commandement départementale sous l'autorité du préfet de département, en l'occurrence ici le préfet de région également, et à la manoeuvre, l'inspecteur d'académie des directeurs académiques des services de l'Éducation nationale (DASEN), mais avec une cellule de crise également académique où se trouve la rectrice qui copilote la crise. En général, le recteur a une fonction un peu différente de celle de l'IA-DASEN, qui est dans une fonction plus opérationnelle. Nous avons mis en place cette cellule de crise aux alentours de 8 heures après les premières alertes, les premiers débuts d'action, avec une cellule de crise en trois points pour tenir compte de la particularité de notre académie actuelle qui comporte deux sites : Caen et Rouen, avec DSDEN, un rectorat de Rouen, un rectorat de Caen, sur la journée du jeudi. À partir de la journée du vendredi, il n'y avait plus qu'une seule cellule académique au rectorat de Rouen.

À partir de 6 heures 45, l'Éducation nationale a mis tout en place pour prévenir écoles, collèges, lycées et les établissements d'enseignement supérieur dans le périmètre des 12 communes, le périmètre défini par le préfet comme étant le périmètre sur lequel les écoles doivent fermer. Je rappelle que la consigne du préfet à ce moment-là, c'est la fermeture des écoles et la mise à l'abri. On ne parle pas de confinement. Il s'agit bien d'une mise à l'abri des enfants. Les enfants qui se seraient présentés aux portes des écoles devaient être accueillis et travailler à l'intérieur de l'enceinte de l'école.

Dès 8 heures 30, le préfet avait établi qu'il n'y avait pas de toxicité aiguë pour la population. Il ne s'agissait pas de confiner ou d'évacuer, mais bien de protéger les enfants. Nous avons, à partir de 6 heures 45, appelé les inspecteurs de circonscription. Vous connaissez notre organisation, là c'est la DSDEN qui effectue ce travail. Le rectorat appelle les établissements, c'est-à-dire les collèges, les lycées, ainsi que les établissements d'enseignement supérieur ; la répartition habituelle de notre travail. Le message est transmis d'abord par téléphone et c'est le même message que celui de la préfecture. Nous relayons donc le message de la préfecture. Les établissements sont fermés, les élèves sont mis à l'abri. Les inspecteurs de circonscription relaient cette information aux écoles jusqu'à 8 heures 25 environ. A 8 heures 27, nous faisons envoyer par la DSDEN un courriel pour doubler cette alerte téléphonique. Enfin, à 8 heures 58, nous avons ce fameux SMS qui aurait dû arriver plus tôt. Je vais revenir sur ce point dans les points d'amélioration. Nous envoyons un SMS à l'ensemble des sites scolaires. Nous sommes à ce moment-là à 112 sites scolaires concernés dans 12 communes, et nous leur envoyons un message identique à celui que j'ai indiqué ; assurer l'accueil des élèves, les mettre à l'abri et fermer les établissements. Nous avons communiqué également, à travers la DSDEN, avec les directeurs diocésains pour ce qui concerne l'enseignement privé.

Dans l'après-midi, la DSDEN a demandé aux inspecteurs de faire le relais auprès des maires et c'est peut-être cela qui a pu susciter de l'incompréhension puisque nous sentions bien qu'il fallait trouver des canaux pour communiquer avec la population de parents d'élèves et nous avons demandé aux maires s'ils pouvaient entrer en contact avec les parents pour leur exposer la situation et les mesures qui avaient été prises. Effectivement, certains maires ont pu se trouver dans la difficulté.

Nous avons également fait un lien avec le CROUS pour faire en sorte de vérifier que tous les étudiants étaient bien mis à l'abri, ce qui a été le cas. La directrice du CROUS nous a assuré que dans chaque unité de logement du CROUS, il y avait bien un responsable présent pour s'occuper des étudiants qui étaient non pas confinés, mais mis à l'abri pendant cette période.

Enfin à 8 heures 20, nous commençons à essayer de communiquer avec la population, cette fois, le grand public, via les réseaux sociaux et les sites web académiques et départementaux. Le message que nous relayons, c'est le message de la préfecture. C'est un message très simple, très clair, mais un peu institutionnel.

Ainsi, à la situation à 9 heures, tous les sites scolaires ont été prévenus, les 112 sites. Cette communication a été doublée d'un SMS. Tout de suite après, nous faisons un point. Aucun enfant n'a été mis en danger pendant cette période. Aucun enfant ne s'est trouvé à la porte d'une école ou d'un établissement fermé et c'était cela qui était le plus important. À 9 heures, nous pouvons dire qu'il n'y a pas de mise en danger des élèves. Nous avons pu contrôler la situation.

À partir de là arrive la deuxième phase, qui commence à peu près à 15 heures lorsque nous savons que le feu a été éteint. Le préfet a fait état de cette situation. Il nous expose le fait que le nuage se dilue au-delà des 22 kilomètres qui étaient l'étendue du nuage au départ. Cette dilution est suffisante pour qu'il n'y ait pas de danger pour les populations. Mais par principe de précaution, le préfet émet un message protection des personnes fragiles parmi lesquelles bien sûr les personnes âgées, mais aussi les enfants. Nous sommes donc concernés. Ce message est passé à 14 heures 22. Le préfet a également communiqué aux maires la possibilité, hors des 12 communes, de fermer les écoles s'ils le souhaitent, c'est à l'appréciation des maires. C'est cette question qui s'est posée à certains maires hors des 12 communes.

Par ailleurs, du jeudi 26 au dimanche 29 au soir, les services de l'Éducation nationale, rectorat et DSDEN, engagent une grande opération pour superviser le nettoyage de ses écoles, collèges, lycées, également établissements d'enseignement supérieur. Progressivement, nous allons passer du périmètre de 110 sites au départ à un périmètre de 225 sites scolaires qui vont être nettoyés durant le week-end entre le vendredi et le dimanche soir. Nous avons supervisé ce nettoyage effectué par les collectivités territoriales et, pour les écoles privées, sous la responsabilité du directeur diocésain, par les directeurs d'école eux-mêmes.

