Commission spéciale chargée d'examiner le projet de loi relatif à la bioéthique

Réunion du mardi 10 septembre 2019 à 16h00

Résumé de la réunion

Les mots clés de cette réunion

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La réunion

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Mardi 10 septembre 2019

La séance est ouverte à seize heures trente.

Présidence de Mme Agnès Firmin Le Bodo, présidente

La commission spéciale procède à l'examen des articles du projet de loi relatif à la bioéthique (n° 2187) (M. Jean-Louis Touraine, rapporteur des articles 1 et 2, Mme Coralie Dubost, rapporteure des articles 3 et 4, M. Hervé Saulignac, rapporteur du titre II, M. Philippe Berta, rapporteur des titres III et IV, M. Jean-François Eliaou, rapporteur du titre V, et Mme Laetitia Romeiro Dias, rapporteure des titres VI et VII)

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Mes chers collègues, je vous propose que nous démarrions l'examen du projet de loi. Je remercie Mmes les ministres d'être présentes pour nous accompagner dans cet examen.

TITRE PREMIER

ÉLARGIR L'ACCÈS AUX TECHNOLOGIES DISPONIBLES SANS S'AFFRANCHIR DE NOS PRINCIPES ÉTHIQUES

Permettre aux personnes d'exercer un choix éclairé en matière de procréation dans un cadre maîtrisé

Avant l'article 1er

La commission examine l'amendement n° 1184 de Mme Marie-France Lorho.

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Avis défavorable. Une décision prise après que des informations complètes ont été fournies représente un « choix éclairé ». Je suis donc opposé à la suppression du mot « éclairé » dans l'intitulé du chapitre premier.

La commission rejette l'amendement.

Article 1er : Élargissement de l'AMP aux couples de femmes et aux femmes seules

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Nous allons commencer par une série d'amendements identiques, qui tendent à supprimer l'article 1er. Le nouveau règlement de l'Assemblée, que nous avons adopté, prévoit que lorsque plusieurs membres d'un même groupe présentent des amendements identiques, la parole est donnée à un seul orateur de ce groupe.

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Les députés du groupe LR ont déposé onze amendements identiques. Néanmoins, soucieuse de continuer à garantir des débats apaisés et de laisser chacun et chacune s'exprimer, je me propose de donner la parole à cinq de ses orateurs.

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Madame la présidente, avant que nous passions à la défense des amendements, sur quel article de notre règlement fondez-vous cette décision ?

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Madame la présidente, vous aurez noté que l'avis du Conseil constitutionnel sur cette question est très clair : il indique que, lorsqu'on est dans une situation d'obstruction, la présidence de séance peut effectivement faire usage cette disposition. Néanmoins, vous ne pouvez pas préjuger ex ante des arguments qui vont être utilisés à l'appui de ces amendements. Or, comme vous le savez, la défense des amendements est un droit fondamental. Ce droit a été rappelé dans l'avis du Conseil constitutionnel. Je vous demande explicitement que l'avis du Conseil soit respecté dans cette enceinte. Notre groupe fera évidemment les mêmes remarques au président de l'Assemblée nationale pour ce qui est de la séance publique : il y va de la libre expression de l'ensemble des députés. Sortir de ce cadre poserait un véritable problème constitutionnel. Je pense qu'il est important de le rappeler ici.

Sur un texte aussi important que la bioéthique, je pense que votre proposition n'est pas soutenable. Nous souhaitons que chaque député puisse clairement s'exprimer. C'est bien la moindre des choses, madame la présidente.

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Le Conseil constitutionnel a validé la disposition que vous contestez. Le président doit simplement respecter les exigences de clarté et de sincérité du débat parlementaire ; il me semble que, depuis quinze jours, depuis nos auditions, chacun a pu poser des questions, a pu s'exprimer. C'est bien dans ce souci que je ne souhaite pas appliquer l'article 100, alinéa 5, en permettant à cinq d'entre vous d'exprimer la position défendue par votre groupe et non un seul orateur, comme le prévoit le règlement.

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Nous avons eu, ce matin, avec les vice-présidents de l'assemblée, une réunion organisée par le secrétaire général, à propos de l'application du nouveau règlement tel qu'il sera mis en oeuvre à partir du 1er octobre.

Nous avons évoqué la défense des amendements identiques. Sur ce point, le Conseil constitutionnel a été très clair : la proposition qui avait été faite par la majorité de l'Assemblée nationale n'a pas été retenue par le Conseil. Il est donc loisible aux députés de défendre chacun de leurs amendements identiques, pour autant qu'il n'y ait pas de volonté manifeste d'obstruction par répétition des mêmes arguments – ce dont vous ne pouvez pas préjuger ex ante, comme l'a rappelé à l'instant mon collègue Patrick Hetzel. Je ne crois pas, pour ma part, que nous soyons dans ce cas de figure. C'est la raison pour laquelle il me semble que chacun d'entre nous doit pouvoir défendre son amendement de suppression. Je laisse cependant cette question à votre arbitrage, madame la présidente.

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Madame la présidente, je vous remercie de laisser se dérouler un petit échange sur cette question un peu sensible et qui le mérite, puisque c'est effectivement la première fois que nous examinons un texte sous le régime de ce nouveau règlement. Je vous avoue que je n'avais pas totalement compris que ces décisions auraient des répercussions jusque dans le travail de commission, ce qui contribuera à limiter de manière considérable les échanges et porter atteinte à leur qualité – mais ce n'est pas vous qui en avez personnellement décidé et vous n'êtes pas en cause dans cette affaire.

Cela étant, je rejoins les objections formulées par nos collègues de droite, et notamment par M. Patrick Hetzel, concernant les modalités d'application. Car le Conseil constitutionnel a émis un certain nombre de réserves dont nous devons tenir compte dans la vie quotidienne de notre assemblée lorsque nous examinons les textes. Je pense qu'il faut effectivement prendre le temps d'un débat serein et tranquille dans lequel nous pouvons nous exprimer. En commission, en général, nous avons une latitude supplémentaire de ce point de vue.

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C'est bien dans ce souci de clarté et de sincérité des débats que je n'ai pas souhaité appliquer stricto sensu le règlement – qui, quelle qu'ait été la position de chacun, a bel et bien été adopté – en permettant à cinq parlementaires, et non à un seul, de donner la position de leur groupe sur des amendements strictement identiques.

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Je crois qu'une lourde tâche nous attend, puisque nous avons près de 2 200 amendements à étudier. Tout comme vous, nous souhaitons un débat apaisé et serein. Je propose que dès lors que nous sommes en présence d'amendements identiques et que les députés ont des arguments complémentaires à faire valoir, ils puissent s'exprimer, de telle sorte que personne ne soit privé de cette liberté d'amener, en responsabilité, des arguments complémentaires. En procédant ainsi, nous gagnerons du temps en évitant un débat interminable sur les temps de parole.

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Comme nous l'avons collectivement prouvé lors des auditions, y compris l'audition des trois ministres hier soir, nous avons tous à coeur de poursuivre dans un climat serein, apaisé et constructif l'examen du projet de loi de révision de bioéthique. Et vous avez choisi, madame la présidente, d'aller au-delà de ce que permet le règlement en ne limitant pas le droit de parole à un seul orateur par groupe et par amendement identique, afin qu'une pluralité d'opinions qui puisse s'exprimer.

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Chers collègues de l'opposition, je crois que le climat serein et apaisé suppose aussi qu'on puisse s'écouter : je me suis permis de vous écouter quand vous avez exprimé vos positions, permettez-moi, au nom de mon groupe, d'exprimer la nôtre : il s'agit de préserver la pluralité des opinions et le respect du contradictoire, que ce soit pour défendre des amendements identiques ou pour y répondre, avec le même nombre d'orateurs pour l'ensemble des groupes. Cela me paraît équitable.

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Madame la présidente, je pense que vous avez su conduire des auditions dans un climat d'apaisement, sur un texte qui le mérite.

Pour avoir été de ceux qui ont été autour de la table du président Ferrand, pendant de longues semaines, lorsqu'il s'agissait de négocier le règlement de l'Assemblée, je tiens à rappeler que l'engagement avait été pris que ce nouveau règlement s'applique lors de la session ordinaire. Je suis donc un peu surpris de voir que l'on anticipe en en faisant usage dès aujourd'hui, alors que nous sommes en session extraordinaire. Chacun comprendra que si l'on démarre dans cet esprit de blocage, l'apaisement que vous avez souhaité ne sera pas au rendez-vous. Mais peut-être la raison l'emportera-t-elle ?

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Cela dépend aussi de la volonté de chacun. Le nouveau règlement s'applique à partir du 1er septembre, certaines dispositions s'appliquant à partir du début de la session extraordinaire.

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Le règlement s'applique, mais nous sommes en présence d'une configuration originale, dans la mesure où la plupart des groupes parlementaires n'ont pas donné de consigne de vote, s'en remettant à l'intime conviction de leurs membres. Ainsi, au sein d'un même groupe, plusieurs points de vue peuvent s'exprimer. Il faut donc essayer d'élargir le débat, tout en essayant de rester dans des délais que nous savons très contraints.

Mais la configuration d'examen de ce texte particulier est très spécifique par rapport à d'autres textes à venir.

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C'est bien pour cela que j'ai tout de suite proposé d'élargir le nombre de prises de parole, sans limiter le droit de réponse à un orateur contre et un orateur pour.

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Il pourrait en aller différemment s'il s'agissait de points très techniques ; mais sur des amendements de suppression, les argumentations peuvent être très différentes, à plus forte raison sur un sujet aussi important que l'extension de l'assistance médicale à procréation. Je crois que sans avoir constaté d'obstruction, vous avez pris le parti de limiter les débats dès le départ pour éviter tout risque à cet égard.

N'oubliez pas la réserve émise par le Conseil constitutionnel : le recours à un seul orateur par groupe doit être exceptionnel et ne peut intervenir qu'en cas d'obstruction des débats. Or vous ne pouvez faire état de quelque obstruction que ce soit : c'est donc vraiment un parti pris de votre part. Certes, nous ne vous mettons pas en cause, madame la présidente : vous répondez sûrement à un ordre de votre majorité. Mais c'est un très mauvais signal au début de l'examen de ce texte. S'il devait arriver que l'on répète systématiquement les mêmes arguments, le nouveau règlement vous permettrait effectivement d'accélérer les choses ; mais décider de l'appliquer a priori, c'est vraiment une décision partiale.

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Précisément, je ne l'applique pas a priori, monsieur Breton, et je ne réponds pas davantage aux ordres de qui que ce soit. J'assume parfaitement une décision qui est mienne, à savoir de continuer dans le même état d'esprit que depuis le début, et que je croyais partagé.

C'est bien la raison pour laquelle je n'entends pas faire application du règlement, mais, bien au contraire, vous permettre de prendre la parole à cinq, plutôt qu'à un seul ; mais si vous tenez vraiment à ce que je l'applique, cela ne me pose pas problème. Je pensais seulement que c'était plus intéressant de mener un débat élargi, et j'aimerais bien continuer dans cet état d'esprit, plutôt que de perdre une demi-heure ou une heure à discuter des temps de parole… Le règlement a été voté, qu'on soit pour ou qu'on soit contre, et je comprends bien que l'on souhaite l'appliquer.

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À supposer que ce règlement s'applique à partir du 1er septembre, c'est la première fois que nous nous réunissons dans cette configuration. C'est pourquoi, madame la présidente, je voudrais vous alerter, et avec vous tous mes collègues, simplement sur une chose : si vous ne donnez pas corps à nos attentes, vous risquez de rendre votre propre texte inconstitutionnel. Il faut vous en rendre compte. En procédant de la sorte, la majorité risque de créer elle-même un vice de forme qui peut fonder un recours devant le Conseil constitutionnel. Cela aura donc un certain nombre de conséquences, qu'il serait sage d'anticiper. Car votre interprétation, madame la présidente, n'est absolument pas celle du Conseil constitutionnel.

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La présidente organise nos travaux et les débats ; elle ne satisfait pas la volonté d'un groupe politique, quand bien même celui-ci serait majoritaire. Elle se consacre seulement à l'organisation de nos échanges. Nous pouvons tous saluer la façon dont ont été conduites les auditions réalisées ces deux dernières semaines, et encore hier.

L'article 100, alinéa 5, qui prévoit, sur les amendements identiques, un orateur par groupe, puis une prise de parole pour et une prise de parole contre, est le fruit d'un règlement que la représentation nationale a collectivement adopté afin d'améliorer la conduite des débats parlementaires. Soucieuse de garantir l'expression de chacune des sensibilités, madame la présidente, vous multipliez par cinq ces droits de parole. Ce faisant, vous allez permettre, si j'ai bien compris, à cinq orateurs de défendre des arguments à l'appui de ces amendements, puis à cinq autres de présenter des arguments en leur défaveur… Ce qui équivaut, peu ou prou, au nombre au total de députés du groupe les Républicains qui ont présenté des amendements identiques !

Mes chers collègues, je crois que vous aurez la capacité, avec cinq orateurs pour cette série d'amendements identiques, de défendre un à un les arguments que vous entendez présenter à la représentation nationale au soutien de leur adoption. Je crois que ce choix est de nature à permettre des débats riches et respectueux. Je pense que nous devrions, sans plus tarder, commencer l'examen des 2 000 amendements et plus qui nous attendent.

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Madame la présidente, je crois qu'il y a une confusion et je vous suggérerais de faire une brève suspension de séance pour vous rapprocher des services de l'Assemblée, de sorte que soit précisément explicité ce point que nous avons étudié ce matin avec l'ensemble des vice-présidents et le secrétaire général de l'Assemblée nationale, lequel nous a expliqué la position du Conseil constitutionnel.

Le Conseil a prévenu qu'il serait extrêmement vigilant sur le respect de l'expression des parlementaires dans la défense de leurs amendements. Je réitère ma mise en garde en cas de recours devant le Conseil constitutionnel : s'il est avéré que, sur un article, l'expression des députés a été entravée, il y a un réel risque d'inconstitutionnalité.

Pour ce qui est de la pratique « un pour, un contre » évoquée par notre collègue Chiche, je crois qu'il y a une confusion : c'est dans le cadre de la défense de l'amendement en séance que l'auteur de l'amendement présente son amendement, avant que la commission saisie au fond et le Gouvernement ne donnent leur avis, et le président de séance donne ensuite la parole à deux parlementaires, dont un orateur contre. Mais libre à lui d'autoriser davantage d'orateurs à s'exprimer s'il le souhaite. Autrement dit, tout est fait pour assouplir le règlement plutôt que d'en faire une application restrictive. Pour en rester au cadre qui nous occupe, je vous invite vraiment, madame la présidente, à prendre l'attache des services de l'Assemblée pour éclaircir ce point. Car il nous a été dit très précisément que chaque auteur d'un amendement identique peut défendre son amendement.

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Les services de l'Assemblée ne sont pas très loin de moi, voire à mes côtés… Je répète que le Conseil constitutionnel a validé la disposition que vous contestez. Le président doit simplement respecter les exigences de clarté et de sincérité du débat parlementaire. C'est bien dans cet état d'esprit que je souhaite que nous démarrions maintenant les travaux, sachant que je vous rejoins, madame Genevard : l'exposé des amendements sera fait par cinq d'entre vous et donnera lieu à des réponses, de sorte que la discussion pourra s'engager. C'est bien le sens des débats que j'entends mener.

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Je vous remercie, madame la présidente, de m'accueillir dans cette commission. L'exigence de clarté et de sincérité suppose que toutes les subtilités et les différences au sein des différents groupes puissent s'exprimer – c'est une évidence.

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L'argument que vous venez de donner va dans le sens de ce que demandent mes collègues : dès lors que vous êtes tenue de respecter les exigences de sincérité et de clarté, vous ne pouvez limiter le temps de parole sans courir de risque d'inconstitutionnalité. L'idée d'une petite suspension de séance afin de clarifier les choses me paraît raisonnable. Je vais dans le sens de ce qu'ont dit mes collègues des Républicains… (Sourires.) Eh oui, c'est assez choquant de voir que je suis d'accord avec eux et qu'En marche est encore pire ! Mais c'est votre affaire et je vous laisse avec votre conscience.

Mais vous ne pouvez pas faire ce coup de force au risque d'entacher cette loi d'autoritarisme. Au-delà de nos divergences sur ces questions, il s‘agit d'un problème de fond. Être raisonnable, c'est prendre le temps, avant que ce long débat ait lieu, de nous mettre d'accord sur des règles communes.

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Franchement, je ne crois pas faire preuve d'autoritarisme… Ce n'est vraiment pas le signal que j'ai souhaité donner depuis quelques jours, durant nos auditions. Ce n'est surtout pas celui que je souhaitais donner en permettant à cinq auteurs d'amendements identiques de s'exprimer.

Qu'on soit d'accord ou non avec le règlement, c'est un autre débat. Il a bel et bien été adopté. C'est désormais notre règle et elle s'applique à tous, qu'on soit d'accord ou non, même si certains d'entre vous n'ont pas voté pour ! Nous sommes députés, nous sommes là pour appliquer la loi, que nous l'ayons votée ou non.

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On n'a jamais vu un règlement imposé par un seul groupe !

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Ça, c'est un autre débat. Le débat d'aujourd'hui, c'est de commencer à examiner ce projet de loi qui nous amène sur un sujet important.

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Je voudrais quand même savoir si l'article 100, alinéa 5, s'applique à la séance ou aux réunions de commissions. Quand on lit cet alinéa de notre règlement, il y est indiqué que « les amendements présentés par le Gouvernement ou par la commission saisie au fond ont priorité de discussion sur les amendements des députés ayant un objet identique. ». Le fait de parler d'amendements déposés par la commission signifie bien que le cas envisagé est celui de la séance. L'alinéa se poursuit comme suit : « Lorsque plusieurs membres d'un même groupe présentent des amendements identiques, la parole est donnée à un seul orateur de ce groupe désigné. »

Peut-on nous répondre précisément si l'article 100, alinéa 5, s'applique aussi aux débats en commission ?

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Se pose un vrai problème sur la date d'application, dans la mesure où un certain nombre de dispositions ne sont pas mises en oeuvre lors des sessions extraordinaires, alors qu'elles sont prévues par le nouveau règlement – c'est le cas notamment des séances de questions au Gouvernement. La date qui avait été annoncée pour une application pleine et entière de nouveau règlement était le 1er octobre.

Je demande une suspension de séance de deux minutes, afin que l'on puisse clarifier tous ces éléments.

La séance, suspendue à seize heures quarante, est reprise à seize heures quarante-cinq.

