Commission spéciale chargée d'examiner le projet de loi relatif à la bioéthique

Réunion du jeudi 12 septembre 2019 à 21h05

Résumé de la réunion

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La réunion

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Jeudi 12 septembre 2019

La séance est ouverte à vingt et une heures cinq.

Présidence de Mme Agnès Firmin Le Bodo, présidente

La commission spéciale procède à la suite de l'examen des articles du projet de loi relatif à la bioéthique (n° 2187) (M. Jean-Louis Touraine, rapporteur des articles 1 et 2, Mme Coralie Dubost, rapporteure des articles 3 et 4, M. Hervé Saulignac, rapporteur du titre II, M. Philippe Berta, rapporteur des titres III et IV, M. Jean-François Eliaou, rapporteur du titre V, et Mme Laetitia Romeiro Dias, rapporteure des titres VI et VII)

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Mes chers collègues, lorsque nous nous fixons des objectifs, cela fonctionne. Alors, tentons d'examiner au moins l'article 4 ce soir. J'ai bien dit « au moins » car nous pourrons peut-être aller plus loin !

Article 4 : Établissement de la filiation des enfants nés par recours à l'assistance médicale à la procréation par un couple de femmes ou par une femme non mariée

La commission examine les amendements de suppression n° 61 de M. Xavier Breton, n° 248 de M. Patrick Hetzel, n° 564 de Mme Annie Genevard, n° 693 de M. Thibault Bazin, n° 1926 de Mme Emmanuelle Ménard et n° 2066 de M. Pascal Brindeau.

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L'amendement n° 61 est l'occasion d'évoquer la méthode employée pour réformer le droit de la filiation. Le sujet est complexe et les avis antérieurs au dépôt du projet de loi sur le bureau de l'Assemblée – celui du Conseil d'État, comme le rapport d'information établi par nos collègues – soulignaient qu'aucun dispositif n'était parfait et que tous comportaient des avantages et des inconvénients.

Madame la garde des Sceaux, lorsqu'il a déposé son projet de loi, le Gouvernement avait eu le temps de mûrir son choix pendant des mois, avec un système de déclaration anticipée de volonté (DAV). Vous étiez donc prêts à assumer ce choix, avec les inconvénients que tout le monde connaissait. Mais, oh surprise ! sans doute à la suite de pressions, vous changez de pied et revenez sur la rédaction initiale…

Par amendement, vous proposez une nouvelle réforme du droit de la filiation, nous y reviendrons à l'occasion de l'examen de votre amendement et des sous-amendements. Quel est l'avis du Conseil d'État sur cette nouvelle rédaction ? Sur un sujet aussi important, sensible et structurant pour la société que le droit de la filiation, l'improvisation n'est pas possible ; nous avons besoin de l'éclairage du Conseil d'État et d'analyses. Comment peut-on changer de système aussi facilement, en quelques heures, après des mois et des mois de réflexion ? L'article 4 n'est absolument pas stabilisé. C'est pourquoi nous proposons sa suppression.

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Je partage le constat de mes collègues sur la méthode. C'est a minima un détournement de procédure, pour ne pas dire un abus de pouvoir du Gouvernement. Bien sûr, formellement, rien ne l'empêche de procéder de la sorte, mais le sujet est capital.

Évidemment, vous avez tâtonné pour trouver une bonne formule. Madame la garde des Sceaux, vous parlez de révolution dans le droit de la filiation. C'est vrai. Mais votre méthode pose problème : vous voulez éviter que l'opposition ne dénonce le bouleversement du code civil, tout en tentant de rassurer ceux qui considèrent qu'il ne doit pas y avoir de filiation discriminante pour les couples de femmes. L'exercice a ses limites ! Vous avez été obligée de changer de pied vingt-quatre heures avant le début des discussions. La situation est ubuesque : nous avons eu connaissance de l'amendement, donc de la nouvelle rédaction de l'article, tout juste avant le début des travaux, ce qui nous a laissé quarante-huit heures pour sous-amender votre amendement ! Nous n'avons pu avoir accès aux sous-amendements qu'à dix-sept heures cinquante aujourd'hui. Le décalage entre les déclarations du Gouvernement et la réalité est énorme ; rien n'est réuni pour que le débat soit apaisé puisque nous ne disposions pas des éléments consolidés avant le début des débats. Vous en portez la lourde responsabilité. C'est pourquoi nous avons déposé cet amendement de suppression.

