Commission élargie : finances - affaires économiques - développement durable - affaires étrangères

Réunion du mardi 31 octobre 2017 à 17h15

Résumé de la réunion

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La réunion

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COMMISSION ÉLARGIE

(Application de l'article 120 du Règlement)

Mardi 31 octobre 2017

Présidence de Mme Émilie Cariou, vice-présidente de la commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire, de M. Roland Lescure, président de la commission des affaires économiques, de Mme Barbara Pompili, présidente de la commission du développement durable et de l'aménagement du territoire, et de Mme Isabelle Rauch, secrétaire de la commission des affaires étrangères

La réunion de la commission élargie commence à dix-sept heures quinze.

projet de loi de finances pour 2018

Écologie, développement et mobilité durables

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Madame la ministre des transports, nous sommes heureux de vous accueillir pour examiner en commission élargie les crédits du projet de loi de finances pour 2018 consacrés à la mission « Écologie, développement et mobilité durables ».

Cette mission regroupe des crédits multiples, suivis par quinze rapporteurs appartenants à quatre commissions différentes. Pour organiser nos débats, nous allons, comme les années précédentes, les séparer en deux thématiques distinctes.

Dans un premier temps, la discussion s'engagera sur les infrastructures, les services de transports et les affaires maritimes.

Dans un second temps, nous traiterons des politiques de l'écologie et du développement durable en présence de M. Sébastien Lecornu, secrétaire d'État auprès du ministre de la transition écologique et solidaire.

Je vous précise les règles des commissions élargies telles qu'elles ont été arrêtées par la conférence des présidents du 26 juillet dernier : nous donnerons la parole à Mme la ministre pour dix minutes, puis aux rapporteurs des commissions qui interviendront chacun cinq minutes. Après la réponse de Mme la ministre aux rapporteurs, nous poursuivrons notre réunion avec les questions, en commençant par celles des orateurs des groupes. Les questions comme les réponses ne devront pas dépasser deux minutes.

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Madame la ministre, chers collègues, la commission du développement durable et de l'aménagement du territoire s'est saisie pour avis des crédits de la mission « Écologie, développement et mobilité durables ».

S'agissant des transports, elle a nommé trois rapporteurs : M. Damien Pichereau pour les transports terrestres et fluviaux, Mme Zivka Park pour les transports aériens, M. Jimmy Pahun pour les affaires maritimes.

Ces trois avis budgétaires s'inscrivent dans un contexte particulièrement dense dans le domaine des transports puisque, à l'initiative du Premier ministre, ont été lancées les Assises nationales de la mobilité qui devraient aboutir en 2018 à une loi d'orientation sur les mobilités, attendue avec ferveur puisque la dernière loi d'orientation des transports intérieurs remonte à décembre 1982. Plus que jamais, cette loi d'orientation suscite l'espoir auprès de tous les opérateurs du secteur des transports qui ont impérativement besoin d'une stratégie et d'une visibilité à long terme, compte tenu des délais de mise en oeuvre des projets.

Madame la ministre, comme nous n'allons pas anticiper les conclusions des Assises, le champ des questions que nous pouvons vous poser sera limité. Néanmoins, j'aimerais vous interroger sur l'un des opérateurs essentiels dans le secteur des transports : l'Agence de financement des infrastructures de transport de France (AFITF). Ces dernières années, elle a dû faire face à la fois aux critiques récurrentes de la Cour des comptes, qui conteste son existence même, et à des difficultés financières que l'abandon de l'écotaxe poids lourds, qui devait constituer une recette importante pour elle, n'a pas allégées.

Comment voyez-vous évoluer l'agence ces prochaines années ? Pouvez-vous nous donner un calendrier en ce qui concerne sa gouvernance ? Le mandat de M. Philippe Duron est arrivé à son terme, et vous savez que notre commission doit être consultée en application de l'article 13 de la Constitution préalablement à la nomination du président de l'AFITF.

Le Gouvernement a souhaité, avant le projet de loi d'orientation, mettre en pause la réalisation de grandes infrastructures. Si cette pause ne dure que quelques mois, les fonds européens que la France a obtenus ne seront pas remis en cause. Mais qu'en sera-t-il si le législateur décide de reporter la réalisation des projets concernés au-delà de 2020 ?

Enfin, les Assises du transport aérien n'ont pas lieu en même temps que les Assises de la mobilité, mais seraient prévues pour le début de l'année prochaine. Doit-on en déduire que le futur projet de loi ne comportera pas de dispositions relatives au transport aérien ?

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élisabeth Borne, ministre chargée des transports

Mesdames les présidentes, monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, avant de vous présenter rapidement les grands objectifs et les grands axes de cette mission budgétaire pour l'année 2018, je voudrais souligner qu'il s'agit d'un budget de transition. Nous attendons en effet que se concluent les chantiers que j'ai ouverts dès mon arrivée au ministère, et nous avons été heureux de constater qu'ils suscitaient de nombreuses contributions et une mobilisation de multiples acteurs, confirmation de l'importance que revêtent les transports et de la mobilité aux yeux de nos concitoyens.

Après le lancement des Assises nationales de la mobilité, le projet de loi de finances pour 2018 marque une nouvelle étape de la réorientation que nous avons engagée en faveur des transports du quotidien et de la remise à niveau des réseaux existants.

Il vient conforter les cinq grands axes que j'ai définis dans ma feuille de route : premièrement, mettre en place une stratégie des mobilités adaptée aux besoins de toutes les populations et de tous les territoires ; deuxièmement, rétablir un financement réaliste de nos infrastructures ; troisièmement, veiller à ce que l'ouverture à la concurrence du ferroviaire soit bénéfique pour l'ensemble du secteur ; quatrièmement, soutenir les filières logistiques et industrielles ; cinquièmement, relever les nouveaux défis en matière de sécurité et de sûreté et améliorer l'efficience de l'action publique.

Je vais m'attacher à vous exposer la traduction budgétaire de chacun de ces cinq axes.

Les Assises nationales de la mobilité se déroulent cet automne et déboucheront sur une loi d'orientation sur les mobilités, qui sera présentée au Parlement au début de l'année 2018. Cette loi permettra d'amplifier la dynamique que nous avons imprimée dès cette loi de finances et de l'inscrire dans la durée : priorité donnée aux transports de la vie quotidienne ainsi qu'à l'entretien et à la modernisation des réseaux existants.

Les crédits consacrés à la réalisation des contrats de plan État-régions (CPER), outils précieux pour la mise en oeuvre d'ambitions partagées avec les régions et les collectivités – qui, je le répète, ne seront pas concernées par la pause – pourront être augmentés dans le cadre du budget de l'AFITF. De même, les crédits relatifs à la régénération et à la modernisation du réseau routier national vont connaître une hausse très significative de 25 %, soit 100 millions d'euros supplémentaires. Le mouvement est également engagé en matière de transport fluvial, avec une hausse de 14 %, soit 10 millions d'euros en plus.

Par ailleurs, je précise que les commandes de l'État de trains d'équilibre du territoire (TET) pourront être honorées pour l'ensemble des régions en 2018.

La loi d'orientation sur les mobilités, présentée à l'issue des Assises nationales, au premier semestre 2018, proposera des dispositifs législatifs puis réglementaires nécessaires pour accompagner les transformations du secteur avec l'ambition de répondre aux besoins de mobilité de tous et dans tous les territoires. Cela aura sans doute des traductions dans le projet de loi de finances pour 2019.

Il nous faut également rétablir un financement réaliste et sincère de nos infrastructures.

Il n'est plus acceptable de promettre des projets sans assurer leur financement. Un changement de méthode s'impose. Ce faisant, nous rétablirons la confiance que doivent pouvoir accorder les collectivités et nos concitoyens à la parole de l'État. J'ai lancé des audits pour les réseaux routiers et fluviaux afin de connaître leur état réel, à l'instar de ce qui avait dû être fait en urgence pour le réseau ferré national.

Mon objectif est d'inscrire dans la durée cet ensemble d'infrastructures dont les besoins dépassent largement les capacités actuelles de financement de l'AFITF. C'est tout particulièrement vrai pour les deux grands projets européens que sont la ligne à grande vitesse reliant Lyon à Turin et le canal Seine-Nord. Nous travaillons pour financer sur plusieurs décennies des infrastructures construites pour plus d'un siècle en élaborant un montage en financement de projet et en dégageant des ressources dédiées, sans affecter les capacités d'intervention de l'AFITF pour les autres projets.

Le Conseil d'orientation des infrastructures, dont certains d'entre vous sont membres, est en train d'examiner la programmation des autres projets. Il a vocation à préparer une loi de programmation des infrastructures qui constituera l'un des volets de la loi d'orientation sur les mobilités. C'est à la lumière de ses analyses que nous pourrons apprécier le juste dimensionnement des ressources de l'AFITF. Avant même qu'il ne rende ses conclusions, qui marqueront également la fin de la pause dans les grands projets d'infrastructure, il nous est toutefois apparu nécessaire de procéder à une augmentation des crédits de l'AFITF dès 2018. Grâce à 200 millions d'euros supplémentaires, son niveau de recettes sera équivalent à ce qu'il aurait été si l'écotaxe avait été maintenue. La ressource proviendra de la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE). Soulignons ici que, même si elle n'avait pas été abandonnée, l'écotaxe n'aurait pas permis d'assurer à l'Agence des ressources à la mesure des projets promis.

Par ailleurs, le grand plan d'investissement et les actions combinées avec le ministère de la transition écologique et solidaire permettront d'accélérer la transition écologique des transports en procédant à des changements dans le domaine de la motorisation mais aussi en favorisant les mobilités collectives ou partagées pour les personnes et les modes les plus respectueux de l'environnement pour les marchandises.

Le troisième axe est celui de la régulation et de la transformation du secteur des transports en général et du transport ferroviaire en particulier.

La mission que nous avons confiée à Jean-Cyril Spinetta sur le modèle ferroviaire a ni plus ni moins l'ambition de redonner au secteur un réel avenir en respectant les modèles de desserte auxquels nous sommes tous attachés et en confortant sa mission de transport accessible à tous. Cela suppose de revenir sur un modèle économique qui n'est plus soutenable. Chacun a en tête que la dette de la SNCF croît de plus de 3 milliards d'euros par an alors même que l'État versera, en 2018, 2,4 milliards de concours ferroviaires via le programme 203.

Cette remise en ordre du secteur ferroviaire est indispensable à la veille de l'ouverture à la concurrence pour les voyageurs prévue dans le cadre du quatrième paquet ferroviaire, dont nous devons faire une réussite pour l'ensemble des acteurs : les voyageurs, les autorités organisatrices, mais aussi les cheminots.

La régulation renvoie également à la réglementation européenne, avec les discussions sur le paquet mobilité. C'est aussi au niveau de l'Europe que se dessinent, dans un contexte de hausse des trafics, la modernisation du contrôle aérien et les investissements qui l'accompagnent, lesquels figurent au budget annexe « contrôle et exploitation aériens ». Par ailleurs, le dernier protocole social de la direction générale de l'aviation civile (DGAC) a permis d'améliorer la flexibilité du travail pour répondre de façon efficace aux pointes de trafic. C'est en revanche au niveau national que nous aurons à définir un cadre législatif pour les plateformes numériques qui devra tout à la fois libérer des initiatives, protéger les usagers et les travailleurs et assurer une concurrence loyale entre les acteurs.

Le quatrième axe – soutenir les filières logistiques et industrielles – trouve sa traduction dans deux grands programmes.

Il s'agit, d'une part, des crédits de la DGAC. Nous souhaitons revenir à des niveaux proches de ceux de l'Allemagne, avec 135 millions d'euros pour 2018. Cela nous paraît indispensable pour un secteur qui regroupe près de 200 000 emplois et qui aura recruté près de 8 000 nouveaux collaborateurs en 2017. Rappelons que les crédits consacrés à la recherche et au développement avaient été ramenés à zéro en 2017, tant pour ce qui concerne le troisième volet du programme d'investissements d'avenir (PIA 3) que le budget de la DGAC.

Il s'agit, d'autre part, de la stratégie portuaire et maritime que notre Premier ministre présentera lors des Assises de l'économie de la mer en novembre, mais pour laquelle le Gouvernement doit encore préciser certaines positions sur des sujets fiscaux ou budgétaires en tenant compte des récentes décisions du Conseil d'État à propos des taxes foncières et de celles de la Commission européenne à propos de l'impôt sur les sociétés.

Enfin, le cinquième axe concerne les nouveaux défis en matière de sécurité et de sûreté ainsi que l'amélioration de l'efficience de la décision publique.

Le premier défi est de rendre les transports plus sûrs pour tous. La sécurité est toujours au coeur des préoccupations, notamment dans les transports publics, mais, depuis 2001, la sûreté est devenue tout aussi critique d'autant que la menace terroriste reste élevée. Précisons que la sécurité est la maîtrise des risques propres aux transports comme les accidents ferroviaires alors que la sûreté renvoie à l'appréhension des risques extérieurs, par exemple, la menace terroriste.

En ce domaine, le transport aérien est en première ligne. Dans un cadre défini au niveau international par l'Organisation de l'aviation civile internationale (OACI), le Gouvernement dispose d'un processus de décision national efficace associant toutes les forces de sécurité et le service technique de l'aviation civile (STAC), très compétent et internationalement reconnu. Il intègre désormais l'évaluation des aéroports étrangers d'où pourraient venir les menaces.

Les transports maritimes et terrestres vont aussi voir évoluer les exigences. Ils pourront capitaliser l'expérience de l'aviation civile grâce à des comités interministériels terrestres, maritimes et portuaires, à l'instar de ce qui existe depuis plusieurs années dans le domaine aérien. Ces exigences trouveront sans doute une traduction budgétaire ultérieure dans les programmes 203 et 205.

Le programme 203, au-delà des subventions au transport ferroviaire, soutient l'intervention en matière d'infrastructures routières, y compris en termes d'exploitation, et d'infrastructures fluviales grâce à Voies navigables de France (VNF) et couvre l'ensemble des régulations dans les transports terrestres. En légère hausse, de 0,4 %, il bénéficiera du rattachement des fonds de concours de l'AFITF à l'État en tant que maître d'ouvrage des routes nationales.

Le programme 205, qui regroupe l'ensemble des affaires maritimes, a vu son périmètre réduit à la suite du rattachement de la pêche au ministère de l'agriculture : il est en baisse de 13 %.

Ce budget traduit la transformation en cours. Même si nous restons largement contraints par les engagements pris dans le passé, des premiers signes de la réorientation que j'entends conduire sont perceptibles, notamment à travers l'augmentation des ressources consacrées à la régénération des réseaux routiers, ferroviaires, fluviaux et portuaires. Cette réorientation se poursuivra en 2018 avec la loi d'orientation sur les mobilités et la loi de programmation relative aux infrastructures. Elle me permettra de présenter une trajectoire plus adaptée aux réalités des besoins de notre pays et de nos concitoyens, tout en prenant en compte le nécessaire redressement de nos finances publiques.

Les Assises sont un rendez-vous essentiel pour amplifier les orientations déjà inscrites dans la loi de finances et préparer une nouvelle politique pour des transports plus propres, plus connectés, plus intermodaux, plus sûrs et plus soutenables.

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Merci, madame la ministre, pour votre intervention claire qui nous rappelle, s'il le fallait encore, que la mobilité est l'une des préoccupations majeures de tous les Français.

Les transports constituent un enjeu économique fondamental. Pour nos concitoyens, le lien entre l'accès au transport et l'emploi est indéniable. Pour les entreprises, les voies de communication sont tout simplement vitales.

Ils représentent également un enjeu social, puisque la mobilité est un indispensable vecteur d'insertion et d'ouverture. Ils sont un moyen non négligeable pour lutter contre l'enclavement et le repli sur soi, pour réduire les fractures sociales et territoriales de notre pays.

Madame la ministre, j'associe à mon propos mon collègue Benoît Simian, co-rapporteur, pour saluer la décision du Gouvernement d'engager avec les Assises de la mobilité une réflexion globale, qui passe, bien sûr, par un réexamen du périmètre et des modalités du financement des transports. Nous souhaitons que ces assises redonnent la parole aux citoyens pour tenir compte de leurs besoins, de leurs attentes, de leurs usages. Cette concertation facilitera la hiérarchisation des choix d'investissement, tant de la part de l'État que des collectivités territoriales, et favorisera l'émergence de modalités innovantes de financement des infrastructures.

Dans le même temps, il est nécessaire de préparer l'ouverture à la concurrence des services non-conventionnés, notamment des trains de transport express régional (TER). Elle devra permettre d'améliorer la qualité du service et de réduire les coûts au bénéfice des usagers. Elle aura ainsi un effet de levier sur l'amélioration du système ferroviaire.

Les mêmes exigences d'efficacité et de qualité des infrastructures, de services rendus, de budgets contenus dictent l'approche retenue dans le domaine aérien. Les prochaines Assises du transport aérien, un temps annoncées pour la fin du mois de juin, devront permettre d'identifier les meilleurs leviers pour renforcer la connectivité aérienne du territoire et pour relever les défis de compétitivité auxquels est confronté le pavillon France face à ses concurrents.

Plus qu'un engagement annuel, le budget 2018 constitue donc une première marche et doit préparer les grands choix de cadrage financier pluriannuel qui seront pris au printemps prochain lors de l'examen au Parlement du projet de loi d'orientation sur les mobilités.

Nous le savons, ces dernières années, l'État n'a pas toujours été à la hauteur de son rôle en matière de transport. Des financements ont été négligés tandis que d'autres engagements se sont accumulés, déconnectés des ressources disponibles, situation qui a conduit à l'impasse budgétaire de 10 milliards d'euros.

Ce budget est un budget de transition, dans l'attente de la future loi d'orientation sur les mobilités, mais, d'ores et déjà, nous constatons qu'il porte la marque de la sincérité budgétaire. C'est un gage de fiabilité de la parole de l'État face aux acteurs qui ont besoin d'un cadre clair, d'un financement lisible et d'une programmation pluriannuelle.

Le Gouvernement prend soin d'inscrire dans le budget des dépenses qui n'y figuraient pas et qui ont pu être financées cette année par des annulations portant sur d'autres postes de dépenses. Surtout, la diminution du taux de réserve de précaution de 8 % à 3 % apportera des marges de manoeuvre inédites. Pourriez-vous préciser, madame la ministre, vos intentions concernant l'enveloppe de 145 millions d'euros du concours « fret » distincte de l'enveloppe obligatoire de la compensation « fret » à SNCF Réseau ? Ces concours complémentaires couvrant les coûts fixes du fret ont été inscrits dans les budgets 2016 et 2017 mais ont été à chaque fois intégralement annulés en exécution. Pouvez-vous nous confirmer que ce ne sera plus le cas ?

Le budget de l'AFITF sera porté à 2,4 milliards d'euros, ce qui représente une hausse de 200 millions d'euros, grâce à des recettes plus dynamiques.

Cette augmentation de crédits sera prioritairement orientée vers l'entretien et la régénération des réseaux. Comme nous avons pu le constater au fil des auditions, la situation est de plus en plus préoccupante. Les concours à SNCF Réseau permettront d'améliorer la rénovation, essentielle, des réseaux existants et de moderniser les systèmes d'exploitation.

Dans le domaine des transports du quotidien, nous constatons une augmentation de 12 % des concours de l'État au volet des CPER relatif à la mobilité. Nous souhaiterions savoir si l'État tiendra ses engagements pour la réalisation des différents projets, notamment routiers, inscrits dans ces contrats. Envisagez-vous une nouvelle gouvernance des CPER compte tenu de leur faible taux de réalisation ? Où en est-on du transfert des axes routiers aux régions volontaires ?

La pause dans les grands projets d'infrastructure que vous avez évoquée semble en cours d'arbitrage dans le cadre des Assises et au sein du Comité d'orientation des infrastructures.

Si l'on peut saluer l'accord pour la réalisation du canal Seine-Nord, on peut s'interroger sur le projet du Charles-de-Gaulle Express et la liaison Lyon-Turin ? Pourriez-vous apporter des clarifications sur les calendriers, les modalités de financement et les contreparties apportées aux régions ? Le compte d'affectation spéciale consacré aux trains d'équilibre du territoire voit ses ressources augmenter pour assumer une partie de la compensation convenue avec les régions qui auront pris à leur charge les lignes Intercités. Vous venez de préciser que les engagements pour 2018 seraient honorés. Cependant, il semble que certaines livraisons de matériel soient décalées. Pouvez-vous nous nous indiquer comment l'État va se conformer à ce calendrier et établir des priorités dans ses différents engagements ?

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La France a 5 000 kilomètres de côtes, près de 11 millions de kilomètres carrés de zone économique exclusive. Sa situation géographique lui confère un rôle majeur au niveau mondial et lui donne une responsabilité particulière en matière de sécurité, de diplomatie et de protection de l'environnement.

Le budget des affaires maritimes et celui des ports sont les deux piliers sur lesquels repose notre stratégie maritime. C'est la raison pour laquelle il a été décidé cette année de les traiter ensemble. Pour 2018, il est proposé de consacrer près de 211 millions d'euros au total à la question maritime : le budget est en hausse de 6 millions d'euros, tous programmes confondus, par rapport à l'année 2017. Nous ne pouvons que nous en féliciter.

Pour les affaires maritimes, les crédits financent les missions obligatoires de l'État au regard de ses engagements internationaux : coordination des opérations de sauvetage en mer menées par les centres régionaux opérationnels de surveillance et de sauvetage (CROSS) et la Société nationale de sauvetage en mer (SNSM) ; sécurisation des routes et des accès portuaires grâce au service des phares et balises.

Les dépenses contraintes sont en légère hausse du fait de l'investissement de près de 6 millions d'euros supplémentaires dans la modernisation des moyens. Citons le nouveau navire baliseur pour le port de La Rochelle et le marché qui sera lancé en 2019 pour un navire patrouilleur en Méditerranée, dans le cadre du plan de modernisation quinquennal.

La baisse de 13 millions d'euros du programme 205 est donc exclusivement due à la réforme du dispositif d'exonération de charges pour les armateurs à l'article 53. Nous aurons l'occasion d'y revenir lors de la discussion des amendements. À titre personnel, j'indique que je ne m'oppose pas à cette réforme.

Les crédits portuaires sont, quant à eux, en forte hausse : 19 millions d'euros supplémentaires sont consacrés aux grands ports maritimes. Afin de soutenir la compétitivité de nos ports, l'État assurera une plus large part dans le financement des opérations de dragage – en 2016, il n'avait couvert que 41 % de ces frais. Dans la continuité de la stratégie nationale portuaire de 2013, il s'agit de faire des ports maritimes français la porte d'entrée incontournable de l'Union européenne pour la desserte de l'arrière-pays européen. Actuellement, les ports français reçoivent à peine 10 % du transport européen de marchandises. La prise en compte plus importante des frais de dragage par l'État leur permettra de dégager des marges financières pour gagner des parts de marché.

Pour toutes ces raisons, j'émettrai un avis favorable à l'adoption des crédits du programme 205 et de l'action 43 du programme 203.

Je terminerai mon propos par un enjeu qui me tient à coeur : la lutte contre la pollution maritime à travers la conversion des navires au gaz naturel liquéfié (GNL), qui constitue une amélioration sur le plan de l'écologie et de la santé publique mais aussi une opportunité de développement pour nos ports. Le fioul lourd utilisé aujourd'hui par la majorité des navires émet du dioxyde de carbone, des oxydes d'azote et de soufre ainsi que des particules fines. Selon une étude publiée en juin 2015 par des chercheurs allemands, les gaz d'échappement des navires seraient responsables de 60 000 décès prématurés par an dans l'Union européenne. Il est donc urgent d'agir.

Sur le plan normatif, la convention MARPOL – pour marine pollution – pose des règles importantes, notamment dans les zones à contrôle d'émission d'oxyde de soufre – Sulphur Emission Control Areas (SECA) – où la teneur en soufre des carburants est limitée à 0,1 %. Une directive européenne de 2004 exige, en outre, des États membres qu'ils installent des points d'avitaillement en GNL dans leurs ports. Ajoutons que les armateurs, allant dans le sens de l'histoire, sont prêts à opérer ce changement de carburant. Ils commencent à équiper leurs navires pour fonctionner au GNL mais ils le font selon un rythme dicté par des raisons économiques. Je souhaiterais que nous allions plus loin, en les incitant à accélérer le processus de transition.

Pouvez-vous m'indiquer, madame la ministre, si ce sujet sera à l'ordre du jour du prochain comité interministériel de la mer du 20 novembre ?

Enfin, quels sont, selon vous, les mécanismes financiers ou fiscaux qui vous semblent les plus adéquats pour soutenir ce type d'investissement ?

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En tant que rapporteur pour avis de la mission budgétaire sur les transports terrestres et fluviaux, je commencerai par me réjouir de ce que le programme 203, consacré aux infrastructures et aux services de transport, soit plutôt en hausse pour l'année 2018 et que les recettes de son principal opérateur, l'AFITF, augmentent de 10 % : cela nous permet d'affirmer que, malgré la suspension annoncée des grands projets d'infrastructures de transport, ce secteur vital pour l'économie de notre pays et pour la vie quotidienne de nos concitoyens est une priorité de ce projet de loi de finances pour 2018. Dans un contexte où près d'un Français sur quatre a déjà refusé un emploi en raison de problèmes de mobilité, l'organisation des Assises de la mobilité est un signal fort de la prise de conscience par le Gouvernement de la nécessité d'une mobilité plus propre, plus solidaire, plus intermodale, plus sûre, plus connectée et plus soutenable.

Dans mon avis, j'ai souhaité me concentrer sur la volonté stratégique mise en avant dans ce budget 2018.

Ce projet de loi de finances va nous permettre de concrétiser la priorité stratégique donnée aux transports du quotidien, à la rénovation et à l'amélioration des réseaux et services existants, priorité qui était déjà affirmée par les précédents gouvernements mais qui n'était pas encore perceptible par les usagers dans les faits. Les récents incidents de signalisation qui ont bloqué la gare Montparnasse durant plusieurs jours à la fin du mois de juillet dernier sont une preuve de plus de l'urgence d'accélérer la modernisation et la remise à niveau de nos réseaux de transport.

Ce budget est un budget de transition, dans l'attente de la future loi de programmation et d'orientation sur les mobilités, dont nous serons saisis au premier semestre 2018.

La soutenabilité de nos projets est une donnée primordiale. Comme le Premier ministre l'a rappelé le 19 septembre dernier, lors de son discours aux Assises de la mobilité, nous débutons le quinquennat avec près de 10 milliards d'euros de déficit de financement, dont 7 milliards d'euros de projets non financés. Plusieurs pistes de financement sont évoquées, notamment la mise en place d'un système de péage basé sur la distance. Madame la ministre, pourriez-vous nous indiquer quelles sont les réflexions en cours sur la mise en oeuvre du principe pollueur-payeur etou du principe utilisateur-payeur pour contribuer au financement des infrastructures de transport ? Pourriez-vous également nous préciser les pistes envisagées au niveau européen, ainsi que la position française concernant la révision de la directive relative à la taxation des poids lourds pour l'utilisation de certaines infrastructures, dite « directive Eurovignette » ?

Dans un second temps, ma réflexion s'est portée sur les suites à donner à cette concertation d'ampleur. Sur la base des conclusions des Assises de la mobilité en décembre et d'autres travaux menés en parallèle, le législateur va enfin prendre ses responsabilités ! Le futur projet de loi d'orientation sur les mobilités nous permettra de déterminer les choix stratégiques des prochaines années, d'assumer nos responsabilités, le cas échéant d'accélérer, d'échelonner ou de reporter des projets, d'explorer toutes les possibilités qu'offrent les nouvelles technologies et d'assortir nos choix collectifs d'une programmation financière pérenne, précise et sincère. Il s'agit là de passer d'une politique de transports, basée sur l'objet, à une politique de mobilité, basée sur les personnes et les besoins. Alors que près de quarante pour cent de nos concitoyens ne bénéficient pas de transports collectifs, il est essentiel de ne laisser personne sur le bord de la route – l'expression est ici particulièrement à propos.

Parallèlement à ces Assises, une mission a été confiée à M. Jean-Cyril Spinetta, ancien président d'Air France, sur le modèle du transport ferroviaire. Il doit notamment réfléchir aux modalités de l'ouverture à la concurrence prévue par le quatrième paquet ferroviaire. Il conviendra d'étudier la problématique du transfert des salariés cheminots et de leurs acquis sociaux, car cette ouverture doit se faire dans le cadre de l'Europe définie par le Président de la République : une Europe qui protège.

De plus, avec l'essor du commerce par internet et, par conséquent, de la livraison à domicile, le transport routier de marchandises est amené à exploser. La question du dernier kilomètre et, plus globalement, de notre politique en termes de logistique, va se poser de façon récurrente. Pouvez-vous nous confirmer que le transport de marchandises, peu abordé par les Assises, sera intégré au futur projet de loi ?

Pour conclure, mon avis aborde l'importante évolution des dispositifs visant à orienter les comportements d'achat des automobilistes et évoque notamment le bonusmalus et la prime à la conversion. Le plan Climat, lancé en juillet par M. Nicolas Hulot, ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire, vise notamment à infléchir progressivement les choix et les comportements des automobilistes afin qu'en 2040 les véhicules essence et gazole ne soient plus vendus.

Mais l'électrification du parc automobile pose problème en matière d'aménagement du territoire. En effet, les bornes de recharge pour véhicules électriques sont principalement situées en zone urbaine, les zones rurales n'étant pas équipées. Il faut veiller à ce que ces bornes soient réparties équitablement sur l'ensemble du territoire. Quelle est la stratégie du Gouvernement en matière de déploiement de ces bornes ?

Au niveau européen, êtes-vous favorable à une révision de la directive 199994CE relative à la disponibilité d'informations sur la consommation de carburant et les émissions de CO2 à l'intention des consommateurs lors de la vente des voitures particulières neuves, dite directive « Car labelling », afin que les émissions polluantes, autres que les émissions de dioxyde de carbone, soient prises en compte ? Les labels énergétiques incitent les consommateurs à acquérir des véhicules plus propres, mais ne semblent plus en phase avec les catalogues proposés par les constructeurs, qui ont fait d'énormes efforts pour abaisser leurs taux de C02. De plus, les émissions d'oxyde d'azote, ainsi que de particules fines et très fines, n'entrent pas dans le calcul du car labelling, alors même que celles-ci sont extrêmement dangereuses pour la santé.

Enfin, la mobilité durable sait se passer de la voiture individuelle lorsque cela est possible. Sur ce point, le vélo, et notamment le vélo à assistance électrique, est un excellent moyen de transport alternatif à la voiture, notamment en ville sur de courts trajets. Est-il envisagé de maintenir un dispositif de prime à l'achat de vélos à assistance électrique, la prime actuelle étant victime de son succès et prenant fin au 1er février prochain ?

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rapporteure pour avis de la commission du développement durable et de l'aménagement du territoire pour le transport aérien. Les transports aériens constituent un secteur à part entière et un soutien à l'activité économique de notre pays. Ils contribuent au rayonnement de la France dans le monde. Le budget annexe de la direction générale de l'aviation civile (DGAC) garantit, dans un cadre unifié, la sécurité et la sûreté du transport aérien, tout en prenant en compte les enjeux de développement durable.

Le secteur de l'aviation civile se porte plutôt bien : le trafic aérien augmente d'année en année. Le budget annexe de la DGAC a dégagé un excédent d'exploitation en 2016, en dégagera un en 2017 et, probablement, également en 2018. Cette administration ne coûte rien à l'État : elle s'autofinance grâce aux taxes et redevances qu'elle perçoit et poursuit sa trajectoire de désendettement. La situation financière de ce budget annexe est donc saine.

Pourtant, à y regarder de plus près, parmi les acteurs français du secteur, les sujets de préoccupation ne manquent pas. La direction du groupe Air France-KLM fait état d'une situation insatisfaisante. Si, depuis deux ans, la compagnie recommence à faire des bénéfices, elle est dans une situation beaucoup moins florissante que ses principales rivales. Par ailleurs, si Air France-KLM réalise des bénéfices, c'est plus grâce à KLM et aux activités industrielles d'Air France qu'à son activité aérienne, qui constitue pourtant son coeur de métier. Air France se trouve dans une situation plus compliquée que ses rivales, non pas seulement en raison d'un certain nombre de rigidités internes, mais aussi parce que le niveau des charges sociales, des taxes et des redevances appliquées en France est particulièrement élevé.