La commission examine les amendements identiques n° 2 de M. Xavier Breton, n° 190 de M. Patrick Hetzel, n° 540 de Mme Annie Genevard, n° 628 de M. Thibault Bazin, n° 819 de M. Éric Pauget, n° 1011 de Mme Emmanuelle Ménard, n° 1044 de M. Philippe Gosselin, n° 1298 de Mme Josiane Corneloup, n° 1333 de M. Fabien Di Filippo, n° 1349 de Mme Agnès Thill et n° 2062 de M. Pascal Brindeau.

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L'article 1er ne se contente pas d'élargir l'accès à l'assistance médicale à la procréation (AMP) ; il en modifie bel et bien en profondeur la nature. Les médecins ne seront plus là pour soigner une infertilité médicale constatée, mais pour répondre à une demande sociétale. Il n'y a donc plus de réalité objective : le critère médical, qui constitue aujourd'hui un rempart à l'utilisation de techniques posant des questions éthiques majeures, disparaît purement et simplement. C'est la porte ouverte à l'arbitraire et à la réponse à toutes les demandes sociétales.

Qui plus est, on l'a bien entendu lors de nos auditions, aucune étude ne prouve qu'il n'y a pas d'effet sur les enfants. Ce sujet fait débat, l'avis du comité consultatif national d'éthique montre bien qu'il n'existe pas d'études fiables pour les couples de femmes et absolument aucune étude pour les femmes seules. Et la dernière audition que nous avons eue avec le professeur Lévy-Soussan, pédopsychiatre, a montré que toutes les études dont on pouvait se prévaloir comportaient en fait des biais de méthode qui nuisent à leur véracité et à leur objectivité. C'est pourquoi nous vous proposons, par l'amendement n° 2, de supprimer l'article 1er.

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Mon amendement n° 190 est également un amendement de suppression de l'article 1er.

Si l'on regarde cet article intitulé « Élargissement de l'accès à l'assistance médicale à la procréation », on s'aperçoit de deux choses : d'une part, le critère médical d'infertilité, qui conditionne aujourd'hui l'accès, est supprimé ; d'autre part, il contribue à modifier les règles de prise en charge par l'assurance maladie, dans la mesure où on élargit l'AMP à un nouveau public pour lequel cette question de l'infertilité ne se pose justement pas, ou si ce n'est dans la mesure où est elle est liée à des questions biologiques.

Par ailleurs, la référence qui existait jusqu'à présent au sujet de l'âge de procréer disparaît de la loi : on renvoie à un décret et, du coup, la représentation nationale ne débat plus de cette question. Enfin et surtout, on autorise le recours à un double don de gamètes au cours d'une même tentative d'assistance médicale à la procréation.

Étant opposé à ces différents points, je demande une suppression de l'article 1er.

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Mon amendement n° 540 a le même objet. L'ouverture de l'assistance médicale à la procréation aux couples de femmes entraîne notre droit sur la voie de l'éviction du réel et de la biologie. Depuis le droit romain, en effet, hors hypothèse d'adoption, la mère est celle qui accouche : mater semper certa est. Ce texte méconnaît le droit de l'enfant à jouir d'une filiation vraisemblable et le prive définitivement de père. Cette modification, qui n'est imposée par aucune discrimination qu'il s'agirait de combattre – le Conseil constitutionnel et le Conseil d'État l'ont dit très clairement –, méconnaît l'intérêt supérieur de l'enfant. Elle fait en outre courir le risque de préjudices dont l'État pourrait avoir à rendre compte lorsque des enfants délibérément privés de père en demanderaient réparation.

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Cet article est problématique. Quels seront ses effets ? L'inégalité entre les couples de femmes et les couples d'hommes n'aboutira-t-elle pas inéluctablement à la légalisation de la gestation pour autrui (GPA), officiellement interdite, mais que vous allez faciliter par la directive que vous préparez ? Ne risque-t-on pas de rendre illusoire le maintien de la gratuité des gamètes, compte tenu du manque – redouté – de don de gamètes, au moins à court terme ? La même interrogation se pose sur le risque de marchandisation de produits du corps humain.

Mesure-t-on aussi les risques pour l'enfant d'une institutionnalisation de l'absence du père ? Certains enfants pourraient vivre comme une injustice le fait d'en être privés. L'article n'aboutit-il pas aussi à une AMP généralisée sans sexe, y compris pour des couples hétérosexuels qui ne souffriraient d'aucune pathologie, mais qui pourraient ainsi mieux sélectionner l'enfant à naître, comme cela a été avoué hier soir ?

Quel avenir enfin de la relation médicale, si les moyens ne sont plus concentrés sur la réponse aux situations pathologiques ? Je vous propose, par mon amendement n° 628, d'appliquer le principe de précaution en supprimant cet article.

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Votre texte amène une approche qui va entraîner, comme cela vient d'être dit, une rupture d'égalité face au droit à la descendance de chacun. En reconnaissant des droits féminins exclusifs, cette mesure s'affirme comme particulièrement discriminatoire à l'encontre des couples d'hommes et des hommes non mariés. Le problème ne saurait être résolu sans leur reconnaître plus tard le droit à la GPA. Cette vision s'appuie sur une distinction de sexe qui porte une atteinte grave à l'égalité des droits de l'homme.

Ce texte introduit une réelle rupture d'égalité. D'où mon amendement de suppression n° 819.

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Aujourd'hui, l'AMP s'adresse à des personnes biologiquement infertiles, ou dont l'infertilité est inexpliquée. Mais, avec ce projet de loi, on va l'ouvrir aux personnes qui ne souffrent pas d'infertilité et dont la situation ne permet pas la procréation, dès lors qu'elles sont seules ou qu'elles vivent avec des personnes de même sexe. L'AMP va donc devenir un moyen technique de fabriquer un enfant pour tous, sans se préoccuper de l'enfant lui-même, au détriment de son droit de connaître ses origines.

Par ailleurs, j'ai eu l'occasion de le dire hier soir, cette extension conduira inéluctablement, malgré vos dénégations, à la GPA et à la commercialisation du corps humain. Vous soutenez, madame la ministre, que nous n'y arriverons pas ; mais les ministres changent et personne ne sait si le prochain aura la même position que vous.

Encore une fois, au nom de l'égalité, je ne vois pas comment nous pourrions refuser la GPA aux couples d'hommes notamment. C'est pourquoi je demande, par mon amendement n° 1011, la suppression de cet article.

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Mon amendement n° 1349 tend lui aussi à la suppression de l'article 1er.

Dès lors qu'il n'y a pas d'évolution scientifique en matière d'AMP, on peut se demander quelle est sa place dans la révision de la loi relative à la bioéthique qui prend en compte les évolutions scientifiques. Une loi à part eût mieux convenu. Une autre question se pose, celle du sens de la médecine, qui n'est plus réparatrice : est-ce à la médecine de répondre à un désir sociétal ? Doit-elle augmenter le possible, en augmentant ce qui est impossible biologiquement ? Qu'est-ce qu'un progrès ? Quelque chose de nouveau, quelque chose de plus, ou quelque chose qui améliore ?

L'arrêt du Conseil d'État du 29 septembre 2018 rappelle que des situations différentes justifient des décisions différentes. Par conséquent, il n'y a ni discrimination, ni inégalité à combattre, comme on l'entend à longueur d'émission de radio. Il rappelle que l'enfant n'est pas « une raison d'intérêt général. » La réponse n'est pas juridique, mais bien politique. Le désir transformé en une égalité des droits des adultes conduirait à une inégalité des droits des enfants, à qui il manquera un parent sur les deux auxquels ils ont droit.

S'il ne s'agissait que d'un égal accès à une technique, il suffirait de donner accès à cette technique avec gamètes inefficaces. C'est donc bien de l'accès à un enfant qu'il s'agit, non de l'accès à une même technique : un droit à l'enfant, déguisé, qui n'existe pas, à peine feint. Actuellement, l'absence de père avant la naissance est considérée comme un préjudice dans le droit, évalué financièrement. Nous ferions d'un préjudice un droit.

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Mon amendement de suppression n° 2062 permet de poser les enjeux et les termes de ce débat sur l'extension de la procréation médicalement assistée. Un certain nombre d'arguments ont déjà été développés. Je me contenterai d'insister sur deux d'entre eux.

Premièrement, au nom d'une volonté, compréhensible, de répondre à une demande sociétale, au nom de la recherche d'une égalité qui n'en est pas une, les couples d'hommes ou les hommes seuls pourront demain prétendre pouvoir eux aussi fonder une famille et avoir des enfants. Au nom d'une forme de célébration du droit à l'enfant, on fait basculer complètement l'ordre anthropologique qui est le nôtre et on met en concurrence directe l'ordre naturel de la procréation et la possibilité technique de créer des enfants d'une autre manière. Qu'on s'y oppose aujourd'hui ou pas, cela ne sera évidemment pas sans conséquences demain sur la possibilité, pour des parents, quel que soit leur sexe, de choisir les caractéristiques génétiques de leur enfant à naître. Cela ne me semble pas être la conception française de l'éthique.

Deuxièmement, l'ouverture de cette AMP à des causes autres que strictement thérapeutiques n'est pas sans présenter des risques pour les stocks de gamètes, actuellement tendus. Sans forcément parler de pénurie, cela pourrait contraindre, à un moment donné, dans les centres d'AMP, à devoir faire des choix discriminants entre les couples qui ont recours à l'AMP pour des raisons thérapeutiques et ceux qui y recourent pour d'autres raisons.

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Mon avis est évidemment défavorable dans la mesure où tous ces amendements sont contraires, voire opposés, à l'objet même du projet de loi.

Je voudrais d'abord rectifier quelques affirmations. Dire que l'AMP ne traiterait plus des maladies est inexact : l'AMP n'a jamais traité aucune maladie, même quand elle est appliquée pour des raisons d'infertilité. La femme reste infertile après l'AMP, comme elle l'était avant.

Le but de l'AMP est de chercher à compenser une défaillance. Deux cas étaient visés à l'origine : celui d'une infertilité médicalement prouvé ou le risque de transmission de maladies. Mais dans la pratique, elle a été étendue aux couples hétérosexuels qui n'avaient pas d'enfant, même s'il n'y avait pas d'infertilité médicale. L'extension proposée aujourd'hui est évidemment jugée bénéfique par bon nombre de gens.

On ne peut d'ailleurs pas dire non plus que la médecine, en général, sortirait du côté thérapeutique. Car cela fait très, très longtemps que la médecine n'est pas que thérapeutique : quand on fait de la médecine préventive, quand on fait de la chirurgie réparatrice, quand on réalise des IVG, on n'est évidemment pas dans la thérapeutique. Nous nous trouvons donc dans le cas de figure habituel d'une médecine qui s'occupe de la santé, sans s'occuper seulement de traiter des maladies.

Enfin, invoquer le principe de précaution n'est pas tout à fait opportun, car nous ne sommes pas du tout dans l'incertitude. Le principe de précaution pourrait s'appliquer si l'on allait vers l'aventure, vers le risque, vers l'incertitude, vers la témérité… Mais la grande majorité des pays du monde ont déjà adopté ces pratiques. Nous-mêmes, en France, constatons qu'elles se sont développées, en marge de la loi. Partout, à l'étranger comme en France, on a pu observer que les effets ne sont pas délétères et qu'au contraire, ils pouvaient être bénéfiques aussi bien pour les femmes que pour les enfants.

En dernier lieu, la GPA n'a rien à voir avec l'AMP. L'ouverture de la GPA est un sujet complètement différent. Je crois qu'il vaut mieux traiter les sujets séparément. Pour l'heure, nous discutons de l'extension de l'AMP. Je vous propose donc de rejeter ces amendements de suppression.

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Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé

Mesdames et messieurs les députés, vous me permettrez de faire une réponse générale.

D'abord, l'ouverture de l'assistance médicale à la procréation est absolument sans incidence sur l'interdiction de la gestation pour autrui, laquelle est antinomique des grands principes bioéthiques auquel nous sommes attachés. On ne fait pas du tout appel pour la GPA à la même technique médicale et une loi de bioéthique n'est pas une loi d'égalité des droits.

L'argument du droit à l'enfant, dont il a été fait état, n'est invoqué nulle part. D'ailleurs, il n'existe pas. Il n'existe pas non plus pour les couples hétérosexuels aujourd'hui : si nous accompagnons les parents dans leur projet de parentalité, il peut arriver à une équipe d'AMP de refuser d'engager un couple dans cette démarche, pour des raisons qui tiennent au nombre de tentatives, pour des raisons d'âge ou pour des raisons de maladie. Il y a une évaluation pluridisciplinaire des couples avant toute démarche d'AMP. En aucun cas, ce « droit à l'enfant » n'existe aujourd'hui pour les couples hétérosexuels ; il n'existera pas davantage pour les couples homosexuels ou pour les femmes non mariées.

Enfin, vous parlez beaucoup de l'objectivation de l'infertilité. Je rappelle que des couples hétérosexuels s'orientant aujourd'hui dans une démarche d'AMP doivent déclarer une infertilité. La recherche des causes d'infertilité fait naturellement l'objet d'une démarche médicale. On les trouve parfois, parfois pas. Même si aucune cause d'infertilité objective n'est trouvée – et, d'ailleurs, nous ne pouvons pas éliminer l'hypothèse d'un couple n'ayant pas de rapports sexuels –, la loi permet aujourd'hui cette démarche. Et quelle que soit l'objectivation d'une pathologie sous-jacente, ou son absence, l'AMP est remboursée, Cet argument de l'objectivation actuelle d'une pathologie ne tient donc pas, car il n'y a pas, aujourd'hui, dans les démarches d'AMP, de clause d'accessibilité.

Enfin, la préoccupation de la place et du rôle du père revient souvent. Il n'est évidemment pas question de nier le rôle du père dans la construction de l'enfant, mais ce n'est pas contradictoire avec l'existence d'autres modèles familiaux qui, d'ores et déjà, ont été consacrés dans la loi : je rappelle que les familles homoparentales ou monoparentales ont le droit d'adoption. C'est une filiation qui donne aujourd'hui les mêmes droits à l'enfant que la filiation naturelle. Ainsi, d'une certaine façon, le législateur a d'ores et déjà tranché, en jugeant que tous ces modèles parentaux existent et permettent à l'enfant de s'épanouir dans une famille, quel que soit le type de famille.

Je souhaitais insister sur ces points avant d'exprimer mon désaccord avec ces amendements de suppression.

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Je crois qu'il est important de parler de ce qui est dit dans cet article et de ce qui n'y est pas dit. Il n'y est évidemment pas question de choisir les caractéristiques génétiques de l'enfant, comme on a pu l'entendre ; il n'y est pas question de fabriquer un enfant. En revanche, il y est bien question d'une technique médicale, déjà utilisée dans notre pays, mais aujourd'hui réservée à certaines femmes en raison d'un statut matrimonial particulier ou d'une orientation sexuelle particulière. C'est bien cela que nous voulons, aujourd'hui, changer dans la loi, en permettant l'élargissement de l'AMP à toutes les femmes, sans distinction d'orientation sexuelle ou de statut matrimonial. C'est donc bien une technique médicale connue, éprouvée, que nous voulons mettre en oeuvre au bénéfice de toutes les femmes.

Il n'est pas non plus question, comme vous l'avez dit, madame la ministre, de nier l'importance et le rôle des pères ; il s'agit de reconnaître la qualité d'un projet parental, qui peut exister dans d'autres types de famille, comme c'est le cas dans les familles homoparentales ou comme c'est le cas dans les familles composées par les femmes non mariées. Tel est l'argument qui a été retenu dans le projet de loi.

Le groupe de La République en Marche est défavorable aux amendements de suppression de cet article, qui est l'un des éléments clés du projet de loi de révision de la loi de bioéthique, en ce qu'il permet enfin l'accès à l'AMP à toutes les femmes.

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Grâce à ce projet de loi relatif à la bioéthique, toutes les femmes pourront désormais avoir accès à la procréation médicalement assistée en France. Jusque-là réservé aux couples hétérosexuels, le recours à l'AMP est ainsi étendu aux femmes célibataires et aux couples de femmes qui pourront désormais connaître elles aussi le bonheur d'être parents.

Avec certains collègues du groupe Les Républicains, nous avons décidé de soutenir ce projet de loi qui va selon nous dans le bon sens, puisqu'il s'inscrit dans le cadre de progrès technologiques nouveaux et d'attentes sociétales fortes.

En effet, tous les sondages d'opinion le montrent : la grande majorité de nos concitoyens est favorable à l'extension de l'AMP pour toutes. Ce projet de loi s'inscrit donc parfaitement dans le cadre de cette évolution progressiste des mentalités et répond à une réelle demande de liberté, d'égalité et de fraternité entre tous les concitoyens.

Je rappelle également que l'ouverture de l'AMP à toutes est soutenue par le CCNE qui a donné un avis favorable à cette mesure. Il me paraît donc incohérent, pour toutes ces raisons, de soutenir ces amendements de suppression.

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Quelques mots sur le fond ainsi que sur l'organisation des débats, sans vouloir y revenir…

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Au moins, ce sera dit et inscrit.

Tout d'abord, avec la reconnaissance de la PMA – ou de l'AMP – pour toutes les femmes, c'est bien un droit à l'enfant qui sera reconnu. Or c'est ce droit qui, à l'évidence, pose un certain nombre de questions.

Pourquoi priver les hommes de ce droit ? On voit bien la question qui, si elle ne figure certes pas dans cet article, pourrait se poser, comme on voit celle sur laquelle certaines circulaires en germe – dans l'attente de certaines décisions de la Cour de cassation, qui seront rendues publiques sans doute le 18 septembre – pourraient porter.

Je reviens sur votre interprétation du règlement, madame la présidente, de façon à ce que mes propos figurent au compte rendu, ce qui nous évitera d'y revenir. Premièrement, le nouveau règlement devrait s'appliquer à compter de l'ouverture de la session ordinaire, et pas dès maintenant.

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C'est d'ailleurs pour cette raison que les questions au Gouvernement d'aujourd'hui n'ont pas eu lieu sous le régime de la nouvelle formule mais sous celui de l'ancienne.

Deuxièmement cette réforme du règlement s'applique aux séances publiques et non pas aux travaux en commission.

Dans tous les cas, même si le communiqué de la présidence de l'Assemblée nationale en date du 4 juillet dernier n'a mentionné aucune des réserves d'interprétation formulées par le Conseil constitutionnel, il en existe tout de même sept : cela est de nature à battre en brèche la satisfaction affichée par la majorité.

Le Conseil constitutionnel a rappelé que tous les débats doivent répondre à une exigence de clarté et de sincérité. C'est seulement en cas d'obstruction, et seulement dans ce cas, que le président ou la présidente peut éventuellement, en séance publique, encadrer et limiter le droit d'expression des députés, notamment la présentation d'amendements qui pourraient paraître identiques.

Je note du reste que si les interventions que viennent de faire nos collègues se ressemblent bien sûr un peu sur le fond, puisqu'elles ont presque toutes marqué une opposition – certains allant jusqu'à demander, dans certains cas, sa suppression – à l'AMP, ils n'ont pas tous usé des mêmes arguments.