Entre-temps, l'Agence Régionale de Santé (ARS) – c'est très important – émet des recommandations pour le nettoyage des suies dans les logements et leur environnement. L'Éducation nationale s'appuie sur ce protocole pour le nettoyage des sites scolaires. Le protocole, je crois que vous le connaissez. Il indique qu'il faut nettoyer à l'eau, etc. Nous demandons à chacune des collectivités territoriales de respecter ce protocole, de superviser le nettoyage et de nous indiquer où ils en sont. Il va commencer un comptage très long commune par commune, école par commune, pour savoir si le nettoyage a été fait. C'est ce qui se produit. À ce moment-là, l'ARS a quand même insisté, et cela nous a beaucoup rassuré, sur le fait que la pollution qu'il s'agit d'éliminer est visible. Ce sont des suies. Il faut simplement les nettoyer. La recommandation que nous donnons est également que les suies ne soient pas touchées parce qu'elles peuvent produire des irritations, et qu'elles ne soient pas ingérées.

Dans le même temps, les services de l'Éducation nationale ont essayé de continuer à donner le plus d'informations possible et à rassurer l'ensemble des parents, des enseignants, des personnels de direction, et les personnels du rectorat qui ont aussi manifesté, bien sûr, des inquiétudes. Nous avons aussi engagé un début de dialogue social et j'y reviendrai. Nous avons aussi travaillé sur les directeurs et présidents d'établissements d'enseignement supérieur.

À 15 heures, la décision est prise par le préfet et moi-même de fermer à nouveau les établissements, les sites scolaires d'Enseignement supérieur le 27 et le 28, de façon à pouvoir orchestrer cette opération de nettoyage.

Nous avons communiqué aux différents publics à différentes reprises pendant le week-end. Je ne vais peut-être pas égrainer les moments, mais il y a eu au moins une dizaine de moments de communication différents, avec deux moments forts, bien entendu, qui sont la visite du ministre le vendredi après-midi. Le ministre a pris la parole vers 14 heures pour indiquer que le nettoyage des sites scolaires était en cours et qu'ils pourraient rouvrir lundi s'ils avaient été nettoyés. J'ai moi-même fait une conférence de presse le dimanche 29 avec tous les médias locaux et nationaux, où j'ai relayé cette information. J'ai donné l'état d'avancement. Il y a eu beaucoup de questions, portant bien sûr sur la nocivité des suies, sur le droit de retrait pour les enseignants, sur les mesures de nettoyage. J'étais accompagnée, dans cette conférence, par le maire de Rouen, par l'IA-DASEN et par l'ARS, qui pouvait communiquer des informations aux médias sur les questions sanitaires. Dans le même temps, nous avons orchestré un début de dialogue social à travers des appels téléphoniques aux organisations représentatives du premier degré, faits par la DSDEN. De notre côté, au niveau du rectorat, des appels téléphoniques au secrétaire académique du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT), toujours dans une répartition classique de nos responsabilités. Nous passons des consignes aux agents du rectorat. Nous leur demandons de consulter un médecin s'ils ont des symptômes, notamment les symptômes bien connus occasionnés par les odeurs incommodantes, et bien sûr de ventiler les bureaux. Nous convoquons un CHSCT départemental et un CHSCT académique le même jour, le lundi 30 septembre, pour pouvoir donner aux organisations représentatives un état des lieux. Le lundi après-midi, nous avons donc tenu deux CHSCT.

Dans le même temps, nous avons mis en place une cellule d'information et d'écoute à destination des parents d'élèves et des personnels. Cette cellule d'information mise en place à partir du 27 septembre sera ouverte jusqu'au 4 octobre et recueillera d'assez nombreux appels. La première journée, 150 appels ont été recensés.

Nous avons également mis en place un protocole médical et un protocole pédagogique. Le protocole médical a été orchestré le dimanche à travers mes conseillères techniques académiques médecins, la conseillère technique médecin de la DSDEN et les conseillères techniques infirmières, qui ont créé un protocole. C'est ce protocole qui va permettre, à partir du lundi, que des infirmières et des médecins scolaires soient positionnés dans toutes les circonscriptions pour qu'à la demande des écoles, des collèges et des lycées, il puisse y avoir une intervention médicale dès qu'un élève a des difficultés, ce qui s'est passé à partir de ce lundi. Dès le mardi matin, nous nous sommes aperçus qu'elles étaient assez peu sollicitées. Nous avons néanmoins souhaité renforcer le dispositif en mettant les infirmières directement dans les écoles. Elles ont fait des rondes en quelque sorte pour vérifier que les élèves n'étaient pas incommodés. Effectivement, il y a eu pas mal de visites concernant des élèves incommodés, de la toux, des vomissements.

Un protocole pédagogique a aussi été mis en place pour le retour des élèves en classe, c'est-à-dire le lundi matin. Nous avons souhaité que les élèves soient accueillis par des professeurs qui puissent parler de ce qui s'était passé. Vous avez évoqué cette question, je crois qu'elle est très importante. Il pouvait y avoir des enfants qui avaient été choqués par les images d'un feu particulièrement impressionnant et par la fermeture de leur école pendant deux jours. Ce n'est pas anodin. Fermer deux jours, c'est assez rare. Le protocole a été mis en place également par des professeurs et pour les professeurs.

L'Enseignement supérieur est une caractéristique particulière puisqu'il s'agit d'étudiants, d'adultes. Nous ne sommes plus autant dans le registre de la protection des populations fragiles. Le jeudi 27 après-midi, le président de l'université de Rouen a demandé au préfet et à moi-même de rouvrir l'Université. Nous en avons parlé avec M. le préfet et nous avons trouvé que c'était possible dans la mesure où il ne s'agissait pas de populations fragiles. L'Université de Rouen a été rouverte le vendredi 28, avec cependant un absentéisme important ce jour-là.