Il est primordial de veiller à ce que les acteurs économiques nationaux bénéficient des meilleures conditions pour leur développement et ne soient pas victimes d'une concurrence déloyale. Depuis l'an 2000, le pavillon français – et pas seulement Air France – a perdu dix-sept pour cent de parts de marché, en passant de 60 à 43 % sur les vols au départ du territoire national.

Les principes qui ont présidé à la création de la taxe de solidarité sur les billets d'avion, dite « taxe Chirac », étaient généreux : il s'agissait de faire financer une part de l'aide au développement par le transport aérien. Mais cette taxe, qui devait être mondiale, n'est appliquée que par neuf pays, dont six pays africains parmi les plus pauvres de la planète ! La France participe aux deux tiers de la collecte des fonds et Air France est la première compagnie contributrice, avec près de 60 millions d'euros par an ! En 2015, déjà, le rapport que M. Bruno Le Roux avait remis au Premier ministre Manuel Valls sur compétitivité du transport aérien français établissait ce constat. Et dans son rapport de septembre 2016, la Cour des comptes confirme que « ce mécanisme de solidarité, sans lien avec le domaine aérien, a perdu de son idéal » et que « l'exemple de la France n'est pas suivi et conduit à pénaliser le transport aérien français ».

Madame la ministre, envisagez-vous de remettre en cause cette contribution peu équitable ou, tout au moins, d'élargir son assiette à d'autres moyens de transport concurrents, de manière à partager la charge et à moins pénaliser les transporteurs aériens nationaux ?

La situation de la société Aéroports de Paris (ADP) pose également question. A priori, la société se porte bien et les investissements vont bon train, aussi bien à Orly qu'à Roissy. Le CDG Express est enfin lancé, ce dont nous nous réjouissons tous. Pour autant, son développement ne doit pas se faire au détriment de la modernisation du réseau existant ou de la réalisation de la ligne 17 qui doit relier Roissy à Paris, en passant par Gonesse, d'ici 2024.

Par ailleurs, le niveau élevé des taxes et redevances à Roissy par rapport à ses concurrents, Francfort et Amsterdam, interpelle également. Enfin, je manquerais à mes fonctions de rapporteure si je ne vous interrogeais pas sur les rumeurs de privatisation. Où en est la réflexion du Gouvernement sur ce sujet ?

La maîtrise des nuisances sonores est devenue impérative si l'on veut que la population, et notamment les riverains d'aéroports, continue à accepter la croissance durable et soutenue du trafic aérien. Tout en me félicitant des mesures d'insonorisation engagées depuis des années, je souhaiterais reprendre à mon compte l'idée d'une éventuelle péréquation de la taxe sur les nuisances sonores aériennes (TNSA) entre aéroports.

En effet, si certains aéroports de province ont déjà pratiquement achevé l'insonorisation des habitations riveraines, la tâche est plus ardue et plus coûteuse autour des aéroports parisiens, enserrés dans un tissu urbain particulièrement dense. Madame la ministre, ne serait-il pas envisageable qu'une partie des recettes de la TNSA recouvrée dans d'autres régions contribue à l'insonorisation des riverains de Roissy, compte tenu de l'apport de cette plateforme à l'ensemble du rayonnement aérien de notre pays et des retombées économiques qu'elle engendre ?

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La France est une grande nation maritime. Or, le projet de loi de finances pour 2018 prévoit une réduction du budget des affaires maritimes de 9 % par rapport à 2017. Cette réduction est due à la suppression par l'article 53 du projet de loi de finances du net wage, une des mesures phares de la loi du 20 juin 2016 pour l'économie bleue. Cette suppression a suscité une grande incompréhension dans le monde maritime. Je reviendrai tout à l'heure sur ce point car, avant de parler des mauvaises nouvelles, je vais aborder les bonnes.

La moitié des crédits du programme budgétaire 205 « Affaires maritimes » sert à financer l'action de l'État dans les domaines de la sécurité et de la sûreté maritimes, de l'enseignement et de la lutte contre la pollution. Ces crédits connaissent une légère augmentation en 2018, en particulier les crédits de l'action 1, qui augmentent de 21 % cette année. Je me réjouis vivement de cette augmentation. Quelque 30% des crédits vont aux CROSS et aux Maritime Rescue Coordination Centers (MRCC), services en charge de la surveillance du trafic maritime et de la coordination de la recherche et du sauvetage en mer.

Toutefois, le budget des CROSS et des MRCC reste très réduit et ne retrouve pas son niveau de 2016. Or ces services sont indispensables pour assurer la sécurité maritime, notamment en Manche. Faut-il vous rappeler que, toutes les minutes et demie, un navire entre en Manche ? Que 90 % des marchandises voyagent par la mer ? Que 25 % du transit commercial mondial transite par le Pas-de-Calais ? Sur la Manche, navigue en permanence l'équivalent d'une cité de 50 000 habitants ! Ne pourrait-on pas mettre en place, comme c'est le cas pour le trafic aérien, une taxe internationale ?

Cette taxe concernerait les passages maritimes à forte fréquentation, comme les détroits. Elle permettrait de financer les dépenses réalisées par les États côtiers pour assurer la sécurité du trafic. Il faudrait que la France assure la promotion de cette mesure de régulation du trafic à l'Office maritime international (OMI).

Aujourd'hui, le préfet maritime peut délimiter une zone permettant la réalisation d'expérimentations et accordé des permis de navigation pour les engins non certifiés. Mais la direction des affaires maritimes admet qu'il y a besoin de faciliter les innovations.

L'autre moitié des crédits des affaires maritimes est consacrée à la compensation d'exonérations de cotisations sociales patronales. Ces exonérations s'inscrivent dans le cadre d'une politique visant à restaurer l'attractivité du pavillon français et à favoriser l'employabilité des marins. Du fait de la suppression du net wage, ces crédits diminuent de 20 millions d'euros cette année. Je le déplore car, au sein des compagnies de porte-conteneurs, un commandant français coûte trois fois plus cher qu'un commandant philippin. Pour les personnels d'exécution, le rapport est de un à cinq ! 3 000 marins sont concernés par la suppression du net wage. Après avoir auditionné le ministère des transports, le ministère des comptes publics, les représentants des armateurs, ainsi que des représentants des syndicats de marins, j'en suis persuadé : la suppression du net wage aurait nécessité une étude d'impact socio-économique précise.

Cette suppression suscite une grande incompréhension dans le milieu maritime. Il n'est pas possible d'affirmer aujourd'hui avec certitude qu'elle ne va pas conduire à des licenciements. De plus, le maintien d'une flotte sous pavillon français est indispensable à l'indépendance stratégique et au rayonnement économique de la France. Je proposerai donc à la commission d'adopter un amendement qui repousse l'entrée en vigueur de l'article 53 du projet de loi de finances d'un an. Ce délai doit permettre de réaliser une étude d'impact juridique et économique solide. Le Gouvernement est-il sensible au désarroi du monde maritime ? L'article 53 sera-t-il maintenu dans sa rédaction actuelle ?

Le Gouvernement doit saisir la chance que représente la propulsion au gaz naturel liquéfié (GNL) – il y a sept pages dans mon rapport sur ce sujet – pour accompagner l'économie maritime vers un modèle plus durable.

Mon avis budgétaire rappelle également que la plaisance représente 40 000 emplois et 4,41 milliards de chiffre d'affaires qui contribuent à l'équilibre de la balance commerciale. En effet, 77 % de notre production de bateaux de plaisance est exportée. L'industrie française de plaisance est au premier rang européen et au deuxième rang mondial.

La France a donc une responsabilité majeure dans la mise en place d'une filière de recyclage des bateaux de plaisance. Tout est en place : soyons donc exemplaires et saisissons cette opportunité ! Il y a aujourd'hui treize millions de plaisanciers en France. Les loisirs nautiques connaissent un véritable succès et leur pratique doit être accompagnée. Il serait utile d'intégrer la norme de formation des gens de mer, de délivrance des brevets et de veille, dite norme STCW – pour Standards of Training, Certification and Watchkeeping for Seafarers – à la formation initiale des personnes qui préparent un diplôme du ministère de la jeunesse et des sports pour la pratique des sports nautiques. Allez-vous travailler en concertation avec votre collègue de la jeunesse et des sports sur ce point ?

Pour conclure, je tiens à rendre hommage aux bénévoles de la SNSM – dont je porte aujourd'hui la cravate –, à saluer l'effort de l'État qui a doublé sa subvention au cours de ces dix dernières années, et à rappeler que les mots « solidarité des gens de mer » ne sont pas de vains mots et que les 13 millions de plaisanciers doivent y participer !

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élisabeth Borne, ministre chargée des transports

Madame la présidente, l'AFITF est un outil fondamental de notre politique. Elle porte nos investissements dans l'ensemble des infrastructures, principalement grâce à des recettes affectées. C'est le modèle retenu par la plupart de nos voisins, et il n'est pas envisagé de le remettre en question. Cette agence aurait dû percevoir la recette de l'écotaxe – on se souvient du sort qu'elle a connu. Pour autant, l'agence dispose actuellement de recettes de même niveau. Nous avons des difficultés à financer l'ensemble des engagements pris, non pas en raison d'une insuffisance de recettes, mais du fait de la masse considérable de ces engagements… Le processus de nomination de son président est bien lancé et votre commission aura à se prononcer.

Madame Cattelot, je tiens à vous rassurer : le concours fret est absolument indispensable. Il est inscrit dans le contrat entre l'État et SNCF Réseau et constitue la condition d'un niveau de péage soutenable pour le fret ferroviaire. Au cours des dernières années, le fret ferroviaire a perdu un tiers de son trafic. Il n'est pas envisageable de le mettre en difficulté avec une augmentation de péage et donc de faire disparaître cette contribution. Ces 145 millions d'euros sont bien inscrits dans le projet de loi de finances. La baisse de la réserve de 8 % à 3 % nous permet d'être assurés que cette somme pourra effectivement être exécutée au cours de l'année 2018.

Les CPER ne sont pas concernés par la pause annoncée par le Président de la République le 1er juillet dernier. Ils sont le fruit d'une négociation entre l'État, les régions et, généralement, l'ensemble des collectivités d'un territoire. Ils correspondent pour la plupart à des transports de la vie de la vie quotidienne.

En 2018, le budget de l'AFITF prévoit une augmentation du rythme des dépenses à hauteur de 75 millions d'euros supplémentaires. Pour autant, l'ensemble des projets ne sera pas obligatoirement engagé au cours de l'année 2018. Je connais vos attentes, mais il nous faudra, comme par le passé, hiérarchiser nos priorités, l'objectif étant d'arriver à respecter les engagements pris dans ces CPER. Nous travaillons à la hiérarchisation des très grands projets d'infrastructure, pour lesquels, je le rappelle, il nous manque 10milliards d'euros… Si je le formule autrement, les engagements pris représentent plus de 20 milliards d'euros, tandis que les recettes de l'AFITF représentent 2 milliards d'euros par an – 2,4 milliards cette année –, soit 10 milliards d'euros sur la durée du quinquennat.

Vous avez mentionné les trains d'équilibre du territoire (TET) : leur géographie devait être adaptée à la nouvelle géographie des régions. Cela a été acté dans les protocoles signés entre l'État et les régions. Les anciennes lignes TET qui ont vocation à devenir des lignes TER au cours des cinq prochaines années sont transférées, l'État gardant six lignes structurantes et deux lignes de nuit. Ce transfert aux régions s'accompagne d'un achat de rames, soit par la SNCF pour les rames Alstom Coradia, soit par les régions pour les rames Regio 2N de Bombardier, financées par l'AFITF.

Il est important de souligner que cette dépense de 3,2 milliards d'euros fait de l'AFITF une agence de financement non seulement des infrastructures, mais aussi des matériels roulants, sans que malheureusement les ressources correspondantes aient été prévues. Pour autant, la démarche est bien engagée. Je tiens à rassurer les régions inquiètes : l'ensemble des engagements pris avec l'ensemble des régions sera bien tenu. Malgré tout, il se peut que les chaînes de production des entreprises que j'ai mentionnées –notamment Bombardier – connaissent des goulots d'étranglement. Mais l'État honorera ses engagements vis-à-vis de l'ensemble des régions, tout en lissant ces dépenses, compte tenu de la masse financière qu'elles représentent.

Le canal Seine Nord et la ligne à grande vitesse (LGV) Lyon-Turin font tous les deux l'objet de financements européens. Lors du sommet franco-italien, le Président de la République a confirmé que l'État honorerait le traité international présenté pour ratification par le précédent gouvernement. Nous réfléchissons avec les autres ministères et nos partenaires italiens aux modalités d'apport des 25 % – soit 2,5 milliards d'euros – dus par la France. Nous cherchons à lisser ces financements mais également à trouver des recettes spécifiques.

Une démarche de même type a été engagée pour le canal Seine-Nord. Les collectivités ont manifesté un intérêt très fort pour ce projet. Nous nous proposons de le financer de façon étalée, afin de ne pas obérer les ressources de l'AFITF, au détriment de l'ensemble des projets. Nous discutons également avec les collectivités des Hauts-de-France, afin qu'elles puissent reprendre la gouvernance de ce projet.

Le Charles-de-Gaulle Express, quant à lui, fait l'objet d'un montage spécifique qui n'est concurrent ni des transports de la vie quotidienne, ni des 7,5 milliards d'euros prévus dans le CPER sur la modernisation et le développement des réseaux existants, ni des projets du Grand Paris. Il s'agit d'une concession, gérée par SNCF Réseau, ADP et la Caisse des dépôts et consignations. Le projet ne bénéficie pas de subventions publiques.

Messieurs Ahamada et Pahun, les enjeux liés aux transports maritimes sont fondamentaux. J'ai encore pu le mesurer vendredi dernier lors de ma visite au Havre : nos ports et, de façon générale, l'économie maritime représentent un potentiel incroyable pour le développement de l'économie française. Les orientations en la matière seront précisées lors d'un prochain Comité interministériel de la mer et lors des Assises de l'économie de la mer qui se tiendront au mois en présence du Premier ministre le 21 novembre prochain. Nous évoquerons les enjeux du net wage dans ce cadre.

Vous avez raison, suite au précédent Comité interministériel de la mer, une exonération des charges sociales, appelée net wage, avait été décidée afin de soutenir le pavillon français. Le coût de cette mesure a été inscrit dans le budget 2017, mais elle n'a pas encore pu être mise en oeuvre. En effet, ce type de dispositif nécessite une notification à la Commission européenne, dont nous n'avons pas encore le retour. Le coût de cette mesure n'a donc pas pu être inscrit dans la maquette budgétaire au titre de l'année 2018.

J'ai bien noté que différents amendements visent à gager le coût de cette mesure sur d'autres budgets, par exemple celui des affaires maritimes. Je vous alerte : le budget des affaires maritimes ne peut pas financer une telle mesure, sauf à mettre en péril la sécurité des CROSS. Si l'on doit rétablir cette exonération de charges, il faudra trouver une recette d'une autre nature. Cette question pourra être abordée dans le cadre de notre réflexion globale et sera examinée lors du prochain Comité interministériel de la mer.

Monsieur Pahun, vous voulez instaurer une redevance pour usage de l'espace maritime. Cela peut paraître, à première vue, une bonne idée. Mais, comme vous l'avez souligné, en la matière, les règles internationales – en l'occurrence celles de l'Office maritime international (OMI) – s'appliquent. La France ne peut pas porter seule la mise en place de règles de ce type. Ce serait par ailleurs perçu comme un certain saut conceptuel par le secteur maritime… Mais je partage votre préoccupation : il n'est pas évident pour l'ensemble des États, notamment ceux dont les ressources sont limitées, d'assurer en toute sécurité la circulation de navires dont les tonnages ne cessent d'augmenter. Nous porterons donc cette réflexion au niveau international, comme c'est le cas dans le transport aérien.

Un enjeu particulier va rapidement se poser en Manche : nos partenaires britanniques – peut-être préoccupés par les enjeux du Brexit – peuvent avoir tendance à se désengager, ce qui fait reposer la sécurité du trafic sur la France.

Vous avez raison, les enjeux d'émission de CO2 sont très importants pour le transport maritime, comme pour les autres transports. Là encore, les discussions doivent avoir lieu au niveau international. Nous avons avancé sur ces sujets dans le cadre de l'OACI. Mais la discussion est encore devant nous à l'OMI, alors que les réglementations internationale et européenne sont de plus en plus poussées sur les pollutions atmosphériques.

En 2016, l'OMI a décidé de réduire les taux maxima de soufre dans les carburants : ils passeront de 3,5 % actuellement à 0,5 % en 2020, cette limite étant déjà réduite pour la Manche et la mer du Nord. La France milite pour une réduction du même type pour la mer Méditerranée.

Pour le secteur maritime, le GNL est effectivement une bonne alternative à court terme – pour les bateaux que nous construisons actuellement –, même si, à plus long terme, le recours à l'hydrogène est envisageable. En vertu de la loi du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte, les ports doivent d'ailleurs mettre en place les installations permettant l'avitaillement en GNL. Ils ont commencé à le faire. Dans le cadre du comité interministériel de la mer, nous réfléchirons aux modalités de soutien de cette indispensable bascule, tant en termes d'image que d'acceptabilité. Les armateurs en sont bien conscients. Je suis confiante, il s'agit d'une technologie éprouvée.

Vous m'avez interrogé sur le recyclage des bateaux de plaisance. Vous savez que la loi du 17 août 2015 avait prévu d'instaurer un mécanisme vertueux pour favoriser ce recyclage. Mais nous sommes confrontés à un écart très important entre le stock des bateaux à recycler et le flux susceptible de supporter l'éco-contribution. Nous réfléchissons donc, avec la Fédération des industries nautiques, afin de revoir ce mécanisme de recyclage. Votre rapporteur général, Joël Giraud, a proposé d'en reporter la mise en oeuvre d'un an.

Monsieur Pichereau, dans le cadre des Assises de la mobilité, nous réfléchissons à l'application du principe d'usager-payeur ou de pollueur-payeur. Nous sommes d'autant plus incités à le faire que le financement des infrastructures est dans une impasse dont on pourra difficilement sortir en se contentant de diminuer les dépenses. On ne peut pas réinstituer l'écotaxe, qui a subi de nombreuses péripéties dont tout le monde a fini par se lasser. En revanche, nous devons absolument trouver le moyen de faire payer le transport en transit sur notre territoire, d'autant que tous nos voisins l'ont fait. Nous sommes finalement les seuls en France à avoir un dispositif à deux vitesses, constitué, d'une part, d'un réseau routier concédé payant et, d'autre part, d'un réseau non concédé gratuit. Ce dispositif entraîne des effets de report sur les réseaux gratuits et pose donc des problèmes de politique des transports et d'aménagement du territoire, mais également des problèmes quotidiens aux habitants des bourgs et des villages traversés par des camions roulant sur des routes qui n'ont manifestement pas été conçues pour cela.

Nous veillerons aussi, dans les discussions à venir, à ce que la directive « Eurovignette » ne mette pas en difficulté certaines concessions historiques. La directive actuelle prévoit en effet que les concessions qui sont pas totalement conformes aux règles qu'elle édicte puissent être maintenues, nonobstant l'adoption de la nouvelle directive. Cette dernière apporte des éléments intéressants, notamment en ce qui concerne la monétarisation de certaines externalités négatives du transport routier. C'était déjà en partie prévu dans la directive actuelle mais le champ de cette monétarisation est élargi dans le cadre de la future directive. Autre point positif, le texte prévoit l'extension des zones dans lesquelles il est possible d'avoir un sur-péage. A contrario, nous partageons avec l'Allemagne le souhait que l'Europe laisse un minimum de latitude aux États membres.La directive prend position pour des péages kilométriques, par opposition aux péages à la durée. Nous pensons, nous, que chaque État doit pouvoir disposer d'un minimum de marges de manoeuvre pour s'adapter à son contexte local. Il n'est pas forcément indispensable que la directive entre à ce point dans le détail.

S'agissant de la logistique et du fret, je vous confirme que les Assises de la mobilité couvrent déjà un champ très large et permettent de traiter beaucoup de sujets, dans le cadre de cinquante groupes de travail réunissant 450 participants. Nous avons ciblé ces groupes sur les transports de voyageurs et sur la logistique du dernier kilomètre. Il nous faudra donc aussi traiter l'ensemble des questions liées au fret et à la logistique. De nombreuses réflexions ont été menées concernant les axes fluviaux ainsi que dans le cadre de la démarche France Logistique 2025. Nous sommes en train d'analyser et de hiérarchiser les propositions issues de ces réflexions et organiserons une journée de concertation et d'échanges pour définir des plans d'action dans les domaines du fret et de la logistique. Les dispositions correspondantes seront reprises dans la future loi d'orientation des mobilités.

Quant aux infrastructures de recharge électrique, elles sont effectivement fondamentales pour accompagner l'essor de la mobilité électrique, soutenu par le Gouvernement dans le but de mettre un terme à l'usage des véhicules thermiques à l'horizon 2040. Il existe plusieurs types d'aides selon les échelles. Les dispositifs visant les réseaux nationaux sont fournis par trois entreprises ayant répondu à des appels à manifestation d'intérêt et ayant été reconnues comme opérateurs porteurs de projet de niveau national. Sur ces réseaux nationaux, les porteurs de projet peuvent bénéficier d'une exonération de redevance d'occupation du domaine public. S'agissant d'un maillage plus fin, les collectivités locales bénéficient de financements dans le cadre du programme d'investissements d'avenir (PIA). Elles ont déjà été soutenues à hauteur de plus de 60 millions d'euros pour l'installation de plus de 20 000 points de recharge. Il y a également un dispositif en faveur des PME et des artisans, dans le cadre de programmes de certificats d'économie d'énergie. Les particuliers, quant à eux, peuvent bénéficier du crédit d'impôt pour la transition énergétique (CITE) qui sera maintenu, en ce qui concerne les infrastructures de recharge.

Eu égard à la directive sur l'étiquetage des voitures, dite « Car labelling »,, à la suite des fraudes constatées dans le secteur automobile, la question centrale est de passer de l'ancien cycle de mesures au nouveau. La Commission européenne a fait le choix de ne pas réviser la directive à ce stade mais de publier des lignes directrices. Il conviendra évidemment de s'assurer que cela ne remet pas en cause l'homogénéité des mesures entre les États membres. En tout cas, nous continuons à plaider au niveau européen pour l'instauration des mesures les plus fiables possibles, tant des émissions de CO2 que de celles de NOx.

Madame Park, je vous confirme que la question de l'environnement concurrentiel sera bien au coeur des Assises du transport aérien, qui traiteront à la fois de la performance économique des acteurs du secteur, de la performance au service des territoires – il importe en effet que le transport aérien soit bien perçu comme un outil d'aménagement du territoire et qu'il assume ce rôle –, de la performance environnementale et de l'innovation au service des passagers.

La taxe de solidarité est en effet une particularité française : avec la Corée du Sud, nous sommes le seul pays à l'avoir instituée, l'idée de départ ayant été de taxer les flux financiers pour financer la lutte contre les pandémies dans les pays en développement. Des progrès ont été accomplis, puisque l'affectation de la taxe a été plafonnée et que l'excédent est maintenant reversé au budget annexe de l'aviation civile, contribuant ainsi à la compétitivité du transport aérien. Par ailleurs, cette taxe ne paralyse pas les hubs français puisque les passagers en transit ne sont pas taxés. Il est vrai, cependant, que la situation est un peu paradoxale, la France étant contributeur à 80 % du fonds créé au niveau mondial. Je ne pense pas qu'il soit opportun d'étendre la taxe à d'autres modes : appliquer la taxe aux transports du quotidien et de loisir l'éloignerait vraiment de son objectif de départ : la solidarité. Une fois que les autres pays se seront mis eux aussi à appliquer une taxe de solidarité, nous pourrons envisager de sortir de l'assiette de la taxe les transports nationaux. Cela ne devrait pas bouleverser les recettes dégagées puisque la taxe est kilométrique.

En ce qui concerne Aéroports de Paris, le Gouvernement travaille à l'élaboration d'un programme de cession de participations, dans différents secteurs, avec l'objectif de dégager environ 10 milliards d'euros pour financer l'innovation de rupture. L'entreprise ADP a, vous le savez, un statut particulier puisqu'elle est propriétaire du foncier et des infrastructures de l'aéroport. Le principe selon lequel l'État détient la majorité de son capital étant inscrit dans la loi, si l'État devait céder des participations dans ce capital, il ne pourrait le faire qu'en passant par un texte législatif, et donc à l'issue d'un débat devant le Parlement.

Enfin, le principe de la taxe sur les nuisances sonores est celui du pollueur-payeur. La taxe cible assez finement ces nuisances et revêt une dimension incitative, puisqu'elle est plus élevée si l'aéronef est plus bruyant ou s'il décolle à des heures plus gênantes. Comme le plafond au-delà duquel la taxe est reversée au budget général a été relevé pour dégager des ressources suffisantes en Île-de-France, je ne suis pas sûre qu'il serait très compréhensible, ni pour les compagnies qui utilisent les aéroports de province, ni pour les collectivités qui soutiennent souvent le développement de ces aéroports, d'entrer dans une logique de péréquation au profit de l'Île-de-France. J'ai confiance dans le fait que nous aurons les ressources nécessaires pour terminer l'isolation des habitations subissant ces nuisances dans un délai raisonnable.

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Le Gouvernement s'engage fortement pour accélérer la transition de nos modes de transport et convertir nos usages et technologies, pour passer à des modes non émetteurs de gaz à effet de serre (GES) et à l'utilisation d'énergies propres. Dans le cadre du grand plan d'investissement, il est prévu, sur cinq ans, un investissement de 4 milliards d'euros. La neutralité carbone est clairement visée pour 2050. C'est un objectif ambitieux mais réaliste, qui nous fera changer rapidement de paradigme. Demain, nos modes de transport devront nous permettre de nous déplacer sans émettre de gaz à effet de serre ni de polluants nocifs pour la santé et l'environnement, en s'appuyant sur des ressources propres et renouvelables.

Le budget 2018 est celui de la transition. Il est stable, voire légèrement en hausse, et vise des objectifs de sécurité des transports et de soutien à la mobilité du quotidien. La priorité est accordée à la rénovation des réseaux existants plutôt qu'aux grands projets, afin de faciliter les déplacements des Français dans leur vie de tous les jours. Cela se reflète notamment dans les programmes 203 et 205, dont les objectifs sont les suivants : l'accélération de la rénovation et de la modernisation du réseau ferré ; le soutien à la rénovation du réseau routier et des voies navigables. Cela se concrétise notamment par des mesures d'encouragement à l'évolution des pratiques, telles que la prime à la conversion automobile, réformée afin d'aider les Français à acquérir des véhicules moins polluants. L'objectif est d'atteindre les 500 000 véhicules sur cinq ans, à raison de 100 000 par an. Cette prime sera désormais aussi versée pour l'achat de véhicules d'occasion et sera doublée pour les ménages non imposables.

Madame la ministre, pourriez-vous nous préciser ce que le Gouvernement entend par le soutien à la mobilité du quotidien à partir de 2018 ? Par ailleurs, à quels moyens le Gouvernement entend-il recourir pour assurer cette mobilité du quotidien dans les territoires, afin que les habitants des zones les plus rurales ne soient pas les grands oubliés de cette politique ?

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Le projet de budget que vous nous proposez est limpide. Pour répondre à l'urgence écologique et climatique, nous aurions besoin d'une rupture nette avec les politiques menées durant ces dernières années. Au contraire, votre budget sera celui d'une politique s'inscrivant dans la continuité avec ce qui la précède, d'une politique de renoncement, d'une politique sans conscience.

Un budget qui s'inscrit dans la continuité, d'abord, malgré les nombreux effets d'annonce du Président de la République et du Gouvernement, car c'est bien un budget contraint qui nous est proposé. Un budget qui entérine la suppression de 1 324 équivalents temps plein (ETP), dans la droite ligne des révisions générales des politiques publiques et autres politiques d'austérité que nous connaissons depuis plus d'une décennie. Ce budget est aussi en continuité avec la politique laxiste de vos prédécesseurs puisque vos exigences en matière d'émissions de carbone avantagent les plus gros pollueurs. En effet, vous refusez toujours de mettre fin aux exonérations dont bénéficient les secteurs des transports routier et aérien. C'est pourtant là que se trouve non seulement une manne qui permettrait de financer la transition écologique – une paille de 7 milliards d'euros, rien que pour l'exonération bénéficiant aux transporteurs aériens ! – mais aussi un moyen de réorienter l'économie vers des activités moins polluantes comme le ferroviaire. Ce budget est également en continuité avec les précédents au sens où vous ne mettez pas fin aux grands projets absurdes qui s'enlisent jusqu'à devenir des fiascos écologiques et économiques. Je n'en citerai que deux : le réacteur pressurisé européen EPR de Flamanville, en retard de six ans et dont le coût a triplé pour dépasser 10 milliards d'euros – et l'aéroport de Notre-Dame-des-Landes, dénué de tout bon sens écologique comme économique.

C'est aussi un budget de renoncement à une certaine excellence, mettant à mal plusieurs agences dont la compétence est unanimement reconnue. Je pense notamment à l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (ADEME), à Météo France et aux agences de l'eau – alors que 2,8 millions de Français boivent de l'eau polluée – ou encore au Centre d'expertise sur les risques, l'environnement, la mobilité et l'aménagement (CEREMA) qui perdra un million d'euros chaque année, et le quart de ses effectifs d'ici à 2022. Vous renoncez aussi à améliorer les conditions de vie concrètes des Français des classes moyennes et modestes en ne les aidant plus à rénover leur logement pour en accroître la performance énergétique. Vous renoncez ainsi à transformer le CITE en prime.

Enfin, c'est un budget sans conscience de l'urgence écologique et climatique qui saute pourtant aux yeux de tous. Vous divisez quasiment par deux le budget du programme « Paysages, eau et biodiversité ». Vous réduisez le soutien à la production d'énergies renouvelables. Combien d'ouragans Irma et de réfugiés climatiques faudra-t-il avant de prendre conscience du danger qui guette l'humanité ? L'urgence oblige à aller vite et à être audacieux, ce alors que vous nous envoyez – lentement mais sûrement – dans le mur.

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La directive du Parlement européen et du Conseil du 15 juillet 2003, transposée en droit français par le décret du 11 septembre 2007, impose une obligation de qualification initiale et de formation continue à tous les conducteurs de poids lourds, que le transport soit effectué pour compte propre ou pour le compte d'autrui. La formation obligatoire s'adresse à tous les conducteurs de poids lourds, qu'ils soient ou non salariés, conducteurs à temps plein ou occasionnels. Elle doit être effectuée tous les cinq ans dans un centre de formation agréé par l'État et dure trente-cinq heures réparties sur cinq journées d'affilée.

Cette obligation n'est absolument pas remise en cause par qui que ce soit, et surtout pas par les professionnels. Néanmoins, beaucoup d'entre eux demandent son aménagement car elle pénalise les plus petites structures. Pour une petite structure de transport routier ou pour d'autres entreprises disposant d'un ou deux camions, dont le patron est parfois le chauffeur – ce qui est mon cas –, cette contrainte pose de véritables problèmes d'organisation, du fait que sa pratique est étalée sur cinq jours consécutifs. À l'instar de ce qui se fait en Allemagne, ne pourrait-on pas aménager cette formation de sorte qu'elle puisse se dérouler de manière optionnelle sur une journée par an, pendant cinq ans ? Cela permettrait aux entreprises qui le souhaitent de ne pas éloigner, cinq jours durant, leurs chauffeurs de leurs obligations professionnelles – et moi de l'Assemblée nationale ? Les éloigner du terrain pendant cinq journées de rang peut provoquer la cessation d'activité de l'entreprise concernée pour des raisons que l'on imagine bien. Certaines commandes ne peuvent être honorées en temps et en heure en l'absence de chauffeur disponible pendant la durée de la formation. Il faut rappeler que les grandes entreprises de transport organisent cette formation obligatoire en interne, tant pour la partie théorique que pratique. Elles ne subissent donc pas la mesure de la même manière que les petites structures. Aussi, madame la ministre, est-ce à une demande de bon sens, formulée par de nombreuses petites structures, que je vous prie d'accéder.