Il va falloir y prêter attention : je l'affirme parce que je suis moi-même victime, madame la présidente, de votre interprétation. Je n'ai en effet pas pu défendre mon amendement n° 1044, et que je ne suis pas le seul dans ce cas. Rassurez-vous, je n'y reviendrai pas cinquante fois, puisque mes propos figureront au compte rendu.

Ces réserves d'interprétation du Conseil constitutionnel nous engagent, comme elles engagent la présidence de la séance publique. La réforme du règlement ne doit enfin pas s'appliquer aux réunions de commission : il nous faut donc mesurer collectivement les risques que nous prendrions à vouloir y escamoter les débats.

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Je vous remercie, monsieur Gosselin, d'avoir rappelé les exigences de clarté et de sincérité qui s'imposent à nous. J'ai également noté votre souhait que notre débat se déroule dans un bon climat. Vous avez donc pu vous exprimer sans problème.

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Je suis également, madame la présidente, une autre victime de votre interprétation extensive et anticipée du nouveau règlement de l'assemblée qui, comme vient de le dire mon collègue, ne devrait s'appliquer qu'en séance publique.

Il s'agit d'un très bon cas d'école s'agissant de l'application que vous comptez en faire, car si mes collègues ont légitimement insisté sur les problèmes de filiation ainsi que sur l'ouverture à la GPA, mon argumentation était, elle, centrée sur les risques de pénurie de gamètes.

Mon amendement n° 1333 étant considéré comme ayant été défendu, je n'ai pas pu faire valoir mes arguments avant que les avis tant du rapporteur que de la ministre ne soient donnés.

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Oui, mais je ne pourrais que répondre à ces avis : le risque d'inconstitutionnalité relevé par mes collègues est donc ici clairement établi. Je vais tout de même vous expliquer mon point de vue concernant d'autres propos que j'ai entendus.

Le CCNE, que l'on ne peut soupçonner d'être totalement hostile à l'AMP sans père, nous alertait il y a un an sur le risque de pénurie de gamètes, sur leur rareté ainsi que sur l'allongement des délais d'attente. Je le cite : « Une rupture du principe de gratuité des dons pourrait ouvrir des perspectives de marchandisation des produits du corps humain ».

Nous avons toujours été hostiles à une telle perspective en France, qu'il s'agisse de don de sang de don de gamètes.

Or on constate qu'en raison d'une telle pénurie certains pays, comme l'Espagne, la Belgique ou le Danemark, recourent au dédommagement des donneurs ou à l'importation de gamètes qui parfois ont été fournis contre rémunération, quand ils n'assument pas carrément la marchandisation du don, comme au Danemark. Vous me direz que ce n'est pas dans la loi, mais c'est une ouverture que vous préparez pour l'avenir, du fait de cette pénurie. Il suffit de consulter Cryos, la plus grande banque de sperme au monde : les clients peuvent y choisir des gamètes selon une douzaine de critères, dont la couleur de la peau ou des yeux. On s'oriente donc bien vers une fabrication d'enfants selon les désirs physiques des parents. D'ailleurs, comble de l'horreur, le caddie permettant de faire ses emplettes sur son site est symbolisé par un landau. Or cette évolution porte un nom : il s'agit d'une dérive eugéniste à laquelle vous ouvrirez in fine la voie.

Voilà pourquoi je proposais de supprimer cet article 1er. J'aurais cependant aimé pouvoir faire valoir mes arguments avant que les avis de la commission et de la ministre ne soient donnés.

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Nos collègues nous proposent une série d'amendements identiques visant à interdire aux couples de femmes ainsi qu'aux femmes seules le bénéfice de l'AMP.

Je l'ai déjà indiqué au cours des auditions qui ont été menées : l'AMP procède d'abord à mon sens et avant tout d'un parcours très complexe – je sais de quoi je parle – mais aussi d'un don d'amour. Or le projet parental et le don d'amour sont, me semble-t-il, les bases essentielles de l'épanouissement de l'enfant.

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Nous sommes avant tout législateurs : nous devons donc tous nous préoccuper de l'intérêt général, ce qui impose de faire abstraction de nos particularités, qu'elles soient religieuses ou philosophiques : c'est en tout cas ce que je m'efforce de faire, en respectant les autres.

Nous devons tous constater que notre société est diverse et multiple et qu'elle change. Nous devons donc, en tant que législateurs, adapter la loi à ses évolutions, tout en respectant bien naturellement nos principes fondamentaux.

Nos collègues évoquent par exemple l'intérêt supérieur de l'enfant pour justifier la présence du père et de s'opposer à l'AMP pour toutes. Mais, mes chers collègues, où est l'intérêt de l'enfant battu ou violé par son père ? Or nous savons tous que ce cas de figure n'est hélas pas une fiction. L'intérêt supérieur de l'enfant réside avant tout dans l'amour.

Nous devons à mon sens exercer notre responsabilité de législateurs en rendant possible cette avancée majeure et donner ici un cadre aux couples de femmes, afin qu'elles n'aient plus à subir soit des tracas techniques, soit des tracas administratifs, et surtout qu'elles ne soient plus contraintes de partir à l'étranger pour concrétiser ce projet parental et ce don d'amour.

Je ne voterai donc pas ces amendements de suppression et vous invite tous à faire de même.

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Nous avons tout d'abord été nombreux à participer aux auditions qui ont été tenues les deux semaines précédentes.

Il nous a été démontré à cette occasion que le développement d'un enfant, quelle que soit la structure familiale – monoparentale, en couple hétérosexuel ou homosexuel – dans laquelle il grandit, ne rencontrait aucun écueil si tant est que celle-ci lui offre de la stabilité et de l'amour. Cela est d'ailleurs corroboré par un certain nombre d'études scientifiques qui nous ont été présentées.

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Je pense en particulier aux travaux de la professeure Susan Golombok, de l'université de Cambridge. J'ai moi-même mis en avant et porté à votre connaissance des travaux menés par le Fonds international des Nations Unies pour l'enfance (UNICEF).

J'en viens au droit à l'enfant : il faut à mon sens se montrer bien clair s'agissant des tenants et des aboutissants de ce projet de loi qui entend ouvrir l'accès à une pratique médicale qui offre des probabilités de succès de 60 % à l'issue de quatre fécondations in vitro (FIV) ou six inséminations artificielles avec donneur (IAD), prises en charge par la sécurité sociale.

Nous parlons donc bien d'un droit d'accès à une pratique médicale et non d'un succès garanti à 100 % : il n'y a donc pas de droit à l'enfant.

Autre élément que nous sommes nombreux ici à avoir entendu hier soir et qui a été porté à notre connaissance par la garde des Sceaux : elle a précisé que nous insérions dans le code civil un article 6-2 instituant des droits de l'enfant, par opposition au droit à l'enfant. Il me semble donc que nous gravons dans le marbre de la loi, et d'abord dans ce projet de loi, l'absence de droit à l'enfant.

Autre argument récurrent : ce projet de loi introduirait une rupture d'égalité entre les hommes en couple homosexuel désireux de recourir à la GPA et les femmes en couple lesbien désireuses de recourir à l'AMP. Il faut à mon sens être très clair : l'objectif du texte est de permettre à toutes les femmes d'accéder à la procréation médicalement assistée.

La GPA est une pratique médicale interdite à toutes les personnes, quels que soient leur sexe, leur orientation sexuelle ou leur statut matrimonial. Nous ne proposons pas de l'autoriser ni d'en élargir l'accès sur le territoire.

Nous serons donc défavorables à l'adoption de ces amendements.

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Ces premiers échanges me font m'interroger. Tout d'abord, madame la ministre, j'ai eu plaisir à vous écouter. Vous avez notamment affirmé que le projet de loi n'était pas une loi d'égalité des droits. Vous allez devoir vous accorder avec votre collègue garde des Sceaux : elle a parlé hier d'offrir un nouveau droit, parlant d'un choix d'égalité. Nous situons-nous donc ou non dans la perspective d'une égalité des droits ? L'argumentation de notre collègue Jacques Marilossian est de nature à nous inquiéter, puisqu'on pourrait l'invoquer en vue de légaliser la GPA.

Monsieur le rapporteur, vous avez évoqué l'AMP à laquelle on aurait recours pas forcément pour des raisons pathologiques : mais on ne peut pas, très sincèrement, se prévaloir du viol de la loi pour légitimer une mesure. Cela nous conduirait à légitimer beaucoup de choses dans notre pays ; je ne suis pas sûr que notre société en sortirait gagnante.

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Je réagis aux propos de notre collègue Jacques Marilossian car ils m'ont quelque peu choqué. Il a notamment fait le raccourci suivant : les enfants de couples hétérosexuels seraient battus par leur père.

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Si, ils revenaient à cela. Imaginez que l'on affirme la même chose à propos de personnes de même sexe : que n'entendrait-on pas comme procès en homophobie ! Il faut également à mon sens faire attention à l'hétérophobie : on ne peut pas user d'arguments de la sorte sans faire référence, encore une fois, à la réalité de notre société.

Les parents essayent d'élever leurs enfants de leur mieux. On sait qu'il existe des situations compliquées quelle que soit la structure familiale. Quoi qu'il en soit, user de tels arguments et de tels raccourcis peut blesser des millions de personnes dans notre pays.

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Madame la ministre, nous avons également auditionné, la semaine dernière, des juristes.

Lorsque nous les avons interrogés – vous pouvez vous reporter au compte rendu –, ils nous ont indiqué qu'effectivement, d'un point de vue juridique, à partir du moment où l'on étend le bénéfice de l'AMP aux couples de même sexe, même si ce n'est aujourd'hui qu'au bénéfice des couples de femmes, en raison même de ce principe d'égalité, les hommes pourront logiquement exiger d'y avoir accès.

Vous savez pertinemment que l'effet domino auquel nous faisons référence est une réalité : à aucun moment nous n'avons eu des éléments convaincants, notamment sur le plan juridique, qui permettraient d'envisager de faire l'un sans l'autre. Et cet effet domino est implacable : dans un premier temps, on étend le bénéfice de l'AMP à toutes les femmes ; dans un second temps, on voit bien la GPA se profiler. Or c'est sur ces changements profonds que nous souhaitons alerter, car nous pensons que l'irréversibilité que vous êtes en train d'enclencher va poser des problèmes : elle conduira, comme l'a rappelé notre collègue Fabien Di Filippo à la marchandisation des produits du corps humain. Le modèle que vous êtes en train de construire, c'est celui d'une ultralibéralisation de la société : ce n'est pas celui que nous souhaitons pour notre société de demain.

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Je réponds aux arguments de M. le rapporteur, de Mme la ministre et de Mme Aurore Bergé : il faut à mon sens s'en tenir en définitive à la lettre du texte et ne pas fantasmer sur les conséquences éventuelles de l'extension de l'AMP.

Je voudrais que Mme la ministre confirme qu'actuellement, en cas de recours à une AMP avec tiers donneur, les centres d'assistance médicale à la procréation procèdent à ce que l'on appelle l'appariement des gamètes en vue de maintenir au bénéfice du couple déclaré infertile une forme de vraisemblance de filiation et de procréation, qui tienne notamment compte de critères géographiques. Au demeurant, après avoir auditionné un certain nombre de représentants de ces institutions, on ne sait pas très bien comment, en réalité, est borné cet appariement. Comment feront demain les centres qui procéderont à des AMP pour des couples de femmes ? L'appariement se fera-t-il en fonction de la vraisemblance automatique de la seconde mère, de la demande expresse du couple ou en fonction d'autres critères ?

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M. le rapporteur Jean-Louis Touraine nous a expliqué qu'en ce qui concerne l'enfant, les effets d'une AMP ouverte aux couples de femmes seraient bénéfiques. Peut-il nous en dire davantage ?

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Puisque vous avez, chers collègues, invoqué les juristes, je me sens obligée de prendre la parole une minute dans la mesure où ils ont été auditionnés à l'initiative de notre collègue Jean-Louis Touraine, rapporteur, et de moi-même. Il me semble qu'aucun d'entre eux n'a cherché à présupposer ou à fantasmer sur l'avenir… Ils sont plutôt venus nous parler du principe d'égalité, eu égard au mécanisme de filiation que nous devrions retenir dans le cadre de ce projet de loi : le principe d'égalité. Ils ont également rappelé que ce même projet de loi respectait en tous points le principe d'indisponibilité du corps humain tout comme celui de gratuité. Nous sommes donc aux antipodes des fantasmes de marchandisation que vous invoquez afin de justifier votre refus d'un progrès sociétal aujourd'hui très attendu.

Ce progrès répond par ailleurs à un principe de réalité. Ne nous cachons pas derrière notre petit doigt : aujourd'hui, beaucoup d'enfants issus d'AMP réalisées à l'étranger soit par des femmes seules, soit par des couples de femmes, vivent dans notre pays.

Il nous faut donc nous montrer très prudents dans tout ce que nous évoquons dans cette salle : peut-être en effet certains d'entre eux, ou leurs parents, nous regardent. Nos débats seront observés : pensons-y lorsque nous parlons d'eux.

Durant les auditions que nous avons conduites – dans de bonnes conditions – ces quinze derniers jours, beaucoup de professionnels ont évoqué devant nous la notion d'altérité et mis en exergue le fait que celle-ci n'était pas forcément ni strictement sexuée, puisqu'elle peut s'observer dans différents couples et dans différents binômes. Elle peut en outre s'observer dans l'entourage très proche des individus.

Sans préjuger des propos de notre rapporteur sur cette partie du projet de loi, je pense que les bénéfices dont il est question tiennent surtout à un projet parental qui est affirmé, réfléchi, consolidé, et à ce fameux don d'amour dont parlait notre collègue Jacques Marilossian. Nous allons dans le bon sens, celui d'une société parfaitement assumée.

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Je veux rappeler que la maltraitance n'est pas réservée aux hétérosexuels : elle s'élève à 30 % chez les femmes. En outre, s'agissant de la GPA dont nous parlons, si tout le monde est opposé à la marchandisation, il est fort possible que l'on fasse état de la GPA éthique : dans ce cas, il n'y aura pas de marchandisation.

Enfin, l'article 1er de ce projet de loi est à bien des égards paradoxal, qu'il s'agisse de la parité – ce qui prouve le besoin d'altérité – ou des femmes seules. Or nous savons tous qu'il faut les aider financièrement et bâtir une politique d'aide à la famille.

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Puisqu'il m'est impossible de répondre à tous les arguments avancés, je n'évoquerai que quatre brefs points. On a évoqué le droit à l'enfant. Il n'y a pas de droit à l'enfant, il y a les droits de l'enfant, ou, de la part des parents, le désir d'enfant, tous légitimes.

Le droit à l'enfant n'existe pas. M. Chiche a rappelé à ce sujet que le succès d'une AMP n'était pas garanti puisqu'une procréation menée dans ces conditions n'a, à l'issue de quatre fécondations in vitro, que 60 % de chances d'aboutir.

N'oublions pas non plus le rôle de l'équipe médicale : comme dans chacun des autres actes qu'il accomplit, le médecin n'est pas un prestataire technique de services. En Belgique, où le corps médical pratique depuis bien longtemps l'AMP au bénéfice de femmes seules ou de couples de femmes, 30 % des femmes seules qui le sollicitent sont déboutées de leur demande parce que l'équipe médicale ne la considère pas comme méritant d'être poursuivie.

Bannissons donc une bonne fois pour toutes de nos discussions ce terme de droit à l'enfant, totalement inapproprié. Aucune demande de droit à l'enfant n'a été formulée par aucun d'entre nous.

Deuxièmement, effectivement, les centres d'étude et de conservation des oeufs et du sperme humains (CECOS) pratiquent depuis le début l'appariement afin d'essayer de maintenir le secret, une certaine vraisemblance, afin de laisser penser que l'enfant serait génétiquement issu de ses parents. Il faut désormais le laisser à la liberté des parents : certains le souhaitent, c'est très bien, respectons leur choix. Sans aller toutefois jusqu'à cette quasi absurdité en cherchant un appariement pour les groupes sanguins (ABO), et pourquoi pas demain pour les groupes HLA, et pour je ne sais quoi d'autre après-demain… C'est démodé. Mais un appariement physique peut être revendiqué par certains parents. Malheureusement, cela peut se retourner contre eux : les gens appartenant à des minorités ethniques ont le plus grand mal à trouver des donneurs correspondant à leur type.

Il faut donc laisser aux couples qui ne demandent pas d'appariement la possibilité de recevoir des gamètes d'un type différent – j'ai d'ailleurs déposé un amendement en ce sens, que nous examinerons le moment venu. Il ne serait par exemple pas choquant que demain un couple asiatique habitant en France puisse avoir ainsi un enfant de type caucasoïde, s'il le souhaite. L'appariement doit désormais être laissé en grande partie à la liberté des parents, et non imposé de façon paternaliste.

Troisièmement, bien entendu, la GPA est hors sujet. Je vois deux raisons pour lesquelles il n'y a aucun risque qu'elle constitue une dérive possible après l'adoption de ce projet de loi.

Tout d'abord, la GPA est pour l'instant interdite aux couples hétérosexuels : il n'est donc pas possible de l'étendre aux couples homosexuels. C'est donc tout à fait différent de l'AMP, dont l'accès était restreint, et sera désormais offert à toutes. Or la GPA reste interdite à tous.

Par ailleurs, il existe une autre différence, qui ne tient pas à une question de droit ou de demande d'égalité et qui est, chers amis, imparable, car anatomique : même si vous me direz qu'on ne peut insulter l'avenir et que l'on ne sait pas de quoi demain sera fait, pour encore longtemps, les hommes ne procréent pas au sein de leur propre organisme.

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Vous conviendrez par conséquent qu'accorder à des femmes qui ont le droit d'élever leurs enfants, d'adopter des enfants et de se marier celui de faire des enfants n'a rien que de tout à fait normal. En revanche, évidemment, donner à des hommes la possibilité de procréer en leur sein n'est physiquement pas possible. Vous m'accorderez donc qu'il s'agit d'une chose totalement différente ; soutenir que de l'AMP dériverait la GPA relève de l'abus de langage.

Quatrièmement, vous sous-entendez qu'une telle évolution ne saurait avoir d'effets positifs ou bénéfiques. Or c'est bien le cas : les auditions que vous avez probablement suivies comme moi de façon attentive ont montré que des jeunes qui sont passés par un tel parcours expriment leur joie et leur fierté d'avoir eu deux mamans, comme d'autres expriment leur joie et leur fierté d'avoir eu une maman et un papa. Les uns comme les autres éprouvent la même fierté.

Il faut à cet égard que vous vous souveniez de l'état qui a précédé votre propre mémoire, c'est-à-dire de votre prime enfance. Nous l'avons tous connu : à ce stade, ce qui est normal, c'est la famille dans laquelle nous vivons. Si la famille ne compte qu'une mère, c'est cela, la normalité. Il en est de même si elle en compte deux.