Le dimanche, j'ai organisé une réunion avec tous les chefs d'établissements d'enseignement supérieur pour faire le point sur les fermetures puisque les différents établissements – j'ai pris les établissements du périmètre de la communauté d'universités et établissements (COMUE) – avaient parfois fermé, parfois non, étaient déjà nettoyé ou pas encore. Nous avons fait un point complet pour que tout le monde soit à peu près « calé » pour un retour à la normale le lundi matin et avec un travail concernant les laboratoires de recherche pour savoir s'ils avaient pu être affectés d'une quelconque manière par la pollution, mais ce n'était pas le cas. Il n'y avait pas de problème particulier sur nos labos.

Ce dimanche 29, nous avons pu vérifier que toutes les communes, toutes les écoles, tous les collèges, tous les lycées avaient mis en oeuvre le nettoyage. Il restait une dernière école à 18 heures 30, nous avons attendu que le maire puisse nous affirmer que le nettoyage avait bien été fait et nous avons pu indiquer sur les deux sites académiques et notre compte Twitter que les écoles avaient été nettoyées et pourraient ouvrir le lundi matin.

En réalité, sur les 225 sites scolaires, seulement 33 écoles publiques, 8 écoles privées et 7 collèges présentaient des traces de suie. Ailleurs, il y a eu des vérifications, mais il n'y avait pas de traces. Lundi matin, nous rouvrons. La présence d'infirmières est dans chaque circonscription. Des difficultés sont signalées : des élèves qui sont incommodés dans certains cas, mais aucune hospitalisation d'élèves, des professeurs, des directeurs d'école qui se sentent mal. Les odeurs, l'inquiétude est également très marquée. Je précise aussi que les activités d'éducation physique et sportive (EPS) étaient rendues impraticables. En effet, j'avais donné une instruction ferme de ne pas pratiquer l'EPS en dehors des enceintes des établissements et des écoles puisque je n'avais pas la garantie que les autres installations avaient été nettoyées. Ce que j'avais demandé aux collectivités, et Dieu sait que c'était déjà beaucoup, c'était de nettoyer les écoles, pas forcément les installations sportives hors des écoles. Nous avions des professeurs d'EPS qui devaient garder les élèves dans les cours, les préaux, et c'était assez difficile. Nous avons mis une semaine ensuite pour pouvoir obtenir le nettoyage des autres installations sportives.

Nous avons aussi des statistiques d'absentéisme : 8,5 % des élèves en premier degré et 4,9 % des élèves en second degré étaient absents le lundi. Au cours de la période et jusqu'à la Toussaint, nous avons eu un absentéisme un peu supérieur à la moyenne, qui était dû sans doute à une inquiétude des parents.

J'arrive maintenant à la question des forces et des faiblesses telles que nous pouvons les appréhender dans cette gestion de crise. J'ai repéré quatre enjeux : la gestion de crise proprement dite et l'accompagnement médical pédagogique, la communication avec les populations, le dialogue social et les relations avec les élus et les collectivités territoriales. Au cours de cette vaste opération de nettoyage, nous avons vraiment eu un très bon contact. Nous avons eu des contacts permanents avec les collectivités, communes, départements et régions. Rien n'aurait pu se faire sans les élus qui ont pris à bras-le-corps la question de cette pollution et du nettoyage.

Dans les points forts que j'ai repérés, c'était justement l'excellente relation que nous avons eue avec les élus, ce qui n'empêche pas bien sûr des critiques que je connais de la part de certains élus, mais globalement, nous avons été très heureux de la façon dont ils avaient très vite réagi à nos demandes. Une très bonne coordination de notre point de vue entre la préfecture, l'ARS et nos services via le COD, mais après, en dehors du COD, une fluidité totale de relations entre nous, qui étaient très importantes. Une très bonne articulation entre les deux cellules de crise, rectorat et cellules de crise départementales. Un travail assez complet entre la gestion de crise, la communication, le médical, le pédagogique. Nous avons essayé vraiment de penser à tout. J'ai oublié de citer le cas des internes. Nous avons tout de suite travaillé sur les internes. Nous avons aussi travaillé sur les sorties scolaires tout de suite, en essayant de vérifier que nos élèves n'étaient pas en dehors de leurs écoles.

Les points à améliorer existent, ils sont clairs, vous les avez cités. C'est particulièrement cette chaîne d'alerte. Nous estimons qu'elle n'a pas été assez rapide puisqu'elle s'est déroulée entre 6 heures 45 et 8 heures 30, avec un SMS qui part trop tard. Cela va un petit peu avec ; elle est hétérogène parce que nous passons par le canal des inspecteurs de circonscription qui relayent à des heures différentes et peut-être parfois des messages qui ne sont pas exactement les mêmes puisque c'est un message humain et que chacun interprète la consigne, et c'est tout à fait normal. Nous voyons bien là un point d'amélioration dans la communication rapide, sachant que nous sommes sur une crise d'un type assez différent des exercices que nous menons chaque année, qui sont souvent sur des périmètres plus restreints et où la chaîne d'alerte est plus courte. Là, nous avons pu constater qu'il y avait une difficulté lorsque les périmètres sont non seulement importants, mais changeants. Cela allonge la chaîne d'alerte, il faut donc que nous travaillions sur ce sujet. Je rappelle que la communication a été très rapide et très efficace avec les établissements publics locaux d'enseignement (EPLE), collèges, lycées, et les établissements d'enseignement supérieur, mais plus lente avec les écoles pour des raisons que vous connaissez bien, qui sont liées au fait que les directeurs d'école ne sont pas logés. Un certain nombre d'entre eux ne communiquent pas leur numéro de téléphone parce que ce sont des téléphones personnels. Donc la communication est plus lente. Nous réfléchissons à une façon d'améliorer cette communication. J'ai beaucoup discuté avec certains directeurs d'école que j'ai rencontrés par la suite sur d'autres sujets qui sont venus après. Certains m'ont dit : « J'ai regardé mes mails », alors que ce n'est pas la procédure, parce que la procédure c'est le SMS, le téléphone. On s'aperçoit que l'on aurait pu aussi travailler immédiatement par mail, en tout cas doubler la communication téléphonique avec un mail. Nous pouvons travailler sur cela. Il faut que nous travaillions sur nos exercices. Vous avez cité les PPMS, il y en a un qui est prévu le 19 novembre. Nous avons décalé celui du 15 octobre parce que nous savions que les chefs d'établissement avaient été mis à rude épreuve, ainsi que les collectivités, mais nous l'avons conservé celui du 19. Dans l'Eure, il y aura un PPMS complet. En Seine-Maritime, nous allons faire simplement un test de chaîne d'alerte et nous allons trouver des moyens d'aller plus vite. Il y aura également un PPMS complet, réalisé au niveau de la région académique cette fois en 2020. C'est une décision que nous avons prise avec le préfet.