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Fidèles à la COP21, le Président de la République et le Gouvernement ont décidé d'engager pleinement ce quinquennat dans la lutte contre le réchauffement climatique et la transition énergétique. Dans ce contexte, les transports représentent un enjeu majeur car ils sont à la fois facteurs d'inégalités sociales et territoriales et premier secteur émetteur de gaz à effet de serre.

Compte tenu de la saturation et du vieillissement des réseaux, qu'il s'agisse des routes ou des transports publics, le Gouvernement a fait le choix de donner la priorité à l'entretien et au fonctionnement des infrastructures existantes et aux transports du quotidien. Le groupe MODEM et apparentés soutient pleinement cette orientation, d'autant qu'elle devrait permettre d'apporter enfin des solutions concrètes de mobilité pour les territoires ruraux.

Le programme 203 est construit autour de trois axes essentiels : maintenir et améliorer l'état des réseaux de transport afin de garantir une meilleure efficacité ; optimiser les systèmes de transport et les réseaux existants ; développer de nouveaux modes de mobilité.

Le budget de l'AFITF augmente pour atteindre 2,4 milliards d'euros, grâce à une hausse de l'affectation de la TICPE. Nous ne pouvons que nous féliciter que les fonds de l'Agence soient destinés en priorité à l'entretien et à la régénération des réseaux existants ainsi qu'à la modernisation des trains d'équilibre du territoire grâce à l'acquisition de nouvelles rames.

Cependant, madame la ministre, vous vous êtes exprimée à plusieurs reprises, lors des Assises de la mobilité ou dans les médias, sur la nécessité de proposer des alternatives à la voiture particulière. À ce titre, vous avez évoqué l'auto-partage et le covoiturage sans pour autant aborder concrètement la manière dont vont être mises en place ces solutions de transport alternatives. Sollicitée régulièrement par des habitants des communes rurales à ce sujet, que puis-je leur répondre, sinon que la voiture particulière est actuellement le seul moyen de transport qui permette d'allier efficacité et rapidité ?

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Ce budget des transports traduit les priorités que vous avez affichées : faire une pause dans les grands projets, privilégier les transports du quotidien et entretenir le réseau existant. Ces objectifs sont de bon sens, compte tenu du contexte financier et du manque d'entretien dont souffre une partie de notre réseau. Nous sommes convaincus que nombre de grands projets sont loin de disposer des financements voulus et qu'il faut leur accorder la priorité.

Cependant, il est un grand projet, parmi eux, qui fait exception – le canal Seine-Nord – notamment parce que son financement est déjà très avancé : 250 millions d'euros ont déjà été dépensés pour sa réalisation. Ce projet dispose, si les tergiversations de l'État ne finissent pas par nous faire tout perdre, de 1,8 milliard d'euros de la part de l'Union européenne. Les collectivités se sont engagées à avancer l'argent pour les deux premières années de travaux et à se porter garantes d'un emprunt de 776 millions d'euros. Dès lors, faire une croix sur ce projet tiendrait bien plus du gâchis que d'une quelconque économie. Or, je ne peux hélas que déplorer que le projet de canal Seine-Nord ne figure pas dans ce PLF, malgré son état d'avancement, et ce, bien que vous l'ayez évoqué de manière positive, madame la ministre. Il y a urgence à déterminer, avant le mois de mars 2018, la manière dont l'État va respecter son engagement d'un milliard d'euros.

Plus généralement, en ce qui concerne les priorités en matière d'infrastructures, nous espérons fortement que le projet de loi d'orientation prévu pour 2018 sera le document stratégique cohérent, et surtout de long terme, dont les infrastructures ont besoin.

Enfin, je salue le fait que le PLF prévoie une augmentation du budget de l'AFITF, notamment en vue de la modernisation des réseaux routier et fluvial. Néanmoins, la question cruciale demeure la pérennisation des moyens de l'agence.

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Madame la ministre, vous avez rappelé tout à l'heure que ce projet de loi de finances s'inscrivait le contexte des assises de la mobilité. Vous avez dans le viseur deux grandes lois : la loi d'orientation sur les mobilités et une loi de programmation des infrastructures. Vous avez confié une mission à Philippe Duron, sorte de chef de gare de triage, pour faire le tri dans les différentes infrastructures. Il est la bonne personne puisqu'il a déjà fait le travail avec la commission Mobilité 21. Vous avez également confié une mission à Jean-Cyril Spinetta, pour prendre de la hauteur et repenser le modèle de la SNCF. En Normandie, on dit souvent qu'il ne faut pas mettre la charrue avant les boeufs. De ces deux missions, laquelle est la charrue ? (Sourires.)

Le PLF que vous nous présentez est une sorte d'amuse-bouche par rapport aux perspectives que vous avez rappelées. L'amuse-bouche est plutôt sucré lorsque vous faites passer la capacité de financement de l'AFITF de 2,2 à 2,4 milliards d'euros. Il est plutôt salé quand il n'y a pas de financement pour le net wage et que les moyens manquent pour favoriser l'utilisation du vélo.

N'y aura-t-il aucune remise en cause de la fameuse règle d'or votée en 2014 à l'Assemblée nationale ? Ne pourrait-on faire en sorte que l'Autorité de régulation des activités ferroviaires et routières (ARAFER) puisse vérifier – non pas a posteriori mais a priori –, lorsque des projets sont décidés, si les moyens de financement correspondants sont bien là et si la règle est bien respectée ?

Vous avez évoqué à plusieurs reprises une impasse budgétaire de 10 milliards d'euros et indiqué que certains engagements avaient été pris. Quelle est la ventilation entre ce qui relève de la route, du fer et du fluvial ? Pour sortir de cette impasse, comment ferez-vous pour favoriser le transfert modal ?

L'État est-il un bon actionnaire de la SNCF ? L'ARAFER a formulé plusieurs remarques concernant les deux contrats de performance signés, l'un avec SNCF Mobilités, l'autre avec SNCF Réseau : qu'en pensez-vous ?

Enfin, on sait que le secteur des transports n'est pas pris en compte dans le cadre de la négociation sur les travailleurs détachés. Quel est l'impact de la directive sur ce secteur dans notre pays ?

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Après vous avoir entendue, madame la ministre, nous pensions que les déplacements du quotidien allaient bénéficier d'un coup de booster : il n'en est rien.

D'abord, votre ministère est déshabillé de 1 300 équivalents temps plein. Ensuite, quel sera l'avenir du CEREMA ?

Quant aux routes, elles vont mal. Dans les documents budgétaires, vous tablez sur une dégradation de l'état des chaussées, entre 2017 et 2018, et sur un maintien pour les années à venir, ce qui veut dire que les choses ne vont pas s'améliorer.

S'agissant du réseau ferré, la mission de M. Spinetta tend à vouloir consolider la logique d'une rentabilisation des grands axes. Quid du soutien aux régions pour les trains d'équilibre du territoire (TET) et les lignes secondaires ? Il y a là un enjeu de déplacement de proximité.

En ce qui concerne les recettes, nous vous avons déjà adressé une question concernant la contribution des concessionnaires routiers. Quant à la dette de 50 milliards d'euros de la SNCF, elle doit être réglée et nous avons des propositions à vous faire en la matière.

Enfin, vous fixez la part modale du transport ferré de marchandises à 10,4 % en 2020 alors qu'elle était de 10,6 % en 2015. La part du transport fluvial est, elle fixée à 2,2 % alors qu'elle était de 2,3 % en 2015. Bref, la part du transport ferré et fluvial de marchandises reste infime.

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élisabeth Borne, ministre chargée des transports

Monsieur Thiébaut, en ce qui concerne la mobilité du quotidien, c'est un budget de transition que nous vous présentons. Néanmoins, j'ai tenu à ce que dès ce PLF 2018, on puisse engager la remise à niveau des budgets de régénération. En effet, le faible niveau de ces budgets empêche actuellement la modernisation et l'entretien de nos routes. Je ne veux pas qu'on se retrouve dans la situation que nous avons connue il y a quelques années sur le réseau ferroviaire. Je ne veux pas non plus qu'on laisse se dégrader le réseau fluvial. C'est d'abord en maintenant la qualité de nos réseaux routier et ferroviaire qu'on assurera les besoins de nos concitoyens en transports de la vie quotidienne. D'où l'augmentation, dans un contexte budgétaire globalement contraint, des crédits consacrés aux CPER. Cela étant, on ne peut favoriser la mobilité du quotidien dans les zones rurales et périurbaines en n'agissant que sur les infrastructures.

Il s'agit de tirer parti de toutes les nouvelles formes de mobilité qui se sont développées, qu'il s'agisse de l'autopartage, du covoiturage, du transport à la demande grâce aux applications qu'on peut désormais avoir sur son téléphone, des systèmes d'offre de transport intégré que l'on peut développer aujourd'hui, voire, demain, des navettes autonomes – nous venons d'ailleurs de désigner Anne-Marie Idrac pour coordonner et nous aider à préparer la stratégie nationale dans ce domaine.

Il se trouve que la France est vraiment en pointe sur le véhicule autonome appliqué aux transports publics, grâce à deux start-up qui sont aux meilleurs rangs mondiaux. On peut donc espérer que, demain, nous saurons, d'une part, tirer parti de toutes ces innovations et, d'autre part, poser le problème de la gouvernance. En effet, un Français sur quatre a dû renoncer à un emploi ou une formation faute de pouvoir s'y rendre.

Il faut avoir conscience que 40 % de nos concitoyens vivent hors périmètre de transports urbains. Cela veut dire qu'il n'y a pas d'autorité organisatrice qui se préoccupe d'offrir des solutions alternatives à la voiture. Si je suis convaincue que la voiture, dans les zones peu denses, restera le mode prédominant, je pense que, pour le pouvoir d'achat et la qualité de vie de nos concitoyens, mieux vaut qu'il s'agisse de véhicules propres et de véhicules partagés. A ceux qui habitent ces zones et qui n'ont pas le permis de conduire ou ne sont pas en mesure de conduire, nous devons en mesure de proposer des solutions.

C'est l'enjeu central des Assises de la mobilité : favoriser l'émergence de nouvelles solutions de mobilité et les amener dans tous les territoires. Je suis confiante, pour ma part, quant aux propositions qui vont remonter des territoires et à votre capacité à voter une loi d'orientation des mobilités qui nous permette de tirer parti de toutes ces innovations.

Je voudrais rassurer M. Prud'homme : l'urgence climatique est au coeur non seulement de l'action de Nicolas Hulot, mais aussi des politiques du transport et de la mobilité. Nous accompagnons les évolutions vers des motorisations plus propres, vers une meilleure utilisation des véhicules grâce au covoiturage et au déploiement de dispositifs de recharge. Un atelier des Assises sera entièrement consacré à ces questions.

Au Gouvernement, nous avons tous en tête l'ouragan Irma et ses conséquences, et nous sommes plus que jamais mobilisés pour être à la pointe de la lutte contre le changement climatique, y compris dans le domaine des transports.

S'agissant du canal Seine-Nord, j'observe que, dans chaque région où je me rends, chacun pense que son propre projet d'infrastructure est naturellement prioritaire. C'est le résultat de promesses qui représentent, pour le seul secteur ferroviaire, près de 36 milliards d'euros, alors qu'il n'a jamais été dépensé plus de 400 à 500 millions d'euros par an pour des projets ferroviaires.

Cela montre la nécessité de sortir de cette méthode, qui crée beaucoup de frustrations et d'incompréhensions, et de redonner crédibilité à la parole de l'État, en organisant le phasage des projets et leur financement. En ce qui concerne spécifiquement du canal Seine-Nord, j'ai évoqué la démarche engagée avec la région Hauts-de-France, à savoir la création d'une société régionale, qui pourrait être actée dans le cadre de la loi d'orientation des mobilités. En effet, les financements ne sont pas prévus dans le cadre du PLF2018, les collectivités nous ayant fait la proposition, pour favoriser le montage du projet, de les prendre à leur charge sur la période 2018-2020. Dans le contexte budgétaire que nous connaissons, c'est une proposition que nous avons évidemment saisie. Nous avançons donc avec elles pour donner suite à la très forte attente qu'elles ont exprimée sur le sujet.

Monsieur Wulfranc, vous semblez vous référer aux « conclusions » de la mission de Jean-Cyrille Spinetta, alors que cette mission commence seulement. Je veux redire que je porte une politique très ambitieuse dans le domaine ferroviaire. Je pense toutefois que le mode ferroviaire ne convient pas partout, et qu'il existe, selon les endroits, des alternatives très pertinentes. Il peut être très pertinent, voire irremplaçable, dans un certain nombre de cas, mais il l'est moins dans d'autres.

En tout cas, notre système ferroviaire est aujourd'hui en grande difficulté, l'endettement de SNCF Réseau étant de 45 milliards d'euros, sans doute de 50 milliards l'an prochain. Près de 70 % des dessertes sont déficitaires, alors même que les billets sont souvent jugés trop chers. Le système doit être remis sur ses pieds, et c'est la mission qui a été confiée à Jean-Cyrille Spinetta, sans préjuger à ce stade, comme je vous l'ai dit, du choix de privilégier les grands axes au détriment des TET et des TER.

Notre réseau routier national est dégradé lui aussi, et nous ne pouvons prendre le risque de le voir connaître, dans quelques années, les mêmes difficultés que avons pu constater sur le réseau ferré national à la suite d'un tragique accident. La priorité doit aller à l'entretien et à la régénération des réseaux. Il est de notre responsabilité d'assurer la pérennité d'un patrimoine qui nous a été légué par nos prédécesseurs. Les documents dressent le constat de ce qu'il se passera si nous ne faisons rien – ce qui n'est pas la politique que j'entends mener. L'ambition de la loi de programmation est précisément de donner un coup d'arrêt à la dégradation de notre réseau routier national, à l'instar de ce qui a été fait pour le réseau ferré.

Monsieur Bouillon, la mission confiée à Philippe Duron consiste à prendre en compte l'ensemble des besoins, y compris de régénération, afin de nous éclairer sur notre stratégie d'infrastructures. Nous avons en effet besoin d'une vision, et pas simplement de tracer des autoroutes ou des lignes de TGV sur des cartes.

Je ne vois pas pourquoi, par exemple, on a su faire des RER en région parisienne tandis que l'équivalent n'existe pas dans d'autres agglomérations, de plus en plus étendues. Notre réseau ferré national ne s'est pas adapté depuis le XIXe siècle : le réseau actuel, celui que nous connaissons, est en effet celui du XIXe siècle , enrichi des TGV – et du RER en Île-de-France.

Tout cela fait partie des réflexions dont est chargé le Conseil national des infrastructures. Cela ne se réglera évidemment pas en trois minutes, mais il faut que nous nous donnions des orientations, des ambitions : celle d'être performants sur les axes fluviaux qui desservent nos ports, d'être performants aussi sur les axes ferroviaires qui desservent les abords de nos agglomérations, celle de travailler sur les ressources et sur la priorisation des projets.

La mission confiée à Jean-Cyrille Spinetta a pour objectif de définir l'avenir du transport ferroviaire, en se posant la question des domaines dans lesquels il peut être moins pertinent que par le passé. Nous ne pouvons pas ignorer que la mobilité a changé, qu'il y a les compagnies aériennes à bas coût, les cars « Macron », le covoiturage… A contrario, on ne peut ignorer que de plus en plus de Français sont pris dans les embouteillages à l'entrée des villes et que le transport ferroviaire ne joue pas là le rôle qu'il devrait jouer.

Quelle place donner au ferroviaire dans les années qui viennent ? Il s'agit de remettre sur pied un modèle économique qui n'est plus sous contrôle, et de préparer l'ouverture à la concurrence, prévue dans le cadre du quatrième « paquet » ferroviaire, en le faisant au bénéfice des voyageurs, de l'autorité organisatrice et des cheminots.

Je vous confirme que la règle d'or continuera à s'appliquer. Il ressort de nos réflexions et de celles qui nous parviennent sur le financement des projets que, pour un certain temps au moins, il ne faudra guère compter sur SNCF Réseau pour financer de nouvelles infrastructures.

Je vous confirme que la directive relative aux travailleurs détachés, dans sa version de 1996, s'applique au transport routier de marchandises. Cela fait partie de l'accord trouvé sur la révision de la directive relative aux travailleurs détachés. Par contre, la nouvelle version et les spécificités liées au transport routier seront discutées dans le cadre du paquet mobilité. C'est une bonne chose, car un certain nombre d'États auraient voulu bâcler la révision de la directive dans le domaine du transport routier, ce qui aurait été au détriment des 700 000 salariés du secteur. Dans l'attente, nos salariés sont couverts par le cadre très protecteur de la loi Macron.

Monsieur Cattin, j'ai entendu vos préoccupations sur la formation dans le transport routier. Honnêtement, pour avoir passé beaucoup de temps avec les partenaires sociaux de la branche, avec lesquels j'ai évoqué beaucoup de sujets, préalablement à l'accord unanime des organisations syndicales et patronales, je puis dire que nous n'avons pas eu l'occasion d'évoquer ce point. Mais, s'il se confirme qu'il pose problème, je m'engage à vous adresser des éléments de réponse d'ici la fin de la semaine.

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La loi du 20 juin 2016 pour l'économie bleue a étendu le bénéfice de l'exonération des cotisations patronales maladie, retraite, famille et chômage à l'ensemble des navires de transport et de services maritimes battant pavillon français et soumis à la concurrence internationale.

Un an après son entrée en vigueur, cette mesure importante pour l'emploi et la compétitivité de la filière se trouve remise en cause par l'article 53 du PLF, qui limite son bénéfice aux seules compagnies exploitant des navires à passagers.

La filière du transport et des services maritimes est pourtant un des piliers de l'industrie maritime française. Pourvoyeuse de plus de 100 000 emplois directs et indirects, elle assure près de 90 % des échanges mondiaux, 60 % du transport intra-européen et 78 % des importations françaises.

Malgré ce poids économique, la filière évolue actuellement dans un contexte tendu. Dès lors, ce dispositif d'exonérations de charges est indispensable au maintien de la compétitivité de nos entreprises et au développement de l'emploi maritime français, aujourd'hui menacé par les difficultés que rencontrent les secteurs stratégiques de l'offshore, de la pose de câbles sous-marins, du transport de produits énergétiques.

Le rapport de notre ancien collègue Arnaud Leroy sur la compétitivité des entreprises de transport et de services maritimes soulignait dès 2013 le défaut de compétitivité du pavillon français. C'est ce constat qui a rendu évidente la nécessité d'étendre le dispositif d'exonération de cotisations au profit de l'ensemble des armateurs français, et ce conformément aux lignes directrices européennes sur les aides d'État.

Je ne pourrai développer ici tous les développements juridiques avec la Commission européenne. J'en viens donc tout de suite à ma conclusion.

Alors qu'un avenir juridique est possible pour ce dispositif qui a fait ses preuves, il ne me semble pas opportun d'acter sa disparition trop hâtivement ni sans en évaluer toutes les conséquences néfastes pour nos entreprises maritimes. C'est pourquoi j'ai déposé un amendement de suppression de l'article 53. Je serais prêt à le retirer, mais à condition d'avoir la certitude que le Gouvernement est attentif à ce sujet et mettra tout en oeuvre pour accompagner la filière maritime française dans les meilleures conditions. Pourriez-vous, madame la ministre, me préciser vos intentions en la matière ?

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Ma question porte sur le financement du tunnel de base Lyon-Turin. Actuellement, quelque 400 personnes travaillent sur ce chantier du côté français, en Maurienne, que ce soit au creusement du tunnel international, à celui de galeries ou à la réalisation d'équipements nécessaires au tunnel. À ce titre, je me félicite de l'engagement renforcé du président de la République en faveur cette infrastructure, lors du sommet franco-italien de Lyon il y a quelques semaines.

Aussi est-il essentiel, pour garantir le maintien de la dynamique du chantier, mais aussi pour sécuriser les financements européens subordonnés aux contributions des deux États dans le cadre du calendrier strict du grand agreement, que les crédits nécessaires destinés au maître d'ouvrage Telt soient bien prévus au budget de l'AFITF. Je rappelle que l'effet de levier du financement français est de un pour quatre, c'est-à-dire que, lorsque la France met un euro, l'Union européenne et notre partenaire italien en mettent trois.

Mais, pour l'heure, seules les grandes masses des crédits de paiement de l'AFITF sont connues, et vous avez dit donner priorité à la régénération du réseau existant. C'est pourquoi, à l'heure où nous devons nous prononcer sur le budget 2018, j'aimerais connaître le montant précis des crédits qui seront alloués par l'AFITF à Telt pour la poursuite des travaux du tunnel de base entre Saint-Jean-de-Maurienne et Suse. Il semble en effet que les crédits dédiés aux infrastructures ferroviaires nouvelles, qui englobent le tunnel de base, seraient en baisse de 13 millions d'euros par rapport à 2017, pour s'établir à 423 millions d'euros.

Enfin, vous avez déjà en partie répondu à ma question sur la révision par l'Union européenne de la directive « Eurovignette », qui est directement liée aux possibilités de financement de cette infrastructure.

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Madame la ministre, je vous donne volontiers crédit de votre volonté d'engager une véritable transition écologique et solidaire. Je ne vous parlerai donc ni de l'A31 bis, ni du canal Saône-Moselle, ni de la ligne 14 du métro, ni des lignes secondaires métropolitaines, mais seulement de cette politique de transition.

J'ai trois questions importantes.

La première est celle de l'ingénierie nécessaire pour penser la transition. Nous avons de grands corps d'État qui ont l'habitude de penser « en silo » et sur le modèle des années 1970. Or, il s'agit de penser un nouveau monde. Avons-nous aujourd'hui l'interdisciplinarité permettant de concevoir les infrastructures stratégiques de demain, en tenant compte de l'évolution des usages et de l'harmonisation européenne pour laquelle vous militez par ailleurs ?

Deuxième question : sommes-nous capables de trouver des modes de financement innovants, grâce à une fiscalité rénovée ? Peut-on imaginer que le temps court, celui des caprices consuméristes et de la logistique à flux tendus, puisse financer le temps long qui concourt à la sécurité et à l'autonomie de nos sociétés dans le temps long, nécessitant des infrastructures plus lentes, mais capitales pour l'avenir ? Ce serait une belle contribution à la transition.

Enfin, rien ne se fera sans les citoyens ni sans les territoires. Les programmes « territoire à énergie positive pour la croissance verte » (TEPCV) ont permis beaucoup d'innovations, non seulement en matière de mobilité électrique, mais encore de modes de déplacement. Il faut s'approprier tous ces processus innovants, car le risque est grand que les gens qui s'y engagent sur le terrain se découragent en apprenant tout à coup qu'il manque un tiers, voire la moitié des financements. Il faut que la parole publique soit tenue, que les citoyens et les territoires qui se sont mis en mouvement puissent continuer à réaliser leur rêve au service de cette transition globale.

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Ce ministère a été tellement martyrisé ces dernières années que, même si vous n'aviez rien fait à votre arrivée, madame la ministre, tout le monde aurait été heureux. Mais, loin de ne rien faire, vous vous êtes engagée sur des priorités, et avez lancé un grand débat sur la mobilité. On ne peut que souscrire à cette vraie rupture qui est en train d'être engagée, en formant le voeu que tout cela dure. Nous sommes très heureux de l'action que vous menez, telle qu'elle est concrétisée par ce budget.

J'ai cependant deux interrogations à vous faire partager. Chacun sait très bien que l'on ne pourra pas financer tous les projets qui ont été engagés. Si nous finançons déjà les priorités les plus urgentes, tant mieux, mais il restera ces deux projets hors norme que sont le canal Seine-Nord et le tunnel Lyon-Turin. Pour le premier, le coup est parti, si j'ose dire, et les investissements, même s'ils sont importants, restent encore à la mesure de nos possibilités.

Mais, pour le second, n'est-il pas temps de siffler la fin de la récréation ? Il s'agit en effet d'une aberration sur le plan environnemental comme sur le plan économique, le trafic ne cessant de baisser d'année en année. Ce n'est pas parce que l'on a déjà mis 1,5 milliard d'euros dans cette affaire qu'il faut à tout prix continuer. J'aimerais bien avoir votre avis sur la question.

Par ailleurs, les Assises de la mobilité vont susciter non seulement beaucoup d'espoir, mais un certain nombre d'initiatives. Il faudra accompagner cet effort pour être au rendez-vous de la modernité. A-t-on déjà un début d'idée des types de financement, voire des modes opératoires nouveaux qui seraient propres à attirer de nouveaux investisseurs ?

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Ma question porte sur le réseau ferroviaire francilien et sur sa rénovation. Je suis élu de la troisième circonscription du Val-de-Marne, où vous avez eu l'occasion de vous rendre. Elle est traversée par trois lignes de RER, dont deux, les lignes C et D, sont classées comme étant celles où les retards sont les plus fréquents. Le taux de ponctualité du RER D est inférieur à 70 % ; il accuse en outre, à Villeneuve-Saint-Georges, un déficit de près de 20 000 places assises. Il y a donc une urgence concrète à très court terme pour les habitants, et une inégalité devant la mobilité qu'il convient de résoudre.

Autant je salue la sincérité de ce budget, comme je salue la légère hausse des crédits de cette mission, ainsi que le lancement des Assises de la mobilité et la vision de long terme que vous prônez, madame la ministre, autant je pense qu'il ne faut pas négliger les difficultés à court terme que peuvent vivre certains de nos concitoyens, en particulier dans les zones périurbaines d'Île-de-France. Quelle coordination est prévue avec les acteurs régionaux, notamment Île-de-France Mobilité, pour assurer des financements à court terme de façon à satisfaire leurs besoins immédiats ?

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Je voudrais revenir sur un point évoqué par le rapporteur spécial, mais sur lequel vous n'êtes pas revenue, madame la ministre, et qui n'a pas été abordé directement lors de votre visite au Havre la semaine dernière. Il s'agit du dragage, opération indispensable au bon fonctionnement des ports et à l'activité fluviale, en ce qu'elle vise au maintien du tirant d'eau des passes navigables des canaux, chenaux et ports par l'extraction de sédiments afin de garantir une navigation optimale.

Or, cette opération demande un investissement financier important. Ainsi, les dragages d'entretien et la gestion des sédiments représentent un coût de 15 à 20 millions d'euros par an pour le seul port de Rouen, premier port céréalier d'Europe, où la profondeur des voies d'accès doit être entretenue régulièrement, voire quotidiennement, pour permettre l'accès des navires.

Jusqu'à présent, l'État n'assumait qu'environ la moitié du financement du dragage sur son territoire. En comparaison, l'Etat belge finance la totalité de ces opérations pour ses ports. Cette différence marquante, dans un contexte de forte concurrence européenne et internationale, porte préjudice à la compétitivité des ports français, qui doivent financer par eux-mêmes une partie des opérations de dragage.

Dans le projet de loi de finances de 2018, les subventions versées aux grands ports maritimes pour l'entretien des accès et des ouvrages d'accès augmentent de 19 millions d'euros par rapport au précédent projet de loi de finances, passant de 45,47 à 64,75 millions d'euros. Cette augmentation des moyens par rapport au PLF pour 2017 fait suite au dernier Comité interministériel de la mer de novembre 2016.

Je salue cette augmentation, même si elle ne permettra pas à nos ports de couvrir l'intégralité de leurs dépenses. De plus, les coûts du dragage ne cessent d'augmenter au fil des ans. Ma question est donc simple : les crédits consacrés aux financements du dragage ont-ils vocation à augmenter dans les années à venir ? Au-delà de cette question spécifique, c'est l'ensemble de notre économie maritime qui mérite une véritable réflexion - qui, je le rappelle, représente 14 % de notre richesse nationale – pour doter enfin la France de la nouvelle stratégie portuaire ambitieuse dont elle a tant besoin.

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Madame la ministre, il y a quelques semaines, nous avons été témoins un bug de communication. Vous avez annoncé, tout en remettant sa lettre de mission à M. Spinetta, qu'il y avait trop de TGV en France. Vous êtes même allée jusqu'à dire que vous ne seriez pas défavorable à des fermetures de gares TGV parmi les 230 existantes, arguant à ce propos des 45 milliards d'euros de dette de la SNCF, ce qui n'a pourtant aucun rapport.

Je voudrais que vous sortiez de l'ambiguïté et que vous nous disiez si, oui ou non, des gares TGV vont fermer dans les semaines, les mois ou les années à venir. Je voudrais également savoir quelle est votre philosophie en matière d'ouverture à la concurrence : êtes-vous pour la franchise ou pour l'open access ? En d'autres termes, les opérateurs viendront-ils seulement sur les lignes rentables, ou devront-ils prendre des lots complets comprenant à la fois des lignes rentables et des lignes déficitaires ? Merci d'avance pour vos explications.

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J'évoquerai un autre projet grand consommateur de crédits, le contournement ferroviaire de l'agglomération de Lyon, projet vieux de vingt ans, chiffré à 3 milliards d'euros il y a dix ans. Entre autres conséquences, il aurait certes l'avantage de réduire les nuisances pour les habitants de ladite agglomération, mais aussi l'inconvénient d'en créer d'autres au sud de Lyon, dans le nord de l'Isère et de la Drôme, ainsi que dans le nord de l'Ardèche. Il y aurait quelque paradoxe, me semble-t-il, à créer des nuisances ferroviaires importantes dans le département à ne disposer d'aucun service de transport ferré de voyageurs !

Ma question est simple : alors qu'un fuseau avait été arrêté par le ministre des transports de l'époque, Dominique Bussereau, et que son successeur a interrompu la procédure et a commandé de nouvelles études qui devaient être rendues publiques à l'été 2017, faut-il considérer, dans un contexte de raréfaction des crédits, ce grand projet comme enterré ? Et, dans le cas contraire, peut-on décemment envisager une solution aussi pénalisante pour un département, l'Ardèche, qui ne bénéficie d'aucune liaison ferroviaire ?

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Cela a été dit : l'amélioration de la mobilité participe de la lutte contre l'assignation à résidence qui touche nombre de nos concitoyens. C'est pourquoi nous soutenons une politique d'éco-mobilité responsable se fixant sur des objectifs ambitieux en matière de report modal, une politique volontariste en faveur des transports du quotidien, une politique à la hauteur des défis que doivent relever les acteurs du transport.

Pour mener à bien cette politique, l'innovation a toute sa place : Une innovation technique au service des usagers, et ce dans tous les territoires. C'est l'objet des ateliers de l'innovation, en marge des assises de la mobilité.

Madame la ministre, au-delà de ce budget « au goût sucré », pour reprendre les propos de notre collègue Christophe Bouillon, pourriez-vous exposer vos ambitions, vos priorités en matière d'innovation au service de la mobilité ?

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C'est en tant qu'élu de la nation que je m'adresse à vous, madame la ministre, et non en tant que représentant d'un territoire, même si mon intervention concerne l'un d'eux.

Le trafic aérien européen augmente d'environ 9 % par an – nous ne sommes pas loin d'une croissance à deux chiffres. En même temps, les études montrent que le train est un moyen de transport qui émet un minimum de dioxyde de carbone par unité de transport : trois à cinq fois moins que le transport par route et sept à dix fois moins que l'avion.

Les conclusions, en 2013, du rapport de M. Philippe Duron, alors président de la commission Mobilité 21, remettaient en cause presque toute la stratégie d'expansion du TGV en France, à l'exception de la ligne Paris-Toulouse. Le développement économique et démographique de la région de Toulouse est important ; or je ne perçois plus la trace, dans les grands projets, d'infrastructures liées à cette ligne à grande vitesse qui ne va pas plus loin que Bordeaux. Cette liaison concerne le transport au quotidien et serait une manière pour une métropole comme Toulouse d'entrer dans l'intermodalité.

Je rappelle qu'en 1947 un géographe publiait un ouvrage intitulé Paris et le désert français. Or aujourd'hui encore, on constate que les lignes du TGV partent toutes de Paris, en étoile donc, et que tout le Sud de la France depuis Bordeaux jusqu'à Nice, en passant par Toulouse, Montpellier, Marseille et Toulon mériterait le TGV. Peut-on dès lors envisager une stratégie – notamment d'investissements – sur le très long terme pour aménager cette partie du territoire ?

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Madame le ministre, c'est l'élu d'une circonscription qui n'a pas le TGV et qui est reliée au monde urbain par deux lignes de TER s'arrêtant exactement à sa frontière, qui souhaite vous interroger. J'ai découvert les propos du président de la SNCF selon lequel le car TER avait vocation à offrir un meilleur service que le train. Dans un contexte où les comptes de la filiale Ouibus ne sont pas dans le vert, et où l'on constate que le service des TER se dégrade, la tentation de la SNCF est donc de remplacer ces derniers par des cars. C'est notamment le cas entre Marseille et le Vaucluse : on nous explique que pour rénover les voies ferrées, on va mettre un terme pendant quatre ans au TER qui relie Pertuis à Marseille.