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Lorsque l'on entre ensuite à l'école maternelle, l'on se rend compte que notre schéma normal n'est pas tout à fait universel puisque d'autres petits camarades ont un père et une mère. Et on découvre ensuite qu'ils sont même majoritaires ; mais tout cela se passe de façon naturelle et habituelle, sans que cela ne choque aucun de ces enfants. Ceux-ci ne demandent pas que l'on change leur modèle familial : ceux qui ont un père et une mère ne demandent pas qu'on leur enlève le premier ou la seconde, ou qu'on leur substitue quelqu'un d'autre. Et tous les enfants qui ont deux mères nous l'ont dit : je ne veux pas que l'on m'enlève une de mes mamans que j'aime pour la remplacer par un père. Ils sont parfaitement épanouis dans ce cadre familial.

D'ailleurs, les études de toute nature ont montré que, grâce à l'attention et à l'amour qu'ils reçoivent, les enfants issus d'une AMP, quel que soit leur modèle familial, disposent tous d'un avantage important : les sentiments et l'intérêt qu'on leur porte favorisent leur éveil. Ce qui n'a rien d'étonnant, s'agissant d'enfants autant attendus et espérés.

Par conséquent, oui, les effets d'une telle évolution sont positifs, que l'AMP ait été faite au bénéfice d'une femme seule, d'un couple homosexuel ou d'un couple hétérosexuel. Quoi qu'il en soit, l'AMP a pour les enfants des aspects positifs.

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Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé

Nous répondrons, si vous le permettez à deux voix, avec Nicole Belloubet.

Je le répète : la loi relative à la bioéthique n'est pas une loi d'égalité des droits. L'argument me gêne dans les deux sens, c'est-à-dire autant lorsqu'il est utilisé par ceux qui revendiquent à tout prix la non-discrimination que lorsqu'il l'est par ceux qui soutiennent à tous crins que nous allons glisser vers l'égalité de droits.

Les lois relatives à la bioéthique ont toujours été construites de la même façon : elles interrogent une technique médicale offerte à la population au regard des principes éthiques fondamentaux qui s'imposent au-delà du droit. De ce fait, le raisonnement sur l'égalité des droits aboutit effectivement aux dérives que vous avez évoquées et conduit – je reprends les mots de M. Patrick Hetzel – les juristes à affirmer que l'argument juridique va s'imposer pour l'ouverture de la GPA. Or ce ne sera aucunement le cas : l'argument juridique sera toujours fort moins que l'argument éthique. Je laisserai Nicole Belloubet évoquer cet aspect, car il faut que nous nous mettions d'accord sur ce que doit être une loi relative à la bioéthique : nous ne sommes pas en train de comparer les droits des individus entre eux. Nous regardons chaque technique et chaque bénéficiaire potentiel, en tenant compte des possibles vulnérabilités ainsi que de l'intérêt supérieur de l'enfant : tout cela s'impose au-delà du principe d'égalité et du droit à l'égalité.

Je réponds à M. Pascal Brindeau concernant le choix des gamètes et les critères de vraisemblance : effectivement, les règles de bonnes pratiques de l'AMP prévoient aujourd'hui que l'on peut, à la demande des parents, chercher les gamètes d'un donneur répondant à des critères de ressemblance physique ou appartenant à des groupes sanguins compatibles. Cette procédure visait à préserver le secret des familles. Je ne pense pas que les femmes la revendiquent, car une telle transposition me paraît compliquée. Il sera cependant peut-être légitime de réviser ces règles de bonnes pratiques à l'aune des nouvelles dispositions que nous prévoirons dans la loi.

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Nicole Belloubet, garde des Sceaux, ministre de la justice

Je répondrai à la question de l'égalité des droits, dont certains d'entre vous soutiennent qu'elle porterait en germe une dérive de l'AMP vers la GPA.

On peut à mon sens s'appuyer sur deux arguments afin de contrecarrer cette idée : le premier tient au fait qu'il n'existe pas, je le répète, de droit à l'enfant. Je vous ai expliqué hier soir que nous avons introduit dans le projet de loi un article créant un article 6-2 dans le code civil visant à bien préciser quels sont les droits et les devoirs de l'enfant ; mais vous ne trouverez nulle part mention d'un droit à l'enfant.

Dans son avis relatif au projet de loi relatif à la bioéthique, le Conseil d'État a indiqué très clairement qu'à partir du moment où il n'existe pas de droit à l'enfant, aucun principe d'égalité ne peut en découler : « La notion de droit à l'enfant n'ayant pas de consistance juridique, l'enfant étant sujet de droit et non l'objet du droit d'un tiers, aucune atteinte au principe d'égalité ne peut être invoqué sur ce terrain ».

Cela me paraît aller précisément dans le sens de ce que nous disons : on ne peut pas revendiquer l'égalité sur la base d'un « droit à » qui n'existe pas et qui n'a pas de consistance : dès lors, la question du glissement des droits d'un couple de femmes vers ceux d'un couple d'hommes ne se pose pas davantage.

Mon second argument à l'encontre de ce glissement vers la GPA, que M. Patrick Hetzel qualifie d'« effet domino implacable » tient au fait que le principe d'égalité ne peut à mon sens jouer en la matière. Le Conseil d'État et le Conseil constitutionnel l'ont réaffirmé à plusieurs reprises en jugeant qu'au regard de l'AMP, les couples hétérosexuels et les couples homosexuels ne sont pas dans la même situation, et les couples de femmes et les couples d'hommes pas davantage au regard de la procréation. Par conséquent, l'égalité ne peut pas être invoquée en la matière.

Par ailleurs, et je ne fais là que redire sous une autre forme la même chose que ce qu'Agnès Buzyn vient d'indiquer, la GPA pose deux problèmes liés à des principes fondamentaux, et tout d'abord à celui de l'indisponibilité de l'état des personnes. Une GPA amènera les parties à décider par convention qui sera la mère de l'enfant. Or ce ne sera pas forcément celle qui accouchera : une telle situation porterait donc atteinte à l'indisponibilité de l'état des personnes. Par ailleurs, la GPA pose également, vous le savez, un problème de patrimonialité du corps, notion que nous récusons.

Nous devons respecter ces deux principes fondamentaux de notre droit : or la GPA bute précisément sur ces deux principes, à savoir l'indisponibilité de l'état des personnes et la non patrimonialité du corps humain.

Par conséquent, parce que le principe d'égalité ne peut être invoqué et parce que la GPA bute sur deux principes fondamentaux que nous devons respecter, je maintiens qu'il ne faut pas nourrir de craintes sur le plan juridique quant à un possible glissement de l'ouverture de l'AMP à des couples de femmes vers la GPA.

La commission rejette les amendements identiques.

La commission est saisie de l'amendement n° 1009 de Mme Emmanuelle Ménard.

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Il s'agit par cet amendement de rappeler le principe suivant : l'AMP poursuit un objectif thérapeutique et ne peut être mise en oeuvre que dans le respect des droits de l'enfant, et non pour satisfaire un hypothétique droit à l'enfant qui se verrait ici consacré de facto, quand bien même il n'est pas inscrit dans le projet de loi. Je ne pense pas que l'on puisse sincèrement parler de respect des droits de l'enfant lorsqu'on le prive délibérément de père.

Je rappelle par ailleurs les réserves exprimées par plusieurs psychiatres auditionnés par notre commission s'agissant notamment de l'ouverture de l'AMP à des femmes seules. Le professeur Myriam Szejer a notamment mentionné une culpabilité inconsciente ou consciente engendrée par le fait de ne pas donner de père à l'enfant concerné. Selon elle, cette culpabilité, surtout lorsqu'elle est inconsciente, provoque une forme d'anxiété maternelle.

De son côté, le professeur Pierre Lévy-Soussan s'est interrogé : placer délibérément un enfant dans une situation que l'on sait à risque fait-il partie du rôle de la médecine ? Autant de réserves qui méritent, me semble-t-il, d'être prises en compte.

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Vous réitérez cette notion de thérapeutique : or non, l'AMP ne poursuit pas d'objet thérapeutique. De quoi est-on guérie à l'issue d'une AMP ? La femme est toujours aussi stérile après qu'avant… Et s'il s'agit d'un couple homosexuel, rien n'aura changé après l'AMP. On n'aura traité aucune maladie. Autrement dit, on ne poursuit pas un objectif thérapeutique.

Par ailleurs, vous reparlez du droit à l'enfant alors que nous venons de démontrer qu'il n'existe pas et que l'équipe médicale ne va pas se contenter d'obéir à une demande sans prendre en compte toutes les dimensions de cette forme de procréation. Nous y reviendrons d'ailleurs afin de prouver que l'engagement de l'équipe réalisant l'AMP inclut celui d'évaluer ces dimensions.

Votre proposition nous ramènerait en arrière : je me suis d'ailleurs demandé pourquoi vous n'étiez pas allée jusqu'à proposer de faire disparaître totalement l'AMP, puisque vous voudriez l'interdire lorsqu'elle a pour objet d'éviter la transmission de maladies graves, et la limiter aux seuls cas où une infertilité est médicalement prouvée. L'adoption de votre amendement nous conduirait donc très loin de l'état présent du droit, avant même le vote du projet de loi : vous souhaitez un retour en arrière, c'est-à-dire un régime d'interdiction beaucoup plus sévère. Or il me semble que nous ne sommes pas réunis ici pour évoquer la nostalgie d'un passé où la médecine ne s'était pas encore développée.

Enfin, vous convoquez à votre secours des psychiatres : chacun peut en appeler aux siens. Écoutez plutôt à ce sujet Mme Geneviève Delaisi de Parseval qui suit nombre d'enfants nés dans ces conditions : elle vous rassurera totalement. On trouve parmi eux, comme chez tous les autres enfants, des cas d'épanouissement parfait, parfois des cas à problèmes, mais ni plus, ni moins ; les psychiatres sont le reflet de ce constat. La pédopsychiatrie est faite pour répondre aux besoins de tous les enfants, qu'ils soient nés dans des conditions naturelles ou par le biais d'une assistance médicale à la procréation. Pour toutes ces raisons, mon avis est bien entendu défavorable : l'adoption de votre amendement nous conduirait en effet à l'opposé de l'objectif bénéfique que nous recherchons.

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Je tiens à insister sur la faiblesse de certains arguments employés par le rapporteur, qui soutient que l'AMP thérapeutique n'existe pas. Il faut tout de même placer sur un plan différent une AMP grâce à laquelle des couples hétérosexuels infertiles peuvent surmonter une maladie ou un handicap physique, car elle a tout de même, quoi qu'on en dise, une visée thérapeutique…

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… et les AMP permettant de remédier à une infertilité « sociale », concept créé de manière complètement artificielle dans la loi. Ce sont des choses bien différentes.

Notre opposition à ce projet de loi ne vise pas à distinguer les mauvais parents des bons : la vie nous place les uns et les autres dans des situations bien différentes. En revanche, vous ne pouvez pas effacer le père, nier son existence et empêcher l'enfant de savoir qui l'a engendré et de le côtoyer, car cela pose problème. Et c'est un fait parfaitement objectif : personne n'est venu témoigner qu'il était content d'avoir deux mères parce que cela s'est bien passé… Et comment aurions-nous pu faire témoigner quelqu'un qui n'aurait pas été content parce que les choses se seraient mal passées ? Je répète que vous effacez de la vie de l'enfant l'existence d'un père grâce auquel, quoi qu'on en dise, il est là. Si les femmes peuvent bien évidemment porter un enfant dans leur sein, il faudra toujours, d'une manière ou d'une autre, un homme et une femme pour faire un enfant.

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Je reviens sur l'argumentation du rapporteur : il conviendra avec moi que le droit positif n'autorise pas l'ouverture de l'AMP à tous les couples homosexuels. Or il faut bien une cause de départ, qui est une suspicion de pathologie. J'entends bien que l'AMP ne répare pas une situation pathologique ; reste qu'elle a pour l'heure un lien avec une maladie potentielle ou avec une infertilité potentielle ; cela n'a rien à voir avec les situations pour lesquelles vous proposez de l'ouvrir. À tel point que les couples hétérosexuels pourront demain recourir par simple choix à une AMP, en décidant de ne plus procéder par la voie naturelle de procréation et de faire appel à une assistance technique.

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Or c'est ce qui me gêne profondément : que l'on veuille ou non, et même si vous pouvez le contester aujourd'hui avec la plus grande force, mettre en concurrence cette voie de procréation naturelle et la technique ouvrira la voie à d'autres techniques qui permettront demain de choisir l'enfant que l'on souhaite et ses caractéristiques. Cette évolution porte un nom : le risque de l'eugénisme, et ce n'est pas dans la conception éthique de la France.

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La question posée à travers cet amendement est celle du respect des droits de l'enfant.

Vous avez insisté, Madame la garde des Sceaux, sur le fait qu'il n'y avait évidemment pas de droit à l'enfant, mais des droits de l'enfant. Or, de ce point de vue, cet amendement apporte une sécurisation et va dans votre sens. Dès lors, on a du mal à comprendre le Gouvernement qui, d'un côté, rejette l'idée d'un droit à l'enfant et entend, tout comme nous, respecter les droits de l'enfant et, de l'autre, donne un avis défavorable à un amendement qui tend précisément à les sécuriser.

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Tout d'abord, l'AMP est un palliatif, non une thérapie.

Ensuite, l'AMP est d'ores et déjà une pratique sociale, décidée par la société, pour faire face à un certain nombre de problèmes que rencontrent certains couples. Elle a déjà, par nature, un caractère social et pas seulement médical : c'est un outil que nous nous sommes donné, que la technique nous a permis d'élaborer pour faire face à certains enjeux. Au point où nous en sommes, il s'agit simplement de mettre les choses en cohérence et d'en tirer toutes les leçons. On mélange plusieurs problèmes : l'homoparentalité, la monoparentalité ; tout cela existe déjà dans la société ; mais les questions qui nous sont posées aujourd'hui ne sont pas de cette nature. Le temps est venu de tirer d'autres conclusions de cette pratique sociale qu'est devenue l'AMP. C'est pourquoi nous ne voterons pas cet amendement.

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Je reviens sur l'évocation par notre rapporteur de l'audition de Mme Geneviève Delaisi de Parseval. Elle a effectivement indiqué qu'elle était favorable à l'extension de l'AMP aux couples de femmes ; mais souvenez-vous qu'elle a également émis des réserves s'agissant des femmes seules, considérant qu'un enfant a besoin de deux parents et qu'en avoir un seul exigeait un travail psychique supplémentaire. Lorsqu'on cite des extraits d'auditions, encore doit-on respecter leurs auteurs.

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Selon vous, madame la ministre de la santé, l'argument de l'objectivation d'une pathologie ne tient pas dans la mesure où cela ne constitue pas une clause d'accessibilité à l'AMP. Or l'article L. 2141-2 du code de la santé publique dispose que « le caractère pathologique de l'infertilité doit être médicalement diagnostiqué »… Pourriez-vous préciser vos propos ?

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Ce projet vise à étendre l'accès à l'AMP à l'ensemble des femmes et non à réviser ou à restreindre des droits existants. Or cet amendement priverait un certain nombre de couples – en l'occurrence, hétérosexuels – de la possibilité de recourir à l'AMP. Il est particulièrement malvenu d'expliquer à des personnes qui, aujourd'hui, peuvent y recourir que cela ne leur serait plus possible après l'adoption de ce texte. C'est pourquoi, outre les arguments de M. le rapporteur, nous sommes défavorables à l'adoption de cet amendement.

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Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé

Monsieur Di Filippo, je rappelle que l'adoption plénière est aujourd'hui autorisée pour les familles homoparentales et monoparentales. Nier ce fait et considérer que l'accès à l'AMP implique d'appartenir à un autre modèle familial revient à instituer une hiérarchie entre un enfant adopté et un enfant né de l'AMP. Or le législateur a déjà estimé que ces familles étaient suffisamment robustes et solides pour accueillir un enfant adopté.

Pour ce qui est de l'objectivation d'une pathologie sous-jacente, la démarche est la suivante : lorsqu'un couple se présente pour engager une démarche d'AMP, il doit déclarer qu'il est en situation d'infertilité ou d'essai de grossesse depuis un an. Ensuite, l'équipe recherche d'éventuelles causes médicales qu'il serait possible de traiter. À défaut – et cela arrive souvent –, la démarche d'AMP continue. Ce n'est pas parce qu'aucune maladie, aucune cause d'infertilité n'est découverte que les parents ne peuvent pas accéder à cette technique. Quelle que soit la cause d'infertilité, je l'ai dit – et même si, à la limite, les parents ne se sont jamais accouplés, et nous n'avons aucun moyen de le savoir… –, ils ont droit à une démarche d'AMP.

Force est d'ailleurs de constater qu'il n'existe pas toujours de pathologie : bon nombre de couples, après une première grossesse par AMP, font par la suite des enfants par voie naturelle… Nous savons très bien que des blocages psychologiques peuvent jouer. Autrement dit, ce critère absolu d'une pathologie nécessaire dont vous voulez tirer argument ne correspond pas à ce qu'est la réalité vécue par les couples hétérosexuels.

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Madame la ministre, vous avez évoqué à plusieurs reprises la similitude qu'il y aurait entre l'adoption d'un enfant par un couple de même sexe et l'ouverture de l'AMP aux couples de femmes.

Comme vous le savez, un premier argument consiste à distinguer les choses : un enfant adopté est à l'origine une victime des malheurs de la vie, privée de son père et de sa mère biologiques, avant de retrouver une famille ; la situation d'un enfant conçu par PMA est bien sûr totalement différente. Tout cela, nous l'avons dit et redit.

En revanche, vous utilisez un argument que je trouve choquant : le législateur a tranché et de ce fait, si vous me permettez cette expression un peu triviale, circulez, il n'y a rien à voir, et surtout rien à dire.

Un certain nombre d'entre nous ont participé aux discussions sur le mariage et l'adoption – on résume trop souvent cette loi au mariage pour tous, oubliant que l'important dans ce texte était moins le mariage que la faculté d'adopter. Nous avons quant à nous combattu cette disposition et nous la combattons aujourd'hui parce que nos convictions n'ont pas changé. Je crains, madame la ministre, qu'il ne vous faille entendre cet argument un certain nombre de fois encore ; car même si la majorité a changé, il reste toujours une minorité à s'y opposer, et nous avons toute légitimité pour le faire.

Enfin, dernière différence que je tiens à souligner : l'enfant adopté avait un père et une mère, dont il a été privé par les aléas tragiques de son histoire ; mais l'enfant conçu dans le cadre d'une AMP au sein d'un couple de même sexe, verra sa filiation sexuée effacée puisqu'il aura deux mères d'intention et que l'élément masculin est supprimé ab initio. C'est là une différence majeure qui motive profondément notre opposition.