Nous avons eu aussi une difficulté au niveau du repérage parce que pour envoyer ce fameux SMS, il faut trouver les numéros de téléphone de ces fameux inspecteurs et directeurs d'école. Pour cela, nous avons un outil académique qui s'appelle « Cartocrise », qui permet de lister les numéros de téléphone. À cette occasion, nous nous sommes rendu compte que techniquement, l'outil n'est pas au point. Nous avons décidé d'abandonner cette solution pour aller vers une autre solution technique qui existe dans d'autres académies. Nous allons faire une sorte de parangonnage pour avoir un meilleur outil.

Ensuite, je crois que l'autre question que vous m'avez posée portait sur la communication avec les maires. Effectivement, je crois que le point le plus difficile pour tous les services de l'État a été la question des « effets frontière ». J'ai bien les communes en tête. La question, c'est que la décision qu'a prise le préfet était liée au déploiement de l'incendie au sens des vents, et que les communes qui n'étaient pas sous le nuage, dont il avait fait un calcul très précis, n'ont pas été soumises à une fermeture des écoles. Mais l'après-midi, nous avons dit « libre à vous ». Là, effectivement, pour un maire, je peux comprendre qu'il y ait une difficulté, un choix difficile à opérer. Beaucoup de maires ont fait le choix de fermer ; nous passons ainsi de 110 à 225 dans l'après-midi du jeudi. Il y a sans doute un travail à faire pour mieux communiquer avec les maires sur des périmètres larges, ce qui veut dire que nous avons beaucoup de maires à contacter. Et comment discute-t-on avec eux ? Notre solution qui était de passer par l'inspecteur, qui est la voie classique dans l'Éducation nationale, nous voyons bien qu'elle est perfectible et que peut-être il faut encore travailler cette solution, notamment avec nos inspecteurs de circonscription, pour mieux les préparer à aider les maires dans ce type de décision.

Également, nous avons sans doute communiqué d'une façon institutionnelle. Nous avons cherché à informer et à rassurer. J'ai essayé de rassurer dans ma conférence de presse. Notre communication a été jugée souvent institutionnelle et je crois que nous avons un effort à faire sur la maîtrise des réseaux sociaux, ce qui est extrêmement difficile. On voyait bien que les messages circulaient sur les réseaux étaient en partie de fausses informations. Nous aurions sans doute dû travailler davantage pour savoir comment répondre lorsqu'une fausse information est diffusée. Nous savons que c'est un exercice difficile puisqu'il s'agit toujours d'informer sur des faits avérés. Nous réfléchissons aussi sur ce travail.

Sur le suivi épidémiologique, c'est quelque chose à laquelle nous avons pensé tout de suite. La réponse est venue de l'ARS puisqu'elle fait une enquête en population générale à partir de mars 2020. Dans cette enquête, elle va interroger les conséquences pour les enfants. Nous avions imaginé une convention spécifique pour nos élèves, mais à travers cette enquête, nous allons avoir des données pour nos élèves. Ce suivi épidémiologique sera fait. Ce qui n'empêchera pas, comme vous l'avez suggéré et qui me semble très intéressant, de retravailler avec les médecins scolaires sur ces questions-là.

La question du fibrociment est venue quelques jours après, le jeudi 3 octobre, puisque le préfet et l'ARS se sont rendu compte que des débris d'amiante étaient retombés. À ce moment-là s'est posée la question de leur évacuation des écoles, particulièrement des cours. Il y a eu, en réalité, très peu de fibrociment dans les cours. Un protocole de nettoyage a été mis en place par la préfecture et par l'ARS, que nous avons bien entendu communiqué à l'ensemble des sites scolaires pour que, s'ils repéraient du fibrociment, un nettoyage de l'école en bonne et due forme puisse être fait, qu'il y ait donc un nettoyage spécial. Ce n'est pas un nettoyage, en fait, c'est une récupération du fibrociment dans des conditions particulières par une société spécialisée.

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On voit la volonté de mettre en place à la fois des mesures pour répondre à la situation et un plan de communication le plus large possible avec un certain nombre de faiblesses, vous l'avez reconnu. C'est là-dessus que je voudrais vous interpeller. Entre toutes les décisions que vous avez prises pendant les premiers jours et le lundi matin, il y a eu le samedi soir, si j'ose dire, avec l'arrêté préfectoral de mise sous séquestre d'un certain nombre de productions agricoles et des communes plus éloignées – je pense à certaines communes du Pays de Bray qui font partie de ma circonscription – qui se sont trouvées en difficulté avec cette mise sous séquestre, une pollution visible sur les territoires agricoles, du nettoyage dans les écoles ! J'ai constaté moi-même des retombées de suie le lundi matin avec une grande humidité ce jour-là. Finalement, malgré la consigne de réouverture et la communication, certaines écoles et certains élus ont été confrontés à des difficultés, puisque le périmètre était assez élargi, pour prendre la bonne décision avec un impact non négligeable pour certains qui se sont fait un point d'honneur à offrir des repas scolaires avec des circuits courts et locaux. De plus, une très grande difficulté est survenue le lundi ; que fait-on quand les extérieurs d'école sont encore sales et pour les repas scolaires ? C'est vraiment la difficulté de gérer à terme alors que les évènements évoluent finalement très vite. C'est sur tout cela que j'aimerais avoir votre regard.