Voilà qui pose un problème en matière de service public mais aussi de transition écologique. Le recours à ces cars est en effet assez contraire à la volonté de faire des économies de carbone. C'est pourquoi je m'interroge vraiment sur les orientations du Gouvernement. Nous votons en faveur de la décarbonation de l'économie alors que la SNCF a de plus en plus tendance à investir dans le car qui concurrence le service public du TER. Je souhaite donc avoir votre avis sur la question parce que les ruraux aussi ont le droit d'avoir un service public ferroviaire et le droit de ne pas passer trois heures dans les embouteillages quand ils vont travailler le matin.

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Le « T » du sigle TER, mon cher collègue, ne signifie pas « train » mais « transport »…

Anne-Laure Cattelot et moi-même, madame la ministre, appelons votre attention sur les concessions autoroutières. Nombre d'entre elles prendront fin à partir de 2032, ce qui pose la question du maintien éventuel des péages, lequel nécessiterait l'évolution de la législation, aussi bien au niveau national qu'au niveau européen, avec l'adaptation de la directive « Eurovignette ». Une telle adaptation devrait être anticipée au cours du présent quinquennat, compte tenu des difficultés financières que nous évoquons. L'enjeu est de taille puisqu'il représente quelque 9 milliards d'euros par an. Aussi, comment envisagez-vous cette question dont nous débattons abondamment au sein du comité d'orientation des infrastructures ?

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Ma circonscription est traversée par la route nationale RN2, qui est dans un état lamentable. La sécurité s'est un peu améliorée car on a installé des panneaux indiquant les « trous en formation », mais on est très loin du compte. Au cours de la dernière législature, des opérations de maintenance lourde ont été menées. Vont-elles être renouvelées, sachant que de telles opérations sont visibles pour la population ? Vous avez en effet évoqué des crédits supplémentaires pour l'entretien.

Ensuite, les collectivités se sont engagées à assurer pour moitié le fonctionnement de la remise en navigation du canal reliant la Sambre et l'Oise, l'autre moitié étant à la charge de Voies navigables de France (VNF), la répartition étant la même concernant l'investissement. On nous affirme que les études sont lancées mais que les crédits sont, paraît-il, dépassés de 3 millions d'euros. La population se demande par conséquent si la volonté du Gouvernement d'aller au bout est réelle ou si cette présentation de la situation est un prétexte pour relancer des négociations, qui ne sont jamais faciles, avec les collectivités. Reste qu'il me semblait que ces partenariats avec les acteurs locaux, destinés à mutualiser les moyens, vous tenaient à coeur. Nous comptons donc sur vous.

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Je souhaite revenir, madame la ministre, sur le dispositif censé remplacer la prime pour l'achat d'un vélo à assistance électrique. L'annonce, début septembre, de la suppression de cette prime a en effet suscité une grande incompréhension et c'est pourquoi nous nous sommes montrés très satisfaits, le 10 octobre, de ce que vous nous informiez de la mise en place d'un nouveau dispositif sans doute mieux ciblé – tant mieux – ; mais il faut avancer assez vite et s'assurer en particulier que les crédits seront suffisants.

Près de 200 000 vélos électriques sont vendus chaque année en France, contre 700 000 en Allemagne. Or ce moyen de transport ne présente que des avantages : environnementaux, économiques, sanitaires… Le promouvoir nous paraît donc important dans la perspective des assises de la mobilité.

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Je reviens sur la LGV Bordeaux-Toulouse. Je souhaite savoir quelles perspectives sont envisageables en cas de montage d'une société de projet. J'entends bien que son rôle sera de participer à la déconsolidation de la dette française, mais êtes-vous disposée à étudier cette éventualité ? J'entends bien que toutes les LGV envisagées ne peuvent être lancées, mais quand on observe les exemples de Rennes ou Bordeaux, on constate que la desserte de ces villes par des liaisons à grande vitesse a permis de désenclaver la région parisienne. Je note d'ailleurs que la ligne A du RER est bloquée à cause de travaux – il y a donc bien un problème d'enclavement…

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élisabeth Borne, ministre chargée des transports

Le RER A est bloqué à cause d'un accident survenu sur le chantier du prolongement de la ligne Eole.

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Reste qu'il s'agit bel et bien d'un blocage.

Ensuite, êtes-vous favorable à ce que la puissance publique garde la majorité des actions de la société qui gère l'aéroport de Toulouse ?

Enfin, je suis quelque peu étonnée de ne rien voir, dans le PLF pour 2018, concernant l'AFITF. Pouvez-vous nous en dire un peu plus sur les schémas de transferts envisagés ?

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élisabeth Borne, ministre chargée des transports

Je répondrai à M. Bothorel que, dans le cadre du projet de loi de finances pour 2018, il n'a pas été possible de dégager les 19 millions d'euros prévus pour 2017 mais non dépensés, faute de retour de la part de la Commission européenne. Nous ne pourrions y procéder que par le biais d'un abondement budgétaire. Cette question, dont je comprends qu'elle tienne à coeur à nombre d'entre vous, devra être réexaminée dans le cadre du comité interministériel de la mer.

Pour ce qui est de votre question, madame Bonnivard, sur la section transfrontalière de la ligne Lyon-Turin, traditionnellement, le Parlement ne vote pas le budget de l'AFITF. Je tiens donc à vous rassurer sur la poursuite des travaux en cours et, même si le budget de l'AFITF ne présente pas le détail des engagements, ces derniers seront bien tenus en 2018. Du reste, une mission conjointe de l'Inspection générale des finances (IGF) et du Conseil général de l'environnement et du développement durable (CGEDD) doit veiller à la réalisation de tous les engagements pris. Nous sommes en train de réfléchir, avec nos partenaires italiens, aux modalités de financement du projet et, ainsi que l'a évoqué Bertrand Pancher, à la façon dont nous allons répondre à nos engagements internationaux. Nous n'allons certes pas entamer ici un débat sur la ligne Lyon-Turin, mais je relèverai simplement que ce projet coûte très cher, comme a dû coûter très cher la construction du tunnel du Mont-Cenis. Si l'on peut s'interroger sur l'intérêt d'un tunnel de base, on peut aussi observer que deux tunnels de ce type ont été construits entre la Suisse et l'Italie, et un entre l'Autriche et l'Italie, et que le trafic a été divisé par trois sur ces axes au cours des dernières années. Il s'agit donc d'un investissement de très long terme ; aussi les modalités de financement devront-elles également obéir à une logique de long terme. C'est dans cet esprit que nous entendons, j'y insiste, respecter les traités internationaux. Je tiens également à vous rassurer sur le calendrier d'engagements des financements de l'Union européenne, calendrier que la commissaire aux transports Violeta Bulc m'a confirmé. Et cela vaut aussi pour le canal Seine-Nord : il y aura comme pour chaque programmation financière de l'Europe des délais supplémentaires et les dépenses pourront donc être payées jusqu'en 2023.

Comme vous le constatez, monsieur Pancher, nous menons des réflexions avec nos voisins sur la ligne Lyon-Turin, et par ailleurs, en lien avec les collectivités de la région Hauts-de-France, nous tâchons d'élaborer des montages pour financer le canal Seine-Nord, tout en veillant à ce que cela n'empêche pas la réalisation de tout autre projet.

En outre, compte tenu de la masse des projets prévus, il nous faut réfléchir autrement. En effet, l'impasse actuelle tient peut-être au fait que, par le passé, nous avons apporté des réponses trop systématiques : quand, par exemple, telle route nationale ne paraissait plus adaptée, plutôt que de réfléchir à son éventuel élargissement, nous avons construit une autoroute. Or j'ai pu mesurer, dans de précédentes fonctions, ce qu'on pouvait faire en modernisant des infrastructures. Si l'on veut éviter de désespérer tout le monde, il va falloir réfléchir autrement, et en particulier réfléchir aux améliorations rapides. C'est aussi ce que nos concitoyens attendent de nous : non pas que nous leur promettions un avenir radieux dans quinze ans, mais que nous soyons capables de nous remettre en question concernant les modes d'exploitation, la modernisation des infrastructures existantes. Nous parviendrons ainsi à améliorer la situation de tous les territoires, plutôt que de concentrer l'argent sur un très grand projet au détriment de tous les autres.

Dans le cadre des Assises de la mobilité, nous devrons définir le financement de solutions alternatives. Nous devrons raisonner en dehors des schémas traditionnels de la politique des transports. Je note que le covoiturage avec BlaBlaCar peut être soutenu au moyen de certificats d'économie d'énergie. Nous devrons par conséquent ouvrir en grand les fenêtres et chercher des financements innovants, non seulement pour les infrastructures mais aussi pour les services. J'espère que nous développerons des offres globales grâce auxquelles les Français – qui dépensent en moyenne, je le rappelle, quelque 3 000 euros par an pour leur voiture, tout en trouvant très cher un ticket de métro à 1,90 euro ou un abonnement mensuel à 73 euros… – pourront faire l'économie d'une voiture ou, tout au moins, d'une seconde voiture. Si nous pouvons faire en sorte que les Français réalisent des économies sur la possession d'une, voire de plusieurs voitures, ils pourront dégager des marges de financement pour les nouvelles mobilités. Les assises de la mobilité permettront d'approfondir notre réflexion en la matière.

Je tiens à rassurer Laurent Saint-Martin quant à la rénovation des réseaux franciliens. L'Ile-de-France, ce sont 15 millions de voyages par jour, donnée qui montre l'ampleur du défi à relever et qui explique que, lorsque la ligne A du RER est arrêtée, comme aujourd'hui, ce sont chaque jour 1,2 million de voyageurs que l'on ne parvient pas à « écouler ». Non seulement le projet du Grand Paris doit permettre un aménagement équilibré de l'agglomération parisienne, mais le contrat de plan État-région prévoit 7,5 milliards d'euros pour la modernisation des lignes de tramway et de métro, pour leur prolongement, pour les changements de matériels, en lien avec Ile-de-France Mobilités – sans oublier le milliard d'euros versé chaque année à SNCF Réseau et à la RATP pour la modernisation des réseaux existants. Les besoins sont en effet considérables en Ile-de-France, et les financements mobilisés visent bien à y répondre.

Pour ce qui est du dragage, j'ai eu l'occasion de le souligner lors de ma visite au Havre, nos ports doivent avoir pour objectif de jouer à armes égales avec les autres ports européens. Le code des transports prévoit que les missions régaliennes doivent être financées par l'État. Le projet de loi de finances prévoit donc l'engagement de 70 millions d'euros pour les dragages. Mais, là encore, à l'heure de la transition énergétique, il va falloir réfléchir au nouveau modèle économique de nos ports, dont les recettes ont jusqu'à présent été largement assises sur les hydrocarbures, voire sur les centrales à charbon. Dans cette perspective, l'État devra, j'y insiste, assumer ses responsabilités.

Monsieur Sermier, j'ai dû mal m'exprimer. Nous devons nous interroger sur la croissance continue de l'endettement de SNCF Réseau : 45 milliards d'euros, ce n'est pas rien – une dette qui augmente de 3 milliards d'euros par an ! Nous pourrions avoir la tentation d'augmenter les péages TGV : 70 % des dessertes sont déficitaires, alors même que nos concitoyens ont tendance à trouver les billets chers ; or en tant que ministre des transports, je souhaite que le TGV reste accessible à tous. J'ajoute que, lorsqu'on dépense des milliards d'euros pour construire des lignes à grande vitesse, on doit mettre en place une tarification des infrastructures de manière qu'elles soient utilisées au maximum de leurs capacités. On ne comprendrait pas une politique visant à étendre toujours plus le réseau à grande vitesse, avec toujours moins de TGV y circulant. Il faut en finir avec les injonctions contradictoires qu'on pourrait être amené à donner à l'une ou à l'autre de nos grandes entreprises publiques, et garder à l'esprit le choix fait depuis le début, qui consistait à ce que les TGV assurent la desserte non seulement des grandes métropoles, mais aussi des villes petites et moyennes. Or ce choix a un coût, et l'on ne peut raisonner en comparant notre situation avec celle des autres pays qui ont procédé à d'autres choix. Il est important d'avoir une approche globale qui tienne compte des dessertes, de la dette, des performances économiques – tout cela est lié. C'est le sens de la mission confiée à Jean-Cyril Spinetta, car il s'agit de prendre des décisions cohérentes.

Vous m'avez également interrogée sur le choix, pour l'ouverture à la concurrence, entre le modèle de la franchise et celui de l'open access. Nous devons nous montrer capables de rassurer quant au maintien d'un modèle de dessertes fines, ce qui suppose que soit traitée la question des 70 % de dessertes déficitaires, dans le cadre d'un système de péages qui gagnerait sans doute à être affiné. Toutefois, nous devons être conscients qu'aucun de nos voisins n'a fait le choix d'ouvrir son réseau à la concurrence sous forme de franchises – à l'exception du Royaume-Uni. Ce serait un mode beaucoup plus brutal que l'accès libre, surtout au moment où l'on ouvre les TER à la concurrence. J'ajoute que l'autorité britannique dispose d'environ 250 fonctionnaires, qui connaissent par coeur les franchises et sont capables de faire des propositions pertinentes sur les dessertes, ce qui n'est pas le cas de notre ministère des transports – et ce qui, du reste, n'est pas d'une importance primordiale.

Monsieur Saulignac, le dossier du contournement ferroviaire de l'agglomération lyonnaise sera examiné lors des Assises de la mobilité et pris en compte par conseil d'orientation des infrastructures. Un grand débat va s'ouvrir sur le noeud ferroviaire lyonnais ; ce peut être l'occasion de réfléchir sur les hypothèses et les perspectives de trafic, bref : de repenser le système dans son ensemble.

Vous avez parfaitement raison, monsieur Zulesi : l'innovation est un enjeu de première importance. Nous sommes en effet en train de vivre une troisième révolution des transports après celle du chemin de fer au XIXe siècle et celle de l'automobile au XXe siècle. La présente révolution est sous-tendue par l'innovation technologique dans le domaine du numérique, grâce à laquelle nous pouvons nourrir l'ambition de mobilités plus propres, plus autonomes, plus connectées et plus partagées. La recherche et l'innovation ont fait l'objet de plusieurs programmes – je rappelle que les programmes d'investissements d'avenir (PIA) 1 et 2 prévoyaient qu'un milliard d'euros serait consacré au programme « Véhicule du futur ». Je confirme par ailleurs que le grand plan d'investissement prévoit 150 millions d'euros pour l'innovation : il s'agit de passer de la conception de dispositifs innovants au sein des instituts de recherche technologique (IRT) à leur industrialisation.

Il est important, je le répète, d'avoir une appréhension globale de la question : il ne faut pas penser les transports terrestres un jour, les transports maritimes le lendemain et le transport aérien le troisième jour. Des synergies restent à imaginer entre ces trois domaines : à côté du drone aérien – secteur dans lequel la France a bien progressé –, il y aura demain des drones marins. Il ne faut donc pas raisonner en « silo », et le cas de l'aéronautique est exemplaire : dans le programme 190, les 135 millions d'euros de crédits sont rétablis pour l'année 2018, avec un effet de levier considérable pour la filière.

Je retiens trois axes prioritaires.

Le premier est la mobilité propre. Nous devrons soutenir le développement des filières en France et accompagner nos industriels afin que, demain, ils produisent les bus, les poids lourds électriques ou roulant au bio-GNV. Il conviendra d'aborder ce point dans le cadre des assises de la mobilité mais aussi dans celui de la réflexion sur la nouvelle programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE) et sur la stratégie nationale bas-carbone.

Nous avons également proposé une stratégie nationale sur le véhicule autonome, mode de transport qui pourrait constituer une réponse pour les territoires où aucune autre solution n'existe que la propriété de la voiture individuelle.

Le troisième axe concerne l'impact du numérique sur les transports publics et, à condition de poursuivre la logique de mise à disposition de toutes les données liées au transport – et pas seulement les données concernant les transports publics –, la possibilité pour chacun de se déplacer sur le territoire en programmant son voyage en un seul clic et en payant le tout également en un seul clic. Nous disposons d'opérateurs de transport de premier plan et il est impératif, si nous ne voulons pas être rétrogradés au plan mondial, que la France défende l'innovation en matière de nouvelles mobilités.

Le bilan du TGV est satisfaisant lorsqu'on le compare à celui de la voiture ou de l'avion. J'observe toutefois que ce bilan ne prend pas en compte le coût de la construction de la ligne ; je considère par ailleurs que le bilan carbone mériterait d'y être intégré, car l'amortissement ne peut se réaliser que sur de longues années afin que la charge supportée par chaque voyageur ne soit pas excessive.

Je ne répondrai pas sur le Grand Paris Seine-Ouest (GPSO), car je mesure la sensibilité de ce sujet, dont nous aurons l'occasion de rediscuter avec l'ensemble des acteurs concernés. Pour répondre à la question de Valérie Rabault, je confirme qu'il est possible de réfléchir à des montages équivalents à celui retenu pour la Société du Grand Paris (SGP),pour le canal Seine-Nord ou la liaison ferroviaire Lyon-Turin.

Nous cherchons ainsi tous les modes de financement innovant, sans pour autant perdre de vue les besoins des territoires. Toutefois, il ne faut pas investir toutes les ressources dans les lignes à grande vitesse au détriment du désengorgement des gares de TER, du désenclavement de certaines zones ou de la mobilité dans des territoires où des Français sont quasiment assignés à résidence.

À M. Aubert, je répondrai que je considère que tous les territoires ont droit à un service de transport placé sous l'autorité d'une collectivité publique ; pour autant, je ne suis pas sûre que la réponse doive être partout celle du service public ferroviaire. Si nous voulons gérer au mieux les ressources de l'État, ou des collectivités locales lorsque tel est leur choix –car c'est aux autorités organisatrices que sont les régions de choisir si elles souhaitent maintenir des dessertes ferroviaires ou routières, sujet sur lequel je me garderai bien de donner des conseils —, il faut conserver à l'esprit que nos concitoyens attendent un service. Aussi, en fonction des besoins en trafic, il peut être beaucoup plus intéressant de disposer de cinq minibus que d'un train peu rempli.

Je partage le point de vue de M. Simian : nous devons réfléchir dès à présent à la fin des concessions. La situation de la France est atypique puisqu'elle dispose de 8 000 kilomètres de réseau routier à péage, le reste étant concédé gratuitement, et que nos voisins ignorent une telle dualité. Je confirme que, dans le cadre des travaux du Conseil d'orientation des infrastructures, une réflexion devra porter sur la façon de faire converger ces deux modes d'exploitation, sans toutefois que les recettes provenant du réseau concédé soient perdues.

Au demeurant, la loi française ne sera pas la seule, demain, à définir le taux de péage assis sur les autoroutes amorties, car les autorités européennes pousseront nécessairement à sa baisse, même si le dispositif « Eurovignette » peut permettre la prise en compte de certaines externalités. Bien que l'arrivée à échéance des concessions ait été repoussée, la réflexion doit être menée dès à présent.

La question de M. Jean-Louis Bricout montre à quel point nous devons nous préoccuper de la modernisation et de l'entretien de notre réseau routier national. Je ne souhaite pas que se reproduise la situation du réseau ferré, pour la régénération duquel 3 milliards d'euros sont dépensés chaque année : parce nous l'avons laissé se dégrader, nous éprouvons de grandes difficultés à rattraper notre retard.

Je suis par ailleurs tout à fait favorable au développement du réseau fluvial en partenariat avec les collectivités territoriales ; les réseaux secondaires répondent davantage à une logique de biodiversité, de gestion hydraulique ou de développement touristique.

À Matthieu Orphelin, je confirme qu'un dispositif de soutien au vélo à assistance électrique est à l'étude ; l'aide précédemment mise en place a favorisé le décollage des ventes, et doit maintenant être réorientée en complémentarité avec l'action des collectivités locales. Le produit du système de bonus-malus assurera le financement de cette opération.

Les Assises nationales de la mobilité fourniront l'occasion de conduire une réflexion sur la politique du vélo, et la détermination de l'indemnité kilométrique pour ce mode de transport n'est pas simple. La réflexion doit encore porter sur les garages sécurisés, les pôles d'échange multimodaux et les voies réservées aux cyclistes.

Je confirme à Valérie Rabault que nous ne pouvons pas refuser à d'autres programmes le montage sous forme de société de projet que nous avons accepté pour le canal Seine-Nord.

S'agissant enfin des recettes de l'AFITF, elles sont inscrites dans la partie « recettes » du PLF pour un montant de 2,4 milliards d'euros.

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Merci beaucoup, madame la ministre, pour la précision de vos réponses. Je suspends la réunion de la commission élargie, dont les travaux reprendront à vingt et une heures.

La réunion de la commission élargie est suspendue à dix-neuf heures cinquante-cinq et reprend à vingt et une heures cinq

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Monsieur le secrétaire d'État auprès du ministre de la transition écologique et solidaire, je suis heureuse de vous accueillir avec Mme Barbara Pompili, présidente de la commission du développement durable et de l'aménagement du territoire, M. Mickaël Nogal, vice-président de la commission des affaires économiques, et Mme Isabelle Rauch, Secrétaire de la commission des affaires étrangères.

Nous arrivons à la deuxième partie de notre discussion, consacrée aux politiques de l'écologie et le développement durable.

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Sébastien Lecornu, secrétaire d'état auprès du ministre de la transition écologique et solidaire

Merci, madame la présidente, de m'accueillir à cette séance de travail en commission élargie consacrée à l'examen des crédits du ministère de la transition écologique et solidaire, qui comporte quatre comptes d'affectation spéciale.

Vous avez eu cet après-midi l'occasion de travailler avec ma collègue Élisabeth Borne sur les programmes d'actions liés à la mobilité ; je m'emploierai donc à entrer dans le détail de ce qui concerne, entre autres, la déclinaison du Plan climat. Il est toujours difficile de traduire dans des termes budgétaires annuels une politique inévitablement destinée à s'inscrire dans le temps long ; mais ce trait est peut-être propre au budget de ce ministère.

Bien entendu, le budget constitue l'outil par excellence de l'application de nos politiques publiques de transition écologique, mais il n'est pas le seul. La transition écologique repose sur d'autres acteurs : les citoyens, le mouvement associatif ainsi que les collectivités territoriales. Le sommet du 12 décembre prochain, souhaité par le Président de la République, consacré à l'application de l'Accord de Paris dans la suite de la COP21, rappelle à quel point nous avons besoin du monde économique, du monde privé et des grandes organisations internationales pour financer notre politique et notre diplomatie climatique.

Cela étant, le budget demeure la principale clé de voûte de l'application de nos politiques publiques. Il traduit le Plan climat que le ministre d'État, Nicolas Hulot, a présenté au début du mois de juillet dernier ; nous allons voir comment il se décline en actes concrets et budgétaires.

Ce budget enfin, je le crois sincèrement, est un budget de protection, le budget d'un ministère qui protège les Français : protection de la planète, cela va sans dire, protection de la santé de nos concitoyens, protection des plus fragile, puisque cette transition doit être solidaire, protection de notre souveraineté énergétique enfin.

La concrétisation du Plan climat se traduit dans l'irréversibilité du mouvement dans lequel la France s'est lancée. Celui-ci du reste ne date pas d'hier : le cri d'alarme « Notre maison brûle et nous regardons ailleurs » de Jacques Chirac, le Grenelle de l'environnement de Nicolas Sarkozy, la COP21 et l'Accord de Paris de François Hollande, et toute la diplomatie climatique menée par Emmanuel Macron témoignent d'une réelle continuité française en la matière. On verra du reste dans ce budget que bien des éléments trouvent leur inspiration dans les quinquennats précédents.

Ce qui importe, c'est de rendre ce mouvement irréversible. À l'heure où beaucoup s'interrogent au sujet de notre capacité à réellement appliquer l'Accord de Paris, qui a fait l'objet de l'unanimité nationale. Je rappelle l'objectif partagé par tous : limiter le réchauffement climatique à 1,5 ou 2 degrés Celsius en deçà de la période préindustrielle ; ce qui implique d'arriver à la neutralité carbone et de tourner le dos aux énergies fossiles à l'horizon 2040.

Vous avez déjà, mesdames et messieurs les députés, répondu à cette exigence en adoptant le projet de loi mettant fin à la recherche et à l'exploitation des hydrocarbures conventionnels et non conventionnels. Vous y avez encore répondu récemment, madame la présidente de la commission du développement durable, en relevant le coût de la tonne de CO2 de 30,50 euros à 44,60 euros en 2018 pour atteindre progressivement 86,20 euros en 2022. C'est aussi ce qui conduit à revoir chaque année le bonus-malus applicable à l'automobile, en fixant pour les véhicules polluants un malus à partir de 120 grammes de CO2 par kilomètre parcouru. C'est encore ce qui nous amène à proposer la fin des avantages fiscaux dont bénéficie le diesel par rapport à l'essence au nom de la santé publique – rappelons que le diesel et ses particules tuent prématurément pratiquement 48 000 personnes par an.

Après l'irréversibilité, il faut travailler à la prévisibilité des changements climatiques ; nos amis ultramarins peuvent en témoigner avec la douloureuse actualité liée au cyclone Irma. À cette fin, le budget propose des outils nouveaux.

Le premier sera le fonds de la qualité de l'air et de la mobilité, qui sera confié à l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (ADEME), dont Nicolas Hulot, qui y tient beaucoup, a annoncé la création avec sa collègue ministre de la santé à la vallée de l'Arve.

Viennent ensuite les investissements indispensables pour Météo France, appelé à relever l'enjeu majeur de la prévisibilité des risques climatiques, ce qui passe par l'acquisition de supercalculateurs de rang mondial : 180 millions d'euros sont prévus sur la durée du quinquennat sont attribués et commenceront à être investis dès l'année prochaine.

La trajectoire de libération des énergies renouvelables (ENR) trouvera sa traduction dans le grand plan d'investissement doté de 6,5 milliards d'euros. Mais la politique dans ce domaine ne se limite pas aux seuls aspects financiers : la réglementation également devra évoluer puisque le prix de l'électricité constitue trop souvent un frein à la rentabilité de notre modèle d'énergies renouvelables.

Un budget qui protège la planète : le paquet de solidarité climatique comporte des mesures nouvelles en plus des mesures existantes, mais rendues beaucoup plus performantes : je pense à la prime à la conversion, que les Français connaissent mieux sous le nom de « prime à la casse », dont l'objet est le retrait de 100 000 véhicules polluants dès l'année 2018. À cette fin, le ministre et le Président de la République ont souhaité que 120 millions d'euros soient investis à ce titre dans le grand plan. Le montant de cette prime s'élèvera à 1 000 euros, mais sera porté à 2 000 euros pour les Français non imposables et s'appliquera pour tous les véhicules – les modèles essence construits avant 1999 et les modèles diesel construits avant 2001 ou 2006, en fonction des ressources financières de leur propriétaire.

Deuxième dispositif, le chèque énergie, déjà expérimenté dans quatre départements pilotes, a été jugé plus efficace et plus simple que les tarifs sociaux de l'électricité ; c'est la raison pour laquelle il sera désormais généralisé. Quatre millions de ménages sont susceptibles d'être directement concernés, ce qui représente un effort important de près de 600 millions d'euros, pour un chèque énergie d'un montant de 150 euros en moyenne l'an prochain ; notre souhait est de le porter à 200 euros en moyenne l'année suivante.

Enfin, le crédit d'impôt transition énergétique (CITE) sera transformé en une prime en 2019, avec un recentrage important autour des travaux le plus efficients en matière de rénovation thermique des bâtiments dès 2018. La nation, rappelons-le, s'est fixé pour objectif dans la loi la disparition de la précarité énergétique à l'horizon de dix ans, ce qui passe aussi par le renforcement du dispositif des certificats d'économie d'énergie (CEE), qui donne satisfaction, et permet aux fournisseurs d'énergie de financer les investissements des particuliers dans des chaudières beaucoup plus performantes et plus respectueuses de l'environnement. Vingt-cinq mille ménages sont ainsi susceptibles d'être concernés par cette mesure l'année prochaine, ce qui représente un effort de 60 millions d'euros.

Ce budget pour 2018 protège aussi la santé et l'environnement, deux sujets indissociables aux yeux du Gouvernement ; 3 millions d'euros seront ainsi consacrés à la recherche publique sur les perturbateurs endocriniens, en lien avec les opérateurs publics que sont l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (ANSES) et l'Institut national de l'environnement industriel et des risques (INERIS).

S'agissant de la question de la sûreté et de la sécurité des centrales nucléaires, qui préoccupe les parlementaires, les moyens humains de l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN) seront augmentés, et l'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN) sera conforté – rappelons la singularité du dispositif français, qui distingue la sûreté de la sécurité.

La question de la biodiversité connaît une actualité douloureuse puisque les effets conjugués du réchauffement climatique et de la pollution entraînent la disparition brutale de nombreuses espèces dans la faune comme dans la flore ; je rentre de Guyane où j'ai pu constater par moi-même les dégâts causés par l'orpaillage sauvage. Certains outils fonctionnent très bien, comme les zones Natura 2000 : nous confortons le dispositif en lui accordant 2 millions d'euros supplémentaires. La protection du littoral et des aires marines feront l'objet d'efforts supplémentaires : les conservatoires du littoral, qui ont montré leur efficacité, pourront s'appuyer sur la nouvelle taxe sur les bateaux de plus de trente mètres. Les agences de l'eau seront désormais installées aux postes avancés de la protection de la biodiversité, puisqu'elles assureront désormais le financement de l'Agence française de la biodiversité (AFB) ou de l'Office national de la chasse et de la faune sauvage (ONCFS) ; le Parlement ayant récemment souhaité relever le plafond des redevances à 2,28 milliards d'euros, l'AFB se verra ainsi dotée de 34,5 millions d'euros et l'ONCSF de 37,6 millions d'euros, ce qui participe aussi à la sincérité budgétaire.

Les crédits de l'économie sociale et solidaire font désormais partie du périmètre du ministère de la Transition écologique et solidaire avec le dispositif local d'accompagnement (DLA) ; ce dispositif est piloté par le haut-commissaire Christophe Itier, nommé il y a quelques semaines. Ajoutées aux crédits traditionnels, les autorisations d'engagement du DLA atteignent un montant global de 15,25 millions d'euros.

Ce budget a vocation à être plus sincère, et partant plus robuste ; la clarté budgétaire constitue le fil conducteur du projet de loi de finances ; c'est là un souhait partagé par le Gouvernement et le Parlement. Les ressources de l'Agence de l'eau en sont le meilleur exemple. Autre bon exemple, le budget de l'ADEME, opérateur bien connu des Français, sera reconstruit selon une véritable approche territoriale, plus propice à la gestion du Fonds déchets et du Fonds chaleur. La nouvelle budgétisation ne passera plus par la réaffectation de la taxe générale sur les activités polluantes, ce qui a le mérite de répondre aux besoins de trésorerie de l'ADEME dès le début de l'année, alors que l'affectation de la TGAP retardait l'arrivée des ressources. L'Agence sera ainsi totalement opérationnelle dès le 1er janvier, avec des moyens qui augmentent de façon considérable et inédite. Avec 164 millions d'euros pour 2018, l'établissement public se trouve ainsi placé au coeur du dispositif ; il est prévu, dans le cadre du grand plan d'investissement de les porter à 720 millions d'euros sur le quinquennat.

Le reliquat de la dette contractée par l'État auprès d'EDF au titre des énergies renouvelables – 4,4 milliards d'euros – sera remboursé en trois ans. Le ministère de la Transition écologique et solidaire contribue lui aussi au redressement des comptes publics en diminuant ses effectifs de 2 %. Ce qui passe par le programme d'action publique pour 2022 et emporte des réorganisations conduites dans le cadre d'un dialogue social soutenu ; je tiens à ce propos à saluer le travail déterminant fourni par la secrétaire générale du ministère et l'ensemble des directeurs. Le plafond d'emploi en équivalents temps plein (ETP) s'élève ainsi à 40 805 pour le ministère de la Transition écologique et solidaire et le ministère de la cohésion des territoires, puisque leurs administrations support sont conjuguées.