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Lorsque vous dites, madame Genevard, que le père est totalement gommé dans le cadre d'une AMP, le problème se pose également pour les couples hétérosexuels. En quoi l'homoparentalité poserait-elle un problème spécifique ?

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En principe, madame Mauborgne, les débats ne doivent pas se dérouler entre vous.

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Pour réagir à ceux de ma collègue Mauborgne…

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Justement, je vais soutenir les propos de ma collègue Genevard pour essayer de convaincre la ministre et le rapporteur.

Nous créons une situation dans laquelle, ab initio, l'enfant est privé d'un père. Or c'est seulement aujourd'hui que nous mesurons les conséquences et les dégâts des lois de 1994 – d'où les questions sur la levée de l'anonymat. Dans vingt ans, quels seront les effets des décisions que nous allons prendre ? Des enfants ne pourraient-ils reprocher à l'État d'être la cause de leur situation ? Nous n'en savons rien, mais nous devons nous poser la question, en toute responsabilité.

En outre, si un enfant issu de l'AMP d'un couple de femmes fait connaissance, dix-huit ans plus tard, avec son géniteur – lequel aura donné son accord –, qu'ils se prennent d'affection l'un pour l'autre et que l'enfant souhaite le prendre pour père, cela ne lui sera pas possible. La question mérite en tout cas d'être posée, surtout avec la levée de l'anonymat. Privilégiera-t-on l'intérêt de l'enfant devenu majeur ou celui des parents ab initio ? Peut-être la question se posera-t-elle dans vingt ans.

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Frédérique Vidal, ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation

Ce débat, et notamment cette dernière question, se pose de la même manière dans tous les cas d'AMP avec donneur.

Il faut mesurer ce qu'est un parcours d'AMP, comme il faut mesurer ce qu'est un parcours d'adoption. Il faut mesurer ce que c'est qu'être parent. Être parent, ce n'est pas avoir contribué à la vie avec ses gamètes : c'est aussi avoir été là chaque jour de la vie de l'enfant.

Ajoutons qu'un très grand nombre d'enfants, aujourd'hui, adoptés ou nés d'AMP avec donneur, ne souhaitent à aucun prix rencontrer leur géniteur ; à l'inverse, d'autres le souhaitent, et entreprennent d'ailleurs pour ce faire des démarches parfois douloureuses.

Dans le cas d'AMP avec donneur, suivre votre raisonnement revient à effacer le donneur en tant que père alors qu'il s'agit de répondre à un projet parental qui peut être celui d'un couple formé par un homme et une femme, d'un couple constitué de deux femmes ou celui d'une femme seule. L'important est de repenser le projet parental et de ne pas appeler « père » le donneur ou « mère » la donneuse – puisqu'il est aussi possible de faire des dons d'ovocytes. Il est très important de le rappeler pour respecter les personnes qui nous écoutent et qui sont nées d'AMP avec donneur ou qui ont été adoptées, et de ne jamais faire la confusion entre ce qu'est un père ou une mère et un géniteur.

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Je vous rappelle que seuls les membres de la commission spéciale ont le droit de participer au vote.

La commission rejette l'amendement n° 1009

Elle examine ensuite l'amendement n° 1024 de Mme Emmanuelle Ménard

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Trois observations à propos de cet amendement, qui me permettront également de réagir à ce qui a été dit précédemment.

Ce projet de loi sur l'AMP pour toutes, ai-je entendu, n'enlève de droits à personne ; or il me semble que l'on enlève prioritairement à l'enfant celui d'avoir un père.

Ensuite, à vous entendre, l'adoption et l'AMP, c'est un peu la même chose, on se retrouve finalement dans la même situation. Or, avec l'adoption, on donne des parents à un enfant qui en a été privé suite à un accident de la vie ; avec l'AMP, on donne un enfant à des parents. La logique est donc radicalement inverse.

Enfin, l'AMP pour toutes s'inscrit dans la lignée de la loi qui a consacré le mariage pour tous. Je vous rappelle que le gouvernement de l'époque avait juré, la main sur le coeur, que le mariage des couples homosexuels n'emporterait pas de conséquences sur la filiation. Pourtant, aujourd'hui, nous y sommes. Permettez-moi donc de douter de l'interdiction ad vitam aeternam de la GPA.

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Même argumentation que pour l'amendement précédent : celui-ci tend à réserver exclusivement l'AMP aux cas d'infertilité pathologique, ce qui est très restrictif, même au regard de la législation actuelle – et, à plus forte raison, au regard de l'évolution que nous entendons proposer au bénéfice des personnes concernées, enfants et parents.

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Cet amendement soulève également une question abordée la semaine dernière, en particulier, au cours de l'audition du professeur Drago : celui-ci s'est interrogé sur le risque de contentieux, pour l'État, dans la mesure où ces enfants nés sans père pourraient considérer qu'ils subissent un préjudice à cause de cette loi et qu'ils pourraient en demander réparation.

J'aimerais que la ministre de la justice nous dise ce qu'elle en pense, car un certain nombre de juristes nous ont alertés sur ce volet-là : à terme, les enfants concernés pourraient attaquer l'État pour avoir été dès le départ privés de père.

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J'entends cet argument et je me suis moi-même posé la question, comme tous mes collègues, mais je ne peux adhérer à l'idée selon laquelle nous priverions un enfant de père : nous offrons à un enfant le droit de vivre alors que, sans ce nouveau droit de l'AMP accordé à des femmes seules ou en couple, il n'y aurait par définition pas de vie nouvelle. Nous rendons possible la naissance d'une vie nouvelle dans le cadre d'un projet parental, un projet d'amour, un projet de vie qui doit être soutenu.

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Cet amendement vise en effet à exclure les femmes seules et les couples de femmes du recours à l'AMP. Il est donc exactement à l'opposé du projet de loi que nous proposons.

Je voudrais aussi que chacun pense un instant à toutes ces femmes seules, à tous ces couples de femmes qui vivent des moments plus ou moins douloureux ou difficiles, et financièrement lourds, en étant contraintes de sortir du territoire par milliers pour bénéficier de l'AMP à l'étranger. À chaque fois que l'on s'oppose à ce nouveau droit que nous voulons instituer, on oublie le parcours de vie de ces femmes.

Ce rappel me semble nécessaire, car si les arguments des uns et des autres reflètent des convictions, une vision de l'avenir, nous n'avons pas encore vraiment évoqué ces femmes, seules ou en couple, qui vivent des situations auxquelles elles ne doivent pas être éternellement soumises. Au contraire, elles doivent pouvoir bénéficier, à proximité de chez elles, dans les meilleures conditions, de ce nouveau droit que la loi offre aujourd'hui aux couples hétérosexuels.

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Quoi que l'on en dise, nous avons entendu de nombreux arguments pour justifier le droit des couples de femmes à avoir un enfant. Mme la ministre Vidal a même dit qu'il ne fallait plus parler de père pour désigner le géniteur… Nous n'avons donc même plus le droit de parler du père !

M. Fuchs, de son côté, explique que l'enfant devrait se réjouir de sa seule présence au monde. Mais ce qui le réjouirait, c'est de connaître ses origines, de savoir d'où il vient ! Je ne dis pas qu'il a forcément besoin d'un père pour l'élever et s'occuper de lui tous les jours – la vie nous met dans les situations où elle nous met –, mais qu'il a besoin, pour se construire, de savoir d'où il vient et quelles sont ses origines.

On ne peut pas nier, effacer d'un trait de plume l'existence d'un père biologique ! Lorsque l'enfant aura grandi, il décidera avec qui il tissera des liens, qui il appellera « papa », « maman », ou « maman et maman », mais vous ne pouvez pas effacer d'un trait de plume l'existence d'un père. Or, quoi que vous en disiez, avec ce texte, vous allez priver l'enfant de la possibilité de savoir d'où il vient et qui a été son père.

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Vous faites une confusion : c'est déjà la situation que connaissent les couples hétérosexuels après avoir recouru à une AMP. Depuis 1994, le droit dispose que le donneur n'est jamais le père et c'est très bien ainsi. Le donneur a donné un patrimoine génétique mais la filiation, dans tous les cas, est impossible.

En l'occurrence, il ne s'agit pas d'effacer le père, mais, au contraire, de reconnaître le choix fait par le donneur, et qui consiste à donner des gènes, non à s'engager en responsabilité dans un projet parental. Il ne fait qu'accompagner ceux qui portent le projet parental. Selon moi, vous faites une confusion préjudiciable à toutes les familles hétéroparentales qui ont bénéficié d'une AMP.

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Ce projet de loi, monsieur Di Filippo, représente une avancée considérable puisque l'enfant, à sa majorité, pourra retrouver ses origines. C'est cela qui est important. Si sa construction ne lui a pas permis de trouver la sérénité, il pourra rechercher ce qui lui manque à travers cet accès aux origines ; mais quoi qu'il en soit, c'est auprès de son père et de sa mère ou de ses deux mères qu'il se construira, et il pourra le faire fort bien sans forcément avoir grandi dans un couple constitué par un papa et une maman.

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Nicole Belloubet, garde des Sceaux, ministre de la justice

Mme la députée Ménard, si j'ai bien compris, considère que l'ouverture de l'AMP à des couples de femmes n'est que la conséquence de la loi relative au mariage pour tous.

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Nicole Belloubet, garde des Sceaux, ministre de la justice

Je ne crois pas que ce soit le cas. Les choix qui ont été faits dans la loi du 17 mai 2013 n'ont aucune incidence sur le choix d'ouvrir l'AMP aux couples de femmes, qu'elles soient du reste mariées ou non.

La loi de 2013 concernait le mariage et l'adoption ; il n'y avait dedans aucun élément sur l'AMP. Aujourd'hui, c'est un choix différent qui vous est proposé et qui, d'une certaine manière, n'a rien à voir avec ce que le législateur a choisi de faire dans la loi sur le mariage pour tous.

La deuxième observation porte sur la question de la responsabilité. M. Patrick Hetzel se demande si les enfants nés d'un couple de femmes pourraient attaquer leurs mères ou l'État pour avoir été privé de père dès le départ. Cela me semble extrêmement difficile, sinon impossible : il faudrait qu'une faute et un préjudice aient été commis ; or les mères agiront précisément dans le respect de la loi qui, nous l'espérons, sera adoptée. Par ailleurs, je ne vois pas très bien en quoi le fait d'être élevé par deux femmes pourrait constituer un préjudice. En l'occurrence, la question de la responsabilité n'est pas pertinente.

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Le professeur Drago a rappelé que la cour d'appel de Metz, en 2016, avait estimé à 25 000 euros le préjudice moral subit par un enfant privé de son père parce que celui-ci avait été écrasé alors que sa mère était enceinte. Ce préjudice a été confirmé par la Cour de cassation et peut donc faire jurisprudence, mais c'est sans doute un débat de juristes.

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Nicole Belloubet, garde des Sceaux, ministre de la justice

Vous voyez bien que les deux situations sont totalement différentes : dans un cas, l'enfant a effectivement été indemnisé de la perte de son père ; dans celui qui nous occupe, le postulat de départ est totalement différent.

La commission rejette l'amendement n° 1024

La commission est saisie de l'amendement n° 1026 de Mme Emmanuelle Ménard

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En théorie, il ne devrait pas être nécessaire d'introduire la précision que je propose par cet amendement. Pourtant, à la lumière d'un projet de loi qui veut priver délibérément un enfant de son père, il convient de rappeler que notre droit doit se soumettre aux principes juridiques qui découlent de la hiérarchie des normes, notamment, des textes internationaux et, parmi eux, la convention internationale des droits de l'enfant.

Par ailleurs, je souhaite revenir sur l'intervention de M. Martin qui nous enjoint, et j'en suis bien d'accord, de prendre en compte la douleur de ces femmes obligées de se rendre à l'étranger pour effectuer une AMP. J'aimerais qu'à leur douleur on associe celle des enfants qui, eux, grandiront sans père.

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Votre demande est satisfaite puisque l'accès à l'AMP fait l'objet d'un accompagnement spécifié à l'article L. 2141-10 modifié par le présent article 1er, et qui reconnaît les droits de l'enfant – y compris un droit supplémentaire important, celui de l'accès aux origines – de même que la motivation du couple, l'information sur les possibilités de réussite et d'échec, les règles relatives au consentement, etc.

S'agissant du rôle du père, soyons très clairs entre nous : le géniteur n'est en rien un père. Plutôt que d'ajouter des arguments juridiques à ceux qui ont été donnés par Mme la ministre ou Mme Coralie Dubost, je rappellerai la célèbre phrase que Marcel Pagnol fait dire à César, dans sa trilogie marseillaise : le vrai père, c'est celui qui aime, celui qui pourvoit aux besoins de l'enfant, qui assure son éducation. N'appelons donc pas « père » ou « père biologique » le géniteur : il est celui qui a fait don de ses gamètes, mais il n'a rien à voir avec un père. Ne confondons pas les deux !

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Monsieur le rapporteur, notre débat sur le père, la place qu'il doit avoir, les conséquences de son absence, est tout à la fois fondamental et légitime.

Lors des auditions, j'ai été frappée de découvrir qu'il y avait trois absents.

Le père tout d'abord. Selon moi, nous ne nous sommes pas suffisamment interrogés sur les conséquences de l'absence de père dans la filiation alors qu'il en est complètement effacé, les mères devenant les seuls parents.

L'enfant, ensuite, dont nous n'avons pas assez parlé — nous reviendrons dans nos discussions sur les études qui ont été menées et sur leur fiabilité.

La biologie enfin. J'ai été frappée du discours anti-biologie de nos collègues favorables à ce texte, comme s'il y avait une sorte d'indécence à en parler. Nous ne pouvons tout de même pas effacer la dimension sexuée et biologique de la filiation au motif que nous ouvrons des droits aux couples de femmes ! C'est pourquoi nous reviendrons sur cette question lorsque nous examinerons la suppression du titre VII bis au profit du nouveau dispositif que Mme la garde des Sceaux nous a présenté hier. Elle nous a assuré qu'il était léger, qu'il effleurait à peine ce titre ; à ceci près que même la femme qui a accouché, dans un couple de femmes, n'a pas un statut différent alors que, par nature, c'est elle la mère ; or elle n'est donc plus reconnue en tant que telle et se voit placée exactement au même rang que sa conjointe.

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Mme Ménard a évoqué la douleur des enfants sans père. C'est un vaste débat, mais je crains qu'en défendant un tel état d'esprit on n'en vienne à supprimer toute une série de droits. Imaginons une femme qui choisit de donner naissance à un enfant malgré ses relations orageuses avec un homme. Cela devrait-il devenir illégal ? On met là le doigt dans une spirale extrêmement dangereuse. On peut aussi évoquer la douleur des enfants qui n'ont jamais souhaité avoir tels ou tels parents, sans doute bien plus vive que celle pouvant naître après l'union aimante de deux personnes choisissant d'avoir un enfant. N'allons donc pas sur ce terrain glissant, surtout lorsqu'il s'agit de légiférer !

Il me semble que l'on multiplie les arguments d'autorité alors que, à ma connaissance, rien n'atteste qu'il puisse exister une telle douleur de l'enfant dans un couple de femmes homosexuelles. On peut le marteler pendant toute la nuit mais, en l'état, toutes les études démontrent, et c'est tant mieux – ou tant pis pour ceux que cela indispose – que tel n'est pas le cas.

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Le problème de cette absence du père mérite que l'on s'y attarde quelques instants.

Études ou non, des spécialistes font état de cette douleur et ma vie professionnelle en atteste également. Si, comme il semble, un enfant peut sans problème naître et grandir sans père, est-ce à dire que celui-ci, dont j'ai bien compris qu'il n'était pas indispensable, ne serait même pas utile ? Dans ce cas, c'est cette société-là dont je ne veux pas, une société qui dit que l'autre n'est pas nécessaire. Est-on en train de fabriquer une société dans laquelle la moitié de l'humanité – en l'occurrence, les hommes – serait exclue sans que cela ne soulève aucun problème ? Cette société-là, je n'en veux pas !

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Les débats seront longs et l'on ne manquera pas d'user de certains arguments parfois un peu tirés par les cheveux… On peut toujours évoquer la douleur des enfants sans père, quand bien même elle me semble tout à fait contestable et très largement contestée. On peut aussi se pencher sur la douleur des enfants sans amour et sans soin, qui n'est pas l'apanage des seuls couples hétérosexuels ou homosexuels.

Je suis convaincu que l'ouverture de l'AMP aux femmes seules ou aux couples de femmes ne revient pas à exposer mécaniquement les enfants à un risque de manque d'amour et de soin. En aucun cas. Une telle ouverture permet de répondre à un désir d'enfant à travers un droit nouveau.

L'argument consistant à dire que, sans père, un élément essentiel manquerait à l'épanouissement d'un enfant est fallacieux.

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Comment vit-on sans père ? Seuls ceux qui en ont fait l'expérience pourraient en parler.

L'amendement proposé est inutile, à moins d'admettre qu'il faudrait interdire à des femmes de quitter le territoire pour bénéficier d'une AMP. Si l'absence de père est une douleur pour l'enfant, il faudrait à tout prix l'éviter. Voulez-vous aller jusque-là avec ce genre d'argument ? Par ailleurs, les droits de l'enfant auxquels se réfère cet amendement sont universels. Pourquoi évoquer ces droits pour l'AMP et pas pour d'autres questions concernant les enfants en général ? Cet amendement me semble totalement superfétatoire.

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Pourquoi en parler ? Je m'adresse au rapporteur et aux ministres : parce que l'on crée un droit et qu'il faut vérifier que les conditions sont réunies pour préserver l'intérêt de l'enfant. Ce point est tout de même essentiel.

J'établis un lien avec le débat sur la filiation. Pourquoi cette ouverture de droits aux couples de femmes et aux femmes seules ? Tel était, certes, le projet d'Emmanuel Macron qui déclarait d'ailleurs dans un tweet en février 2017 que la non-ouverture de l'AMP aux couples de femmes et aux femmes seules était « une discrimination intolérable » – on sent bien que la question discriminatoire peut recouvrir une confusion politico-juridique sur l'égalité.

Mais un couple d'hommes pourrait fort bien revendiquer un même droit sur ce fondement de la filiation à partir d'un « don d'amour », comme vous l'avez dit, afin de répondre à sa souffrance, à son désir d'accueillir un enfant ! Vous avez évoqué le parcours de ces femmes contraintes de se rendre à l'étranger, mais quid du parcours de ces hommes ? Et sitôt que l'on file le raisonnement, on se retrouve à aller vers la GPA. Nous voyons bien qu'il ne s'agit pas de réformer nos lois de bioéthique stricto sensu. N'aurait-il pas été plus pertinent, mesdames les ministres, de réformer le droit de la filiation ?