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La situation est paradoxale : les amendements que nous examinons portent sur un texte déjà mort-né – si j'ose dire –, puisque vous allez nous proposer un autre dispositif.

Néanmoins, ce dernier a des points communs avec le titre VII bis sur lequel portent nos amendements. Madame la garde des Sceaux, l'article 4, qui organise l'établissement de la filiation en cas de procréation médicalement assistée (PMA) pour les couples de femmes et les femmes seules, constitue le coeur du projet de loi. Je vous rappellerai quelques-unes des phrases entendues lors de nos auditions : M. le rapporteur Touraine a estimé qu'il s'agissait d'un changement de civilisation, plus que d'un changement de modèle, que la mère n'était plus forcément celle qui accouche et que le père était volontairement évincé. Nous avons aussi entendu que la science écrasait désormais la vérité biologique et que la filiation bâtie sur l'engendrement était un mythe. Nous nous opposons à cela avec une extrême fermeté. Votre dispositif gomme la dimension charnelle de la filiation, c'est un véritable problème.

Les associations militantes ont beaucoup débattu du titre VII bis au motif qu'il était discriminant, mais ce reproche a été évacué par le Conseil d'État – « à situations différentes, réponses différentes ». Porter de la sorte atteinte au titre VII est une faute grave.

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Madame la garde des Sceaux, j'imagine que le projet de loi présenté en conseil des ministres avait été mûrement réfléchi. Puis, une heure avant le début de l'examen en commission, vous changez complètement d'option ! Cela complique notre travail et la manière d'appréhender les impacts des modifications. Les conditions d'examen ne sont pas à la hauteur des enjeux.

Hier, je vous ai demandé s'il était possible de disposer d'un avis du Conseil d'État sur le nouveau dispositif, afin d'en mesurer l'impact. Vous avez finalement décidé de modifier le titre VII du code civil relatif à l'établissement de la filiation par présomption, dans le cas des couples mariés, et par reconnaissance volontaire, dans le cas des couples non mariés.

La commission nationale consultative des droits de l'homme (CNCDH) reconnaît que cela revient à donner « à la présomption et à la reconnaissance un sens différent de celui qu'ils ont traditionnellement en droit de la filiation, à savoir le reflet de la réalité biologique ». Cette option, qui peut apparaître au premier abord relativement simple, s'avère en réalité très complexe à mettre en oeuvre et heurte certains principes structurants du droit de la filiation.

En tant que majorité, c'est votre droit de le porter, mais ce n'est pas anodin ! C'est du reste pourquoi cette option n'avait initialement pas été retenue : elle impliquait de revoir en profondeur tout le droit de la filiation. Un projet de loi relatif à la bioéthique n'est pas le lieu de telles modifications. Cela exigerait de revenir sur l'interdiction d'établir une double filiation de même sexe, selon les modes d'établissements dévolus à la filiation d'apparence biologique. Or c'est cette interdiction, qui se conçoit dans le code civil comme une impossibilité, qui permet de contester une filiation. La présomption de comaternité ne peut avoir le même sens que la présomption de paternité, qui repose sur l'apparence. Une présomption de comaternité ne peut être qu'une simple présomption de la volonté d'être parent et ne peut être contestée de la même façon. La présomption de paternité se combat par la preuve biologique, tandis que la présomption de comaternité ne pourrait être combattue que par la preuve de l'absence d'implication dans le projet parental.