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D'abord, bravo, parce que c'est quand même une gestion de crise qui n'est pas facile. Cette gestion finalement vous confère une réelle expertise, à la fois sur ce qu'il faut faire mais aussi sur ce qu'il ne faut pas faire, et je trouve que donner l'alerte n'est pas facile. Donner une alerte qui protège les personnes, ce n'est pas facile non plus. Je voudrais savoir comment vous avez vraiment vécu cela avec certainement des doutes et assez peu de certitudes. Vous avez parlé de la communication entre les personnes. Il y a peu de raisons pour lesquelles cela ne peut pas arriver à nouveau, pas chez vous évidemment, mais ailleurs, c'est certain. Dans ce cas, avez-vous déjà préparé un scénario qui puisse aider les personnes en bénéficiant de l'expertise que vous avez acquise ?

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Vous avez indiqué avoir supervisé le nettoyage des locaux. À ce titre, vous vous êtes félicitée du concours des collectivités territoriales, notamment des communes. Pour connaître un peu, avec certains collègues, le terrain, quel crédit avez-vous pu accorder le dimanche soir à des interventions qui avaient été conduites sous l'autorité des techniciens et des équipes d'entretien des écoles – je pense aux communes – à la fois en termes de nettoyage des locaux intérieurs et de l'extérieur desdits périmètres scolaires ?

Peut-être pas à ce stade, mais j'aimerais éventuellement continuer de vous entendre sur la question de la médecine scolaire. Vous avez répondu avec ces équipes de « rondiers » en quelque sorte à disposition des équipes pédagogiques, des directions dans les établissements, cela dès le lundi. Vous envisagez, si j'ai bien compris, de poursuivre un focus particulier avec la médecine scolaire, dont notamment les enjeux en termes psychologiques. Vous l'avez dit, des écoles fermées deux jours, ce n'est pas rien ! Pouvez-vous nous en dire un peu plus sur ce que vous pourriez proposer en la matière ?

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Christine Gavini-Chevet, rectrice de l'académie de Caen

Sur la question du périmètre et des communes qui ont été comprises dans l'arrêté préfectoral lié aux questions agricoles, je pense qu'il y a quand même deux temps à distinguer. Pour nous, le samedi soir, nous étions à 225 sites scolaires. Ceux-là, nous étions sûrs qu'ils étaient nettoyés et la discussion avec les maires avait eu lieu. Ensuite, au-delà du samedi et au-delà de ces 225 sites, il y avait encore d'autres communes qui se sont révélées avoir des suies ou ce genre de choses. Nous avions fait passer un message et cette fois dans tout le département, le DASEN l'avait fait passer pour tout le département, un message de continuité dans l'action de nettoyage. Nous avions dit qu'il fallait que ce soit renouvelé quotidiennement, ne serait-ce que parce que les enfants pouvaient apporter des suies de l'extérieur et ainsi les rentrer dans les classes. Normalement, il devait y avoir une continuité du nettoyage. Ce qu'on nous a répondu la plupart du temps dans les collectivités, c'est que c'est fait tous les jours ! Nous n'étions pas dans quelque chose d'exceptionnel. Pour moi, il y a vraiment ces deux temps et, effectivement, il y avait une semaine plus tard encore des écoles qui retrouvaient des suies le matin et qui ont même pu trouver du fibrociment à un certain moment, créant des situations d'inquiétude.

Mais à chaque fois, nous avions déjà un protocole mis en place soit pour les suies, à travers l'ARS, soit pour le fibrociment. Nous avons essayé de suivre systématiquement le protocole défini par l'ARS et d'être très présents. Notre rôle, puisque ce n'est pas un rôle sanitaire, c'était d'être présents, de redonner les instructions et d'essayer d'aider les maires et les chefs d'établissement à bien mettre en oeuvre les opérations.

S'agissant de la gestion de crise et de l'expérience, c'est une expérience humaine très intéressante, mais éprouvante. Il est prévu qu'un RETEX, un retour d'expérience, soit fait au niveau du ministère. Nous allons nous appuyer sur la crise Lubrizol pour former ultérieurement les recteurs, les inspecteurs d'académie. Notre ministère nous forme beaucoup sur la gestion de crise. Nous nous appuyons toujours sur des cas concrets. Nous aurons l'occasion de le faire. Je vais participer à ce RETEX, ainsi que l'inspecteur d'académie, de façon à expliquer à nos collègues les difficultés rencontrées, toutes les solutions possibles, avec l'intelligence collective on progresse. De ce point de vue, le ministère engage, vous le savez, une réflexion en son sein sur la question du métier de directeur d'école. Cela fera notamment partie des questions qui vont être posées. On sent bien, à travers l'expérience Lubrizol, que le directeur d'école a un rôle pivot dans la sécurité, qu'il avait déjà bien sûr, que les PPMS mettent en valeur, mais dont nous avons senti à quel point il était central avec cette question d'alerte, cette difficulté d'alerte. Cela fera partie des questions qui seront posées, au niveau du ministère, dans le cadre de ce RETEX : comment les directeurs d'école peuvent être mieux équipés, mieux préparés à recevoir cette alerte, à aider les maires dans leurs choix de décision ? Et cela concerne évidemment les inspecteurs, parce que ce sont aussi beaucoup les inspecteurs de circonscription qui jouent ce rôle, en principe.