Certains sujets ne sont volontairement pas abordés par ce PLF. C'est le cas de la TGAP. Ainsi que vous le savez, le Gouvernement et le Parlement ont souhaité disposer d'une feuille de route de l'économie circulaire ; au lieu de nous précipiter sur cette taxe afin d'augmenter la part de déchets recyclés dans notre système de gestion des déchets et notre économie, nous voulons nous donne une vraie chance de concertation avec l'ensemble des acteurs de la filière. Nicolas Hulot a souhaité que cette feuille de route soit déclinée dans les mois à venir ; ma collègue Brune Poirson est chargée de piloter ce dossier.

Le même choix a présidé au sujet de la taxe sur les fluides frigorigènes ou hydrofluorocarbures (HFC), qui appelle une attention particulière du fait des effets de ces substances sur la couche d'ozone, et pour laquelle nous souhaitons également une concertation.

J'ai été un peu long, madame la présidente, mais je tenais à mettre en lumière la vision et les grands équilibres caractérisant le budget que le Gouvernement propose à la représentation nationale pour 2018.

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La commission du développement durable, la commission a nommé quatre rapporteurs pour avis : M. Fabrice Brun pour la protection de l'environnement et la protection des risques, M. Christophe Bouillon pour les politiques de développement durable, M. Yannick Haury pour les paysages, l'eau et la biodiversité et Mme Jennifer De Temmerman pour la transition écologique.

L'examen des crédits sur ces différents programmes est l'occasion pour notre commission de saluer l'engagement du Gouvernement pour une transition écologique réussie et solidaire. Il faut à cet égard saluer les nombreux projets lancés en la matière depuis le début de la législature, notamment le projet de loi visant à mettre fin à la recherche et l'exploitation d'hydrocarbures, mais aussi le grand plan d'investissement qui comprendra 20 milliards, selon les préconisations faites par M. Pisani-Ferry, en faveur de cette transition écologique.

Avant de laisser la parole à mes collègues, monsieur le secrétaire d'État, je vous poserai deux questions.

Pouvez-vous nous rassurer sur les engagements pris dans la loi de transition énergétique pour une croissance verte, en particulier l'objectif de 23 % d'énergies renouvelables dans la consommation finale d'énergie d'ici 2020 et de 38 % de la consommation finale de chaleur d'ici 2030 ? Un renforcement des moyens du Fonds chaleur, qui finance une grande partie des projets de développement des énergies renouvelables ne devrait-il pas être étudié afin d'atteindre ces objectifs ?

Vous avez mentionné l'Agence française de la biodiversité : il est indispensable qu'elle puisse déployer désormais, après l'année consacrée à fusionner les organismes dont elle est issue, toutes les compétences que lui confère la loi. L'AFB bénéficie bel et bien de moyens préservés pour 2018 mais pouvez-vous nous rassurer sur les perspectives à venir, particulièrement sur les ressources budgétaires complémentaires dont elle pourrait bénéficier pour être en mesure d'assurer pleinement ses missions ?

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La mission « Écologie, développement et mobilités durables » est particulière, car elle se situe au coeur de la triple révolution technologique, écologique et démographique qui transforme en profondeur nos modèles économiques. Pour le premier projet de loi de finances de cette législature, la commission des affaires économiques, qui a vocation à être au coeur de ces transformations, s'est saisie pour avis des crédits relatifs à l'énergie et à l'économie sociale et solidaire.

Avec un budget de 11,3 milliards d'euros en 2018, les moyens mis à contribution sont de nature à mobiliser tous les acteurs pour permettre à l'économie française de réaliser les investissements nécessaires à la transition écologique en vue, notamment, d'atteindre la neutralité carbone à l'horizon 2050.

À cet égard, je me réjouis du renforcement des moyens de l'ADEME : le principal opérateur du ministère chargé de la mise en oeuvre des actions du Plan climat voit ses crédits augmenter de 36 % par rapport à l'exercice courant. Je me félicite également du soutien accru, d'un montant de 5,5 milliards d'euros, dont bénéficiera la production d'énergies renouvelables en 2018.

Je salue également la hausse des crédits consacrés au développement de l'économie sociale et solidaire, qui augmentent de 48 % en autorisations d'engagement. J'y vois le signe de l'intérêt que le Gouvernement témoigne à ce secteur innovant, qui représente 14 % de l'emploi salarié privé dans notre pays.

Les deux rapporteurs pour avis de notre commission, M. Philippe Bolo, pour l'énergie, et M. Yves Blein, pour l'économie sociale et solidaire, ont choisi de mettre au coeur de leur réflexion une approche renouvelée de la digitalisation du monde de l'énergie ainsi que des propositions d'amélioration du financement de l'innovation sociale.

Monsieur le secrétaire d'État, je souhaite vous interroger sur les crédits consacrés à la transition énergétique et à l'économie sociale et solidaire. Près de 80 % des crédits affectés à la protection des consommateurs en situation de précarité énergétique financent le déploiement du chèque énergie. Quel bilan dressez-vous de ce dispositif en vigueur depuis le mois de mai 2016 dans quatre départements ? Un rapport d'évaluation de cette expérimentation devait être transmis par le Gouvernement au Parlement avant le 1er octobre 2017. Quand nous sera-t-il remis ?

Parmi les crédits de l'économie sociale et solidaire, ceux consacrés à l'innovation sociale connaissent une forte hausse. Quelles seront les priorités du Gouvernement dans ce domaine ?

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En amont de cette commission élargie, la commission des affaires étrangères a organisé deux réunions préparatoires, et notre rapporteure pour avis, Mme Laurence Gayte, nous a présenté son rapport mercredi dernier.

L'avis de la commission des affaires étrangères ne porte pas sur le détail de la mission et de ses programmes mais sur la diplomatie environnementale et, plus précisément, compte tenu de l'urgence à agir contre les dérèglements climatiques, sur la diplomatie climatique. C'est un élément central de cette géo-écologie qui se construit sous nos yeux. L'accord de Paris, par son universalité, a été un grand succès de la diplomatie française ; il faut maintenant l'appliquer vite et bien. Il ne reste que deux décennies avant d'avoir atteint le seuil de la concentration en CO2 de l'atmosphère, correspondant à une élévation de deux degrés des températures terrestres. Tous les acteurs doivent y prendre part, et nos débats se sont focalisés sur le transport maritime international, seul secteur à ne pas s'être engagé sur le climat.

Pour ce qui est des moyens du ministère, l'augmentation de 5 % hors pensions est un signal positif cohérent avec la crédibilité de l'engagement de notre pays pour le climat. Mme Gayte vous présentera ses propositions, nos propositions, pour donner encore davantage de force au message de la France en la matière aux niveaux international et européen.

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Les crédits que je vous propose d'analyser aujourd'hui relèvent de quatre programmes de la mission Écologie : le programme 113 « Paysages, eau, et biodiversité » qui est le chef de file des agences de l'eau, de l'Agence française pour la biodiversité (AFB), de l'Office national de la chasse et de la faune sauvage (ONCFS), du Conservatoire du littoral, des parcs nationaux ; le programme 159 « Expertise, information géographique et météorologie » qui rassemble les trois opérateurs que sont l'IGN, Météo-France et le Centre d'études et d'expertise sur les risques, l'environnement, la mobilité et l'aménagement (Cérema) ; le programme 181 « Prévention des risques » qui comprend les crédits nécessaires à l'établissement et au suivi des plans de prévention des risques naturels (PPRN) et des plans de prévention de risques technologiques (PPRT) – ce programme a la tutelle de l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN) et est le chef de file pour l'Institut national de l'environnement industriel et des risques (INERIS) et pour l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (ADEME) qui sera financée, à partir de 2018, par des crédits budgétaires et non plus par des ressources affectées ; le programme 217 « Conduite et pilotage des politiques de l'écologie, du développement et de la mobilité durables » qui regroupe depuis cette année les effectifs et la masse salariale du ministère de la transition écologique et solidaire et ceux du ministère de la cohésion des territoires ainsi que leurs dépenses de fonctionnement. Les crédits budgétaires prévus en 2018 pour ces programmes s'élèvent à environ 4,5 milliards d'euros en crédits de paiement.

Tous ces programmes ont été atteints par des gels et des annulations de crédits très importants en 2017. Le seul décret d'annulation du 20 juillet s'est traduit par une ponction totale de 93 millions d'euros sur les quatre programmes et les opérateurs se voient annoncer tous les quatre mois des coupes sur les budgets votés par la représentation nationale. Autant de projets de recherche qu'il faut reporter – si évidemment les budgets de l'année suivante permettent bien de les réaliser.

Contrairement à ce que pourraient suggérer les effets d'optique provoqués par les incessants changements de périmètre de la mission et des programmes, la situation budgétaire sera très loin de se redresser en 2018. À titre d'exemple, alors qu'on nous annonce une augmentation de 3,9 % à périmètre constant du programme 159 « Expertise, information géographique et météorologie », ses crédits sont en réalité amputés de 2 % en raison de la création de deux nouvelles actions « Économie sociale et solidaire » et « Gouvernance, évaluation, études et prospective en matière de développement durable ».

Autre exemple : l'ADEME, qui entre désormais dans le programme 181 « Prévention des risques ». Si, de prime abord, elle bénéficie d'une subvention de 36 %, en réalité elle va largement financer les reste à payer. Du coup, les crédits des principales actions de cette agence sont en baisse : les crédits du fonds « chaleur » diminuent de 19,3 %, ceux de l'économie circulaire par l'intermédiaire du fonds « déchets » baissent de 18,8 %, et les crédits alloués au soutien à la recherche et à l'innovation dans ces domaines et intervention sur les sols pollués baissent de 7,4 %. En outre, les réductions d'effectifs atteignent tous les secteurs, sauf peut-être en matière de sûreté nucléaire où les crédits sont reconduits au même niveau. Aucune amélioration n'est prévue pour les années suivantes, bien au contraire. Les pertes de compétences qui résultent de ces coupes sont gravissimes. Dans de telles conditions, comment notre pays parviendra-t-il à atteindre les objectifs qu'il s'est fixés en matière de qualité des eaux, de protection de la biodiversité et de limitation de l'érosion ?

Après les phénomènes météorologiques de type Irma, alors que l'on sait que le réchauffement climatique va provoquer des épisodes cataclysmiques beaucoup plus fréquents, et qu'il serait évidemment erroné de penser qu'AZF étant loin derrière nous, nous sommes prémunis des risques industriels, le projet de loi de finances pour 2018 se caractérise par la faiblesse des moyens alloués à l'expertise et à la prévention des risques. l'INERIS subit des réductions d'effectifs importantes et une contrainte budgétaire forte alors que cet établissement fournit un appui indispensable pour anticiper les risques industriels. Certes, la situation est moins problématique pour l'ASN, mais cette agence souhaiterait vingt équivalents temps plein (ETP) pour lutter contre la fraude et la falsification. Le moins que l'on puisse dire, c'est que la manière dont l'agence continue aujourd'hui à dénoncer les problèmes de silos non résolus à la Hague construits dans les années quatre-vingt montre que l'on ne devrait pas mégoter, quel que soit ensuite notre avis sur le nucléaire, sur les moyens de l'ASN.

Les effectifs du ministère de la transition écologique vont perdre, avec ceux du ministère de la cohésion des territoires, plus de 1 300 équivalents temps plein en 2018. Quatre cent quarante-dix emplois disparaissent pour les seuls opérateurs, devenus des variables d'ajustement. L'Agence française de la biodiversité n'a été créée qu'en janvier 2017 ; il est encore trop tôt pour voir les conséquences du regroupement des quatre opérateurs. En revanche, l'Agence de l'eau se verra appliquer en 2018 un prélèvement de 200 millions d'euros et le plafond de ses ressources risque d'être de nouveau abaissé en 2019. Quand on sait que 85 % des eaux sont polluées en France, on mesure le risque considérable qui en résultera pour la qualité de nos eaux.

Météo France est, avec ses homologues anglais et allemand, une des trois références en Europe en la matière. Après avoir vu ses effectifs diminuer de 11 % depuis 2012, c'est une nouvelle baisse de 95 emplois qu'elle va connaître d'ici à 2022, ce qui représente 15 % de ses effectifs. Enfin, j'ai quelques incertitudes en ce qui concerne le financement nécessaire au renouvellement du supercalculateur.

Quant au CÉREMA, j'y reviendrai tout à l'heure en présentant un amendement.

L'examen détaillé de ce budget étriqué, dépourvu d'ambition et de perspectives montre que ces exemples ne sont pas isolés. En tout état de cause, le budget 2018 de l'écologie est sans rapport avec les véritables enjeux de la transition écologique qui emportent – faut-il le rappeler ? – l'avenir à court terme de l'humanité. Nous préconisons, pour notre part, un changement de paradigme en matière d'indicateurs de performance. La performance du XXIe siècle sera celle qui permet aux générations futures de continuer à vivre sur cette planète. Même si nous ne doutons pas de la sincérité des ambitions du ministre, nous sommes trop loin du compte. C'est pourquoi votre rapporteur émet un avis défavorable à l'adoption des crédits de la mission et présentera des amendements.

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Les crédits du programme 345 « Service public de l'énergie » et du programme 174 « Énergie, climat et après-mines », du compte d'affectation spéciale « Financement des aides aux collectivités pour l'électrification rurale » (FACÉ), et du compte d'affectation spéciale « Transition énergétique » s'élèvent à environ 11 milliards d'euros en mettant de côté les 2,6 milliards d'euros de dépenses fiscales. Les crédits du CAS « Transition énergétique » représentent environ 50 % des fonds budgétaires consacrés à l'ensemble de ces programmes et le crédit d'impôt transition énergétique (CITE) représente à lui seul 1,5 milliard d'euros sur les 2,6 milliards de dépenses fiscales.

Monsieur le secrétaire d'État, ma première réflexion concerne la maquette budgétaire. De toute évidence, comme la majorité des crédits se trouve dans des comptes d'affectation spéciale, la politique énergétique ressemble davantage à un jardin à l'anglaise qu'à un jardin à la française, avec une forme d'hétérogénéité dans la construction de ses programmes : si les zones non intercommectées (ZNI) ou la précarité énergétique figurent dans le programme « Service public de l'énergie », on peut se demander pourquoi on y trouve aussi la cogénération ou la fermeture de la centrale de Fessenheim…

Forme d'hétérogénéité, disais-je, mais également problème de visibilité pour les dépenses fiscales : les certificats d'économie d'énergie (CEE), qui sont l'une des principales politiques en matière de décarbonation, n'apparaissent pas. Les personnes que nous avons auditionnées nous ont indiqué qu'ils pourraient donner lieu à des fraudes qui représenteraient à elles seules une quasi-imposition… Cela mériterait de se demander pourquoi le Parlement ne discute à aucun moment de quelque chose qui représente un volet important de la politique environnementale.

Il pourrait être possible de réorganiser cette construction qui est devenue de plus en plus touffue au fil du temps, avec un programme « Service public de l'énergie » qui intégrerait notamment le CAS FACÉ et perdrait l'action « Soutien à la cogénération » et l'action « Fermeture de la centrale de Fessenheim », l'après-mine et l'après-nucléaire pouvant être inclus dans le programme 174, de même que le CAS « Transition énergétique ». On aurait ainsi, d'un côté, tous les crédits liés à la transition énergétique et, de l'autre, tous ceux consacrés au service public, à la précarité, à la médiation ou à la péréquation. C'est important, parce que lorsqu'on regarde l'horizon on s'aperçoit que cela représente, sur les cinq ans à venir, 10 milliards d'euros pour les zones interconnectées et 44,5 milliards d'euros pour la transition énergétique, selon la Commission de régulation de l'énergie. Cela suppose donc d'avoir une bonne visibilité des politiques que l'on entend mener et surtout des financements qu'elles supposent : il n'est qu'à rapporter les 44,5 milliards d'euros alloués à la transition énergétique au coût de notre parc nucléaire lors de sa construction : 90 milliards d'euros – en euros actuels.

Qui plus est, le programme 345 « Service public de l'énergie » n'a pas fait l'objet, de toute évidence, d'une véritable réflexion sur les critères de sa performance – ce n'est pas moi qui le dis, mais la Cour des comptes.

Vous proposez d'appliquer au CITE une forme de transformation que je trouve un peu brutale, notamment quand on se demande si l'on doit mettre les fenêtres au même rang que les portes pour les faire sortir de certains dispositifs : même si ce sont des petits investissements de maîtrise de l'énergie, ils permettent de s'approprier la démarche.

Vous parlez d'un consensus sur le coût de gestion du chèque énergie par les opérateurs. Mais ces mêmes opérateurs nous expliquent qu'en réalité la compensation fonctionnait bien mieux avec les tarifs réglementés… Ensuite, on s'aperçoit que les grands perdants de cette réforme seront ceux qui se chauffent au gaz. Il vaut donc mieux se chauffer au fioul avec le chèque énergie qu'au gaz, ce qui est un peu contradictoire avec une politique de transition énergétique. Cela dit, on peut voir les choses du bon côté et considérer que cela n'a rien à voir avec le programme 174 mais avec le programme 345.

Quant à la baisse des crédits de fonctionnement des associations agréées de surveillance de la qualité de l'air, elle est à mon avis inexplicable lorsqu'on souhaite mettre l'accent sur une telle politique.

Pour ce qui est du FACÉ, j'ai noté le manque de projets finançables outre-mer.

S'agissant du nucléaire enfin, il manque bien évidemment une feuille de route claire, notamment avec le report de l'avis de l'ASN après 2020. Le Gouvernement devrait s'employer à donner une réelle visibilité sur cette filière, au moment où les surcoûts liés aux dépenses de sécurité et de sûreté mettent à mal sa rentabilité économique. Le Commissariat à l'énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA) nous a fait part du manque total de visibilité sur les investissements en matière de recherche pour Astrid et le réacteur Jules Horowitz après 2020.

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Le projet de loi de finances pour 2018 abonde de 616 millions d'euros les crédits de paiement du programme 181 « Prévention des risques », le multipliant visuellement. Dans les faits, ce bond financier s'explique par le rattachement budgétaire de l'ADEME. L'augmentation des crédits de paiement permettra ainsi à l'ADEME d'honorer ses engagements antérieurs, même si l'effet de trompe-l'oeil ne doit pas masquer dans les faits une baisse de la capacité d'action de cet acteur essentiel de la transition énergétique. La vigilance s'impose donc pour l'avenir, monsieur le secrétaire d'État,

Le spectre du programme 181 est très large puisqu'il s'étend des risques nucléaires et technologiques aux risques naturels fort variés qui incluent aussi bien les aléas climatiques que les séismes, les risques sanitaires et les phénomènes invasifs, les risques de crues et d'inondations qui sont au coeur de l'actualité et des préoccupations des collectivités locales avec la gestion des milieux aquatiques et la prévention des inondations (GEMAPI). Tous ces risques sont surveillés et gérés par la Direction générale de la prévention des risques (DGPR) dirigée par Marc Mortureux, dont je salue l'action.

Sur le plan industriel, je me réjouis de la décision prise par l'Assemblée nationale, le 10 octobre dernier, d'écarter définitivement les risques pour l'environnement liés à l'extraction d'hydrocarbures non conventionnels, au regard de ce qui peut se passer outre-Atlantique par exemple. Le risque nucléaire, géré par l'ASN et son expert, l'Institut de sûreté nucléaire et de radioprotection (IRSN), reste plus que jamais d'actualité, s'agissant aussi bien du risque d'accident que du risque terroriste. Les récentes tribulations d'une organisation non gouvernementale (ONG) bien connue démontrent que le risque d'intrusion dans une centrale n'est pas complètement maîtrisé. Au-delà, votre rapporteur insiste sur la nécessité de pouvoir contrôler de manière continue les agents travaillant pour les acteurs du nucléaire et leurs sous-traitants, et pas seulement lors de leur embauche. L'expérience montre un effet que des signes de radicalisation religieuse peuvent apparaître à tout moment.

À côté du risque d'attentats, celui d'un accident nucléaire ne doit pas non plus être négligé. S'il semble raisonnablement maîtrisé jusqu'à présent, il est aggravé par le changement climatique qui peut provoquer des catastrophes naturelles comme des inondations ou des tempêtes plus fréquentes et plus violentes que par le passé. Il convient donc de rester vigilant, de ne faire aucune concession sur la sécurité des installations et de remédier notamment à la baisse régulière des crédits de recherche de l'IRSN dont l'expertise doit rester mondialement reconnue.

Selon les climatologues, le risque naturel pourrait devenir plus fréquent et plus sévère en raison du dérèglement climatique. Comment ne pas avoir une pensée émue pour nos compatriotes des Antilles durement touchés par les cyclones Irma et Maria au mois de septembre dernier ? Sur ce point, je considère d'ailleurs que l'action de l'administration et de secours a été injustement et trop activement mise en cause.

Entrent également dans le champ du programme 181 les risques sanitaires tels que l'obésité ou le diabète dont le développement rapide doit nous amener à nous interroger sur nos habitudes alimentaires et notre mode de vie trop sédentaire.

Enfin, j'aborderai un sujet qui, en dépit des apparences, n'a rien d'anecdotique : le rapide développement des espèces invasives, qu'il s'agisse du frelon asiatique, de la pyrale du buis ou de la bactérie Xylella fastidiosa pour ne citer que quelques espèces dévastatrices. Ces proliférations sont d'autant plus difficiles à combattre que, dans le même temps, la législation entrave les possibilités de lutte, ce qui est bien compréhensible compte tenu du principe de précaution mais laisse nos agriculteurs, nos jardiniers et les simples particuliers bien souvent démunis face à ces phénomènes, sauf lorsqu'une technique de lutte biologique est efficace, comme c'est le cas pour le cynips du châtaignier.

Monsieur le secrétaire d'État, pensez-vous que les pouvoirs publics ont pris pleinement la mesure du danger que représentent les espèces invasives ? Je tiens à associer mon collègue Hervé Saulignac à cette question. Quelles mesures mettez-vous en oeuvre pour lutter contre la pyrale du buis qui sévit dans quatre-vingt-quatre départements français et qui devrait bientôt toucher la totalité du territoire ? Envisagez-vous, de concert avec le ministère de l'agriculture, de la classer comme danger sanitaire de deuxième catégorie au sens du code rural ?

Face au risque de multiplication de phénomènes cycloniques sur les régions tropicales, quelles mesures envisagez-vous de prendre ? Disposez-vous déjà d'un retour d'expérience sur ce qui s'est passé aux Antilles au mois de septembre dernier ?

Enfin, l'intrusion, il y a quelques jours, de militants écologistes dans une centrale nucléaire et les alertes qu'ils ont lancées concernant la sécurité des piscines de refroidissement ont-elles conduit votre ministère à réagir ?

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Programme support de la mise en oeuvre des politiques publiques du ministère de la transition écologique et solidaire et du ministère de la cohésion des territoires, le programme 217 est doté, pour l'année 2018, de 3 milliards d'euros en autorisation d'engagement et de 3,04 milliards d'euros en crédits de paiement, dont 2,79 milliards d'euros pour le titre II.

Les crédits du programme 217 « Conduite et pilotage des politiques de l'écologie, du développement et de la mobilité durables » supportent la majeure partie des dépenses de personnel du ministère de la transition écologique et solidaire, à l'exception de ceux contenus dans le programme 181 « Prévention des risques ».

Les crédits du programme 217 assurent également le financement des activités « soutien » – systèmes d'information, fonctions juridiques et d'expertise, moyens de fonctionnement, actions à l'international, formation, action sociale, prévention des risques professionnels – pour la mise en oeuvre de ces politiques. Programme hétérogène, le programme 217 comprend également les emplois et crédits de trois autorités administratives indépendantes : la Commission nationale du débat public (CNDP), l'Autorité de contrôle des nuisances aéroportuaires (ACNUSA) et la Commission de régulation de l'énergie, chacune d'entre elles relevant d'une action spécifique pour assurer leur autonomie.

Programme ambitieux enfin, le programme 217 soutient les quatre objectifs prioritaires du ministère de la transition écologique et solidaire, alors même que ses crédits sont en baisse constante sur les deux derniers exercices budgétaires. Paradoxe s'il en est, le programme 217 a pour mission affirmée de porter la conduite des changements qu'implique la transition écologique et solidaire et l'attrition récurrente de ses crédits peut amener à s'interroger sur la réalité de cette mission. Ce paradoxe n'est-il pas vraiment qu'apparent ? En effet, la transition écologique et solidaire n'est-elle pas, par définition, la mise en oeuvre d'une culture nouvelle, une révolution des usages, une manière de consommer différemment en tenant compte du concept de durabilité et de soutenabilité ?

La transition écologique et solidaire n'est-elle pas aussi ce qui nous amène à repenser nos modes de déplacement, de conception des politiques publiques, d'interaction entre notre environnement immédiat avec une approche non plus segmentée, partielle et fragmentée, mais plutôt globale et holistique ?

La transition écologique et solidaire n'est-elle pas enfin une révolution tranquille mais nécessaire pour que cesse, comme l'affirmait Ivan Illich, « l'hybris industrielle qui a brisé le cadre mythique qui fixait les limites à la folie des rêves » ?

Oui, les crédits du programme 217 baissent. Oui, les changements de périmètre constant d'un exercice budgétaire rendent difficile une analyse fine des crédits d'une année sur l'autre. Oui, la réduction des crédits a atteint un tel point critique que la rationalisation des actions entreprises ne pourra pas la compenser, lors du prochain exercice budgétaire, malgré une gestion prudente, efficace et économe, qu'il s'agisse de la rationalisation immobilière avec le regroupement sur un même site de l'ensemble des agents du ministère à l'exception du ministre et de son cabinet, de la rationalisation territoriale avec les fusions des directions régionales de l'environnement, de l'aménagement et du logement (DREAL) entreprises en 2016, qui mettent en exergue les limites d'opérabilité des services déconcentrés sans une révolution des usages, ou de la rationalisation des compétences avec l'identification des compétences et la création de filières métier afin de mieux rationaliser l'affectation et les compétences des agents.

Pourtant, il existe pour votre rapporteur une alternative à l'augmentation des moyens qui ne peut être que croissante du fait de la montée en puissance des opérateurs. Je pense notamment à la Commission nationale du débat public, à la Commission de régulation de l'énergie, à l'École nationale des ponts ParisTech et aux missions qui leur sont attribuées, celles d'une rationalisation des actions dans la mise en oeuvre des politiques publiques pour que l'intendance puisse suivre.

Pour se faire à moyens constants, cette rationalisation doit être radicale et concentrée sur trois actions : simplifier, anticiper, former. Simplifier la législation pour éviter la multiplication des procédures ; anticiper la prise de décision publique par l'organisation de débats publics entre les citoyens et les services de l'État, anticiper la mise en oeuvre de la décision publique par l'établissement d'une forme de pacte de confiance entre les porteurs de projets et les services instructeurs ; former les acteurs au changement par une éducation du développement durable, une éducation au développement durable, tant dans le cadre de la formation initiale que de la formation continue, dispensée par exemple par l'École nationale des ponts ParisTech, former chaque citoyen aux enjeux du développement durable par des actions ciblées et en partenariat avec les autres ministères.

Monsieur le secrétaire d'État, pouvez-vous affirmer que vous êtes prêt à mettre en oeuvre cette réforme radicale qui suppose de respecter le principe de subsidiarité, de davantage déconcentrer et de donner encore plus d'autonomie à vos opérateurs ? Si oui, sous quelle forme et à quel horizon pensez-vous pouvoir mettre en oeuvre ce qui s'apparenterait alors à une véritable transition écologique et solidaire ?

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Le programme 113 « Paysages, eau et biodiversité » réunit les crédits des politiques du paysage, de l'eau et de la biodiversité, et le programme 159 « Expertise, information géographique et météorologie » comporte les crédits du CÉREMA, de l'IGN, de Météo France, ainsi que les crédits du Commissariat général au développement durable (CGDD) et ceux affectés au financement de mesures en faveur de l'économie sociale et solidaire.

Les crédits affectés à ces programmes permettent de mettre en oeuvre les politiques publiques qui sont en lien étroit avec les enjeux essentiels de nos sociétés. Les politiques du paysage, de l'eau et de la biodiversité dépendent en effet directement des changements climatiques et du recul alarmant de la biodiversité.

La mise en oeuvre opérationnelle de ces politiques a un impact majeur sur l'ensemble des habitants et sur de très nombreux acteurs territoriaux. Nos concitoyens expriment dans ce domaine des attentes de plus en plus fortes. Les moyens consacrés à ces programmes concernent les nombreux opérateurs qui oeuvrent au coeur de nos territoires.

Au cours de ces dernières années, il a été observé une augmentation des préoccupations de tous les habitants et une plus large prise de conscience de l'enjeu sociétal des politiques publiques dans les domaines des paysages, de l'eau et de la biodiversité. Des progrès ont été constatés, comme la signature de l'accord de Paris et l'adoption en France de la loi du 8 août 2016 pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages. Ce texte a valablement fait évoluer la législation applicable en matière de politique du paysage, de l'eau et de la biodiversité et il a également permis la création de l'Agence française pour la biodiversité, agence de référence immédiatement identifiable chargée de répondre aux enjeux et aux défis de la reconquête de la biodiversité.

J'ai souhaité dans mon rapport éclairer plus spécifiquement trois volets du programme 113 : la dynamique de la politique du paysage, qui doit être soutenue et encouragée dans tous ses aspects, qu'il s'agisse de paysages exceptionnels ou de paysages du quotidien ; la création et le développement de l'Agence française pour la biodiversité ; le renforcement des moyens accordés à la mise en oeuvre de la directive-cadre « Stratégie pour le milieu marin », renforcement impératif compte tenu de nos engagements européens, sachant que la première phase de mise en oeuvre de la directive s'est avérée plutôt décevante, en France comme chez nos principaux partenaires européens.

Les moyens humains et matériels de l'Agence française pour la biodiversité sont préservés ; c'est un point très important, qu'il faut souligner, dans le contexte budgétaire actuel. Je souhaite toutefois appeler votre attention sur la nécessaire hausse à court terme des possibilités financières et matérielles de cette agence, compte tenu de la grande variété de ses nouvelles missions, qui sont en train de se mettre en place.

Par ailleurs, en application de l'article 54 du PLF pour 2018, les subventions pour charges de service public de l'AFB, de l'Office national de la chasse et de la faune sauvage (ONCFS) ainsi que des parcs nationaux devraient être financées par les agences de l'eau, qui prenaient en charge jusqu'en 2016 l'Office national de l'eau et des milieux aquatiques (ONEMA), intégré depuis lors à l'AFB. Les conséquences de cet article ainsi que de l'article 19 relatif à l'écrêtement des ressources des agences de l'eau sont traitées dans le rapport pour avis. Si le Gouvernement a pu proposer une autre solution qui évite cet écrêtement pour l'année 2018, l'inquiétude n'en demeure pas moins vive parmi les acteurs, agences de l'eau, comités de bassin et collectivités territoriales, y compris pour 2018.

Je souhaite poser trois questions. Observant que trois opérateurs, le CÉREMA, l'IGN et Météo France, éprouvent des difficultés à suivre le rythme de la restructuration et de la baisse des plafonds d'emplois demandées par la mise en oeuvre du programme, et sachant que chacun de ces opérateurs fait face à des défis qui lui sont propres, comment améliorer la nécessaire lisibilité à moyen terme des efforts demandés, à la fois en termes d'effectifs et d'investissement ? Je pense notamment au supercalculateur de Météo France.

Quelles sont, ensuite, les solutions à l'étude s'agissant de la création possible de nouvelles redevances au profit des agences de l'eau, compte tenu de l'élargissement de leur mission à la biodiversité terrestre et marine par la loi « Biodiversité » ?

Enfin, quelles sont les pistes possibles pour redynamiser la stratégie nationale de la biodiversité qui arrivera à échéance en 2020, avant de lancer la nouvelle stratégie qui sera applicable à compter de 2021, et accompagner les stratégies régionales ?

En conclusion, j'émettrai un avis favorable à l'adoption des crédits.

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Le programme 174 « Énergie, climat et après-mine » est examiné dans un contexte qui me semble favorable, à la suite des annonces du ministre d'État Nicolas Hulot en juillet, dont certaines ont été reprises dans le PLF pour 2018.

Je tiens à préciser en préambule que la contribution du programme 174 aux objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre et de lutte contre le réchauffement climatique, reste modeste : la gestion sociale et économique des anciens mineurs concentre près de 92 % de ses crédits. Toutefois, dans un contexte budgétaire pourtant contraint, les crédits alloués aux actions en faveur de la politique énergétique et de lutte contre le changement climatique sont en hausse pour 2018.