Votre proposition reviendra à faire coexister dans le même dispositif d'établissement de la filiation un modèle de vraisemblance biologique et un modèle de volonté, avec tous les conflits que cela peut engendrer. Dans son étude du 28 juin 2018, le Conseil d'État avait rejeté cette option, indiquant qu'elle était contradictoire avec la philosophie des modes d'établissement classique de la filiation, qui repose sur la vraisemblance, le sens de la présomption et de la reconnaissance étant de refléter une vérité biologique. Le Conseil d'État appelait l'attention sur le fait qu'elle conduirait à une remise en cause des principes fondateurs du droit de la filiation, fixés par le titre VII du livre Ier du code civil qui régit l'ensemble des cas de figure. Vous allez modifier la situation des couples hétérosexuels qui ont recours à un tiers donneur ; ce n'est pas neutre et cela ne correspond pas à la promesse gouvernementale de ne rien changer pour les couples hétérosexuels ! C'est pourquoi l'amendement n° 693 vise à supprimer l'article.

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L'article 4 est extrêmement important : il remet en question l'établissement de la filiation dans notre pays. C'est une révolution, vous l'avez annoncé. La création d'un nouveau régime de filiation rompt avec le principe de la vraisemblance et, malgré vos dénégations, ouvre à terme la porte à un autre régime de filiation – la gestation pour autrui (GPA) –, puisqu'il repose sur le projet parental et l'intention. Actuellement, il existe une filiation de droit commun – correspondant à la réalité biologique – et une filiation adoptive. Introduire une nouvelle filiation d'origine à l'égard de deux femmes bouleverserait le sens de cette filiation, en la détachant de toute référence à l'engendrement de l'enfant, ni véritable, ni vraisemblable. Si l'intention était promue comme fondement de la nouvelle filiation, cela priverait le régime de la filiation de toute cohérence. L'amendement n° 1926 a donc pour objet de supprimer l'article.

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L'amendement de suppression n° 2066 vise à démontrer – mais mes collègues l'ont déjà largement fait – qu'à partir du moment où la PMA est ouverte au-delà des nécessités thérapeutiques, aux femmes en couple ou seules, les effets en cascade sur le droit de la filiation ne peuvent être maîtrisés et une solution juridiquement, éthiquement et anthropologiquement acceptable ne peut être trouvée, à tel point que vous avez fait marche arrière entre le dépôt du projet de loi et aujourd'hui. La déclaration anticipée de volonté ne satisfaisait personne car elle créait des différences. L'application du droit commun – celui s'appliquant à la naissance par tiers donneur pour un homme et une femme – semble la voie la plus simple, mais ne supprime pas les incertitudes juridiques, ni ne gomme complètement les inégalités entre enfants nés de ces dispositifs, selon qu'ils sont issus de couples hétérosexuels ou homosexuels, ou bien de femmes seules.

Enfin, le droit de la filiation ne tenant plus sur ses fondements, c'est aussi la porte ouverte à la reconnaissance de la filiation par GPA. Du reste, j'aimerais que le Gouvernement confirme – ou infirme – les informations parues récemment dans la presse concernant la préparation d'une circulaire pour traiter le cas des enfants nés par GPA à l'étranger.

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Contrairement à mes collègues, je tiens à remercier la garde des Sceaux car notre travail conjoint illustre parfaitement ce que nous appelons souvent de nos voeux : la coconstruction législative. Après le long travail de préparation du Gouvernement, les deux semaines d'auditions et d'échanges, nombreux et denses, nous ont permis d'apporter notre pierre à l'édifice. Nicole Belloubet et ses services ont fait preuve d'une grande ouverture en acceptant d'entendre les points importants soulevés par les membres de la commission, tout en conservant les mécanismes essentiels du dispositif.

Vous avez raison, l'article s'intègre aux dispositions relatives à la filiation dans le code civil. Mais ce n'est pas la pierre angulaire du projet de loi, qui n'est pas une réforme du droit de la filiation. Il se contente de tirer les conséquences de l'élargissement de l'accès à une technique médicale. En outre, le projet de loi comporte d'autres sujets de bioéthique et je serai ravie que nous puissions également en débattre !