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Ce débat est très intéressant mais j'ai le sentiment que l'on aborde ce sujet comme s'il était complètement abstrait.

Comme M. Dharréville l'a rappelé fort justement, ces familles existent. Les familles homoparentales n'ont pas attendu la loi de 2013 pour exister ! Il y en a toujours eu et il ne s'agit pas d'inventer un nouveau modèle familial : il faut simplement intégrer ces dernières dans la société.

M. Martin l'a dit : aujourd'hui, ces couples de femmes ou ces femmes seules qui souhaitent recourir à une AMP doivent dépenser des sommes importantes à l'étranger, dans des pays où ces grands principes fondateurs que sont l'indisponibilité du corps et la non-marchandisation du matériel génétique ne sont pas toujours appliqués aussi rigoureusement que chez nous.

Arrêtons de faire comme si ces familles n'existaient pas, intégrons-les ! En ouvrant cette technique aux couples de femmes et aux femmes seules, nous réglerons cette question de la marchandisation du corps à l'étranger.

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Nous sommes d'accord : il existe déjà des couples de femmes qui ont des enfants, en adoptent, en élèvent. Le problème est de savoir si l'on utilise le mot « mère » ou « maman » pour les deux et si l'on supprime les mots « père » et « papa ».

Nous parlons certes de l'amour, mais je me souviens très bien de ce pédopsychiatre qui expliquait, à la fin de son audition, que les enfants n'ont pas besoin d'amour mais de parents. L'amour, ça va, ça vient, si j'ose dire, chacun d'entre nous est bien placé pour le savoir (Sourires), c'est très aléatoire… Or le droit n'est pas le baromètre de l'amour : il vise à objectiver les choses pour définir, en l'occurrence, une relation entre un enfant et des adultes à travers le lien de la filiation.

Comment utilise-t-on les mots « père » et « mère » dans notre droit ? Dès lors que l'on dit à un enfant qu'il a deux mères, à égalité, on évacue la dimension corporelle de la grossesse et de l'accouchement, on met de côté cette réalité du corps qui, d'une certaine manière, rattrape l'enfant lors de sa construction.

Encore une fois, il ne s'agit pas de discuter de modes de vie, mais de savoir si, dans notre droit de la filiation, les mots « père » et « mère » ont encore un sens ou non.

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On entend beaucoup parler du père, mais peut-être faut-il s'interroger sur ce qu'est un donneur, et rappeler qu'à aucun moment, ceux qui font un don de gamètes ne prétendent au statut de père. Du reste, la loi les en préserve : on ne peut ni engager leur responsabilité parentale ni établir une filiation entre le donneur de gamètes et l'enfant né de ce don. J'ajoute qu'il serait particulièrement dangereux de proposer une évolution en ce sens, dans la mesure où cela percuterait de plein fouet nombre de familles hétérosexuelles qui ont recouru à une aide médicale à la procréation avec tiers donneur – pour rappel, 24 000 enfants naissent chaque année d'une AMP. Certes, pour une partie seulement d'entre eux, les parents ont eu recours à un tiers donneur, mais ils existent et sont bien réels. Or, il serait absolument faux d'affirmer que le donneur est le véritable père de ces enfants ; c'est bien un géniteur.

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Ce n'est pas ce qui a été dit : vous caricaturez !

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Ce n'est pas ce qui a été dit : vous caricaturez !

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Je ne cherche pas à caricaturer, je m'efforce de comprendre vos arguments et d'y répondre.

À vous entendre, on retirerait son père à un enfant. Or, dans un parcours d'AMP, une femme – demain, seule ou en couple avec une autre femme ; aujourd'hui, en couple avec un homme – qui a le désir de fonder une famille recourt à un don pour enfanter et aller au bout de son projet parental. À aucun moment, n'intervient un père que l'on escamoterait.

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Monsieur Chiche, nous nous sommes, me semble-t-il, mal compris. Nous ne prétendons pas que le donneur a vocation à être le père ou la légitimité pour l'être. Nous nous interrogeons simplement sur le rôle de la paternité dans la construction d'un enfant. À cet égard, permettez-moi de citer les propos lumineux de Mme Sylviane Agacinski : « Il n'y a pas d'équivalence ni de similitude de condition entre les sexes et entre les couples. La maternité et la paternité représentent des situations asymétriques et, si les mots ont encore un sens, une mère n'est pas l'équivalent féminin d'un père. » On ne saurait dire les choses plus clairement.

Par ailleurs, je souhaiterais répondre à ceux qui estiment que cette loi serait justifiée par le fait que des cohortes de femmes se rendent à l'étranger, mettent leur santé en péril et dépensent des sommes très importantes pour réaliser un projet familial. Sur ce point, une expertise montre que les chiffres ne sont pas stabilisés et qu'en tout état de cause, ils ne correspondent pas à ceux qui figurent dans l'étude d'impact. À vous entendre, il faudrait légiférer pour répondre à une situation de première urgence. Commençons par examiner attentivement les choses afin de connaître notamment le nombre des femmes concernées. Faut-il rappeler que nous nous apprêtons à opérer un changement dont certaines des personnes que nous avons auditionnées, qui sont pourtant de véritables thuriféraires du texte, ont qualifié de fondamental, en évoquant un changement de civilisation. Le nombre des couples concernés est-il si conséquent qu'il justifie que nous modifiions à ce point le droit de la filiation ?

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Ne faisons pas l'autruche : nous savons que des femmes franchissent la frontière pour recourir à l'AMP à l'étranger. Il y a quelques années, Mme Simone Veil, constatant que 300 000 avortements étaient pratiqués chaque année, avait estimé qu'il fallait arrêter de nier ce fait et définir un cadre.

Certes, un père est nécessaire à la construction d'un enfant, mais c'est un idéal. Lorsque mes parents ont divorcé, dans les années 1960, seulement un pour mille des enfants se trouvait dans ma situation. Aujourd'hui, ils représentent la moitié de la classe de mes propres enfants, au lycée. Dans les années 1960, je ne me sentais pas normal ; ce n'est plus le cas aujourd'hui d'un enfant de divorcés. Pourquoi ? Parce qu'un enfant passe plus de temps à l'école que dans sa famille : c'est donc là qu'il construit son modèle de société. Demain, lorsque des enfants ayant deux mamans ne seront plus les seuls à se trouver dans cette situation, ils ne se sentiront pas anormaux. C'est cela qui importe ! La construction de l'enfant se fait bien entendu dans sa famille – et s'il y a de l'amour, c'est largement suffisant –, mais aussi, du point de vue de son identité et de son rôle social, dans la société, à commencer par l'école. Le plus important, c'est qu'il ne se sente pas différent des autres, exclu, anormal, parce qu'il serait le seul de sa classe à avoir deux mamans.

Arrêtons de nous voiler la face : des couples de femmes ont recours à l'AMP à l'étranger, il faudra bien leur donner une place en France !

La commission rejette l'amendement n° 1026.

Puis elle est saisie de l'amendement n° 2057 de M. Pascal Brindeau.

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La problématique de l'ouverture de l'AMP n'est évidemment pas liée, à mon sens, à l'orientation sexuelle des familles. Dès lors que l'on fonde le projet familial sur la seule volonté d'un projet parental – aujourd'hui, celui d'un couple hétérosexuel, demain celui d'un couple de femmes ou d'une femme seule – et que l'on réduit l'AMP à un instrument permettant de faire droit à ce projet, on ouvre un champ qui relève de l'éthique. En effet, qu'est-ce qui empêchera, demain, de recourir à cet instrument médical pour réaliser un projet parental à plus de deux ? Pourquoi refuserions-nous à trois personnes, quel que soit leur genre, de développer un tel projet fondé sur l'amour d'un enfant à naître ? Demain, il n'y aura plus de barrières juridiques et éthiques à opposer à ce type de demandes.

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Cet amendement s'inscrit dans la lignée des précédents : il s'oppose au progrès de la loi. Nous y sommes donc bien entendu défavorables.

La commission rejette l'amendement.

Elle examine ensuite, en discussion commune, les amendements identiques n° 3 de M. Xavier Breton, n° 191 de M. Patrick Hetzel et n° 541 de Mme Annie Genevard, ainsi que les amendements n° 629 de M. Thibault Bazin, n° 1034 de Mme Émilie Bonnivard, n° 1045 de M. Philippe Gosselin, n° 1579 de M. Bruno Fuchs et n° 1772 de M. Raphaël Gérard.

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L'amendement n° 3 vise à maintenir la rédaction actuelle de l'article L. 2141-2 du code de la santé publique en soumettant le recours à l'AMP à la condition d'une infertilité médicalement constatée.

À ce propos, je souhaiterais savoir, madame la ministre de la santé, si une étude d'impact a été réalisée sur les conséquences de la suppression du critère de l'infertilité pour les couples femme-homme. Combien d'entre eux vont demander à y avoir accès ? Rappelons-nous les auditions réalisées par la mission d'information que je présidais et dont M. Jean-Louis Touraine était le rapporteur : ni le président du Comité consultatif national d'éthique ni le Défenseur des droits n'étaient favorables à la suppression de ce critère pour les couples hétérosexuels. A-t-on bien mesuré toutes les conséquences d'une telle mesure ?

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Lors de son audition, la semaine dernière, le professeur Lévy-Soussan nous a alertés sur le fait qu'une AMP sans père avait un certain nombre d'incidences. Ce faisant, il s'appuyait sur un certain nombre d'études qui montrent que l'adoption d'enfants par un seul parent crée des difficultés liées à l'absence d'un des deux parents. Les éléments dont nous disposons ne nous permettant pas d'écarter tout risque pour l'enfant, nous estimons que le principe de précaution devrait s'appliquer. Tel est l'objet de l'amendement n° 191.

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Par l'amendement n° 541, nous proposons de maintenir les conditions actuellement exigées pour le recours à l'AMP.

Lorsque je vous entends, mesdames les ministres, j'avoue ma perplexité. L'ouverture de l'AMP aux couples de femmes n'est pas un sujet médical ; en effet, comme l'a dit Mme Aurore Bergé, ce dispositif est, de ce point de vue, connu et éprouvé. Ce n'est pas non plus, avez-vous dit, madame la ministre de la santé, un sujet éthique – ce qui est étonnant, puisque nous examinons un projet de loi de bioéthique – ni une question d'égalité des droits. Je souhaiterais donc vous poser une question simple : qu'est-ce que l'ouverture de l'AMP aux couples de femmes ? Jusqu'à présent, vous l'avez défini par ce qu'elle n'est pas…

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L'amendement n° 629 a un objet similaire. Monsieur le rapporteur, vous avez indiqué tout à l'heure qu'il ne fallait pas oublier pas le rôle de l'équipe médicale. Il s'agit, en effet, d'une question de fond. Que demandons-nous à la santé publique, dans un contexte – vous le savez, madame la ministre de la santé – très tendu, si tendu que certains assurés sociaux pourraient ne pas comprendre que l'assurance maladie soit sollicitée. Aussi, je souhaiterais vous interroger sur trois points liés aux effets de la suppression du but thérapeutique de l'assistance médicale à la procréation.

Tout d'abord, qu'en est-il de la médecine, dont les moyens humains et financiers ne sont pas extensibles et qui peine déjà à faire face aux défis qu'elle a à relever ?

Ensuite, que deviendra la relation entre patient et médecin si, les moyens n'étant plus concentrés sur la réponse aux situations pathologiques, celui-ci est contraint d'arbitrer entre différentes situations ? La gestion, on l'a bien compris, se fera au fil de l'eau, mais les délais vont s'allonger et les couples, homosexuels comme hétérosexuels, pourraient nourrir une certaine suspicion et se considérer comme discriminés. Cette frustration croissante peut créer des tensions dans notre société.

Enfin, si, faute de critère objectif, la médecine ne procède plus qu'à une évaluation subjective de la souffrance des personnes désireuses d'accueillir un enfant, sans pour autant souffrir d'une pathologie les en empêchant, ne risque-t-on pas de créer des injustices ? L'éthique de la vulnérabilité n'impose-t-elle pas de traiter d'abord ceux qui présentent une pathologie ?

L'amendement n° 1034 est défendu.

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Pour défendre l'amendement n° 1045, je ne reviendrai pas sur le droit à l'enfant ni sur le glissement possible vers la GPA et l'atteinte aux principes de dignité et d'indisponibilité, qui ont déjà été évoqués. Je souhaite plutôt vous interroger, madame la ministre de la santé, sur des points très concrets. À combien estimez-vous le nombre des nouvelles demandes, une fois supprimé le critère de l'infertilité ? Comment envisagez-vous la progression à laquelle nous assisterons certainement dans les années à venir ? Comment comptez-vous créer de nouveaux centres d'AMP pour répondre à cette demande ? Dans mon département de la Manche, le centre d'AMP de Cherbourg est en cours de fermeture faute d'un nombre suffisant de praticiens. Par ailleurs, puisqu'il n'y aura plus de critère objectif lié à l'infertilité, comment comptez-vous organiser, si je puis me permettre cette expression, la réalisation des AMP ? Comment permettre aux personnes vivant en milieu rural d'y avoir accès et éviter qu'elle ne soit réservée à une catégorie particulière de nos concitoyens ? Bref, le ministère de la santé a-t-il anticipé cette évolution et comment compte-t-il y faire face alors que, par ailleurs, l'absence de moyens lui pose déjà bien des difficultés ?

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Sur la forme, je ne suis pas certain que l'amendement n° 1579 doive être discuté à ce moment du débat. Il me paraît en effet plus proche de l'amendement n° 1787 de M. Gérard que de ceux que nous venons d'examiner.

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Je vous propose néanmoins de le défendre maintenant, car il fait partie de la discussion commune.

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Par cet amendement, nous proposons qu'outre les couples formés d'un homme et d'une femme ou de deux femmes, toute femme seule, et non « toute femme non mariée », comme le prévoit le projet de loi, puisse avoir accès à l'AMP. De fait, si l'on s'en tient à la rédaction actuelle du projet de loi, une femme qui est en couple sans être mariée pourrait recourir à l'AMP sans l'autorisation de son conjoint ou de son concubin.

Mais, je le répète, cet amendement ne me semble pas avoir sa place dans cette discussion commune.

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En l'espèce, la discussion commune regroupe les amendements portant sur l'alinéa 3.

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Je m'étonne également que mon amendement n° 1772 soit examiné dans le cadre de cette discussion commune, dans la mesure où il prend le contre-pied de ceux qui viennent d'être défendus par nos collègues Les Républicains.

Quoi qu'il en soit, il tend à inscrire dans la définition même de l'AMP la notion de projet parental. Dans la pratique, la procréation médicalement assistée, qu'elle vise à remédier à l'infertilité ou pas, a toujours pour objet de répondre à un projet parental. Par ailleurs, le recours à l'AMP avec tiers donneur ne répond pas à un objectif thérapeutique puisque cette technique médicale ne permet pas de soigner l'infertilité de l'homme ou de la femme stérile. En revanche, elle permet, grâce au don de gamètes d'un tiers, de réaliser un projet parental.

En 2011, le législateur avait estimé que la formulation antérieure de la loi présentait l'inconvénient de faire de la demande parentale l'élément essentiel du recours à l'assistance médicale à la procréation. Cette notion avait alors été retirée du texte pour renforcer la dimension médicale, qui est aujourd'hui la source de la confusion qui caractérise nos débats sur la visée thérapeutique de l'AMP.

L'extension de celle-ci aux couples de femmes et aux femmes seules cisgenres consacre sa finalité, qui est de permettre à toute personne susceptible de pouvoir porter un enfant de recourir au don d'engendrement d'un tiers pour réaliser son projet parental.

Dès lors, il me paraît opportun de consacrer la notion de projet parental en la faisant figurer dans la définition même de l'AMP, puisqu'elle apparaît déjà par ailleurs dans les articles L. 2141-3 et L. 2141-4 du code de la santé publique. On répondrait ainsi à l'argument selon lequel il s'agirait de reconnaître un droit à l'enfant. Tel n'est pas l'objet de ce texte : il s'agit bien d'accompagner et d'encadrer un projet parental.

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Il convient de séparer ces amendements en deux groupes. Le premier comprend les amendements identiques et les amendements n° 629, n° 1034 et n° 1045, qui visent à remettre en cause le principe même du projet de loi en refusant toute extension de l'AMP à d'autres personnes que les couples hétérosexuels infertiles ou susceptibles de transmettre une maladie à l'enfant. Bien entendu, nous sommes défavorables à ces amendements puisque l'objet du texte est précisément de l'étendre aux couples de femmes homosexuelles et aux femmes seules.

Mme la ministre de la santé répondra aux questions qui lui ont été posées. Pour ma part, j'indiquerai que le nombre total de procréations médicalement assistées, quelle que soit la technique utilisée – insémination artificielle, fécondation in vitro… –, effectuées en France pour des couples hétérosexuels était, en 2016, de 24 609, dont beaucoup moins de la moitié avec un tiers donneur. Le nombre de femmes en couple ou de femmes seules qui recourraient à l'AMP ne peut pas être précisément évalué, mais il serait de l'ordre de 2 000 à 3 000, sachant que – c'est la seule donnée précise dont nous disposons pour l'instant – 760 femmes françaises se rendent chaque année en Belgique pour y effectuer une AMP. D'autres se rendent en Espagne ou ailleurs. Pour la plupart d'entre elles, la préparation à l'AMP se fait en France.

Quant aux amendements n° 1579 et n° 1772, j'y suis favorable, mais je demanderai à leurs auteurs de bien vouloir les retirer car nous examinerons ultérieurement l'amendement n° 2233, qui est dans la même veine, puisqu'il porte sur l'accompagnement de l'AMP, notamment sa dimension médicale et psychologique, et vise à l'étendre à l'ensemble des couples pouvant le solliciter. Je ne vous propose donc pas un retrait définitif de vos amendements, mais je souhaite que nous en différions l'examen pour pouvoir étudier globalement cette possible amélioration du texte.

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Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé

Je vais répondre à quelques-unes des questions qui m'ont été posées.

Monsieur Breton, vous m'interrogez sur l'impact qu'aurait sur les couples hétérosexuels la suppression du critère de l'infertilité. Ce questionnement peut se comprendre au plan théorique, mais la lourdeur d'une démarche d'AMP est telle que je ne vois pas très bien quel couple hétérosexuel pourrait choisir d'enfanter grâce à cette technique, qui nécessite un investissement personnel et des traitements importants. Je ne crois donc pas que ce mode de procréation devienne naturel, si telle est votre crainte. En tout état de cause, il faut faire confiance à la prise en charge pluridisciplinaire des familles qui expriment leur désir de parentalité. Les entretiens doivent permettre de faire les choix les plus adaptés à la situation de chaque personne. Encore une fois, si un couple est capable d'avoir un enfant par voie naturelle, je ne vois pas ce qui le motiverait à entreprendre une démarche d'AMP.