Ensuite, une question que nous nous sommes beaucoup posée, c'est que lorsque nous avons supervisé ce nettoyage, nous avons dû faire confiance aux collectivités, à ce qu'elles nous disaient. Nous avions organisé un petit circuit de questions que nous posions incidemment aux mairies pour savoir comment elles avaient réalisé le nettoyage et par qui. Il y avait vraiment des différences importantes. Le conseil départemental a envoyé une entreprise spécialisée immédiatement. C'est la solution qui a été décidée. Les communes, elles, l'ont fait avec leurs agents habituels et la Région également, mais chaque fois, nous posions quand même un certain nombre de questions afin de nous assurer que cela avait été fait dans le respect du protocole. Après, on est dans le partage des responsabilités et il faut faire confiance à ce que l'on nous dit et au travail de ces agents. De fait, nous n'avons pas eu le lundi matin des directeurs d'école qui nous ont appelés en disant que le nettoyage n'avait pas été fait. Le nettoyage a été fait, ou bien il n'y avait pas de suie. Parfois, le nettoyage n'avait pas été fait, mais c'est parce qu'il n'y avait pas de suie. Je crois que notre confiance était bien placée pour être claire.

S'agissant de la médecine scolaire, c'est vrai que c'est une question très importante. Je pense qu'il y a une question qui est la culture du risque, la culture de l'alerte, que l'on peut travailler avec la médecine scolaire. C'est un programme de formation sur lequel on peut réfléchir, qu'il faudrait réfléchir au niveau ministériel puisque nous ne sommes pas les seuls concernés. Le debriefing que nous avons eu avec les médecins scolaires, avec les conseillers techniques médecins, mais aussi avec les psychologues scolaires, nous l'avons déjà fait. Nous allons réitérer ce RETEX de façon générale à l'intérieur de l'académie pour essayer de savoir si nous pouvons améliorer encore les choses. Pour l'instant, les retours que nous avons eus étaient plutôt rassurants. Comme je vous l'ai dit, il y a eu peu d'enfants en vraie difficulté. Au niveau psychologique, cela a été plutôt traité de manière pédagogique. C'est rarement les psychologues qui sont intervenus, ce sont les professeurs directement qui ont pédagogiquement traité le sujet. Nous avions envoyé des ressources pédagogiques qui avaient été travaillées pendant le week-end sur comment on parle à un enfant de quelque chose qui est choquant, avec des petits livres, des albums jeunesse, qui traitaient ces questions pour les tout-petits. Cela portait sur le rôle de pompier, ce genre de choses.

Je remercie énormément ma conseillère de prévention. Elle n'est pas là, mais elle a fait un énorme travail avec des professeurs qui l'ont aidée à créer des ressources pédagogiques, cela pendant le week-end.

La question des repas et de la pollution des aliments a été posée aux maires. Nous n'avions absolument pas de consignes puisque cela relève vraiment des collectivités territoriales. Ils ont acheté. Ils ont jeté. À l'école Franklin, où nous avions un soupçon qu'il y ait du fibrociment – il n'y en avait pas – alors nous avons été obligés de jeter les repas en application du principe de précaution, car nous ne savions pas exactement s'il y avait de l'amiante dans l'école. Par ailleurs, j'ai appris que l'amiante ne polluait pas les aliments, je l'ignorais. Nous avons tout jeté. Ce sont des choses que nous n'aimons évidemment pas faire !

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Vous l'avez évoqué s'agissant du dialogue social, une question qui concerne le droit de retrait qu'ont exercé certains enseignants. L'a-t-on mesuré ? Quelles suites ont été données à l'exercice de ce droit de retrait ?

Vous parlez du suivi des élèves, et notamment du suivi psychologique. On nous a fait état, et c'est sans doute une réalité, que suite à ces évènements, il y a aussi le nombre de salariés qui travaillent pour Lubrizol ou pour Normandie Logistique qui ont été choqués. Certains ont fait remonter auprès des élus, auprès d'un certain nombre de personnes, le fait que parfois leurs enfants étaient stigmatisés dans les cours d'école. Est-ce que ces choses-là vous ont été remontées ou pas ? Y a-t-il un point de vigilance sur ces aspects-là ? Parfois, dans une cour d'école, il y a une violence verbale qui peut exister.

Ensuite, vous avez évoqué l'exercice PPMS ou l'exercice d'alerte. Pourriez-vous décrire le PPMS et surtout dire en quoi ce sera un PPMS « après Lubrizol », c'est-à-dire en tirant déjà un certain nombre d'enseignements et en insistant sans doute sur une façon d'être, un comportement, une attitude ?

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Vous indiquiez tout à l'heure que vous aviez eu un taux d'absentéisme de 8,5 % dans les premiers jours et jusqu'à 4,5 % et qui s'est maintenu, pas forcément à ce niveau-là, mais néanmoins jusqu'aux vacances scolaires. Aujourd'hui, c'est-à-dire quelques jours après la reprise des cours, avez-vous des chiffres sur cette évolution qui permettrait éventuellement de se rendre compte d'un état psychologique qui n'aurait pas beaucoup changé ?

Au sujet de la communication à destination des parents, avez-vous demandé aux établissements s'étant trouvés dans le périmètre du panache de fumée de faire une communication auprès des parents d'élèves, par un affichage devant les écoles, etc., pour indiquer ce que vous aviez fait en tant qu'Éducation nationale avec les collectivités locales et émettre aussi des messages de santé publique ?

Selon les retours que vous avez des professeurs, des responsables d'établissement, ou simplement selon votre appréciation personnelle, avez-vous le sentiment que les messages diffusés par l'ARS étaient suffisants pour permettre de répondre à l'ensemble des questions qui se posaient dans les écoles et au-delà, pour l'ensemble des concitoyens impactés par cet incident ?