L'article, tel qu'amendé par les dispositions co-portées par le Gouvernement et la rapporteure, permettra de tirer le plus finement possible les conséquences de l'élargissement de l'accès à la PMA, sans bousculer tout le droit de la filiation. Contrairement à ce que vous affirmez, il n'y a pas de remise en cause de la présomption de paternité, ni d'instauration d'une présomption de comaternité ou de parenté ; nous ne dégenrons pas le droit de la filiation. Nous nous appuyons sur les mécanismes déjà utilisés dans les parcours de PMA des hétérosexuels. Vous vous raccrochez à une prétendue vérité biologique, mais la fiction que vous dénoncez existe depuis 1994 : un mécanisme extrêmement spécifique a été prévu pour sécuriser les parents dans leur parcours de PMA. Ne reconnaissez-vous pas la filiation de ces couples, assise sur l'article 311-20 du code civil ? Cela m'étonnerait.

Lors de l'examen des amendements, vous constaterez que le titre VII ne connaît pas de bouleversement radical. Je suis ravie que nous puissions en débattre de façon apaisée.

Enfin, vous dénoncez le dépôt tardif des amendements : il n'a pas eu lieu il y a une heure, mais il y a plus d'une journée. Vous avez eu le temps de déposer plus d'une centaine de sous-amendements ; les droits de l'opposition sont donc parfaitement respectés.

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Nicole Belloubet, garde des Sceaux, ministre de la Justice

Je le sais et vous l'avez répété avec vos mots, cet article est extrêmement sensible. Madame Genevard, vous estimez que c'est le coeur de ce projet de loi. Je ne sais pas, mais c'est une conséquence importante de l'article 1er que vous avez adopté il y a quelques heures. Évidemment, construire le droit de la filiation est un acte important, qui a du sens, même si l'objet du projet de loi, je le redis, est avant tout bioéthique. Nous ne faisons que tirer les conséquences de l'ouverture de la PMA à des femmes seules ou en couple. Elle doit s'accompagner de l'établissement d'une filiation pour les enfants qui naîtront.

Je reviendrai sur trois points soulevés par MM. Breton, Bazin, Hetzel et Brindeau : la méthode, notre prétendu changement de pied et votre sollicitation d'un avis du Conseil d'État.

Sur la méthode, je serai très brève. Le projet de loi est complexe et nous avions fait une double proposition au Conseil d'État, avant de finaliser le projet tel qu'il a été déposé à l'Assemblée nationale. Puis nous vous avons entendus, nous avons énormément travaillé avec la rapporteure et les autres députés impliqués afin de formuler la proposition que vous avez sous les yeux. Elle est juridiquement très rigoureusement pesée, tout en répondant à une attente très forte.

Contrairement à ce que vous affirmez, ce texte est l'illustration de la méthode de travail – la coconstruction – que nous pouvons conduire avec le Parlement. Monsieur Hetzel, vous employez – et vous le savez – des termes inappropriés. Il n'y a ni « abus de droit » ni « détournement de procédure ». Le Gouvernement ne fait que tirer les conséquences de l'article 44 de la Constitution et de l'article 86, alinéa 5 de votre Règlement.

Vous prétendez que nous changeons de pied. Absolument pas. L'évolution que va connaître le droit de la filiation pour les couples de femmes est effectivement une véritable révolution, mais seulement pour ces couples. Nous introduisons un nouveau fondement – un acte de volonté et un projet parental – également perçu par certains comme une révolution. C'est très important, mais nous ne changeons pas de pied.

Mme Genevard, certaines de vos citations pourraient paraître choquantes. Je rappelle qu'il ne s'agit pas de propos du Gouvernement – vous ne l'avez du reste pas prétendu. Il faut faire attention : cette évolution, pour importante qu'elle soit, doit se faire dans le respect des opinions et de la sensibilité des uns et des autres.