Le programme se divise en quatre actions : politique énergétique, gestion économique et sociale de l'après-mine, lutte contre le changement climatique, et soutien. Il finance quatre opérateurs : l'Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs (ANDRA), l'Agence nationale de gestion des droits des mineurs (ANGDM), l'Agence de services et de paiement (AFP), et le Centre interprofessionnel technique d'études de la pollution atmosphérique (CITEPA).

Je concentrerai mon propos sur les quelques questions qui ont été posées lors des auditions et sur lesquelles je me suis plus particulièrement attardée.

La première concerne le crédit d'impôt pour la transition énergétique. Si je salue l'utilité du CITE pour inciter les ménages à entrer dans une politique de travaux de rénovation énergétique de leurs logements, pouvez-vous, monsieur le ministre, préciser quels engagements seront pris pour améliorer la stabilité et la pérennité de ce dispositif d'aide, son instabilité nuisant à son efficacité ?

Plus généralement, comment allez-vous mettre à profit l'année de transition à venir pour en faire une véritable année de réflexion afin d'adapter le dispositif aux besoins des ménages précaires et à l'amélioration effective de la performance énergétique des bâtiments après travaux ? Si j'ai souhaité axer mon rapport sur cette thématique de la rénovation énergétique des bâtiments en particulier, c'est que j'y vois une condition indispensable de la réussite de la transition écologique. La part du secteur du bâtiment dans les émissions est en effet prépondérante : elle représente 45 % de l'énergie finale consommée chaque année et 30 % des émissions de gaz à effet de serre.

Pour tenir les objectifs fixés dans la loi relative à la transition énergétique, il est indispensable de massifier la rénovation énergétique de l'actuel parc de logements individuels et du tertiaire. Or le doublement du fonds chaleur de l'ADEME, malgré un bilan très positif tant du point de vue des résultats que du fonctionnement, n'est pas inscrit dans le PLF 2018. Cette inscription pourrait-elle être envisagée, compte tenu du soutien déterminant de ce fonds au développement des énergies renouvelables dans l'habitat collectif et du tertiaire ?

Enfin, il est important de rappeler que l'enjeu de la transition n'est pas seulement énergétique mais aussi économique et social. La transition écologique soulève des enjeux en termes d'adaptation professionnelle, de prise en compte des situations de précarité et de mobilisation citoyenne. Je conclurai donc mon propos par une double question. Comment rendre la rénovation énergétique des logements pleinement accessible aux ménages en situation de précarité, compte tenu de l'objectif d'éradication des passoires thermique d'ici à dix ans ? Et quelles mesures sont prises pour adapter les contenus et les parcours des formations initiales et continues aux besoins de la transition énergétique ?

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J'ai eu la chance de pouvoir réaliser ce rapport en deux parties, la première consacrée aux crédits, la seconde aux aspects thématiques.

S'agissant des crédits, je reviendrai sur les évolutions les plus remarquables des programmes 174 et 345. Dans le programme 174, qui concerne l'énergie, le climat et l'après-mine, deux rubriques sont en hausse et une en baisse : hausse des crédits de 19 % pour la qualité de l'air et la lutte contre le changement climatique – le ministre nous a clairement expliqué l'enjeu de cette lutte contre la dégradation de la qualité de l'air – et hausse de 10 % des crédits pour la politique de l'énergie, en lien avec les nouvelles missions que sont la programmation pluriannuelle de l'énergie et la future isolation des barrages ; baisse structurelle de 8 % des crédits de la gestion de l'après-mine en raison de la diminution tendancielle du nombre des bénéficiaires des prestations sociales versées aux anciens mineurs et à leurs conjoints survivants.

S'agissant du programme 345, qui concerne les charges de service public de l'énergie, le montant desdites charges s'élève à 7,9 milliards d'euros, en hausse de 17 % par rapport à 2016, et ce pour de bonnes raisons : la production d'énergies renouvelables électriques, l'augmentation de l'injection de biométhane, l'augmentation des crédits liés à la solidarité dans les zones interconnectées, et la protection des consommateurs en situation de précarité énergétique.

Les deux CAS la « Transition énergétique » et « Financement des aides aux collectivités pour l'électrification rurale », n'appellent pas de commentaires particuliers de ma part.

Pour ce qui est de la partie thématique, j'ai choisi d'évoquer la digitalisation du monde de l'énergie, pour en présenter les principaux enjeux, au nombre de quatre.

Le premier est la production massive d'informations et leur circulation, qui permettent de connaître beaucoup plus précisément à la fois les productions et les consommations. Cette circulation massive d'informations permet une planification stratégique des sujets climat, air, énergie, une certaine forme d'aménagement du territoire, la rénovation énergétique des bâtiments et la lutte contre la précarité énergétique. Force est de constater, malheureusement, qu'elle est largement sous-exploitée par rapport au gisement de valeurs qu'elle représente.

Le deuxième enjeu concerne l'efficience accrue des infrastructures et des services énergétiques. La digitalisation facilite la gestion des infrastructures. Nos capteurs sur les différents outils de production améliorent les rendements, procurent une meilleure prévision des productions d'énergie et permettent d'anticiper les défaillances. La digitalisation permet d'optimiser les réseaux, qui deviennent de surcroît intelligents : ce sont les fameuses smart grids. Avec la digitalisation du monde de l'énergie, il est possible de réaliser un dimensionnement plus économe de ces réseaux, évitant les stratégies passées de dimensionnement précautionneux qui visaient à éviter les surcharges en période de pointe. La digitalisation assure enfin des bénéfices pour les consommateurs en termes d'efficacité et de sobriété ; elle leur offre des équipements qui consomment mieux l'énergie et les services associés aux données leur permettent d'éviter certaines consommations.

Troisième enjeu : la nécessaire sécurisation des infrastructures et des données. Les deux points précédents étaient plutôt positifs mais celui-ci est un point de vigilance. Cette circulation d'information nécessite une vraie réflexion sur la sécurisation du système, pour deux raisons : premièrement, les données individuelles peuvent susciter des convoitises ; deuxièmement, nos infrastructures digitalisées et interconnectés sont plus vulnérables à des cyberattaques.

Quatrième enjeu, la digitalisation représente un fort potentiel de développement économique et d'emploi, d'autant que la France dispose déjà d'atouts : des gestionnaires de réseaux présents historiquement et leaders en Europe sur ces marchés, un écosystème foisonnant, avec la French Tech, un tissu de start-up, des pôles de compétitivité, des approches partenariales qui sont une façon intéressante d'appréhender le sujet. Un certain nombre de besoins de compétences et de formation ne sont pas cependant pas encore couverts, et surtout il faut savoir capter et fidéliser les compétences face notamment à des GAFA qui offrent des salaires autrement plus attractifs.

Pour pouvoir se saisir de ces enjeux, quatre précautions doivent être prises : il faut instaurer une gouvernance des données construites autour de tiers de confiance, mieux prendre en compte les enjeux de la cybersécurité, assurer l'accompagnement des acteurs économiques, garantir l'équité entre les territoires. Ce à quoi s'ajoute, et je veux appeler là-dessus votre attention, monsieur le secrétaire d'État, la nécessaire vigilance sur ce qui touche à l'autoconsommation : une généralisation massive de l'autoconsommation détruirait l'équilibre économique de nos réseaux.

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Les crédits destinés à l'économie sociale et solidaire (ESS) dans le PLF pour 2018 font cette année leur entrée au sein de la mission « Écologie, développement et mobilité durable » en raison du transfert de la compétence relative à l'ESS du ministère de l'économie au ministère de la transition écologique et solidaire. Ces crédits affichent, à périmètre constant, un niveau stable des autorisations d'engagement, puisque celles-ci passent de 15,3 à 15,4 millions d'euros, soit une hausse de 1 %, et une baisse de 5,4 % des crédits de paiement, ceux-ci passant de 15 à 14,2 millions d'euros.

Cette relative stabilité masque une forte augmentation des crédits de développement de l'ESS – plus 48 % en autorisations d'engagement – et une nette baisse de 17,3 % des crédits des dispositifs locaux d'accompagnement (DLA), dont on connaît pourtant l'importance pour le monde associatif et l'efficacité. Mon avis sur ces crédits sera favorable en raison de l'augmentation des moyens dévolus au développement de l'ESS. Toutefois, j'ai déposé un amendement visant à rétablir le financement des DLA à son niveau de 2017.

J'ai choisi de revenir dans la suite de ce rapport sur trois thèmes d'importance pour l'économie sociale et solidaire : le crédit d'impôt de taxe sur les salaires (CITS), la situation de l'emploi dans l'ESS et l'innovation sociale.

Le CITS constitue l'équivalent longtemps attendu, pour le secteur non lucratif, du crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE). Institué en loi de finances pour 2017, il doit compenser le différentiel de compétitivité induit par le CICE pour les associations par rapport à leurs homologues du secteur non lucratif. Cette différence de traitement était durement ressentie, ce dont semble témoigner l'évolution des chiffres de l'emploi dans les associations au cours des douze derniers mois. Les données de l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale (ACOSS) montrent que l'emploi associatif a enregistré un recul de 0,3 % de mars 2016 à mars 2017, et de 0,6 % entre juin 2016 et juin 2017, alors que l'emploi salarié privé était en hausse. Ce phénomène devrait disparaître à compter de 2019, à l'occasion de la transformation du CITS et du CICE en allégements pérennes de cotisations sociales et patronales, ce dont je me félicite : 1,4 milliard d'euros devraient ainsi être laissés chaque année au secteur non lucratif, soit trois fois plus qu'avec le CITS actuellement.

L'emploi dans l'ESS affiche un dynamisme qui tranche avec le reste du secteur privé. En 2014, l'ESS représentait 2,4 millions de salariés, 10,5 % de l'emploi total et près de 14 % de l'emploi salarié privé. Depuis 2000, le nombre de salariés dans les associations, fondations, coopératives, mutuelles, entreprises sociales a progressé d'environ 25 %, contre 6 % en moyenne pour le secteur privé hors ESS. Depuis 2008, les effectifs de l'ESS ont augmenté de 6,5 % environ alors que l'emploi privé hors ESS stagnait.

Cette rentrée a été marquée par l'annonce de la réduction du nombre des emplois aidés, qui représentent 7 % des emplois dans l'ESS. Comme l'a annoncé le Premier ministre, 310 000 contrats aidés seraient prévus pour l'ensemble de l'année 2017. Sachant que 460 000 contrats aidés ont été signés en 2016, ce chiffre signifie que 150 000 contrats ne seront pas renouvelés, et ce mouvement devrait se poursuivre en 2018 puisque seulement 200 000 contrats aidés sont prévus.

Ces décisions auront des conséquences importantes sur l'activité et le modèle économique de certaines entreprises de l'économie sociale intervenant auprès de publics fragiles, mais aussi sur l'employabilité et l'insertion des personnes les plus éloignées de l'emploi. Les associations, premières utilisatrices du dispositif au sein de l'ESS, subissent d'ores et déjà une baisse des financements publics du fait de la diminution des subventions et de l'évolution défavorable des tarifications pratiquées par les collectivités ; j'estime que les emplois aidés qui demeureront devraient être prioritairement affectés au mouvement associatif, notamment dans les secteurs d'activité où ils constituent un sas vers la formation et le retour à l'emploi. C'est là qu'ils trouvent réellement leur vocation et atteignent leur utilité maximale.

Enfin, je me suis intéressé au financement de l'innovation sociale, qui constitue un gisement de croissance et d'emploi considérable pour l'avenir. Son financement a été largement accru au cours des dernières années, notamment par le biais du programme d'investissements d'avenir et du fonds pour l'innovation sociale gérée par BPIfrance. Il demeure cependant insuffisant. Pour l'accroître, je propose des versements spécifiques destinés à l'innovation sociale parmi ceux issus du fonds de 10 milliards d'euros en faveur de l'innovation, et la création d'un équivalent du crédit d'impôt recherche permettant d'encourager l'innovation sociale.

Je terminerai par trois questions à l'adresse de M. le secrétaire d'État.

Quelle est la répartition exacte de la réduction du nombre d'emplois aidés en 2017 et en 2018 entre leurs quatre types de bénéficiaires, État, collectivités, associations, entreprises ?

Pourquoi diminuer les moyens dévolus aux DLA, ces outils essentiels pour la transformation du modèle économique des associations, alors qu'ils ont prouvé leur efficacité ?

Enfin, si le budget de cette année est marqué par l'inclusion à l'action regroupant les crédits de l'ESS de ceux des DLA, d'autres crédits destinés à l'ESS continuent d'être inscrits dans d'autres missions. Un véritable budget consolidé pour l'économie sociale et solidaire est-il envisageable ?

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Contrairement à d'autres avis budgétaires, celui-ci n'a pas vocation à examiner le détail des programmes et des actions qui constituent la mission « Écologie, développement et mobilité durable » à laquelle il se rattache. Centré sur la diplomatie environnementale, cet avis concerne plus précisément les instruments, les objectifs et les modalités de la diplomatie climatique : il est par nature politique et non budgétaire. Il s'agit donc, pour la commission des affaires étrangères, de se prononcer sur le message que l'évolution des crédits de la mission adresse à la communauté internationale. Plus encore, il s'agit du positionnement de la France au regard des enjeux globaux de la protection de l'environnement et de la lutte contre le dérèglement climatique.

L'augmentation des crédits de la mission « Écologie, développement et mobilité durable », qui représenteront 10,4 milliards d'euros en 2018, est de 9,3 % tout compris. Elle est donc sans ambiguïté. Ainsi, deux ans après l'accord de Paris, la volonté politique et le dynamisme sont toujours au rendez-vous.

Au regard des discours du Président de la République, d'abord à l'assemblée générale des Nations Unies, ensuite à la Sorbonne, la France développe une vision stratégique du monde et de l'Union européenne où l'environnement, le climat et la transition énergétique tiennent une place de choix. De plus, à travers les deux initiatives majeures que sont le Sommet climat du 12 décembre prochain et le projet de Pacte mondial pour l'environnement, notre pays est à la pointe de la lutte pour le climat et l'environnement.

En ce qui concerne la politique intérieure, le Gouvernement a présenté son plan climat le 6 juillet dernier, avec pour objectif d'atteindre la neutralité carbone à l'horizon 2050. Je rappelle que la première priorité du grand plan d'investissement de 57 milliards d'euros est la transition énergétique, avec une enveloppe de 20 milliards d'euros. Dans la perspective ainsi tracée et pour approfondir ces orientations, mon rapport présente quatre recommandations au Gouvernement sur les sujets cardinaux de notre diplomatie environnementale et climatique.

La première concerne la mise en oeuvre de l'accord de Paris. Celle-ci doit être la plus ambitieuse possible. La COP23 devrait valoriser l'idée que l'année 2018 sera l'année de la révision des contributions « climat » des pays membres. Tel doit être le sens du dialogue facilitateur prévu par l'accord. En effet, d'après un rapport du Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC), si l'on fait le compte des engagements des pays, on ne parvient pas à l'objectif des deux degrés ; on se situe au mieux autour de trois degrés, trois degrés et demi. Or il faut arriver à rester sous les deux degrés, voire sous un degré et demi. Il faut également être à la hauteur sur les modalités d'application de l'accord de Paris, notamment la transparence, d'autant plus que la technique satellitaire permet à présent d'estimer la concentration de CO2 dans l'atmosphère. Il faut aussi être clair sur l'engagement financier en faveur des pays du Sud. Les 100 milliards de dollars par an prévus depuis Copenhague font partie de la relation de confiance. La France s'est engagée sur 5 milliards. Les besoins estimés de la transition énergétique sont quant à eux immenses : plus de 1 000 milliards par an d'investissement pendant plusieurs années pour la seule Europe.

Ma deuxième recommandation concerne l'Union européenne. Nous devons être exigeants dans les négociations sur les directives de mise en oeuvre de la stratégie énergie-climat 2030. Il convient aussi de traiter la question du prix du carbone. L'objectif est de fixer un niveau crédible de 25 à 30 euros la tonne qui assure aux investisseurs que les conditions économiques de la décarbonation de l'économie sont bien là. Je propose d'ailleurs d'appuyer la proposition du Président Macron sur la taxe carbone aux frontières car c'est uniquement par ce biais que l'on garantira la compétitivité de nos entreprises et que l'on évitera les flux de carbone. Par ailleurs, il me semble opportun de prévoir le verdissement des deux grandes politiques de l'Union européenne que sont la PAC et la politique de cohésion dans les prochaines programmations budgétaires. La décennie 2020 sera stratégique pour la transition vers l'économie décarbonée.

Ma troisième recommandation a trait à nos engagements commerciaux, qui doivent être mis en cohérence avec l'objectif climatique. On le voit avec le CETA, signé avant l'accord de Paris. Le plan d'action proposée par le Gouvernement comporte un volet environnemental qui tend à réduire les impacts négatifs sur le climat ; il est également nécessaire de faire évoluer le secteur du transport maritime international. Les objectifs de l'accord de Paris doivent être inclus dans les accords en cours de négociation au niveau de l'Union européenne, qui doivent servir de leviers.

Quatrième recommandation, la mise en place d'une politique de recherche ambitieuse et visible au niveau national et européen, en matière de stockage de l'électricité, de captage de CO2, de ville durable et d'économie circulaire.

Au bénéfice de ces observations que la commission des affaires étrangères émettra un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission « Écologie, développement et mobilité durable » pour 2018.

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Prenant modèle sur le président Éric Woerth, j'en profite, monsieur le secrétaire d'État, pour poser une question à propos de la sûreté nucléaire. Je rejoins les propos des rapporteurs qui ont évoqué l'intrusion qui a eu lieu dans une centrale proche de ma circonscription ; J'avais défendu un amendement visant à relever le plafond de ressources de l'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN), afin de tenir compte des travaux qui auront lieu ces prochaines années du fait de la prolongation des centrales nucléaires. Pouvez-vous nous apporter des précisions sur le budget alloué à la sûreté nucléaire. ?

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Sébastien Lecornu, secrétaire d'état auprès du ministre de la transition écologique et solidaire

Mme la présidente Pompili m'a demandé de la rassurer : j'ai grand plaisir à le faire. Les objectifs de la loi de transition énergétique sont, vous l'avez rappelé, extrêmement ambitieux : 23 % d'énergies renouvelables en 2020 et 33 % en 2030. Ces objectifs sont suffisamment sérieux pour que l'on s'attarde sur les moyens de les atteindre. J'ai le plus grand respect pour le Parlement mais, au fond, s'il est facile d'inscrire des objectifs dans une loi, il est plus compliqué de se doter des outils nécessaires pour y parvenir. Il ne vous aura pas échappé que je m'y suis employé avec le fameux « libérer-protéger » – sur les énergies renouvelables, nous avons bel et bien besoin de libération – ou encore le groupe de travail sur l'éolien terrestre et en mer, auquel le président Lescure et vous-même participez. Le Parlement décidera si ces objectifs doivent faire l'objet d'un nouveau débat ; en tout cas, en ce début de mandat, nous entendons d'abord nous consacrer, au sein du Gouvernement, à la déclinaison des moyens.

Parmi ces moyens, il y a l'assouplissement réglementaire – je ne m'y étendrai pas ici – et le fonds chaleur. Celui-ci augmente dans le PLF de 5 millions par rapport à l'année précédente, sur un étiage à 200 millions. C'est un outil très performant, populaire, simple d'emploi et qui permet à l'ADEME d'enregistrer des résultats très concrets en matière d'énergies renouvelables, soit en récupération d'énergie, soit en production d'énergie nouvelle – et j'y ajoute bien évidemment les réseaux.

Comme le Président l'a indiqué lors de la campagne, il souhaite un doublement de l'efficacité du fonds chaleur. Elle aura lieu sur la durée du quinquennat, dès 2018. On ne peut déconnecter le fonds chaleur de la trajectoire carbone, dans la mesure où il est en quelque sorte le ticket modérateur qui rend compétitive l'énergie renouvelable. L'augmentation de la fiscalité sur le carbone permet d'améliorer la compétitivité des énergies renouvelables en chaleur ; de la même façon qu'un prix de l'électricité élevé entraîne naturellement un recours moindre à l'argent public, puisque l'offre rencontre la demande – ce qui, en soi, est une bonne nouvelle, qui montre qu'un certain nombre de transitions sont en train de s'accomplir. J'observe, car beaucoup de personnes font de la politique sur le sujet, que faire payer le carbone était un point commun à tous les programmes électoraux, même s'ils ne portaient pas tous sur les mêmes cibles. Mais tout le monde voulait faire payer le carbone, pour des raisons évidentes liées aux gaz à effet de serre mais aussi à la santé publique. On ne peut discuter du fonds chaleur sans regarder en même temps l'impact de l'augmentation de la fiscalité sur le carbone.

Vous m'avez également demandé de vous rassurer sur l'Agence française pour la biodiversité, dont vous êtes l'heureuse maman : nous fondons énormément d'espoirs sur cet établissement public, et ses crédits sont confortés et stabilisés. C'est un établissement encore jeune, fruit d'une fusion importante et du rapprochement d'un certain nombre d'opérateurs publics. Il ne s'agit surtout pas de le déstabiliser alors qu'il commence à faire ses premiers pas. En cela, l'adosser aux agences de l'eau constitue un élément de stabilité important dans les financements. D'ailleurs, puisque nous adossons l'AFB aux financements des agences de l'eau, il faut faire entrer ceux qui participent à la gouvernance des agences de l'eau dans la gouvernance de l'AFB. Ce sujet sera discuté dans les semaines qui viennent, pour parfaire l'ensemble du dispositif.

Monsieur Nogal, merci de vos encouragements. Le bilan que nous faisons du chèque énergie sur les quatre départements où il a été expérimenté est positif. Un rapport a été rédigé, il est en cours de relecture, en concertation avec l'ensemble des acteurs, et j'ai bon espoir de le communiquer au Parlement dans les trois ou quatre mois à venir. Nous nous assurons d'une bonne concertation avec notre propre administration, et avec les fournisseurs d'énergie, car nous avons besoin d'eux.

Jusqu'à présent, il y avait une vraie différence entre ceux qui se chauffaient au gaz et ceux qui se chauffaient au fioul. Nous avions des difficultés de croisement de fichiers, et des problèmes importants sur les tarifs sociaux de l'électricité et du gaz, car le taux de non-recours à ces outils était trop important. L'idée du chèque énergie est d'offrir beaucoup plus de souplesse aux personnes les plus fragiles. On touche le chèque, on peut l'utiliser pour payer son énergie, électricité, gaz ou fioul, et même s'en servir pour financer un certain nombre de petits travaux sur la performance énergétique de son logement. En moyenne, le montant du chèque est de 150 euros, beaucoup plus pour les personnes les plus précaires : 227 euros. L'objectif et l'ambition du Gouvernement et de la majorité parlementaire sont de porter cette somme à 200 euros en moyenne l'année suivante. Cette généralisation est importante.

Monsieur Aubert, nous avons fait le choix de partir du consommateur – nos concitoyens, les Français que vous représentez – plutôt que des besoins techniques des fournisseurs. Il n'est donc pas surprenant qu'ils aient pu vous tenir des propos un peu différents lors des auditions, mais je ne doute pas que nous nous rejoindrons tous sur la nécessité de faciliter la tâche de nos concitoyens.

Madame Rauch, nous sommes d'accord sur la nécessité d'appliquer très vite l'accord de Paris, c'est tout l'enjeu du sommet du 12 décembre. Depuis l'élection du Président de la République, nous avons connu le pacte mondial pour l'environnement lors de l'assemblée générale des Nations unies au mois de septembre, qui avait pour objet d'unifier le droit international de l'environnement, et de le simplifier pour qu'il soit plus facilement applicable à l'ensemble des États.

Puis une fois que l'accord a été trouvé sur les objectifs – c'était la COP 21 – il faut se mettre d'accord sur les outils. Un certain nombre a vu le jour, le fonds vert étant peut-être le plus connu d'entre eux. L'enjeu est de faire monter à bord la Banque mondiale, des grandes entreprises, les grandes collectivités territoriales. Au moment où le président des États-Unis – je le dis avec toute la prudence diplomatique qui s'impose – semble se détourner de l'accord de Paris, nous voyons que les maires de grandes villes, des patrons ou des conseils d'administration de grandes entreprises aux États-Unis ne désespèrent pas de remplir ces objectifs. L'objet du sommet du 12 décembre souhaité par Emmanuel Macron est bien de rendre l'accord de Paris irréversible.

Monsieur Coquerel, vous prenez les autorisations d'engagement et les crédits de paiement, vous les mettez dans un seau et vous touillez… Cela conduit à quelques effets d'optique négatifs. Vous dites que le budget de l'ADEME diminue, alors que 164 millions d'euros sont prévus en plus l'année prochaine, soit une augmentation de 36 %. D'ailleurs, parmi toutes les interventions sur l'ADEME, vous êtes le seul à voir une diminution… Si ce que vous appelez une diminution est en fait la sincérité budgétaire, c'est un autre débat. On ne peut pas mélanger les autorisations d'engagement et les crédits de paiement… Effectivement, pendant trop longtemps, les gouvernements successifs ont demandé à l'ADEME d'engager des dépenses qui n'étaient pas budgétisées. En tant que député qui contrôle l'action du Gouvernement, je pense que vous pouvez vous réjouir de voir un budget sincère dans lequel, justement, nous rendons les autorisations d'engagement et les crédits de paiement conformes à ce que le Parlement, représentant la souveraineté nationale, a arrêté pour le budget de la nation. J'espère donc que nous pourrons nous rejoindre sur le budget de l'ADEME.

Il en va de même pour la sûreté nucléaire. J'insiste d'ailleurs sur le fait qu'il ne faut pas mélanger les notions de sûreté et de sécurité nucléaire. C'est une spécificité française à laquelle que nous sommes attachés. Vous parlez d'un statu quo pour la sûreté ; ce n'est pas vrai. Deux ETP sont prévus en plus pour l'Autorité de sûreté nucléaire. Vous trouverez peut-être que deux ETP, c'est peu, mais ils sont trente au total. Deux personnes de plus sur trente, c'est une augmentation significative, ce n'est pas le statu quo, ou alors nous sommes fâchés avec les chiffres, et je serai désolé de me fâcher avec vous. Il ne faut pas trop touiller le tableau des effectifs, sinon on ne voit plus clair.

De même, l'Institut national de l'environnement industriel et des risques (INERIS) compte vingt ETP de plus depuis l'année dernière, sur des métiers qualifiés, grâce à la majorité précédente, il faut savoir le reconnaître. Dans le PLF que le Gouvernement vous propose, ses crédits sont confortés. La subvention donnée à l'INERIS sera identique, pour sanctuariser et pérenniser les vingt ETP supplémentaires. Un effort considérable est donc fait en matière de sûreté nucléaire.

Enfin, sur les effectifs du ministère, et je parle sous le contrôle de la secrétaire générale du MTES et du MCT ici présente, nous assumons 1 300 suppressions de postes : comme chaque ministère, nous entendons participer à l'effort pour le redressement des finances publiques de la nation. Nous entendons honorer les engagements du Président de la République et du Premier ministre, et chaque ministère a reçu une lettre plafond dans laquelle il est demandé de faire certains efforts. Ces efforts sont faits, mais je ne veux pas que l'on dise n'importe quoi et que l'on cible de manière trop précipitée notre action en matière de ressources humaines dans ce ministère : il y a 2 700 départs en retraite qui donnent lieu à 1 400 recrutements. La morphologie des postes de ce ministère évolue aussi : le ministère de l'équipement tel qu'il existait avant la décentralisation a changé ; les niveaux d'ingénierie ne sont plus les mêmes : le métier traditionnel du ministère consistait à faire des routes, c'est moins vrai aujourd'hui, puisque les collectivités départementales et les intercommunalités se sont emparées de ce sujet. En revanche, le besoin d'ingénierie en énergie devient plus important. Il y a aussi des réalités humaines, et le tout se déroule dans un dialogue social de grande qualité. C'est d'ailleurs le ministre d'État lui-même, Nicolas Hulot, qui a mené ces réflexions et ces échanges.

Monsieur Aubert, je sens bien que derrière le député sommeille le magistrat de la Cour des comptes, et c'est bien naturel. J'aime bien les jardins à l'anglaise à titre personnel, mais je vous concède que l'on doit pouvoir travailler sur la lisibilité de la maquette budgétaire. Autant ce n'était pas possible en ce début de quinquennat du fait du calendrier électoral, autant c'est clairement quelque chose qu'il faudra faire dans le cadre du programme « Action publique 2022 », ne serait-ce que pour permettre à nos concitoyens de comprendre ce que le Gouvernement et les représentants de la nation votent dans ce budget. Nous étudierons vos propositions ; pour être dans le détail de l'exercice, je dois vous avouer que l'on peut gagner en visibilité. Faut-il séparer services publics et tout ce qui concerne l'énergie ? Cela mérite réflexion. De même, sur la refonte des programmes, votre intuition « mines et nucléaire » mérite de figurer dans les pistes que nous sommes prêts à explorer.

Les certificats d'économie d'énergie donnent effectivement lieu à un certain nombre de fraudes. Cela s'explique car ils échappent beaucoup à la puissance publique. Ceux qui émettent positivement le certificat sont les fournisseurs, et ceux qui en bénéficient sont les particuliers, via leurs installateurs et, de manière plus récente, de grandes enseignes commerciales. Un bureau de la Direction générale de l'énergie et du climat (DGEC) contrôle les devis et les factures des fournisseurs et des installateurs ; et il n'est pas forcément évident de détecter la fraude sur le sujet. Peut-être pourrions-nous, en redéployant certain nombre de moyens humains, réaliser des contrôles aléatoires sur des échantillons de factures et démasquer en tirant sur la pelote de laine quelque fournisseur peu précautionneux ; c'est une question importante, même si elle ne concerne pas directement les finances de la nation ; je suis en tout cas prêt à l'examiner.

Sur le crédit d'impôt transition énergétique, je vous trouve dur en affaires… Je vais essayer de faire oeuvre de pédagogie en expliquant ce que nous voulons faire.

Le crédit d'impôt transition énergétique est populaire, il a bien fonctionné. L'enjeu est de le rendre efficace pour ce qu'il prétend être : un outil pour faire de la transition énergétique. Or on s'aperçoit qu'il peut facilement être détourné – la Cour des comptes l'avait dit en son temps : une porte blindée est sûrement très utile pour la sécurité, mais cela n'a rien à voir avec la performance énergétique… Des aménagements esthétiques sur les fenêtres, c'est sûrement très beau, mais le contribuable n'a pas à payer des travaux d'embellissement d'une habitation. Et comme nous tenons à obtenir rapidement des résultats sur le climat, nous devons bien regarder où il est plus efficace de mettre un euro. Et ce n'est pas le pouvoir politique qui le dit, mais des experts bien plus intelligents que moi : économiser un mégawattheure coûte 1 350 euros en changeant de fenêtre, mais à peine 350 euros si l'on isole les combles, parce que la chaleur monte. Les services de l'État y réfléchissent depuis quelque temps, cela ne date pas de ce Gouvernement, et des parlementaires avaient fait des recommandations sur ce sujet par le passé : si l'on souhaite obtenir des résultats maintenant, il faut cibler l'efficacité énergétique sur ce qui fonctionne le mieux.

Que va-t-il se passer, et dans quels délais ? Il y a peut-être eu un peu de précipitation à la suite de quelques annonces qui ont fuité dans la presse, et qui ne sont d'ailleurs pas le fait du Gouvernement : il arrive fréquemment de retrouver un certain nombre de choses dans les journaux avant même que le pouvoir politique ne les ait validées. Et de toute façon, in fine, c'est le Parlement qui valide : il n'y avait donc pas lieu de s'inquiéter.