Sur le nettoyage des suies et des fibrociments pour les 12 communes où l'interdiction a été effective et où le nettoyage a été mené et qui sont les plus proches en termes de périmètre, et qui ont donc pu être impactées par les fibrociments, puisque le nettoyage des suies a été réalisé dans le week-end, et que nous n'avons découvert le sujet « fibrociment » que la semaine d'après, on ne peut pas savoir ce qui s'est passé. Il y a, peut-être, potentiellement des fibrociments qui ont été nettoyés en même temps que les suies puisqu'on nettoyait l'ensemble des cours de récréation. Est-ce qu'on sait où sont ces fibrociments aujourd'hui ? Est-ce un sujet que vous avez voulu identifier ? Sur les bacs à sable et les potagers qui peuvent exister dans les écoles, quelles ont été les recommandations que vous avez faites en tant qu'Éducation nationale ?

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Christine Gavini-Chevet, rectrice de l'académie de Caen

Sur les droits de retrait, oui, nous avons eu trois collèges pour lesquels les professeurs ont invoqué le droit de retrait. Nous avons demandé aux inspecteurs de leur réexpliquer ce qu'était le droit de retrait. En l'occurrence, ils n'étaient pas vraiment dans le cadre précis du droit de retrait. Je rappelle que le droit de retrait est un droit individuel et qu'ici, ils l'exerçaient de façon collective, et par ailleurs le danger imminent et grave n'était pas avéré. Nous avons essayé de leur expliquer qu'ils étaient plutôt dans un autre cadre, mais pas dans celui-là. J'ai refait un CHSCT une semaine après, j'ai été beaucoup interrogée sur la question, on m'a demandé si j'allais sanctionner. Il est évident que nous sommes dans une situation de crise. Nous ne sommes pas bornés ! Tout cela va revenir à la normale et nous n'allons pas sanctionner des professeurs qui étaient dans une situation d'inquiétude. Mais je crois qu'il est important qu'on redise ce qu'est le droit de retrait. C'est un droit qui est important à mes yeux, mais qu'il faut utiliser pour ce pour quoi il est fait. C'est un droit qui permet à un certain nombre de salariés de se retirer d'une situation de danger imminent et qui peut jouer un rôle très important si on l'utilise bien. Effectivement, j'ai trouvé important de rappeler cela. Je l'ai donc redit aux membres du CHSCT qui l'ont très bien compris.

Pour les salariés, j'ignorais que certains de leurs enfants avaient pu être pointés du doigt. Cela ne nous a pas été remonté, mais nous allons y faire attention et allons faire passer le message. Effectivement, cela peut être assez douloureux pour des enfants. Nous luttons beaucoup contre le harcèlement moral. Cela fait partie typiquement des choses que nous essayons d'éviter.

S'agissant du PPMS, ce que j'ai choisi de faire en Seine-Maritime, le 19 novembre prochain, il s'agira d'un exercice inspiré complètement de la crise Lubrizol. Mes chefs d'établissement m'ont demandé de ne pas pousser l'exercice jusqu'au bout. Nous le ferons dans l'Eure jusqu'au bout du PPMS avec mise en confinement, etc. En Seine-Maritime, compte tenu de ce que les chefs d'établissement ont déjà vécu à travers cette véritable crise, ils ont souhaité faire une petite pause. Mais je ne veux pas lâcher l'affaire. J'ai dit : « OK, nous n'allons pas aller jusqu'au bout du PPMS, mais nous allons quand même tester cette chaîne d'alerte parce que nous avons vu qu'elle était défaillante et que nous voulons être sûrs qu'au jour d'aujourd'hui elle ne le serait pas ». J'ai prévu un scénario catastrophe, encore pire que Lubrizol. Lorsque nous faisons des PPMS, le principe est que c'est notre équipe mobile de sécurité qui travaille avec la préfecture à un scénario que nous ne connaissons pas puisque nous devons aussi être mis en situation de réagir. J'ai demandé à cette équipe de travailler sur un scénario qui s'étendrait sur un périmètre large, indéfini, mouvant. Je vais me trouver dans une situation de chaîne d'alerte, dans la même situation que Lubrizol et ils vont sûrement me concocter des choses épouvantables. Pour le PPMS en général, nous travaillons par exemple sur un accident routier qui se produit à proximité d'une école avec des produits dangereux, c'est typiquement le type d'exercice que nous faisons. Dans l'organisation académique, Mme la directrice de cabinet est chargée de la question de la sécurité.

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Brigitte Lacoste, directrice de cabinet

Dans les scénarios qui sont proposés depuis plusieurs années, nous avons beaucoup travaillé – même si nous n'étions parfaitement pas au point au moment de l'incendie Lubrizol – sur la gestion de crise et sur la culture du risque. Les scénarios qui sont proposés ne sont toutefois pas faits pour provoquer des psychoses. Nous n'avons jamais eu de scénario de type EPR de Flamanville, mais plutôt une tempête qui arrive et donc une mise en confinement très rapide des élèves, un accident routier avec une toxicité de l'air qui en résulte et des périmètres parfois compliqués. Mais cela n'a jamais été aussi compliqué que lors de l'incendie de l'usine Lubrizol.

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Mme la rectrice, accepteriez-vous d'« embarquer » un membre de la mission d'information dans cet exercice, et sans vous compliquer quelque peu l'exercice par cette présence. Il s'agira de choisir quelqu'un d'invisible et de silencieux. Cela vous semble-t-il faisable ?

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Christine Gavini-Chevet, rectrice de l'académie de Caen

Tout à fait. Cela me semble même intéressant.

Sur l'absentéisme à la rentrée, j'avais demandé à ce que l'inspecteur d'académie regarde précisément. Nous n'avons pas eu un absentéisme supérieur à la normale à la rentrée, ce qui nous laisse penser que les enfants sont bien rentrés. Novembre est toujours une mauvaise période où l'absentéisme est important, mais par rapport aux chiffres saisonniers, nous ne sommes pas au-dessus. Il y a un vrai retour à la normale.