Enfin, il n'est pas nécessaire de demander l'avis du Conseil d'État sur notre amendement. Il a été écrit de manière extrêmement rigoureuse et minutieuse par les spécialistes de droit civil qui travaillent à la direction des affaires civiles et du sceau de la chancellerie. Les séances de travail ont été nombreuses. En outre, nous avons respecté les principes de fond et de forme énoncés par le Conseil d'État dans son avis. Sur le fond, il estimait qu'il n'était pas souhaitable de modifier la filiation telle qu'elle existe pour les couples hétérosexuels. Nous ne le faisons pas, contrairement à ce que vous affirmez, Monsieur Bazin. Le Conseil d'État avait également validé le principe d'un consentement mutuel des deux mères au projet parental ; vous le retrouverez dans notre proposition. Il préconisait l'interdiction de toute action à des fins d'établissement ou de contestation de la filiation si la PMA a lieu ; le texte le prévoit aussi.

Nous respectons également les recommandations du Conseil d'État concernant les enfants : il n'y a pas de droit à l'enfant ; ce dernier est considéré comme un sujet disposant de droits et de devoirs. Nous reprenons les deux grands principes énoncés par le Conseil d'État : L'enfant, une fois né et quelle que soit sa filiation, a les mêmes droits. En outre, nous respectons son intérêt supérieur puisqu'il doit disposer, je cite le Conseil d'État, « d'une certitude juridique sur son état » et de la garantie d'un cadre familial stable. C'est ce que nous vous proposons.

J'émets donc un avis défavorable sur ces amendements de suppression car notre proposition, très rigoureuse, a été rédigée dans la concertation et respecte les principes énoncés par le Conseil d'État.

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Jusqu'à présent, nos travaux se sont particulièrement bien déroulés et ont permis d'enrichir le projet de loi. Concernant l'article 4, nous avons tous entendu les critiques, positives ou négatives. C'est ce qui nous a amenés à proposer des enrichissements. Madame la ministre, alors que l'exécutif est parfois accusé de légiférer en vase clos, je me réjouis qu'il ait entendu ces remarques et nous propose une évolution du projet de loi.

En outre, je partage le point de vue de notre collègue Xavier Breton : sur ce sujet, pas plus que sur les autres articles du projet de loi, il n'existe d'évidence ou de vérité absolue. Débattons donc tranquillement des différents modèles : l'amendement du Gouvernement et vos cent huit sous-amendements nous en donneront l'occasion ! Toutes les conditions sont réunies pour que le débat sur la filiation soit apaisé et constructif.

En tout état de cause, nous ne pouvons pas donner une suite favorable à vos amendements de suppression, pour une raison simple : nous avons ouvert la PMA à toutes les femmes et ne pouvons prendre le risque de l'insécurité juridique pour les enfants qui naîtront. Ce serait les considérer comme des fantômes de la République et nous ne le voulons pas.

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Tentons d'analyser l'état actuel du droit, ce que nous abrogeons et ce que nous créons. Actuellement, un couple hétérosexuel qui a recours à un tiers donneur se situe dans la section 3 « De l'assistance médicale à la procréation » du chapitre Ier « Disposition générales » du titre VII « De la filiation » du code civil, au coeur des principes structurants qui fondent la filiation, notamment la vraisemblance biologique.

Nous avons déjà eu ce débat : votre proposition abroge la section 3 « De l'assistance médicale à la procréation », ce tronc commun dans lequel étaient situés les couples hétérosexuels qui faisaient appel à un tiers donneur. Désormais, ils sont transférés vers un nouveau chapitre V. Le fondement de la filiation sera donc nécessairement différent ! C'est votre choix et vous êtes majoritaires. Mais c'est symbolique et on ne peut pas dire que cela ne change rien pour les couples hétérosexuels…

Enfin, depuis trois jours, vous rappelez que la volonté et le projet parental seront les fondements de la filiation mais, assez curieusement, votre proposition n'est pas claire.