Madame Genevard, peut-être ai-je fait un raccourci. Je voulais dire, non que l'extension de l'AMP n'était pas un sujet éthique – il s'agit à l'évidence d'une question bioéthique –, mais qu'elle ne posait pas de problème au regard de nos valeurs éthiques fondamentales.

Monsieur Bazin et monsieur Gosselin, vous m'interrogez sur notre capacité à assurer la montée en charge du dispositif afin de répondre à l'accroissement des demandes qui ne manquera pas de se produire. L'étude d'impact porte sur 2 000 couples supplémentaires par an, ce qui représente un effort supplémentaire de 10 millions à 15 millions d'euros. Nous avons considéré que cette somme, rapportée aux 300 millions d'euros du budget actuel de l'AMP, représentait un effort soutenable. Nous allons par ailleurs renforcer notamment les capacités humaines des centres d'AMP afin qu'ils puissent prendre en charge ces nouveaux couples.

Monsieur Bazin, vous avez également indiqué que nous allions prendre en compte une souffrance subjective. Mais tel est déjà le cas : la Sécurité sociale rembourse actuellement des interventions de chirurgie réparatrice et esthétique sur le fondement d'une souffrance subjective. Un nez trop grand, par exemple, peut avoir un impact sur la vie personnelle de la personne concernée. La souffrance subjective est donc bien intégrée à la conception que nous avons du bien-être. En effet, je le rappelle, la santé correspond, selon l'Organisation mondiale de la santé (OMS), au bien-être psychique et physique. Ce type d'intervention est ainsi pris en compte dans les dépenses d'assurance maladie. Une telle mesure n'est donc pas en contradiction avec notre droit et avec la façon dont nous envisageons les dépenses d'assurance maladie.

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Madame la ministre, vous ne comprenez pas, dites-vous, pourquoi des couples hétéros non stériles auraient recours demain à l'AMP et éviteraient ainsi la couette… (Sourires.)

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Pourtant, hier, vous avez évoqué les risques que comporte la recherche d'un enfant « parfait ». Or on sait que l'AMP permet d'établir des diagnostics potentiellement un peu plus poussés. Certes, nous aurons ce débat lorsque nous examinerons un autre article du projet de loi, mais nous savons que certains ont la volonté d'aller plus loin. Vous avez été claire sur ce point et j'espère que vous tiendrez cette digue. Néanmoins, nous ne pouvons pas discuter cet article sans évoquer ceux qui en découlent. Il y a là, de fait, un véritable risque qu'il faudrait peut-être encadrer davantage sur le plan légistique.

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Je m'étonne que cette question n'ait fait l'objet d'aucune étude d'impact. On sait en effet qu'il est possible, dans le cadre des techniques d'assistance médicale à la procréation, de sélectionner les gamètes. Certes, on nous répondra qu'une telle sélection n'est pas autorisée aujourd'hui. Mais, puisqu'elle l'est à l'étranger, avec des banques de gamètes telles que Cryos, le jour viendra où l'on nous dira qu'il faut l'autoriser en France pour que ces chers Français ne soient pas obligés de se rendre à l'étranger. Il existe donc un véritable risque d'aller vers des bébés sur mesure. Or, cette possibilité pourrait « tenter » tous les couples, y compris les couples femme-homme. C'est pourquoi l'absence d'étude de l'impact de la suppression du critère d'infertilité me semble totalement irresponsable.

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Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé

Monsieur Breton, je n'ai pas utilisé l'argument selon lequel il faut légaliser une pratique en France au motif qu'elle existe ailleurs. Précisément, les lois de bioéthique fixent des interdits au regard de notre culture et de nos valeurs éthiques fondamentales. Ainsi le choix des gamètes n'est en aucun cas permis par la loi française, et il ne le sera pas davantage demain. C'est la raison pour laquelle nous restons attentifs à l'anonymat du don, qui participe de la même logique.

Nous discutons, dans le cadre de ce projet de loi, de tout ce qui est possible, notamment de beaucoup de choses qui se font ailleurs. L'objet du texte est de définir collectivement ce que nous ne souhaitons pas en France. L'ouverture de l'AMP aux couples de femmes ou aux femmes seules, nous la proposons, non pas parce qu'elle se fait ailleurs, mais parce qu'elle ne remet pas en cause nos valeurs éthiques fondamentales.

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N'oublions pas qu'au-delà de l'égalité – je ne reviendrai pas sur le point de savoir s'il s'agit d'une loi d'éthique ou d'une loi d'égalité : nous nous sommes un peu emmêlé les pinceaux sur ce sujet lors de l'audition d'hier soir –, une partie des arguments avancés pour défendre l'extension de l'AMP est fondée sur le fait qu'il n'est pas normal que des femmes se rendent en Belgique ou en Espagne. On voit bien qu'une sorte de forum shopping, de dumping éthique, est tout à fait possible. De fait, l'un des arguments qui reviennent régulièrement, dans les propos de la majorité notamment, consiste à dire que nous ne pouvons pas créer des barrières aisément franchissables. On l'a vu hier à propos de la recherche des origines : celle-ci est interdite en France, mais il suffit d'un clic pour commander sur internet un test venant des États-Unis. Les digues que vous tentez de construire – et je veux bien accepter votre bonne foi – sont faites de sable et ne peuvent pas tenir. Si nous ne sommes pas clairs, dès le départ, sur les objectifs et les arguments, ils ne pourront donc que s'écrouler.

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Nous examinons le troisième alinéa de l'article 1er et je ne voudrais pas que le texte débute par une formulation imprécise qui favorise la confusion. Je souhaiterais donc que nous en débattions, à un moment ou à un autre.

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Si vous le maintenez, je rappelle que le rapporteur est favorable à son retrait.

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Je n'ai pas de raison de le retirer, car je pense que le texte est imprécis. Discutons-en !

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Je retire mon amendement n° 1772 au profit de l'amendement n° 2233 du rapporteur.

L'amendement n° 1772 est retiré.

La commission rejette les amendements identiques n° 3, n° 191 et n° 541, puis, successivement, les amendements n° 629, n° 1034, n° 1045 et n° 1579.

Puis elle est saisie de l'amendement n° 1104 de M. Cyrille Isaac-Sibille.

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Hier, Mme la garde des Sceaux a indiqué qu'il n'existait pas de définition juridique du couple et de l'union libre : ne sont reconnus par le droit que le mariage, le Pacs et le concubinage. Il me paraît donc important de préciser que l'AMP est ouverte aux couples mariés, pacsés ou prouvant une vie commune d'au moins deux ans.

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Nous sommes nombreux à nous être posé la question à la première lecture du texte. Il nous semblait, par exemple, que l'expression « femme seule » était plus appropriée. Mais, pour des raisons juridiques qu'a expliquées Mme la garde des Sceaux, il est important de prendre en compte les conséquences, notamment en matière de filiation, des termes choisis. Si une femme est mariée, son mari est présumé être le père : la paternité lui sera attribuée. Nous sommes donc tenus de nous rapprocher du droit actuel. Il faut s'assurer que l'enfant sera protégé. Des précisions vous seront peut-être données par Mme la garde des Sceaux. En tout état de cause, mieux vaut nous en tenir à l'expression « femme non mariée », même si, pour la compréhension du texte, l'expression « femme seule » nous semblait plus appropriée. Avis défavorable.

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Nicole Belloubet, garde des Sceaux, ministre de la justice

Je ne peux que répéter ce que j'ai dit hier soir. Dans la jurisprudence du Conseil d'État et du Conseil constitutionnel tout comme dans les tables du code civil, le mot « couple » renvoie aux trois formes juridiques suivantes : le mariage, le Pacs ou le concubinage. Il me paraît donc superfétatoire de le préciser dans le texte.

La commission rejette l'amendement.

La commission examine les amendements identiques n° 4 de M. Xavier Breton, n° 192 de M. Patrick Hetzel, n° 542 de Mme Annie Genevard, n° 630 de M. Thibault Bazin et n° 1141 de M. Jérôme Nury.

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Mon amendement n° 4 propose de supprimer, à l'alinéa 3, les mots « ou de deux femmes ou toute femme non mariée », afin de réserver l'accès à l'assistance médicale à la procréation aux couples de personnes de sexe différent.

Nos collègues Aurore Bergé et Guillaume Chiche ont exposé leur vision du texte, qui consisterait, en étendant l'accès à l'assistance médicale à la procréation à toutes les femmes, à établir une égalité entre les femmes. Mais dans notre droit – et c'est à eux que fait référence l'article L. 2141-2 du code de santé publique –, ce sont les couples qui ont accès à cette technique. En présentant ce texte comme une façon d'établir l'égalité des droits entre les femmes – ce qui va à l'encontre des propos de Mme la ministre –, on en vient à nier la notion de couple et à évincer les hommes de ces techniques.

Il faut en revenir à ce que prévoit la loi actuelle – l'assistance médicale à la procréation est ouverte aux couples constitués d'une femme et d'un homme – et ne pas réduire ce texte à la seule question de l'accès des femmes, et seulement des femmes, à ce droit.

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Mon amendement n° 192 a le même objet. S'agissant de l'accès des femmes seules à l'assistance médicale à la procréation, il est important de considérer la situation de grande précarité dans laquelle elles peuvent se trouver, ainsi que le montrent des études récentes. Il est paradoxal que la majorité, faisant fort légitimement état de sa sensibilité à ces questions, évoque des situations subies dans un cas, des situations choisies dans un autre : elle entre ainsi dans une logique de discrimination sociale. C'est une question que l'on ne peut évacuer et qui mérite toute notre attention.

Il est un autre argument qu'il ne faut pas davantage négliger lorsque l'on évoque l'AMP sans père. En expliquant que la technique ne sert plus à contrer un empêchement de nature médicale, on se place dans une démarche transhumaniste. Lorsque l'on dit que l'on s'efforce d'étendre, grâce à la technologie, les possibilités biologiques actuelles, on ne franchit pas seulement une frontière ; ipso facto, le verrou se trouve levé. Lisez la déclaration transhumaniste, et vous verrez qu'il existe une quasi-correspondance entre son article 4 et l'exposé des motifs du Gouvernement se rapportant à l'article 1er du projet de loi. Il ne faut pas écarter d'un revers de la main cette dimension. Je pense que notre rôle de parlementaires consiste à vous alerter sur ces points.

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Je souhaite vous renvoyer à l'audition de la professeure Myriam Szejer, qui, sans se montrer hostile au projet de loi, a exprimé de fortes réserves sur la question de l'accès des femmes non mariées à l'AMP. S'appuyant sur son expérience professionnelle, elle a évoqué des états de fragilité chez ces femmes, liés à la culpabilité de ne pas avoir donné de père à leur enfant, le développement possible d'anxiétés et d'attitudes compensatoires, des idéaux éducatifs démesurés, des couples mère-enfant souvent pathologiques et fusionnels. Il me paraît donc important de s'interroger, et c'est le but de mon amendement n° 542. Je le ferai à nouveau en présentant l'amendement n° 543, sur la question des femmes seules souhaitant mener un projet de PMA.

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Dans un sondage paru le 15 juin 2018, 93 % des Français considéraient qu'un enfant a besoin de son père et de sa mère. Le débat de démocratie participative institué par les états généraux a abouti à la même conclusion, puisque sur le site dédié, l'extension de l'AMP – mais sans doute faut-il désormais parler d'assistance technique à la procréation ? – a recueilli 87 % d'opinions défavorables.

Chers collègues, avons-nous le droit d'imposer demain à un enfant de ne pas avoir de père, après-demain à un enfant de ne pas avoir de mère ? Lorsque l'on recentre la question sur l'enfant, la réponse diffère de celle défendue par la majorité avec ce projet de loi. D'où mon amendement n° 630.

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Je défends l'amendement n° 1141 de Jérôme Nury, dont je suis cosignataire. Je me demande si nous allons suffisamment au fond des choses, si nous mesurons bien l'enjeu qui consiste à ne plus mettre le progrès scientifique au service d'une vision humaniste de la place de la femme et de l'homme dans la société, mais au service d'une forme de bien-être, centrée sur l'individu, comme vient de le dire Mme la ministre. Ce débat mérite que l'on s'y appesantisse, car selon la façon dont on pose la question, la réponse n'est pas forcément celle que propose le texte.

M. le rapporteur nous a indiqué qu'il était favorable à un amendement concernant le droit à l'enfant, finalement retiré. Cela ne laisse pas d'interroger. Je voudrais que l'on m'explique les conséquences qu'entraînera l'adoption de l'article 1er. Le droit à l'enfant ne peut être limité à une catégorie de citoyens français. Or le texte prévoit de l'étendre à des citoyens qui n'en bénéficient pas pour des raisons d'ordre purement biologique, mais aussi, ainsi que l'a expliqué la garde des Sceaux, d'en exclure définitivement d'autres citoyens. Je voudrais que l'on ait l'honnêteté de dire jusqu'à quand cette situation sera tenable.

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Avis défavorable sur ces amendements qui, une fois encore, visent à limiter l'AMP aux seuls couples hétérosexuels présentant une infertilité démontrée ou une pathologie transmissible, puisque leur adoption priverait le texte de son objet.

Je le répète, monsieur Viala, aucun couple, quel qu'il soit, aucune personne ne peut revendiquer un quelconque droit à l'enfant. Ce droit n'existe pas, il ne s'agit donc pas de l'étendre.

Il me semble quelque peu exagéré de parler de « transhumanisme » à propos d'une circonstance où, après qu'un gamète mâle a été associé à un gamète femelle, l'oeuf se développe dans un utérus, évidemment féminin. La différence éventuelle tient à l'éducation qui sera assurée, soit par une femme seule, soit par deux femmes, soit par une femme et un homme, mais la conception de cet enfant reste traditionnelle, dans le cadre d'une reproduction qui, si elle n'est plus sexuelle, demeure sexuée.

On ne cesse d'entendre dire que l'enfant n'aura pas de père et que cela aura des conséquences graves. La question est légitime et mérite d'être posée. Nous l'avons abordée, et il se trouve que les sciences humaines démontrent l'inverse. Rappelons à cette occasion qu'il convient de faire la différence entre le genre et la fonction. À l'époque de Sigmund Freud, les images respectives du père et de la mère étaient bien différentes de celles qui s'imposent au XXIe siècle : le père incarnait l'autorité, la mère l'amour. Heureusement, les pères d'aujourd'hui savent témoigner leur amour, et les mères n'attendent plus le retour du père pour infliger les éventuelles punitions à l'enfant ! Ce temps est révolu.

Les arguments de cet ordre me font penser à la remarque d'un ami psychiatre, qui notait que l'absence de père ferait au moins disparaître le complexe d'Œdipe… Vous voyez que l'on peut y répondre par la boutade !

Restons simples : dans la mesure où ces circonstances existent, et qu'elles n'ont pas d'effet dramatique, organisons-les dans la loi.

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À partir du moment où l'on peut recourir aux techniques d'assistance à la procréation sans nécessité médicale, on est dans une logique où l'on force les choses : j'y vois les germes du transhumanisme. Et je pense que nous y sommes d'ores et déjà lorsque je lis à l'article 4 de la déclaration transhumaniste : « Nous souhaitons nous épanouir en transcendant nos limites biologiques actuelles ». Ce n'est pas du tout anodin.

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À ce compte, avaler un cachet d'aspirine, c'est être transhumaniste !

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En plus de rappeler la position du groupe La République en Marche, je souhaite revenir sur les arguments avancés pour défendre ces amendements qui ôteraient tout objet à l'article 1er.

Le premier, qui évoque le transhumanisme, vise délibérément à inquiéter les Français, tout comme celui qui consiste à expliquer que l'accès à l'AMP de toutes les femmes entraînera systématiquement l'ouverture de la GPA. Nous avons déjà démontré qu'il s'agissait de situations différentes. Chaque loi relative à la bioéthique permet de s'interroger sur ce que nous souhaitons autoriser, au regard des limites éthiques que nous posons. Or il apparaît clairement que la majorité et le Gouvernement n'ont pas souhaité autoriser la GPA.

Par ailleurs, chers collègues, vous critiquez l'utilisation de techniques médicales pour des raisons autres que biologiques. Il vous faudrait, par souci de cohérence, considérer que vous êtes opposés à l'accès à l'AMP des couples hétérosexuels présentant une infertilité constatée, qu'elle soit ou non d'origine physiologique !

Nous considérons que cette technique médicale est éprouvée, qu'elle s'inscrit dans les limites éthiques que nous souhaitons poser et qu'il ne serait pas légitime de ne pas l'ouvrir aux couples de femmes.

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Monsieur le rapporteur, vous vous êtes déclaré favorable à un amendement sur la notion de projet parental, très proche de celle du droit à l'enfant. Je réitère donc ma question – sans agiter de chiffon rouge, madame Bergé : si l'on étend le périmètre de nos concitoyens capables de porter un projet parental, comment, à court terme, pourra-t-on continuer d'en exclure une catégorie de Français ?

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Oui, monsieur Breton, nous voulons reconnaître à toutes les femmes les mêmes droits, qu'elles soient ou non en couple, et indépendamment de leur orientation sexuelle. Parce que nous refusons de hiérarchiser les familles ou le désir d'enfant, nous ne voulons pas exclure certaines femmes de la possibilité de recourir à une pratique médicale, celle de l'AMP.

Je ne pense pas que la comparaison entre les femmes seules et les familles monoparentales soit pertinente. Dans le cas de ces dernières, le projet parental initial était bien souvent partagé, et ce sont les faits qui les ont amenées à une telle situation, avec le lot de surprises, parfois désagréables, que cela entraîne, notamment au regard des ressources nécessaires pour subvenir aux besoins d'un enfant. Mais dans le cas d'une femme seule qui souhaite recourir à une AMP, le projet parental est appréhendé et anticipé sous tous ses aspects.

Nous avons justifié l'extension de l'AMP à toutes les femmes par le fait qu'un certain nombre d'entre elles choisissaient de se rendre dans un autre pays en courant des risques sanitaires et juridiques, parfois en se surendettant. Il faut ajouter à cela que certaines ont recours à une « PMA sauvage », sans accompagnement médical, en important des gamètes depuis l'étranger ou en usant de techniques artisanales qui les mettent en danger. C'est ce que nous cherchons à corriger avec l'article 1er.

La commission rejette les amendements identiques n° 4, 192, 542, 630, 1141.

Puis elle examine, en discussion commune, les amendements n° 1102 de M. Cyrille Isaac-Sibille, n° 1977 de Mme Marie Tamarelle-Verhaeghe et les amendements identiques n° 5 de M. Xavier Breton, n° 193 de M. Patrick Hetzel et n° 631 de M. Thibault Bazin.