Pour commencer, un certain nombre de choses ne vont entrer en application qu'au 1er janvier, pas avant. Ensuite, pour sortir certains travaux du champ de la mesure sans brutalité et sans pénaliser les professionnels, il a été décidé d'organiser une sortie en biseau, sur six mois. Le terme de « brutalité » mérite donc d'être pris avec prudence : six mois à partir du 1er janvier, plus le fait qu'on en parle depuis septembre, cela fait dix mois au total…

L'idée est de concentrer le CITE sur les travaux d'isolation des murs ou des combles, toujours à hauteur de 30 %, toujours avec un taux de TVA « préférentiel » de 5,5 %. Les fenêtres resteront dans le dispositif pendant six mois, à un taux de 15 %, toujours avec le taux de TVA « préférentiel » de 5,5 %. Les chaudières à fioul les plus performantes, dont le rendement est autour de 92 %, continueront elles aussi à bénéficier du CITE, qui restera de ce fait ciblé sur les travaux les plus efficaces. C'est à la fois un enjeu de bonne gestion des deniers publics et de bonnes exécutions du ratio « argent du contribuable sur mégawattheures économisés ». Comme pour toutes les transitions, celle-ci exige négociation et dialogue avec les partenaires économiques. Le ministre d'État a reçu la Fédération française du bâtiment et la Confédération de l'artisanat et des petites entreprises du bâtiment pour mettre en place ce mécanisme biseau de manière de manière à leur offrir un peu de prévisibilité.

Ensuite, la vraie réforme consistera à transformer le CITE en prime. Car pour les personnes les plus fragiles, cela représente un effort de trésorerie colossal : il faut signer le devis, réaliser les travaux, décaisser l'argent et payer la facture ; et seulement un an plus tard, on vous donne le crédit d'impôt. L'enjeu est de faire en sorte qu'au moment où vous acceptez les travaux, vous touchez la prime – pour 2019, s'entend, car cela demande un peu de travail entre les services de Bercy et ceux du ministère de la transition écologique. C'est déterminant, car si la subvention est une chose, la tension de trésorerie des ménages en est une autre, toute aussi cardinale pour la réussite de ce genre de dispositifs. Cette mesure était souhaitée par beaucoup de responsables et de personnes qualifiées sur le sujet.

Vous êtes plusieurs à m'avoir interrogé sur la qualité de l'air. Je tiens à vous rassurer tout de suite, il y avait dans le projet de loi de finances une coquille qui a échappé au radar : là où est indiquée une diminution, dans le dialogue de gestion il faudra voir un maintien des crédits pour tous les opérateurs qui mesurent la qualité de l'air. Je tiens donc à rassurer tous ceux qui ont manifesté une inquiétude à ce sujet.

Sur le nucléaire, il y a bel et bien une feuille de route claire : c'est la programmation pluriannuelle pour l'énergie. Elle donnera lieu à un certain nombre de travaux auxquels le Parlement sera associé, et s'appuiera aussi sur les contributions de certains grands opérateurs. RTE – comment ne pas le citer – nous fera bientôt part d'un certain nombre d'éléments de prévision : tout cela devra se faire dans le plus grand calme, suivant une approche la plus pragmatique possible, entre la trajectoire énergétique et le mix énergétique que nous souhaitons vraiment, en maintenant la même ambition sur les énergies renouvelables et en prenant en compte les enjeux industriels, car de grandes entreprises sont concernées. Vous connaissez mes opinions là-dessus ; vous pouvez compter sur la vigilance.

Monsieur Brun, merci pour Marc Mortureux, le directeur général de la prévention des risques, qui sera ravi. Merci aussi pour les forces de secours, qui ont trop rapidement été mises en cause, voire brocardées après le passage d'Irma et de Maria aux Antilles ; le Gouvernement comme la représentation nationale peuvent dire à quel point nous leur devons le plus grand respect.

Vous m'avez également interrogé sur ce que vous appelez les espèces invasives ; mais je sais que ma voisine Barbara Pompili tient à l'appellation « espèces exotiques envahissantes » ; je vous invite donc à respecter cette terminologie, ne serait-ce que pour préserver la bonne ambiance au sein de votre commission. (Sourires.) Je rappelle que Mme Pompili, lorsqu'elle était secrétaire d'État à la biodiversité, avait lancé une stratégie nationale sur le sujet, en application de directives communautaires. Elle n'est pas si ancienne : elle ne date que du 23 mars 2017… Cette stratégie comporte douze objectifs déclinés en trente-sept actions autour de la formation, de la surveillance ou de la restauration. Je manquerais d'humilité à trop répondre sur ce sujet, puisque l'initiatrice de cette stratégie inédite en France est à côté de moi… Les actions engagées seront en tout cas poursuivies, car il s'agit de questions importantes, avec des répercussions potentielles sur la santé publique, sur lesquelles vous pouvez être assuré de la continuité gouvernementale.

Le retour d'expérience sur les ouragans – puisqu'il faut les appeler ainsi – qui ont frappé Saint-Martin et Saint-Barthélemy est en cours. Le délégué interministériel Philippe Gustin ne s'est pas vu confier par le Premier ministre pour seule mission la reconstruction ; il doit aussi formuler des recommandations sur la manière de reconstruire et sur l'habitat, qui n'existaient pas dans les plans d'urbanisme, sur la déclinaison des plans de prévention des risques, la gestion de l'eau, la gestion des déchets, la qualité des matériaux de construction ; il va falloir trouver le moyen de concilier les plans de prévention des risques sur les séismes et ceux de prévention des risques de submersion. Il y a là des enjeux importants, communs à tous les outre-mer ; j'étais en Polynésie française il y a quelques semaines, et nous avons eu l'occasion de parler avec le président Édouard Fritch et le haut-commissaire des plans de déploiement des abris anticycloniques. Vous savez qu'en fonction des statuts juridiques des territoires d'outre-mer, la responsabilité n'incombe pas forcément de la même manière à l'État, mais le Gouvernement aura l'occasion d'y revenir. Je serai d'ailleurs en déplacement avec le Premier ministre ce week-end dans les Antilles pour parler de ces questions.

Sur la sécurité – et non plus la sûreté – des installations nucléaires, je suis tenu à une forme de discrétion sur les plans et moyens mis en oeuvre par le ministre de l'intérieur et le ministre de la transition écologique et solidaire. Je tiens à rappeler que l'agence internationale en charge de ces sujets avait mené une enquête précise en 2011 sur les questions de sécurité nucléaire, et avait conclu que les dispositifs français étaient particulièrement robustes, peut-être même parmi les plus robustes au monde. Une enquête similaire aura lieu en 2018.

Monsieur Bouillon, merci pour vos propos sur la culture nouvelle, les politiques publiques plus globales et l'ambition à partager. Vous dites que l'analyse d'une année sur l'autre est difficile ; je ne polémiquerai jamais avec vous pour des raisons d'amitié normande, mais quand le budget est sincère, c'est tout de même plus facile…

La rationalisation est la bienvenue, vous avez raison. Sur la simplification de la législation et l'anticipation des décisions, le plan climat et les programmations pluriannuelles permettent de répondre. Les ordonnances dans le domaine environnemental, sur lesquelles nous avons travaillé ensemble, y répondent aussi en partie. Je ne reviens pas sur la simplification de la législation, j'en ai parlé à propos des énergies non renouvelables : elle fait partie de nos pistes. Quant à la formation des acteurs, la ministre du travail, dans le cadre de son plan de compétences, aura des choses à dire prochainement sur le sujet.

Monsieur Haury, la relance du Conseil national de biodiversité a eu lieu ce matin même, votre question ne pouvait pas tomber plus à pic. Sur les agences de l'eau, je ne commenterai pas ce que le Parlement a décidé : par définition, il a toujours raison. C'est le Parlement qui a choisi de rehausser le plafond, ainsi que d'autoriser le prélèvement de 200 millions d'euros. Je vous laisserai donc voir tout cela entre vous. Je tiens juste à rappeler, puisqu'il n'est pas de bonne gestion sans se dire la vérité, que les agences de l'eau thésaurisent actuellement quelque 700 millions d'euros. Cela n'appelle pas à les montrer du doigt : en tant qu'élu local, je suis attaché à la démocratie locale et à la gouvernance de l'eau, mais nous devons regarder avant tout leurs missions et ce que nous attendons réellement d'elles. C'est un débat collectif qu'il nous faut avoir entre les députés, les sénateurs et le Gouvernement. Nous vous proposons déjà d'y répondre en partie en puisant les financements de l'Office national de la chasse et de la faune sauvage et l'Agence française pour la biodiversité dans les agences de l'eau. Nous considérons que cela va dans le bon sens.

Sur l'artificialisation – en clair : comment appliquer un nouveau principe « pollueur-payeur » – nous vous proposons d'y travailler pour le PLF pour 2019. C'est en tout cas ce que Nicolas Hulot a annoncé.

Madame De Temmerman, j'espère vous avoir répondu sur le CITE. Pour l'adaptation aux plus précaires, la prime est à l'évidence la meilleure des réponses. Et vous avez mille fois raison sur la performance énergétique des bâtiments : être sobre dans sa consommation d'énergie est une autre manière de produire de l'énergie. Le fonds chaleur est un outil au regard de la taxe carbone. Pour la lutte contre la précarité, le grand plan d'investissement prévoit d'attribuer 1,2 milliard d'euros à l'Agence nationale de l'habitat.

Monsieur Bolo, j'espère vous avoir rassuré sur la qualité de l'air. Vous parlez remarquablement bien de la digitalisation, c'est un enjeu que nous retrouverons dans les contrats de transition écologique, car il y a des enjeux locaux. Nous y travaillons avec le secrétaire d'État chargé du numérique. Nous ferions bien d'impliquer les associations d'élus, AMF, ADF, ARF, etc., dans ce débat, ne serait-ce que parce que dans tous les sujets que vous avez soulevés – domotique, distribution locale d'électricité –, ce sont souvent les syndicats d'électricité ou du gaz qui interviennent. Nous avons tout intérêt à faire un travail plus transversal et collectif.

Sur l'autoconsommation, vous avez raison de souligner les choses comme vous l'avez fait, sans pour autant dramatiser. Nous menons un atelier dans le cadre de la préparation de la programmation pluriannuelle de l'énergie, auquel nous pouvons vous associer, sur la question de l'autoconsommation, afin de placer le curseur au bon endroit. Nous savons que cette affaire est populaire, mais il faut stabiliser l'édifice.

Je vous ai par avance répondu, monsieur Blein, sur les crédits des dispositifs locaux d'accompagnement, qui sont très utiles au financement de l'économie sociale et solidaire. Il faudra en effet prévoir un budget consolidé, peut-être dès 2019, car de nombreux dispositifs éparpillés concernent l'ESS dont les crédits incombent désormais à notre ministère. En attendant, je vous l'ai dit, ces crédits sont en augmentation et répondent à une volonté résolue d'obtenir des résultats rapides ; ma collègue Brune Poirson et le haut-commissaire Christophe Itier s'en occupent.

Je ne reviens pas sur le financement à l'international, madame Gayte, mais sur l'Union européenne et le prix du carbone, vous parlez d'or : la question se pose naturellement avec nos amis allemands. De même, l'annonce de Nicolas Hulot concernant l'extinction progressive des quatre centrales à charbon doit s'inscrire dans une perspective européenne. S'agissant des accords internationaux, le veto climatique imaginé par le Gouvernement sur l'Accord économique et commercial global (CETA) apporte une première réponse très sérieuse. Quant à la recherche, elle fait également partie des sujets sur lesquels nous devons avancer le 12 décembre prochain.

Je me suis efforcé d'être concis mais, en ce début de quinquennat, le Gouvernement se doit d'être précis devant le Parlement sur tous ces sujets qui intéressent au plus haut point nos concitoyens.

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Je m'exprime au nom du groupe de La République en Marche. Avec 20 milliards d'euros d'investissements sur cinq ans, le Gouvernement déploie un Grand plan d'investissement ambitieux pour accélérer la transition écologique. Il a fait le choix de s'engager pleinement dans la voie d'un changement du modèle de développement. Afin de répondre aux défis écologiques et socio-économiques qui caractérisent notre époque, nous devons changer nos modes de vie et d'action. Il s'agit de faire advenir un nouveau modèle de société qui soit compatible avec la préservation du climat, la santé, la biodiversité et les ressources finies de notre planète.

Pour déclencher cette dynamique de changement, je reprends la formulation du rapport de M. Pisani-Ferry sur le Grand plan d'investissement 2018-2022 : l'encouragement et l'investissement public devront être suffisamment forts « pour donner le signal d'un virage irréversible vers un nouveau mode de développement et des nouveaux modes de vie ». Nous devons aussi être particulièrement attentifs à fournir un effort d'accompagnement social des ménages les plus vulnérables pour assumer les coûts de la transition écologique, sans quoi une partie des Français ne pourra pas réaliser les investissements nécessaires.

La mission « Écologie, développement et mobilité durables » du projet de loi de finances pour 2018 matérialise cet engagement avec, notamment, une hausse de 3,9 % de ces crédits répartis entre quatre grands objectifs : une politique ambitieuse pour l'énergie et le climat, l'écomobilité responsable, l'action pour la biodiversité et pour l'environnement sain, et l'accompagnement économique et social de ces mutations.

Monsieur le secrétaire d'État, quels sont les fondements scientifiques de la stratégie mise en oeuvre dans le cadre de ce plan pluriannuel et sur quels faits avérés repose-t-elle ? Quels outils autres que budgétaires utiliserez-vous pour suivre l'application de cette politique, puisqu'il s'agit de créer de nouveaux modèles ? Enfin, vous êtes-vous inspiré des politiques conduites par nos partenaires internationaux ?

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On l'attendait depuis un moment, ce budget de l'écologie de cette nouvelle législature qui, depuis quelques mois, avait fait l'objet d'une campagne de communication croissante : d'abord avec la promesse du candidat Macron qui proposait tout simplement un changement de modèle, puis avec la nomination d'un ministre de l'écologie très médiatique devenu numéro deux du Gouvernement ayant rang de ministre d'État, avec une déclaration en pleine nuit du Président de la République pour réagir au retrait américain de l'Accord de Paris, mais aussi avec le lancement de grands chantiers comme les états généraux de l'alimentation et les assises de la mobilité. Vous comprendrez donc que nous espérions beaucoup, comme en atteste la présence à cette heure tardive, une veille de jour férié, de nombreux députés qui essaient de comprendre.

Hélas, il y a loin du discours à la réalité. Certes, sur le papier, ce budget est en légère augmentation puisqu'il passe selon les périmètres de 9,9 milliards à 10,4 milliards d'euros pour 2018, mais cette progression est surtout liée à des ajustements techniques. C'est précisément ce qui déçoit.

Le périmètre, tout d'abord, est mouvant : une action nouvelle « Économie sociale et solidaire » apparaît dans le programme « Expertise, information géographique et météorologique » sans que l'on comprenne réellement pourquoi elle se trouve à cet endroit. Ensuite, une partie du financement de l'ADEME, autrefois couvert par l'affectation de la TGAP, a changé. Dans ces conditions, le groupe Les Républicains ne voit dans l'augmentation de ce budget qu'un tour de passe-passe visant à assurer le début de la mise en oeuvre des engagements du Président de la République.

Sans être négatifs, reconnaissons, chers collègues, que la ruralité est plus touchée que les autres territoires. Je sais que vous connaissez les territoires, monsieur le secrétaire d'État, que vous les appréciez et parfois même les défendez ; pourquoi ne pas trouver des solutions pour que la ruralité et les territoires urbains puissent ensemble définir une véritable stratégie écologique afin de garantir l'application de l'Accord de Paris ?

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Le groupe du Mouvement démocrate et apparentés se félicite des crédits affectés à la mission « Écologie, développement et mobilité durables » dans un contexte budgétaire contraint. Je note à la lecture de ce budget que l'impératif environnemental et l'objectif d'engager la société française dans une transition énergétique et écologique irréversible et indispensable sont bien des priorités pour le Gouvernement.

Permettez-moi néanmoins quelques observations et questions. S'agissant du programme relatif à la prévention des risques, je me réjouis que les préconisations de la Cour des comptes concernant l'ADEME aient été entendues et que l'Agence soit désormais financée par une dotation de l'État. Je constate toutefois une légère baisse des crédits consacrés à la prévention des risques naturels et hydrauliques. En septembre dernier, l'État a dû faire face à l'ouragan Irma et l'absence de prise en compte du réchauffement climatique par certains pays laisse craindre que ce type d'événements ne se reproduise. De plus, Voies navigables de France s'inquiète de cette baisse budgétaire alors qu'il a de plus en plus de mal à assurer ses missions. Pouvez-vous, monsieur le secrétaire d'État, nous apporter quelques explications supplémentaires quant à cette baisse des crédits ?

S'agissant du programme « Paysages, eau et biodiversité », la combinaison des articles 19 et 54 du PLF 2018 contribue à diminuer les ressources des agences dans des proportions que nous jugeons excessives. Le programme « Énergie, climat et après-mines » prévoit une augmentation des fonds alloués à la politique de l'énergie et à la lutte contre le changement climatique, ce que nous accueillons favorablement. Cependant, les crédits de l'action « Gestion économique et sociale de l'après-mines » diminuent. L'Assemblée nationale vient d'adopter un projet de loi mettant fin à l'exploitation d'hydrocarbures d'ici à 2040, ce qui constitue une excellente nouvelle sur le plan écologique mais risque d'avoir des conséquences sur les emplois concernés. Je regrette donc la diminution des crédits de cette action dans un tel moment, malgré toutes les explications qui nous ont été fournies.

Enfin, je me félicite de la création d'une action « Stratégie, expertise et études en matière de développement durable » et de l'augmentation des fonds alloués à l'action « Actions nationales, européennes et internationales en faveur du développement durable », qui montre que le combat contre le réchauffement climatique doit se faire de manière transfrontalière.

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Ayons l'honnêteté de constater que ce budget est ambitieux, mais il est également marqué par des faiblesses préoccupantes qu'il convient de corriger. Citons, parmi les points positifs parfaitement en phase avec les objectifs climatiques, le renforcement opportun de la fiscalité écologique, notamment l'augmentation affichée, qui est sensible, de la taxe carbone, mais aussi l'alignement progressif de la fiscalité carbone sur celle de l'essence – avec un bémol cependant puisque de grands secteurs en demeurent exemptés. Citons encore la hausse du soutien à l'électricité renouvelable, la généralisation du chèque-énergie, l'accent mis sur la prime à la reconversion des véhicules anciens et polluants et le renforcement du système de bonus-malus, la trajectoire de la taxe carbone – même si nous regrettons qu'aucune recette ne soit fléchée vers les territoires qui participent à la transition énergétique – ou encore les 110 millions d'euros alloués à l'ANAH en faveur de la rénovation thermique, sujet prioritaire.

Il demeure cependant plusieurs points très contradictoires avec les objectifs fixés et nous pouvons corriger le tir. En matière de rénovation thermique, nous espérons que les futurs débats concernant le crédit d'impôt pour la transition énergétique seront constructifs, et permettront de stabiliser ce dispositif au cours des prochaines années car, dans ce domaine, les yo-yo fiscaux sont le pire signal à envoyer aux entreprises et aux propriétaires. Faisons au moins en sorte que le dispositif mis en place l'année prochaine ne change pas l'année suivante et que les mêmes catégories soient conservées.

La question reste posée des agences de l'eau : encore une année, monsieur le bourreau ! On ne peut naturellement que souhaiter voir leurs financements complètement stabilisés, car ils représentent des moyens pour les investissements des collectivités. Le Fonds chaleur, enfin, attendu depuis des années, connaît certes une augmentation de 5 millions d'euros mais, pour parvenir à en doubler les crédits, il faudra à ce rythme au moins vingt ans ! Le groupe Les Constructifs espère que ces inégalités de traitement entre acteurs de la transition énergétique seront corrigées au cours de l'examen des amendements.

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J'avais prévu de vous présenter, au nom du groupe Nouvelle Gauche, une intervention en deux parties mais, étant donné le temps dont je dispose, je renonce à la première qui consistait à couvrir M. le secrétaire d'État de louanges pour passer directement à mes questions.

S'agissant des agences de l'eau, je me souviens, lorsque j'étais jeune parlementaire, que nos aînés nous conseillaient souvent de nous méfier des niches car on trouve souvent un chien qui guette, prêt à mordre ! Je m'interroge malgré tout au sujet des fameux plafonds « mordants » et du prélèvement sur les agences de l'eau en faveur de l'Agence française pour la biodiversité et pour l'Office national de la chasse et de la faune sauvage. Le principe est le suivant : l'eau paie l'eau. Ces agences de l'eau, qui existent depuis 1964, jouent un rôle essentiel pour que soit respectée la directive européenne sur le bon état de l'eau. Il faut donc stabiliser leurs moyens, en particulier leurs moyens d'action.

Ma deuxième question concerne les fameux territoires à énergies positives (TEPOS). On en dit beaucoup de choses et sans doute l'État a-t-il commis certaines négligences, mais j'estime qu'il est très regrettable de pénaliser les territoires, quelle que soit la taille des communes – vous êtes un élu local, monsieur le secrétaire d'État, et je sais que votre département a été exemplaire en la matière. Il faut faire en sorte que la transition énergétique se fasse dans les territoires : nous savons tous que c'est là que se trouvent les plus belles réussites et qu'il s'y trouve de véritables laboratoires des énergies renouvelables. Il faut absolument accompagner ces démarches et ne surtout pas renoncer pour des questions financières. N'attendons jamais de Bercy qu'il soit le premier acteur de la transition énergétique ; ce premier acteur, c'est vous.

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Je m'exprime au nom du groupe de la France insoumise. À mon collègue Éric Coquerel qui faisait état de nombreuses baisses de crédits, vous avez répondu par un bon mot, monsieur le secrétaire d'État, en assimilant son analyse à un touillage ; nous y reviendrons. Vous avez tout de même convenu que le ministère de la transition écologique et solidaire est le deuxième ministère le plus touché avec 1 324 équivalents temps plein perdus. Sans doute y répondrez-vous de nouveau par un bon mot en arguant qu'avec moins d'effectifs, les agents auront davantage de places dans les bureaux pour être plus efficaces et qu'ainsi, cette baisse sera une hausse et les missions seront remplies, mais j'aurais du mal à y croire. Ces diminutions d'ETP représentent une perte d'expertise pour les opérateurs, en particulier publics. Bon nombre d'entre eux sont affaiblis, comme le CEREMA, ce qui obligera à faire appel à des organismes privés pour remplir les missions dont, jusqu'à présent, ils s'acquittaient eux-mêmes.

Je voudrais également revenir sur l'ADEME – sans doute est-ce encore là une affaire de touillage, ou de rideau de fumée. La hausse de 36 % que vous évoquiez, monsieur le secrétaire d'État, est absorbée par les restes à payer d'engagements antérieurs. Le nombre de missions pouvant être assurées au cours de l'exercice à venir sera donc bel et bien en baisse, malgré cette hausse affichée. Dans ces conditions, comment les missions indispensables à la transition écologique pourront-elles être assurées malgré la perte de ces ETP et les différentes baisses de crédits que M. Coquerel a mentionnées ?

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J'interviens au nom du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.

Lors de notre visite commune à Bora-Bora, monsieur le secrétaire d'État, vous avez pu observer des projets innovants en matière d'osmose inverse pour la désalinisation solaire de l'eau de mer, par exemple. Ce type de projets est absolument nécessaire dans l'archipel des Tuamotu, qui se compose de quelque soixante-dix atolls situés à deux mètres à peine au-dessus du niveau de la mer, dont l'élévation constitue une menace permanente. Il y a quatre mois nous a été annoncée, avec beaucoup d'enthousiasme, la création de l'équivalent Fonds vert qui serait susceptible de financer des projets de cette nature. Il y a trois semaines nous a été annoncée, avec beaucoup moins d'enthousiasme, la disparition de cet équivalent Fonds vert dans le budget. Quel est votre point de vue sur ce sujet, étant donné les défis et les potentiels qui sont les nôtres ?

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Sébastien Lecornu, secrétaire d'état auprès du ministre de la transition écologique et solidaire

Malheureusement, monsieur Thiébaut, les questions climatiques se mesurent souvent – et parfois cruellement – à l'aune d'indicateurs concrets dont certains figurent dans l'Accord de Paris : ainsi la mesure du réchauffement climatique et la quantification des tonnes de CO2 évité pour mesurer la performance énergétique, par exemple. Mme Pompili vous dira que toutes les mesures de recensement de la biodiversité permettent d'établir des tendances de reproduction ou de disparition de telle ou telle espèce. Autrement dit, le volet scientifique est très important. S'il existe un domaine dans lequel l'établissement de statistiques est cartésien, c'est bien la production énergétique : dans la programmation pluriannuelle de l'énergie, la répartition entre énergie électronucléaire, énergies fossiles et énergies renouvelables ne ment pas, non plus que le rapport entre les objectifs fixés et les objectifs atteints. Votre question pourrait susciter de longues et passionnantes digressions scientifiques, mais nous devons aller à l'essentiel. Je rappelle le green deal que le ministre d'État a proposé tout à l'heure devant l'Assemblée nationale, qui doit s'appuyer tout à la fois sur des objectifs ambitieux et sur des évaluations.

Je comprends votre impatience de découvrir ce budget, monsieur Sermier ; vous en semblez déçu, ce qui ne me surprend pas outre mesure… Je vous suggère de l'examiner sous le prisme le moins politicien qui soit – je vous en sais capable, car vous êtes un député chevronné, doté de surcroît de solides qualités humaines. Un examen technique approfondi vous révélera que la TGAP ne donne lieu à aucun tout de passe-passe. Lorsque l'ADEME ne peut pas déclencher le versement des subventions dès le mois de janvier ou février parce qu'elle ne perçoit le produit de la TGAP que plus tard dans l'année, que cela lui crée des problèmes de trésorerie énormes et qui retardent les projets d'autant, il n'y a aucun tour de passe-passe : nous réintégrons la subvention de l'ADEME dans le budget de l'État, lequel récupérera le produit de la TGAP. Cela permettra à l'ADEME de fonctionner dès le 1er janvier ; c'est une mesure technique, et non politique, sur laquelle nous devrions pouvoir nous rejoindre. Il n'y a de tour de passe-passe ni politicien ni budgétaire concernant l'ADEME, bien au contraire : ses crédits augmentent réellement entre autorisations d'engagement et crédits de paiement.

De même, parler de tour de passe-passe, ce n'est pas gentil pour le chèque-énergie… Cette mesure plutôt consensuelle touche tout de même quatre millions de Français ; c'est loin d'être négligeable ! En outre, elle apporte une réponse à la ruralité, car on sait bien que la misère énergétique se concentre en grande partie en milieu rural, parce que la politique de la ville a permis des aménagements dans les quartiers et que les grands opérateurs de l'État comme l'ANAH ont déployé leurs premières délégations d'aides à la pierre dans les grandes communautés d'agglomération plus que dans les communautés de communes rurales.

Autrement dit, toutes les mesures concernant le Grand plan d'investissement, le chèque-énergie mais aussi – j'en profite pour vendre mes bébés – les contrats de transition écologique, qui s'adresseront aussi au monde rural, sont des outils importants pour la ruralité. Vous savez, monsieur le député, combien je suis vigilant sur le sujet : nous n'oublions pas les territoires ruraux dans ce budget. Certains sont prompts à donner des mauvais points au chef de l'État en l'accusant de ne pas aimer la province, mais je vous sais lucide dans vos analyses : vous verrez dans ce budget tout l'effort que nous consentons.

Mme Borne a dû vous répondre, monsieur Millienne, sur la baisse des effectifs de Voies navigables de France ; je n'empiéterai pas sur ses prérogatives. La diminution des crédits de l'après-mines, en revanche, s'explique de manière très simple : le nombre des ayants droit commence à baisser, d'où la diminution qui apparaît dans le document budgétaire.

Quant au prélèvement de 200 millions d'euros sur les agences de l'eau, dont 30 millions sont destinés à l'Agence nationale de la biodiversité et à l'Office national de la chasse et de la faune sauvage, il laisse tout de même un morceau disponible de 1,9 milliard d'euros… La question qui se pose ensuite est celle des priorités des agences de l'eau, avec leur onzième programme d'investissements. Je ne dis pas qu'il ne faudra pas ouvrir dans les années qui viennent le débat sur la hiérarchisation de leurs priorités, par exemple autour des questions liées à la gestion des milieux aquatiques et de la prévention des inondations (GEMAPI) ; j'y suis même très ouvert. Cela étant, les agences de l'eau ont une trésorerie disponible de 700 millions d'euros – et encore une fois, en tant qu'élu local, je suis très attaché à la gouvernance de l'eau telle qu'elle existe.

Je vous remercie, monsieur le député Pancher, pour votre concision et pour les différents points que vous avez abordés : la prime à la reconversion, le chèque-énergie et, surtout, la fiscalité carbone. Vous avez le courage de dire haut ce que tout le monde pense tout bas. Tous les candidats à l'élection présidentielle, sans exception, prévoyaient de faire payer le coût du carbone pour ce qu'il coûte vraiment. Certains, dans l'hémicycle ou dans les médias, critiquent l'augmentation du diesel malgré les 40 000 décès prématurés par an et, depuis l'action de M. Chirac et celle de M. Sarkozy, ceux qui appartiennent – ou appartenaient, dans mon cas, mais nous verrons – à une certaine famille politique ont toujours affirmé que l'on ne pouvait ni dire ni faire n'importe quoi ; je vous remercie donc pour votre honnêteté intellectuelle. La trajectoire carbone était quelque chose qui faisait consensus pendant la campagne électorale. Certes, les uns ne voulaient l'appliquer qu'aux transporteurs et les autres d'une manière différente, mais la décision de faire payer le carbone – qui est la seule méthode pour nous en sortir face au réchauffement climatique et préserver la santé de nos concitoyens – est malheureusement un mal par lequel il faut passer, et nous l'assumons pleinement.

Les faiblesses que vous indiquez ne sont pas fausses. Il faut en effet éviter les yo-yo fiscaux sur les crédits d'impôt. Vous me donnerez crédit d'essayer, en début de quinquennat, d'adapter courageusement ces dispositifs en privilégiant leur performance et leur efficacité. Sauf si une évaluation établissait qu'ils ne fonctionnent pas, auquel cas il ne faudrait pas s'entêter, il conviendra de les stabiliser, et j'invite le Parlement à nous y aider.

Il en va de même des agences de l'eau : nous devrons stabiliser la vision stratégique de ce qui est attendu d'elles et le fait de les faire financer l'ONCFS, l'AFB et les parcs naturels est précisément une source de stabilisation. J'en ai longuement discuté avec le président Sauvadet, dont chacun sait qu'il s'implique beaucoup sur ces questions.

Mon explication concernant le Fonds chaleur est peut-être un peu « techno », mais elle n'en est pas moins fondée sur la réalité : le Fonds chaleur est un fonds de compensation qui vise à rendre un investissement compétitif. Il ne faut pas regarder cette ligne budgétaire isolément car elle n'est pas absolue mais relative, dans la mesure où la trajectoire carbone modifie les paliers de déclenchement de compétitivité des investissements. Certes, en valeur absolue, l'augmentation n'est que de 5 millions d'euros, mais l'augmentation du nombre ou de la dimension des projets de l'ADEME concernant le Fonds chaleur sera autrement plus importante. C'est l'effet positif de la hausse de la fiscalité carbone. On peut jouer sur deux outils pour rendre les choses compétitives : la valeur de référence et la variation du niveau de déclenchement de la compétitivité. Sans trahir de secrets, le projet de loi de finances rectificative présentera un solde positif du compte d'affectation spéciale « Transition énergétique » non pas parce qu'il a été sous-consommé par rapport aux objectifs initiaux, mais parce que le prix de l'électricité est suffisamment élevé pour garantir une trajectoire positive. Je vois M. Coquerel se moquer de mes mouvements de mains, mais j'essaie de faire preuve d'autant de pédagogie que possible sur ces sujets très techniques…

Je suis navré d'avoir dû me passer de vos louanges, monsieur Bouillon, et je ne pourrai user de la prérogative qu'ont les membres du Gouvernement de parler sans limite pour vous les retourner de crainte de fâcher définitivement nos présidentes. Le débat sur les plafonds « mordants » a déjà eu lieu dans l'hémicycle il y a une dizaine de jours. Un choix a été fait et nous verrons comment il évolue au Sénat – à cet égard, j'invite les présidents de commissions des deux chambres à en parler ensemble. L'enjeu majeur est celui de la stabilisation.