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Évidemment, je ne vais pas voter les amendements de suppression. Je salue l'amendement du Gouvernement dont j'ai enfin pu prendre connaissance. Il répond en grande partie à mes doutes et à mes inquiétudes à la lecture du projet de loi initial. L'article 4 ne tirait pas toutes les conséquences de l'extension des droits prévue par l'article 1er. En conséquence, le dispositif était bancal et tournait autour du pot.

Je m'interroge encore sur un dernier point, comme de nombreuses associations qui vous ont interpellés. Ne vous seriez-vous pas arrêtés en chemin ? En effet, il y a maintenant des couples de femmes mariées : pourquoi la présomption de maternité ne vaudrait pas pour elles, comme elle vaut pour les couples hétérosexuels mariés, pour lesquels la présomption de paternité s'applique même lorsqu'ils font appel à un don ? Pourquoi ne pas avoir franchi ce dernier pas ? Cela contreviendrait-il à la sécurité juridique de l'enfant ?

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Chers collègues de la majorité, madame la garde des Sceaux, je vous invite à y aller franchement. N'ayez pas peur de vos opinions ! Madame la garde des Sceaux, vous affirmez ne pas toucher au droit existant de la filiation. Mme Dubost ajoute « ce n'est pas une réforme du droit de la filiation » et, pour conclure, M. Chiche parle de débat apaisé et constructif… Cher Guillaume Chiche, nous sommes des gens civilisés, mais ne confondez pas la forme et le fond ! La forme peut être courtoise, mais le fond est résolument antagoniste.

Madame la garde des Sceaux, je ne doute pas que les personnels travaillant dans vos services sont parfaitement compétents. Mais c'est également le cas au Conseil d'État, Or dans son étude du 28 juin 2018 « Révision de la loi de bioéthique : quelles options pour demain ? », il est très clair. La solution que vous nous proposez « apparaît en contradiction avec la philosophie des modes d'établissement classiques de la filiation qui reposent sur la vraisemblance, le sens de la présomption et de la reconnaissance étant de refléter une vérité biologique, le Conseil d'État attire l'attention sur le fait [que la solution que vous allez nous proposer] conduirait à une remise en cause des principes fondateurs du droit de la filiation fixés par le titre VII du livre Ier du code civil qui régit l'ensemble des situations ».

C'est donc bien une véritable révolution dans le droit de la filiation, il faut le dire ! C'est votre droit de le proposer, mais c'est notre droit de considérer que l'abandon de la vérité biologique constitue un changement absolument majeur : vous faites de l'enfant le fruit d'une volonté, ce que l'on « veut », avec toutes les conséquences que cela emportera.

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Je fais partie de ceux qui n'étaient pas du tout convaincus par la première rédaction de l'article. Je salue donc le travail remarquable de notre rapporteure et remercie également Mme la garde des Sceaux et son cabinet pour leur écoute et la réécriture de l'article.

Les propos de Mme Genevard sont intéressants et entrent en résonance avec ceux de M. Bazin : nous ne remettons pas en cause la vraisemblance biologique, elle l'était déjà puisque la section s'intitulait « De l'assistance médicale à la procréation ».

Tous les couples concernés seront désormais dans un même chapitre. L'entrée de l'assistance médicale à la procréation avec tiers donneur dans le code civil avait déjà remis en question la notion de vraisemblance biologique. Cette dernière est plutôt du côté de la procréation charnelle… Le projet de loi a le mérite de le clarifier, de préserver le titre VII, donc de sanctuariser le principe de vraisemblance biologique attaché la filiation charnelle. J'entends que vous y soyez attachés, je le respecte. Ces nouvelles dispositions contribueront par ricochet à clarifier la procréation médicalement assistée. C'est une grande avancée. De même, la déclaration conjointe vient également rompre avec l'idée de vraisemblance biologique. C'est un simple objet de droit.

Vous le voyez, l'article 4 va plutôt dans le sens que vous défendez, en créant un chapitre spécifique pour l'assistance médicale à la procréation.