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Ce projet de loi interroge les modèles familiaux sur lesquels nous souhaitons construire notre société. Il en existe de toutes sortes. Comme je l'ai rappelé hier, le fa'a'mura, en Polynésie française, autorise un couple à faire don d'un enfant à sa naissance.

Par mon amendement n° 1102, je pose une question : souhaitons-nous déconstruire notre modèle actuel ? Celui-ci repose sur le couple, qu'il soit homosexuel ou hétérosexuel, première cellule de solidarité pour la prise en charge éducative et matérielle de l'enfant. En autorisant l'accès à l'AMP aux femmes seules, nous instaurons un nouveau type de famille, la famille uniparentale, nous dirigeant, je le crains, vers une société de plus en plus individualiste. La solidarité qui s'exerce au sein du couple, ainsi que le veut notre modèle, devra alors être prise en charge par l'État ou les collectivités, et non plus par la famille.

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Je propose, par mon amendement n° 1977, de limiter l'extension de l'AMP aux seuls couples de femmes. Je n'entends pas remettre en cause le désir d'enfant que toute femme peut éprouver, ni porter de jugement sur les différentes situations familiales qui peuvent exister, mais prendre en compte l'intérêt de l'enfant. Je considère en effet que la conception, la naissance d'un enfant est liée à un projet partagé entre deux personnes, ce qui permet une nécessaire altérité et assure la présence d'un tiers dans la relation mère-enfant.

Par ailleurs, le temps disponible et la capacité financière moindres – même si des études nuancent cet aspect – par rapport à ceux d'une famille biparentale, interrogent sur l'opportunité de cette extension. Il convient aussi de noter que l'Autriche et la Norvège ont ouvert l'AMP aux couples de femmes, sans l'étendre aux femmes seules.

Il est régulièrement fait état d'études : je vous invite à les aborder avec prudence tant elles sont peu nombreuses et basées sur des cohortes restreintes. Enfin, l'analogie avec l'adoption ne me paraît pas fondée, puisque la situation d'un enfant qui a besoin d'un foyer n'a rien à voir avec celle d'un enfant qui a été conçu.

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Les auditions ont montré qu'il existait de nombreuses réticences à l'égard de l'extension de l'assistance médicale à la procréation aux femmes seules, même chez les spécialistes favorables à l'accès des couples de femmes à ces techniques – je pense notamment à la psychanalyste Geneviève Delaisi de Parseval.

Par ailleurs, si les études portant sur les enfants nés dans des couples de femmes existent, et peuvent être sujettes à controverse, aucune ne permet de se déterminer sur ce sujet, ainsi que l'indique très clairement l'avis du CCNE.

Enfin, l'argument selon lequel les personnes célibataires sont autorisées à adopter ne convainc pas, dans la mesure où l'adoption permet de donner des parents à un enfant qui n'en a plus, quand l'assistance médicale à procréation permet de donner un enfant à des parents qui n'en ont pas. Les termes sont inversés et la notion de temps n'est pas la même. D'où mon amendement n° 5, qui propose de ne pas étendre l'AMP aux femmes seules.

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Je lirai trois citations à l'appui de mon amendement n° 193. M. Emmanuel Macron, le 10 décembre 2018 : « [C'est la colère de] la mère de famille célibataire, veuve ou divorcée, qui ne vit même plus, qui n'a pas les moyens de faire garder les enfants et d'améliorer ses fins de mois et n'a plus d'espoir. Je les ai vues, ces femmes de courage pour la première fois disant cette détresse sur tant de ronds-points ! » ; M. Édouard Philippe, le 8 mars 2019 : « Il faut déplacer des montagnes quand on élève seule ses enfants. » ; Mme Christelle Dubos, le 4 avril 2019, dans une interview donnée au journal La Croix : « [Toutes les familles monoparentales connaissent] des problèmes similaires : même solitude, même difficulté à articuler travail et vie de famille, etc. » Je peux vous fournir une dizaine de pages de citations de membres du Gouvernement sur le sujet. Il est clair que, dans ce domaine, le principe de précaution doit prévaloir.

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J'apporterai quelques arguments complémentaires pour défendre mon amendement n° 631. L'ouverture de l'assistance technique à la procréation à toute femme non mariée pose des questions bien spécifiques. Ainsi, le Conseil d'État a considéré « excessif de donner à une personne la puissance extrême d'imposer à une autre l'amputation de la moitié de son ascendance ».

Du point de vue matériel, on sait que les familles monoparentales sont plus précaires et constituent un quart de la population pauvre. Lors des auditions, des députés de la majorité ont fait valoir que les femmes seules souhaitant accéder à l'AMP avaient plutôt les moyens financiers d'élever un enfant – ce qui ne va pas sans poser d'autres questions éthiques et philosophiques – mais existe-t-il une clause qui prémunisse une femme célibataire de perdre son emploi ?

Enfin, ne risque-t-on pas d'introduire une inégalité majeure entre les enfants, certains ayant ab initio un seul parent ?

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Pour une réflexion aboutie, il est important de réaliser qu'il n'y a rien de comparable entre la situation, subie, d'une femme à la tête d'une famille monoparentale, et celle d'une femme seule qui décide d'entreprendre une démarche en vue d'une AMP.

La décision de ces femmes obéit à des raisons diverses : certaines veulent rester seules et avoir une famille, d'autres n'ont pas encore trouvé le compagnon avec qui elles feront leur vie, mais se savent à l'âge où elles seront bientôt inaptes à procréer. D'autres encore choisiront de conserver leurs ovocytes, ainsi que la loi les y autorisera.

Il s'agit généralement de femmes qui ne sont pas du tout en situation de précarité, mais qui, durant des mois, des années, ont mûri leur réflexion, analysé avec leur famille et leurs proches les conditions dans lesquelles leur enfant sera accueilli. Ces enfants très attendus sont fort choyés, bien éveillés, car beaucoup de personnes interagissent avec eux. La situation n'est en rien comparable à celle d'une femme qui a procréé sans toujours l'avoir prévu, dont le compagnon est parti au cours de la grossesse et qui se retrouve dans une immense précarité.

La représentante de l'association Mam'en solo, lors de son audition, a expliqué que les enfants se développaient bien, sans se sentir amputés d'un père, concluant ainsi : « Les différentes études le démontrent : ce n'est pas le format de la famille qui compte, mais la qualité des interactions avec les enfants. Les anti-PMA pensent qu'il est presque criminel qu'un enfant naisse sans un père à ses côtés ; nous considérons pour notre part que ce type de considération sur nos familles est davantage susceptible de faire souffrir nos enfants que l'absence d'un père. » Prenons garde à ne pas laisser prospérer ces idées qui stigmatiseraient ces femmes et ces familles et les gêneraient dans leur épanouissement ; car de fait, il est bel et bien possible de s'épanouir dans ces foyers.

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Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé

Cette discussion est très importante et je sais que cette question interpelle certains d'entre vous. Il s'agit à mes yeux d'une belle mesure, qui concerne ces nombreuses femmes qui ont mûri un projet de parentalité, savent qu'elles ne trouveront pas leur âme soeur avant l'âge où elles ne pourront plus procréer, souhaitent impérativement accompagner un enfant dans sa vie. De toutes les façons, elles y parviendront. Nous connaissons tous des femmes qui ont eu un enfant seul.

Cette mesure permet de sécuriser médicalement leur parcours en leur évitant de prendre des risques. Elle pourra aussi rassurer un grand nombre d'hommes car il arrive que, devant des difficultés matérielles, la perte d'un emploi par exemple, une mère seule se tourne vers le géniteur et exige, contre son gré parfois, une reconnaissance de paternité et l'octroi d'une pension alimentaire.

Cette situation existe depuis toujours, nous considérons qu'il est plus sain d'accompagner le projet parental, longuement mûri, de ces femmes. Toutes celles que nous avons auditionnées préalablement à la rédaction de ce projet de loi assumaient de manière tout à fait impressionnante cette monoparentalité, avec souvent un entourage familial et amical très présent. Je trouve cette mesure très belle.

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Les citations que vous avez lues, monsieur Hetzel, visaient des mères de famille monoparentale, dont la situation n'a rien à voir avec celle des femmes qui ont décidé d'avoir, seule, un enfant. Celles-ci ont mené une réflexion, conduit leur projet en s'entourant d'amis, parfois d'un compagnon à venir – on ne peut rien prévoir en la matière ; celles-là subissent l'abandon de leur conjoint, parfois sans pouvoir en divorcer ni toucher de pension alimentaire. Comparer ces situations relève de la mauvaise foi. Nous avons d'un côté des femmes qui ont un projet parental, un désir fort de donner la vie et de créer une famille – peut-être pas sur le modèle que vous imaginez –, de l'autre, des femmes aux prises avec un contexte totalement subi, qui n'ont pas du tout choisi cette situation. Malgré tout le respect que j'ai pour vous, monsieur Hetzel, je trouve cet argument légèrement fallacieux.

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Cette question nous a traversés et nous nous sommes tous interrogés sur le bien-fondé de cette mesure. Légiférons-nous de manière juste en permettant l'ouverture de l'AMP aux femmes seules ? C'est un questionnement que nous avons tous eu et qu'expriment certains de nos collègues du groupe La République en Marche.

Nous pouvons y répondre en considérant qu'il ne s'agit pas d'un projet de monoparentalité, telle qu'elle nous apparaît aujourd'hui. Nous connaissons tous des femmes qui, malheureusement, n'ont pas choisi la situation dans laquelle elles sont, ont le plus grand mal à obtenir le recouvrement des pensions alimentaires, doivent faire appel au CCAS de leur commune en raison de la grande précarité dans laquelle elles sont plongées après le départ de leur conjoint. Sur ce sujet, nous avançons. Mais cet alinéa concerne des femmes, d'un milieu sociologique souvent différent, qui ont réfléchi, mûri leur choix.

D'autre part, il semble que la perception de l'AMP soit un peu faussée chez certains. Un parcours en PMA n'est pas un long fleuve tranquille, d'accès simple, immédiat et forcément réussi. Il serait quelque peu exagéré d'imaginer que les femmes se jetteront toutes sur cette possibilité de faire seule un enfant et iront envahir les CECOS ! La décision doit être réfléchie, la démarche évaluée et le parcours ne réussit pas toujours.

Nous avons pris le temps de mûrir cette mesure, avec les états généraux. En ouvrant ce droit, nous sécurisons les femmes qui y auront accès et la filiation des enfants à venir ; nous garantissons que le donneur ne pourra en aucun cas être considéré comme le père. Cette liberté et ces sécurités nouvelles doivent nous convaincre d'adopter cet article.

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Je ne voudrais pas que les personnes qui suivent nos débats, et singulièrement les familles monoparentales, aient l'impression que nous échangeons en vase clos. Effectivement, 36 % des foyers monoparentaux vivent sous le seuil de pauvreté, un défi pour notre société. L'exécutif et la majorité parlementaire ont eu à coeur de prendre des dispositions particulières en leur faveur, notamment dans le cadre du projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS).

Il est effectivement impossible de comparer la situation de ces familles avec celle des femmes célibataires qui construisent un projet parental, et je rejoins en cela les propos de mes collègues. Mais je vous alerte sur une tendance dangereuse qui consisterait à ouvrir des droits à la mesure du portefeuille de chacun. S'agissant du recours à des pratiques médicales, il faut garder raison et s'en tenir à une logique universelle.

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Nous avons tous conscience que dans une de ces situations, une femme décide seule, tandis que dans l'autre, une femme seule subit. Mais il y a un point commun : dans les deux cas, cette femme sera seule avec le ou les enfants. C'est à ce sujet que nous ont alerté un certain nombre de professionnels de l'enfance : une des questions importantes est l'altérité, et le colloque singulier entre une mère seule et son enfant pose un certain nombre de problèmes. Je vous rappelle qu'au cours des auditions menées jeudi dernier, les professionnels ont été unanimes sur ce point, quelle que soit leur vision de l'altérité, car il est possible d'entendre l'altérité comme sexuelle, impliquant la présence d'un homme et d'une femme, ou de l'entendre comme requérant simplement la présence d'une autre personne.

Reste que nous avons affaire à une personne qui, de fait, sera seule. Il n'est pas question de stigmatiser les familles monoparentales : cela représente plus de trois millions de personnes. Mais le projet de loi va plus loin : il va entraîner une responsabilité de la société. Sommes-nous prêts à l'assumer collectivement ? J'en doute, dans la mesure où, in fine, nous sommes face à une situation liée à un désir d'enfant. Et s'il ne s'agit nullement de négliger le désir d'enfant, c'est l'intérêt de l'enfant qui doit primer. D'où mes interrogations, et mon amendement.

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Le désir d'enfant est bien réel, mais dans vos propos, madame la ministre, le désir d'enfant se transforme en un droit à l'enfant car vous estimez que la femme fera cet enfant dans tous les cas. Dont acte ; mais cela n'impose pas de l'inscrire dans la loi.

Vous n'entendez pas les psychiatres et les pédopsychiatres qui indiquent que fonder la filiation sur la relation exclusive entre une femme et son enfant va étouffer ce dernier, qui ne connaîtra que sa mère, et qui ne pourra pas se construire, notamment au niveau de sa généalogie. Quelles que soient les circonstances et les difficultés que nous avons connues, nous savons tous que nous avons un père et une mère, et plus loin des grands-parents, ce qui nous permet de nous construire et de nous inscrire dans une généalogie.

Dans le cas dont nous débattons, il y aura une relation exclusive avec une mère qui aura voulu cet enfant et à qui nous aurons reconnu ce droit à l'enfant. C'est une mesure irresponsable.

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Madame la ministre, monsieur le rapporteur, l'intérêt de l'enfant a été absent de vos propos. Vous avez évoqué le projet mûrement réfléchi d'une future mère, et je conviens avec Mme Bergé que le parcours est très long jusqu'à l'aboutissement d'une AMP. Mais le parcours est encore plus long pour l'enfant par la suite, et il est possible que des accidents de la vie surviennent. Nous prenons la responsabilité de faire naître un enfant qui restera seul en cas d'accident de la vie. Vous n'avez pas répondu sur ce point, le risque de laisser l'enfant seul en cas d'accident est le résultat d'un choix du parent, mais pas de l'enfant.

Si la question du choix d'un géniteur contre son gré a été évoquée, la loi aura aussi une dimension incitative ou dissuasive. Voulons-nous inciter à l'apparition de familles monoparentales, avec toutes les fragilités qu'elles induisent en cas d'accident de la vie ? C'est une vraie question.

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La question centrale dans mon amendement n'est pas le désir de la femme, mais bien les conditions qui nous semblent les plus favorables pour le développement de l'enfant. Il ne s'agit pas de faire de discrimination ou de juger qu'une femme n'est pas capable d'éduquer un enfant, mais de donner à un enfant les conditions optimales pour son développement.

On nous dit qu'il s'agira de femmes qui ne subiront pas une situation, mais qui la choisiront. Mais il arrive que des couples en grande précarité viennent demander à bénéficier d'une assistance médicale à la procréation. Faut-il la leur refuser ? Si des femmes connaissant une situation sociale très fragile souhaitent avoir un enfant, va-t-on leur répondre qu'elles sont trop fragiles, qu'elles ne sont pas cadres, que leur projet n'est pas suffisamment mûr pour qu'elles aient accès à l'AMP ? Nous aboutirions à des situations très difficiles à gérer pour les équipes médicales, et qui feraient courir un risque à la mère et à son enfant.

Quant à la sécurisation des hommes, je confesse avoir une grande admiration pour Mme Buzyn, mais je ne comprends pas son argument. Si une femme qui souhaite avoir un enfant seule se fait faire un enfant par un tiers, puis se retourne vers lui pour obtenir une pension alimentaire, c'est que quelque chose dysfonctionne dans son rapport à autrui… Et je ne suis pas sûre que le recours à l'AMP y change quoi que ce soit.

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Ce sont pourtant des situations qui existent.

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Je ne suis pas très à l'aise, car ce sujet est très délicat. Je partage l'idée selon laquelle on ne peut comparer une femme en situation monoparentale précaire à une femme seule qui souhaite recourir à l'AMP, mais ce qui compte à mes yeux, c'est l'altérité. Et rappelons notre condition humaine : nous sommes des êtres fragiles, nous pouvons connaître des problèmes de santé, une dépression. Être à deux, pouvoir se relayer, c'est important pour l'enfant, et c'est aussi une façon de tempérer nos blocages, nos difficultés, les éléments excessifs de nos caractères.

La commission rejette successivement les amendements n° 1102 et n° 1977, puis les amendements identiques n° 5, n° 193 et n° 631.

La séance est levée à dix-neuf heures cinquante.

Membres présents ou excusés

Réunion du mardi 10 septembre à 16 heures

Présents. - M. Didier Baichère, M. Thibault Bazin, Mme Aurore Bergé, M. Philippe Berta, Mme Marine Brenier, M. Xavier Breton, M. Pascal Brindeau, Mme Anne-France Brunet, M. Guillaume Chiche, M. Francis Chouat, Mme Josiane Corneloup, Mme Bérangère Couillard, M. Marc Delatte, M. Pierre Dharréville, Mme Coralie Dubost, Mme Nicole Dubré-Chirat, M. Pierre-Henri Dumont, M. Jean-François Eliaou, Mme Nathalie Elimas, Mme Agnès Firmin Le Bodo, Mme Emmanuelle Fontaine-Domeizel, Mme Paula Forteza, M. Bruno Fuchs, Mme Annie Genevard, M. Raphaël Gérard, M. Philippe Gosselin, M. Guillaume Gouffier-Cha, M. Patrick Hetzel, M. Cyrille Isaac-Sibille, Mme Anne-Christine Lang, Mme Monique Limon, Mme Brigitte Liso, M. Jacques Marilossian, M. Didier Martin, Mme Sereine Mauborgne, Mme Emmanuelle Ménard, M. Thomas Mesnier, M. Maxime Minot, M. Matthieu Orphelin, Mme Bénédicte Pételle, Mme Sylvia Pinel, Mme Claire Pitollat, M. Jean-Pierre Pont, Mme Florence Provendier, M. Alain Ramadier, Mme Laëtitia Romeiro Dias, Mme Laurianne Rossi, M. Hervé Saulignac, Mme Marie Tamarelle-Verhaeghe, M. Jean-Louis Touraine, Mme Laurence Vanceunebrock-Mialon, M. Pierre Vatin, Mme Michèle de Vaucouleurs, M. Olivier Véran, M. Philippe Vigier, Mme Martine Wonner

Excusé. - M. Bastien Lachaud

Assistaient également à la réunion. - M. Erwan Balanant, Mme Géraldine Bannier, Mme Danielle Brulebois, M. Dino Cinieri, M. Alexis Corbière, M. Fabien Di Filippo, Mme Marie-France Lorho, M. Gilles Lurton, Mme Emmanuelle Ménard, M. Éric Pauget, Mme Agnès Thill, M. Arnaud Viala