J'ai oublié de citer dans mon intervention le fait que nous communiquons avec la Fédération des conseils de parents d'élèves (FCPE), qui est la fédération de parents majoritaire dans le département et avec qui nous étions en liaison permanente. Nous pouvons renforcer avec eux ce travail puisque cela n'a pas suffi à diffuser l'information vers les parents. Il faut qu'on travaille encore avec eux sur leurs canaux à eux qui peuvent être très intéressants pour nous.

Ensuite, sur les messages diffusés par l'ARS. Pour nous, c'était un point d'appui absolument important, utile, qui nous a été essentiel. Je n'ai eu aucune difficulté avec ces messages et ils nous ont rendu un service tout à fait colossal, parce que sans ces messages, nous ne pouvions pas engager l'action, et ils sont arrivés vite. Cela nous a permis, à travers ces recommandations, de mettre en place les bonnes mesures. J'ai trouvé au contraire que c'était tout à fait adapté à ce dont nous avions besoin dans les écoles.

Sur le nettoyage du fibrociment, de mon point de vue – mais cela relève vraiment de la compétence de la préfecture et je ne suis pas une experte – il me semble que le fibrociment est un sujet qui est intervenu après. Sur le premier nettoyage, il n'y avait pas de fibrociment. Ce sont des blocs de ciment dans lesquels il y a des fibres. Nous ne pouvons pas les louper. Ce sont des morceaux suffisamment gros pour qu'on ne passe pas à côté. Il est absolument improbable que des écoles aient continué à faire le ménage sans voir ces blocs, en tout cas, c'est ce que l'ARS et la préfecture nous ont confirmé pour nous expliquer comment nous devions traiter. En principe, il n'y a pas à ce jour de fibrociment dans les écoles.

Les bacs à sable, cela fait partie des bonnes relations avec les élus parce que nous n'y avions pas pensé. La mairie de Rouen nous a tout de suite indiqué qu'elle avait fait bâcher les bacs à sable parce qu'ils étaient très difficiles à nettoyer ; la suie rentre dans le sable et c'est beaucoup plus difficile. Après, nous avons communiqué cette bonne pratique aux autres communes. Depuis, les sables ont été changés à Rouen. Je ne l'ai pas vérifié ailleurs.

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Vous venez d'évoquer, Mme la rectrice, la relation avec les parents en précisant que vous aviez une relation spécifique avec la FCPE et c'est tout à votre honneur. Vous allez me dire si je me trompe, mais j'ai le sentiment que le réseau d'interlocuteurs d'associations de parents est ici comme ailleurs assez distendu. La FCPE est certes encore une organisation représentative, mais j'ai vu à l'occasion de cette catastrophe fleurir ici et là quelques petits collectifs de parents qui légitimement s'interrogent. Par rapport à tout cela, c'est-à-dire une situation difficile en termes d'interlocuteurs, ne pensez-vous pas qu'il y a matière à réfléchir sur une territorialisation, une plus grande proximité, de la part de vos services en termes d'information et de communication, non pas permanente, mais régulière et au cours de la période « post-crise », à la fois pour épauler le travail des maires pour qui vous convenez que des questions se posent pour eux-mêmes en même temps qu'elles se posent pour vous. On sait bien comment les maires et les directions des écoles sont confrontés à des sujets convergents. Donc peut-être une meilleure prise attention sur le terrain en cas de catastrophe de cette nature par rapport aux parents parce que là, il y a un sujet extrêmement sensible. Dans le retour d'expérience, peut-être conviendrait-il d'évaluer aussi le temps que l'on perd à répondre à des problématiques qu'une autorité avérée peut contrecarrer. Il y a eu, même si cela ne dépend pas de vous, la question de l'alimentation, de l'eau. L'école, pour les parents, c'est à la fois le maire et c'est vous. Je m'interroge là-dessus.

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Christine Gavini-Chevet, rectrice de l'académie de Caen

Effectivement, vis-à-vis des parents c'est une difficulté. Les canaux de diffusion sont hétérogènes. Comme vous le savez, les délégués de parents sont des élus. Ils sont élus parfois très bien, avec des taux de participation élevés mais parfois moindres. Il y a les fédérations, il y a aussi des parents délégués indépendants qui sont très nombreux dans les écoles, en particulier dans le premier degré. Le tissu n'est pas homogène. En revanche, ils ont tous cette légitimité d'être élus. De ce fait, je pense que nous pouvons tisser une relation entre l'institution scolaire et des élus sur ce thème de la crise qui pourrait être intéressante. Je crois qu'elle n'a pas été vraiment travaillée à ce jour puisque nous avons encore beaucoup de questions. Nous travaillons beaucoup avec les parents d'élèves, mais rarement sur ces questions-là. Cela peut être intéressant, mais toujours avec cette question qui restera qu'il y a une hétérogénéité de représentation sur le terrain. Ils ont des canaux de diffusion et ils peuvent aussi intervenir sur les réseaux sociaux pour véhiculer des informations. Nous pouvons sans doute nous appuyer sur eux. Encore une fois, ils sont élus. À ce titre, ils sont nos interlocuteurs avec lesquels un dialogue est établi. Nous pourrions les associer au RETEX, me dit Mme la directrice de cabinet.

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Nous vous remercions pour cette audition et la qualité des réponses que vous avez apportées. Nous vous indiquerons quel membre de la mission sera « embarqué », le 19 novembre, dans votre exercice du PPMS.

La séance est levée à seize heures quarante-cinq.

Membres présents ou excusés

Mission d'information sur l'incendie d'un site industriel à Rouen

Réunion du mercredi 6 novembre 2019 à 15 h 40

Présents. - M. Damien Adam, M. Christophe Bouillon, M. Pierre Cabaré, Mme Annie Vidal, M. Hubert Wulfranc

Excusé. - M. Xavier Batut