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Dans ce débat, certaines positions sont irréconciliables ou inconciliables, certaines cohérences s'opposant à d'autres. Nos collègues sont hostiles à la PMA, en cohérence, ils sont hostiles à son extension…

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Nous ne sommes pas hostiles à la PMA, mais à son extension !

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Au cours des trois derniers jours, vous avez clairement exprimé votre réserve – votre hostilité même – envers l'extension de la PMA aux couples de femmes et aux femmes seules. C'est donc par cohérence que vous êtes hostiles à l'idée que l'on puisse construire une filiation pour les enfants issus de ces PMA !

Nous aussi sommes cohérents : vous avez raison, Madame Genevard, allons au bout de la « révolution » – puisque plusieurs ont employé ce terme. Le Gouvernement nous fait une proposition intéressante qui atténue une discrimination visible. Mais, madame la ministre, encore un petit effort : nous souhaitons que l'on se rapproche, voire que l'on atteigne, des principes de filiation de droit commun, afin que plus rien ne distingue les couples de femmes des couples hétérosexuels.

Votre proposition crée une reconnaissance ante-conception : si le nom et la place dans le code civil changent, la philosophie est similaire à la déclaration anticipée de volonté. On maintient donc une distinction entre les couples : les deux femmes seraient toutes les deux mères par reconnaissance, alors qu'en l'état actuel du droit, on devient mère en mettant au monde son enfant. Nous y sommes presque, mais n'aurons achevé cette révolution qu'en appliquant le droit commun à tous !

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Les arguments développés ont tous leur cohérence mais – c'est toute la difficulté de l'extension de la PMA – il y aura toujours un hiatus juridique : la présomption de maternité ne peut s'entendre pour la deuxième mère. Dans le cadre d'une PMA pour un couple de femmes, le seul dispositif viable consiste bien en un acte permettant la reconnaissance de l'enfant par la deuxième mère. La science n'a pas encore trouvé de solution… Peut-être y viendra-t-on un jour – cela réglera nos problèmes juridiques. Cela explique l'impasse dans laquelle nous sommes, et les effets dominos incontrôlables.

Si nous créons un nouveau dispositif pour traiter la problématique, nous ferons basculer les couples hétérosexuels ayant recours à la PMA avec tiers donneur dans une autre conception du droit de la filiation, fondée sur un acte de volonté – et donc de reconnaissance. La filiation ne sera plus « naturelle », c'est-à-dire fondée sur la vraisemblance biologique. Cette vraisemblance n'étant pas la vérité biologique, elle permet aux couples hétérosexuels qui recourent à la PMA de se trouver dans la même situation que les couples pour lesquels la procréation est « naturelle ». C'est là toute la difficulté. Est-on capable d'écrire un dispositif certes juridiquement cohérent, mais qui le soit surtout au regard de nos principes de procréation et de filiation ? J'en doute… Qu'en sera-t-il des autres modes de filiation ? Madame la garde des Sceaux, je souhaiterais que vous répondiez à ma question sur la filiation des enfants nés de GPA à l'étranger.

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Notre groupe s'opposera aux amendements de suppression. Nous sommes satisfaits de constater que les échanges avec la rapporteure et les parlementaires ont permis au Gouvernement de revoir sa proposition. Dans sa rédaction initiale, l'article 4 ne répondait aucunement aux demandes exprimées lors des différentes auditions. Mais nous sommes convaincus que la suite de nos échanges, en commission puis en séance, permettra de compléter utilement le projet de loi, notamment en matière d'établissement de la filiation.

La commission rejette les amendements de suppression n° 61, n° 248, n° 564, n° 693 n° 1926 et n° 2066.

Elle passe à la discussion commune des amendements identiques n° 2266 du Gouvernement et n° 2267 de la rapporteure, ainsi que des amendements n° 1274 de Mme Emmanuelle Ménard, n° 1535 de M. Jean-Louis Touraine, n° 1965 de Mme Laurence Vanceunebrock-Mialon et n° 1798 de M. Raphaël Gérard.