L'appel à projets concernant les territoires à énergie positive (TEPOS) et les territoires à énergie positive pour la croissance verte (TEPCV), auquel s'ajoutent quelques autres outils proposés aux collectivités territoriales, porte au total l'engagement de l'État à 700 millions d'euros environ. J'ai la faiblesse de penser que cet engagement est assis sur une base légale et, en tant qu'élu local, j'aime que l'État tienne parole. Je serais donc malhonnête en vous disant que je change d'avis. Cela étant, la ministre Ségolène Royal a visiblement – et même certainement – engagé plus de dépenses qu'elle n'avait argent ; c'est un fait, qui repose le problème de la sincérité budgétaire. L'écart est tout de même conséquent : il manque 350 millions d'euros – c'est une somme, même si cela n'a rien à voir avec les 10 milliards des taxes sur les dividendes. Comme nous sommes attachés au respect de la parole de l'État, il n'est pas question d'abandonner les collectivités territoriales en rase campagne ; je ne le souhaite pas davantage que Nicolas Hulot ou le Premier ministre. Nous avons donc interrogé les préfets par une circulaire du ministre d'État afin d'examiner le niveau d'avancement de l'ensemble des projets, non seulement pour des raisons d'annualité budgétaire, mais aussi – je le sais par mon expérience d'élu local – parce que tous les projets n'en sont pas au même stade d'avancement. Certains ont même été abandonnés – j'ai un ou deux exemples en tête en Normandie – parce que les appels à projets créent des effets d'aubaine et des appels d'air auxquels les élus locaux répondent parfois, mais aussi en raison de décisions budgétaires locales, de problèmes d'ingénierie territoriale, les collectivités étant ce qu'elles sont, ou de modifications des périmètres des intercommunalités. Ce problème n'a d'ailleurs pas été assez anticipé : certains projets engagés par des EPCI en maîtrise d'ouvrage propre ont été abandonnés ou mis de côté en raison des fusions résultant de la loi NOTRe. Pour l'heure, nous en sommes à faire un mapping, une photographie de la situation pour savoir où nous en sommes, et nous employons à trouver avec Bercy la solution la plus sincère possible. Je vous réponds avec beaucoup de spontanéité : l'État n'a aucune intention de manquer à sa parole, mais les projets doivent être réalisés avec de l'argent réel et, pour ce faire, ils doivent rencontrer les financements disponibles.

Monsieur le député Prud'homme, quand je parlais de « touiller », il y avait aucune intention irrespectueuse à l'adresse de M. Coquerel ; mais si vous l'avez mal pris, je m'en excuse. Cela étant, les autorisations d'engagement ne sont pas les crédits de paiement, c'est la base de la réalité budgétaire « lolfique ». Je ne peux pas vous laisser dire, même si vous m'êtes sympathique, que les budgets de l'ADEME ou du fonds chaleur diminuent, ni que les moyens sur la sûreté nucléaire diminuent : rien de tout cela n'est vrai.

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Sébastien Lecornu, secrétaire d'état auprès du ministre de la transition écologique et solidaire

C'est pourtant bien ce que j'ai cru entendre, et je m'excuse si j'ai mal compris, mais je crois que nous sommes nombreux à avoir entendu la même chose.

Pour ce qui est de la diminution de 1 300 ETP dans le budget du ministère de l'écologie, je vous répète ce que j'ai déjà dit à M. Coquerel, à savoir que nous avons un effort important à accomplir pour rétablir les finances publiques. Je sais que les députés de votre groupe sont en désaccord avec la politique menée par le Gouvernement – il ne s'agit pas que des orientations de mon ministère – et je n'espérais pas spécialement vous convaincre ce soir. Je vous dirai tout de même que, dans le cadre d'un dialogue social performant et mature – je l'ai fait en tant que président de département et maire –, on peut arriver à maintenir un niveau de service public tout aussi exigeant avec moins de personnel, à la condition essentielle d'avoir la volonté de transformer l'action publique.

Si, de ce point de vue, vous et moi n'attendons peut-être pas la même chose de l'État, le fait est que la nouvelle majorité a la ferme intention de bâtir un État moderne. En tout état de cause, un État endetté n'est pas un État moderne et, pour remédier à la situation actuelle, il faut bien trouver des solutions. N'ayant pas l'intention de me défiler, je vais vous donner un exemple, celui du CEREMA, un outil dont la vocation initiale était de fournir aux collectivités territoriales une ingénierie qu'elles ne développent pas elles-mêmes, car elles n'y ont pas forcément d'intérêt. Ce n'est pas faire offense aux personnels du CEREMA, que je connais bien et qui sont des gens formidables, compétents, engagés, et faisant l'honneur du service public, que de dire qu'à l'heure actuelle, cet établissement fonctionne presque exclusivement pour le compte de l'État – à environ 95 %, me semble-t-il – et donc pratiquement plus pour les collectivités territoriales, ce qui donne l'impression d'une décentralisation un peu ratée. Il y a des explications très techniques à cela, notamment la capacité à établir la tarification, etc. Mais le CEREMA ne doit pas pour autant devenir un sujet de politique politicienne : c'est avant tout un beau sujet technique.

Pour ma part, si je crois à la capacité du centre à fournir de l'ingénierie aux collectivités territoriales, j'estime qu'il est temps que nous établissions un vrai plan stratégique pour le CEREMA à cinq, dix ou quinze ans, plutôt que de continuer à le gérer par tâtonnements et à court terme, comme on l'a fait jusqu'à présent. Compte tenu de la manière dont les choses ont été faites, il ne faut pas s'étonner que le CEREMA ne joue pas le rôle que le Gouvernement et le législateur avaient prévu de lui confier et que l'on se retrouve aux prises les difficultés persistantes, notamment en termes d'insuffisance de ressources. Il va donc falloir travailler sur le sujet, car nombre de territoires ont un grand besoin d'ingénierie, notamment les territoires d'outre-mer, comme cela a été dit le week-end dernier en Guyane par la ministre des outre-mer. Je suis convaincu que nous parviendrons à imaginer une nouvelle solution : en leur temps, les collectivités locales ont bien su inventer les entreprises publiques locales (EPL) pour répondre à une problématique similaire – il serait intéressant de savoir ce qu'en pense M. Sermier, le nouveau président de la fédération des EPL.

Monsieur Brotherson, vous avez entendu le frémissement dans la salle lorsque vous avez évoqué notre visite commune à Bora… J'étais le seul membre de la délégation à porter un costume et une cravate lors de la visite, très sérieuse, de la station d'épuration et de la déchetterie de l'île, une visite très importante car il ne saurait y avoir une économie touristique performante sans le maintien d'un niveau d'exigence environnementale très élevée : la moindre pollution dans le lagon créerait une rupture immédiate du modèle économique tel qu'il a été imaginé. Grâce à ses élus et à ses chefs d'entreprise, la Polynésie française a réussi à développer des modèles d'écoresponsabilité qui lui sont propres, et revêtent aujourd'hui une extrême importance. Différentes ressources ont permis le développement de ces modèles, notamment le Fonds chaleur – qui permet aussi de faire du froid – sollicité pour le dispositif de dessalement dont vous parlez, mais aussi le fonds vert.

En ce qui concerne ce dernier, je vais m'efforcer d'être très précis, car les parlementaires et des élus locaux ultramarins qui m'ont contacté aujourd'hui attendent des réponses claires de la part du Gouvernement. D'origine onusienne, le fonds vert était initialement destiné aux pays en voie de développement et ne devait pas concerner les outre-mer. L'État a donc décidé de créer un outil ad hoc, le fonds vert pour le Pacifique. Aujourd'hui, le Gouvernement souhaite réformer ce fonds, ce qui va entraîner sa disparition du PLF pour l'année prochaine – étant précisé que cela ne remet nullement en cause les projets déjà engagés, qui ne feront pas l'objet d'annulations de crédits. Pour ce qui est de la réforme proprement dite, elle se justifie par le fait que le fonds vert pourrait être amélioré sur deux points.

Premièrement, il ne concerne que les collectivités du Pacifique : Nouvelle-Calédonie et Polynésie française. Nous sommes arrivés à la conclusion qu'il fallait le rendre universel, utilisable dans l'ensemble des outre-mer français : cela s'appelle l'égalité réelle, principe auquel je vous sais attaché, monsieur le député. Deuxièmement, le fonds vert n'est pour l'heure qu'un système de prêts bonifié ; on doit pouvoir faire mieux. C'est la raison pour laquelle nous souhaitons faire monter à bord, en plus de l'Agence française de développement (AFD), la Caisse des dépôts et consignations, mais aussi les collectivités territoriales, en l'occurrence le gouvernement de la Polynésie française, et le budget du ministère. L'idée est de parvenir à mettre en place un fonds vert nouvelle version pour 2019. J'insiste sur ce point : il ne s'agit en aucun cas de supprimer le fonds vert et de dire « Circulez, il n'y a rien à voir », mais de le transformer, ce qui va nécessiter six mois de travail.

Les assises des outre-mer nous y aideront, puisqu'un des ateliers sera consacré au financement de la transition écologique dans les territoires ultramarins – et si vous souhaitez vous associer à la réflexion qui va être menée sur ce point, je suis à votre disposition, car je sais que ce dossier revêt une importance toute particulière pour vous.

Dernier argument : le système de prêts bonifiés n'était pas d'un emploi particulièrement souple, j'en veux pour preuve que seulement deux tiers des crédits du fonds vertu ont été consommés cette année… Voilà pourquoi nous avons souhaité faire évoluer ce dispositif dès le début du quinquennat.

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Monsieur le secrétaire d'État, nous avons déjà beaucoup parlé du fonds chaleur, ce qui n'a rien d'étonnant : c'est grâce à ce fonds que la France réussira à tenir ses engagements en matière de développement des énergies renouvelables. Vous avez insisté sur votre volonté de faire preuve de sincérité budgétaire, une sincérité qui a un peu fait défaut au cours des dernières années ; mais force est de constater que nous sommes encore loin du doublement du Fonds chaleur auquel Emmanuel Macron s'est engagé expressément – la fiscalité carbone étant déjà prévue par ailleurs.

J'estime que nous devons avoir des assurances sur le doublement du Fonds chaleur, ce qui peut se traduire par une programmation sur les cinq ans à venir, en définissant précisément le rythme de développement annuel attendu et en jouant sur les différents leviers – fonds chaleur, fiscalité.

Nous présenterons tout à l'heure un amendement visant à donner en 2018 un coup de pouce de 20 millions d'euros au fonds chaleur, afin de montrer que nous avançons dans la bonne direction. Cependant, comme vous le savez, les parlementaires sont un peu limités dans leurs mouvements, puisque pour donner à un programme, ils doivent prendre à un autre. J'aimerais donc savoir si, d'une part, vous êtes disposé à améliorer la visibilité pour les cinq ans à venir, et si, d'autre part, vous pourriez prendre l'engagement, s'il y a un peu de marge sur d'autres programmes – vous avez cité tout à l'heure le compte d'affectation spéciale « Transition écologique » – d'envisager un renforcement des moyens du Fonds chaleur dès 2018.

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Monsieur le secrétaire d'État, je m'insurge contre le changement des règles en cours de jeu au sujet de la gestion du dispositif de territoire à énergie positive pour la croissance verte (TEPCV) ; votre réponse, qui consiste à vous défausser sur la ministre précédente, Ségolène Royal, ne m'a pas convaincu.

Le programme TEPCV a été un formidable accélérateur de projets en faveur de la transition énergétique, et que l'État s'était engagé à hauteur de 1,7 million d'euros pour notre territoire de 250 000 habitants. Or les circulaires adressées par le ministère aux préfets les 26 septembre et 10 octobre derniers sont non seulement inquiétantes pour les collectivités, mais aussi contraires au principe de continuité de l'action publique. Les arguties juridiques qui y sont développées ne sont pas recevables, et ne font pas honneur à l'engagement de l'État.

Lors des questions d'actualité, le ministre d'État Nicolas Hulot a dit : « Nous faisons face à une seule alternative : la résignation ou l'ambition ». Si 750 millions d'euros étaient prévus au niveau national, il en manque aujourd'hui 350 en crédits de paiement, comme vous l'avez dit tout à l'heure : nous sommes bien loin de l'ambition de la France au moment de la COP21 ! Place donc à la résignation, synonyme de régression – et consistant toujours à tirer vers le bas, pour reprendre les mots ajoutés cet après-midi par le ministre d'État. C'est très bien de vous faire prendre en photo avec les préfets, monsieur le secrétaire d'État, mais allez-vous rétablir les crédits de paiement en faveur des collectivités qui se sont réellement engagées dans le dispositif TEPCV ?

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Monsieur le secrétaire d'État, en tant que rapporteur du budget du transport maritime pour la commission du développement durable, je souhaite relayer auprès de vous deux questions qui se posent actuellement au monde maritime.

Premièrement, la loi du 20 juin 2016 pour l'économie bleue a interdit le rejet en mer des sédiments et des résidus de dragage pollués à partir de 2025, et prévu la mise en place d'une filière de traitement de ces matières. Pourriez-vous nous indiquer où en est la mise en oeuvre de cette mesure. Des travaux ont-ils été engagés pour développer la filière de traitement ?

Ma deuxième question porte sur la mise en place de la filière à responsabilité élargie du producteur (REP) pour les navires de plaisance. La loi du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte a prévu qu'une filière REP pour les navires de plaisance devait être mise en place à partir du 1er janvier 2017, mais la loi pour l'économie bleue a décalé l'entrée en vigueur de cette mesure au 1er janvier 2018. Le dispositif réglementaire a été complété par un décret du 23 décembre 2016 et un arrêté du 5 mai 2017. Aujourd'hui, tout semble prêt ; pourriez-vous nous présenter cette filière et nous confirmer qu'elle sera en mesure de fonctionner à partir du 1er janvier 2018 ?

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Monsieur le secrétaire d'État, comme vous, je suis particulièrement attaché à nos territoires ruraux, mais aussi à nos outre-mer, qui participent à la richesse et au rayonnement de la France. L'électrification et la production d'énergie locale y constituent un véritable enjeu.

De ce fait, l'amélioration de la qualité de l'électricité sur les réseaux publics de distribution est à prendre en compte. De plus, certaines communes, accompagnées notamment par des sociétés coopératives d'intérêt collectif, s'organisent pour produire localement une énergie renouvelable. C'est le cas dans ma circonscription, sur la commune de Velaux, où une centrale hydroélectrique est en cours de réhabilitation. Le compte d'affectation spéciale « Financement des aides aux collectivités pour l'électrification rurale », et en particulier les programmes 793 et 794, ont vocation à répondre à ces enjeux.

Monsieur le secrétaire d'État, pourriez-vous nous exposer les moyens alloués à ces programmes et l'ambition du Gouvernement en la matière ?

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M. le secrétaire d'État a déjà répondu à ma question qui portait sur la gouvernance des agences de l'eau, et sur la méthode à mettre en oeuvre pour que la jeune agence de biodiversité ne se fasse pas manger par l'hydre à six têtes. Nous avons ainsi gagné au moins quatre minutes !

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Monsieur le secrétaire d'État, lors de la 17e conférence des villes, qui s'est tenue le 20 septembre dernier, vous avez fait part de votre volonté de bâtir, à l'aide des contrats de transition écologique, de vrais partenariats avec les collectivités territoriales. Comme vous le savez, au sein de ma circonscription, nous avons d'ores et déjà engagé une réflexion autour de la reconversion vers la croissance verte d'une ancienne centrale thermique. Cette transition nécessite cependant une coordination entre les différents acteurs institutionnels et économiques ; si un cap a déjà été fixé en direction des cleantech, le chemin est encore long, ce qui explique l'importance que j'accorde à ces contrats de transition écologique. Monsieur le secrétaire d'État, pouvez-vous me dire comment l'État sera partenaire des territoires en transition ?

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Après tant d'années passées à voir les budgets de l'écologie et de l'ADEME diminuer, j'éprouve une grande satisfaction devant le budget en hausse que vous nous présentez, monsieur le secrétaire d'État – je vois que notre collègue Sermier ne semble pas tout à fait d'accord avec moi, mais je suis persuadé que si le candidat qu'il soutenait avait remporté l'élection présidentielle, nous en serions très loin… Et il n'y a pas que le budget de l'écologie : on pouvait se demander si la trajectoire carbone, décidée lors du quinquennat précédent, serait maintenue par ce Président ; or il se trouve que non seulement elle a été maintenue, mais son rythme a été accéléré, ce qui est remarquable, car c'est le levier le plus puissant pour faire la transition écologique.

Après ces félicitations, j'aurai deux questions à vous poser. Premièrement, au sujet de la taxe générale sur les activités polluantes (TGAP), vous nous dites que nous n'étions pas prêts cette année. Une réflexion globale, de l'amont à l'aval des déchets, doit donc être menée sur ce qui constitue le sujet le plus visible et le plus pédagogique de l'économie circulaire. En aval, la question des déchets qui arrivent sur les sites d'enfouissement concerne les collectivités, mais aussi les contribuables, puisqu'ils payent une taxe sur l'élimination ; il en est de même de la TVA à taux réduit pour favoriser le tri et la valorisation des déchets. En amont, la création d'une taxe sur les produits qui ne se recyclent pas – la TGAP amont – et celle d'une redevance incitative au poids ou au volume, viennent s'ajouter aux questions à inclure dans la réflexion globale qu'il convient de mener sans trop tarder, afin de trouver un équilibre entre les quatre mesures fiscales que je viens d'évoquer.

Ma deuxième question, déjà évoquée par plusieurs de mes collègues, se rapporte au sujet sensible de la dynamique des territoires. Pour ma part, je considère que la transition énergétique ne pourra pas se faire sans la dynamique des territoires et la mobilisation des élus. Dans ma ville comme dans d'autres, on a vu dans les années 2000 le projet Cit'ergie émerger et créer une dynamique transversale sur tous les items de la transition écologique. Peu à peu, le concept de territoire à énergie positive (TEPOS), puis celui de territoire à énergie positive pour la croissance verte (TEPCV) se sont imposés de manière transversale dans des territoires ruraux jusqu'alors assez éloignés de ces questions. Prenons garde à ne pas trop recentraliser le traitement de ces thématiques en les confiant uniquement à l'ADEME, par exemple, au risque de perdre le bénéfice d'une vision globale. Peut-être ne faut-il pas mettre 700 millions par an dans ces dispositifs à caractère transversal, mais il ne faut pour autant les supprimer complètement : je pense qu'avec la contribution climat énergie et la part du plan d'investissement de 57 milliards d'euros réservée à la transition énergétique d'investissement, on doit pouvoir mettre 200 à 300 millions d'euros par an sur les territoires pour faire cette transition.

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Pour ceux de nos collègues qui ne connaissent pas bien la Polynésie, je rappelle que son axe Nord-Sud – de Nuku Hiva à Rapa – correspond à la distance entre Stockholm et Palerme et que son axe Est-Ouest – de Mangareva à Rimatara – à la distance entre Bucarest et Barcelone. Nous n'avons pas le don d'ubiquité, et nos moyens actuels de surveillance ne permettent pas d'assurer les missions régaliennes de l'État sur un territoire de 5 millions de kilomètres carrés. Cela a un impact sur l'environnement car il ne sert à rien de mettre en place des aires marines protégées et des politiques de pêche durable si l'on ne peut pas surveiller cette zone économique exclusive (ZEE).

Monsieur le secrétaire d'État, nous confirmez-vous ce que nous a dit cet après-midi la ministre des outre-mer, à savoir qu'il allait être mis en place un groupe de travail interministériel afin de réfléchir à l'attribution de vrais moyens pour exercer cette compétence régalienne ?

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Monsieur le secrétaire d'État, je souhaite vous faire part de quelques observations sur la prime à la conversion des véhicules. Si je comprends parfaitement que le nouveau dispositif 2018 fasse l'objet d'une prochaine présentation par voie réglementaire, je regrette qu'il n'y ait pas eu au sein du Parlement un débat de fond sur les orientations du Gouvernement en la matière, ce qui aurait été pour la représentation nationale l'occasion de proposer d'autres pistes de réflexion. Si je comprends la volonté de diminuer le nombre de moteurs diesel en raison des préoccupations que nous partageons tous sur la pollution de l'air, je ne comprends pas pourquoi vous permettez que la prime à la reconversion puisse servir à l'achat d'un modèle d'occasion doté d'une vignette Crit'Air 2 qui inclut les véhicules diesel de norme Euro 5 et 6 : pourquoi ne pas réserver l'attribution de la prime aux seuls Crit'Air 0 et 1, qui excluent les véhicules diesel ?

Ma deuxième question porte sur les véhicules hybrides. Alors qu'il est actuellement prévu une prime de 2 500 euros pour l'achat d'un véhicule hybride rechargeable essence, le nouveau dispositif consiste en une prime de 1 000 euros pour l'achat d'un véhicule hybride rechargeable essence ou diesel : pourquoi réintroduit-on le diesel ? À mon sens, une telle décision va surtout avoir pour conséquence de favoriser le maintien des véhicules diesel dans les territoires ruraux, encore insuffisamment équipés en dispositifs de recharge électrique. Pour favoriser le développement des véhicules électriques dans les territoires ruraux, je pense qu'il serait plus judicieux d'exclure le Crit'Air 2 et de flécher le dispositif vers les hybrides essences, en maintenant la prime à son montant actuel de 2 500 euros : le calcul serait « iso-constant », comme on dit, et on mettrait un peu de véhicules électriques dans les territoires ruraux.

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Sébastien Lecornu, secrétaire d'état auprès du ministre de la transition écologique et solidaire

Monsieur Orphelin, vous avez bien raison de défendre le programme présidentiel : le fonds chaleur, très attendu et populaire, est l'un des meilleurs outils dont nous disposions pour atteindre nos objectifs en matière d'ENR. Ses crédits vont augmenter, comme je vous l'ai dit, pour être portés à 720 millions d'euros sur cinq ans dans le cadre du grand plan d'investissement.

L'une des difficultés auxquelles nous avons dû faire face a consisté à mettre au point le fonds air mobilité, cher à Nicolas Hulot, qui a annoncé sa création dans le cadre de son récent déplacement dans la vallée de l'Arve. Ce fonds est destiné à permettre aux collectivités territoriales de se doter, elles aussi, d'outils d'informations ou d'outils plus opérationnels sur la pollution de l'air, grâce à des crédits d'un montant significatif provenant de l'ADEME. Si je pense qu'on peut s'engager sur le fait que l'ADEME interviendra plus souvent au titre du fonds chaleur, augmenter ce fonds de 20 millions d'euros dès 2018, comme vous le proposez, je vous dis très clairement qu'au regard de la situation des finances publiques, je ne sais pas le faire – c'est d'ailleurs l'une des raisons pour lesquelles je mise également beaucoup sur la trajectoire carbone, qui permettra un effet de levier. En revanche, je m'engage, aux côtés de Nicolas Hulot, à ce que la promesse du Président de la République soit honorée pendant le quinquennat.

Monsieur Reiss, j'ai cru comprendre en vous écoutant que votre circonscription présentait une situation particulière, que je suis disposé à examiner. Si je conçois que cette situation puisse provoquer chez vous une certaine colère – je suis moi-même un élu local –, il ne faudrait tout de même pas qu'elle vous conduise à dire n'importe quoi. En tout état de cause, vous devriez mettre vos fiches à jour, car contrairement à ce que vous affirmez, je ne me suis jamais fait prendre en photo avec un préfet depuis mon entrée en fonction à la fin du mois de juin.

Par ailleurs, vous savez certainement que je n'étais pas spécialement proche du gouvernement précédent et de Mme Royal, ce qui explique que je tienne à ce que chacun assume ses responsabilités.

Enfin, vous qui votez la loi, monsieur le député, vous devriez savoir que ce que vous qualifiez d'arguties juridiques sont en fait des éléments pouvant servir de base légale aux engagements budgétaires, dont la somme ne constitue rien de moins que la loi de finances….Vous pouvez toujours essayer de tourner cela en dérision en considérant que votre projet local est la seule chose qui importe, ce que je pourrais éventuellement comprendre ; mais de votre côté, admettez que lorsqu'il manque 350 millions d'euros, on ne les trouve pas sous le sabot d'un cheval ! Je vous invite à relire le programme de M. Fillon, qui prônait des mesures beaucoup plus radicales en matière de dépenses publiques, puisque la première version prévoyait d'imposer près de 20 milliards d'économies aux collectivités territoriales : avec lui, je vous prie de croire que la TEPCV n'aurait certainement pas atteint le montant que nous avons retenu !

Je vous ai parlé tout à l'heure avec beaucoup de sincérité, en vous expliquant de bonnes fois que nous faisions tout pour trouver une solution techniquement viable et juridiquement sûre, et je suis un peu déçu de constater que vous adoptez un ton polémique sur cette question. Oui, nous avons demandé aux préfets de procéder à une revue générale des projets pour voir où nous en sommes ; il n'y a rien d'insultant à cela, monsieur le député. Vous-même devez avoir, dans votre département, des territoires beaucoup plus en avance que d'autres sur le projet, et vous n'ignorez pas, en tant que parlementaire, qu'il est important de savoir à quel moment déclencher les crédits de paiement. Cela dit, j'ai toujours eu beaucoup de respect pour les élus qui prennent la défense de leur territoire et, si votre circonscription présente un cas particulier, je m'engage, comme je l'ai fait tout à l'heure pour M. Bouillon, à l'examiner avec la plus grande attention – et j'aurai grand plaisir à venir ensuite faire une photo non pas avec le préfet, mais avec vous, monsieur le député, en espérant que vous n'y verrez pas malice.

M. Pahun m'a posé deux questions importantes, auxquelles j'aurai du mal à répondre complètement dans le temps dont je dispose. Les filières de traitement des déchets constituent un sujet extrêmement complexe ; des discussions sont en cours, même si elles viennent de s'interrompre de manière un peu brutale. J'avoue repas être le plus qualifié pour vous parler de ces filières, et je vous invite à vous rapprocher de mon cabinet pour obtenir des précisions sur ce point.

En ce qui concerne la filière REP, s'il vous est proposé, dans le cadre du PLF 2018, de reporter sa date d'application au 1er janvier 2019, c'est tout simplement parce qu'aucun éco-organisme n'a répondu à notre appel à candidatures. Je me doute que cette réponse ne vous satisfait pas pleinement ; je sais que vous êtes élu d'une région particulièrement concernée, mais j'espère que vous comprendrez que nous sommes confrontés à une contrainte technique à laquelle nous ne pouvons rien et que le délai initial était un peu trop court.

Monsieur Cellier, je vous remercie de votre question au sujet des contrats de transition écologique, qui me donnera l'occasion de répondre également aux interrogations d'Éric Alauzet sur les rapports entre transition écologique et dynamique territoriale.

Le financement de ces contrats aura plusieurs sources.

Il s'agira tout d'abord de crédits d'État : les territoires ayant signé un contrat auront un droit de tirage prioritaire auprès des agences de l'eau, de l'AFB, de l'ADEME. À cela s'ajouteront les crédits à la main des préfets comme la dotation de soutien à l'investissement public local (DSIL) ou la dotation d'équipement des territoires ruraux (DTER) et, pour les préfets de région et les secrétaires généraux pour les affaires régionales (SGAR), les crédits du fonds national d'aménagement et de développement du territoire (FNADT) dont il est possible de verdir les critères d'éligibilité pour orienter le droit commun de manière opérationnelle. À cela s'ajoute le grand plan d'investissement.

Mais tout n'est pas que subventions : il y aura aussi les financements de la Caisse des dépôts qui peuvent avoir leur utilité quand le besoin de trésorerie se fait sentir. Certes, l'argent ne coûte pas cher en ce moment et les produits de la Caisse peuvent paraître moins intéressants qu'ils ne l'étaient il y a quelques années mais nous ne sommes pas à l'abri d'une hausse des taux d'intérêt.

Enfin, il y aura les prêts bonifiés du fonds vert.

Ces contrats de transition seront alimentés non seulement par de l'argent public mais aussi, fait nouveau, par de l'argent privé. La transition écologique doit créer de l'emploi et de la richesse. À cet égard, il est important que des partenaires du monde économique participent à son financement. La présidente de la commission du développement durable m'a convoqué pour parler de cette question pendant des heures et des heures.

Permalien
Sébastien Lecornu, secrétaire d'état auprès du ministre de la transition écologique et solidaire

Nous verrons, après la réforme de la formation professionnelle, quels crédits pourront être alloués au titre du volet relatif aux compétences et à la formation : greentech, cleantech, les mots-clés ont été prononcés tout à l'heure.

Monsieur Alauzet, je vous ai répondu à propos de la dynamique territoriale. S'agissant de la TGAP, je suis persuadé que cela ne fonctionnera que si l'on fait de la concertation. Les collectivités territoriales se posent déjà beaucoup de questions dans le cadre de la Conférence nationale des territoires. Si nous allons voir les syndicats de traitement des ordures ménagères de manière autoritaire en leur disant que c'est comme ça et pas autrement, nous nous heurterons à un mur. Cette transition, il faut la faire de manière douce, en réussissant l'adaptation de notre fiscalité. C'est tout le sens du travail d'élaboration de la feuille de route sur l'économie circulaire que mène Bruno Poirson.

Cela m'amène à vous dire un mot encourageant : bien évidemment, en matière de recyclage, il faut mener une réflexion sur la TVA – voyez comme cette manière diplomatique de vous répondre témoigne de ma bienveillance à l'égard de votre idée…

Monsieur Brotherson, la question de l'action de l'État en mer est cardinale dans les outre-mer, particulièrement en Polynésie pour les raisons d'échelle que vous avez indiquées. C'est vrai aussi de Wallis-et-Futuna où, à la différence de la Polynésie française ou de la Nouvelle-Calédonie, nos forces armées ne stationnent pas de façon permanente. Cela vaut aussi en Guyane, mais pour d'autres raisons. Un groupe interministériel réunissant ministère des outre-mer, ministère de la transition écologique et solidaire et ministère des armées va se réunir pour traiter de cette question qui redevient d'actualité. Lors de mon voyage à Wallis et à Futuna, j'ai pu avec le haut-commissaire de la République en Nouvelle-Calédonie Thierry Lataste mettre en place une série de missions qui s'étalent d'octobre à décembre. Nous devrons procéder de la même manière en Polynésie française. Tout cela pose la question de la mise en place de moyens modernes, notamment les drones, évoqués par le Président de la République en Guyane.

Monsieur Millienne, votre question est pertinente car elle touche à un grand débat qui anime vos collègues. D'un côté, il y a ceux qui affirment que le dispositif est trop exigeant et que la ruralité est oubliée ; de l'autre, il y a ceux qui dénoncent la faible efficacité des primes à la conversion et qui désirent aller plus loin. Reste à trouver le pont d'équilibre. La grande nouveauté, ne l'oublions pas, c'est la généralisation de ces primes aux véhicules d'occasion, ce qui permettra à nos concitoyens d'acheter les véhicules le moins cher possible ; or les nouveaux véhicules diesels entrent parfois dans cette cible.

Par ailleurs, je vous renvoie au rapport que Delphine Batho a consacré à la question : l'évolution du parc diesel entraînera des évolutions dans le tissu industriel. Je le dis à l'attention des membres de la commission économique, car il y a là des sujets intéressants de prospective. Les contrats de transition écologique participeront aussi de cette évolution.

Tous ces outils sont des outils vivants. Sur nombre de politiques publiques, j'appelle tout comme vous à la stabilité ; mais là, dans la mesure où il est question d'aider à une transition économique, il s'agit d'accompagner un comportement culturel ou un comportement de consommateur. Du coup, il faut chaque année revoir les critères. Ainsi en est-il du bonus-malus : le seuil du malus est fixé pour 2018 à 120 grammes de dioxyde de carbone par kilomètre parcouru là où il était de 127 grammes en 2017. Ces outils-là sont faits pour bouger. Ce qui compte – et je vous parle avec beaucoup de franchise et de spontanéité –, c'est qu'ils deviennent véritablement populaires, que le grand public s'empare vraiment. Osons dire la vérité : les primes à la conversion et les primes à la casse ont eu du succès, mais elles ne sont pas encore suffisamment universelles et populaires. Nous sommes allés visiter ensemble, dans votre circonscription, le site de fabrication de Renault-Flins où est produite la nouvelle Zoé : on voit bien que ces transitions doivent se faire par étapes. C'est tout l'objet des trajectoires que nous souhaitons proposer. Et s'il faut faire évoluer le point d'équilibre, le Gouvernement, comme toujours, sera à l'écoute du Parlement.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Monsieur le secrétaire d'État, nous vous remercions.

La réunion de la commission élargie s'achève à minuit heures cinq.

Le Directeur du service des comptes rendus des commissions,

Nicolas VÉRON© Assemblée nationale