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Nous en venons à l'examen de l'amendement n° 2266 du Gouvernement. Je vous propose que Mme la ministre le présente, que leurs auteurs présentent également les amendements tendant à récrire l'article. Puis nous ouvrirons une discussion générale durant laquelle chacun pourra s'exprimer, ce qui nous permettra ensuite d'examiner plus rapidement les sous-amendements.

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Nicole Belloubet, garde des Sceaux, ministre de la Justice

J'ai noté vos différentes interrogations. Je n'y réponds pas car j'y reviendrai à l'occasion de l'examen des sous-amendements qui traitent de ces sujets.

Le présent amendement est le résultat d'un travail extrêmement soutenu, conduit avec Mme la rapporteure Coralie Dubost depuis plusieurs semaines. Je tiens également à remercier Jean-Louis Touraine et les autres membres de la commission avec lesquels nous avons échangé, notamment Aurore Bergé et Guillaume Chiche. Les interventions d'autres députés, de tous bords, nous ont permis de vous faire cette proposition.

Je le répète, ce projet de loi est une réforme de bioéthique, et non de la filiation. C'est pourquoi, pour reprendre l'expression de M. Saulignac, dans certaines hypothèses, nous n'avons pas pu « aller jusqu'au bout ». Nous avons fait le choix de ne pas toucher au droit de la filiation tel qu'il existe pour les couples hétérosexuels.

Les auditions auxquelles la commission a procédé ont montré que le dispositif initial du projet de loi semblait opérer des distinctions – distinctions, et non discriminations – trop marquées entre les différents modes d'établissement de la filiation. Je le redis, l'intention du Gouvernement n'était évidemment pas d'enfermer les couples de femmes ayant recours à l'AMP dans une catégorie juridique à part.

Notre amendement répond à quatre principes : sécurité juridique pour les enfants et les mères ; simplicité des procédures – nous y tenons beaucoup pour éviter les tracasseries ; prise en compte du réel – face à la procréation, les couples de femmes ne sont pas dans la même situation que les couples hétérosexuels et la revendication d'une similitude absolue est donc complexe à satisfaire car la vraisemblance biologique ne peut pas jouer ; enfin, volonté de ne pas modifier le droit de la filiation existant pour les couples hétérosexuels. Nous souhaitons accorder de nouveaux droits aux couples de femmes, en allant au bout de la démarche, sans rien retirer aux autres.

Là où le projet de loi initial créait un nouveau titre VII bis, dédié à la filiation des enfants nés de couples de femmes ayant eu recours à une AMP avec tiers donneur, la rapporteure et moi-même vous proposons de compléter le titre VII du livre Ier du code civil relatif à la filiation. Au sein de ce titre, un nouveau chapitre sera créé, relatif au recours à l'assistance médicale à la procréation avec tiers donneur, pour tous les couples sans distinction, qu'ils soient hétérosexuels ou composés de deux femmes. Les différentes auditions ont mis en lumière une demande forte en ce sens. Dans le projet initial, nous avions sans doute péché par souci excessif de symétrie : entre le titre VII consacré à la filiation charnelle et le titre VIII consacré à la filiation adoptive, nous avions créé un titre VII bis consacré à la filiation pour les couples de femmes. Nous le corrigeons. Ce n'est pas seulement une question de légistique, l'emplacement des dispositions étant toujours un enjeu symbolique important. Ainsi, le dispositif sera plus clair, avec un large tronc commun relatif à l'AMP, puis des éléments propres à chaque cas de figure.

En second lieu, le débat s'est beaucoup focalisé sur la déclaration anticipée de volonté (DAV). Comme vous le constatez, dans l'amendement que nous vous proposons, elle est supprimée. Elle répondait à un souci de sécurité juridique – que nous conservons – mais, lors des auditions, certains ont considéré ce nouveau document juridique comme inutile et pouvant être interprété comme opérant une distinction excessive entre les couples en fonction de leur orientation sexuelle. Je le répète, ce n'était pas la volonté du Gouvernement, mais les réactions doivent être entendues.

Dans l'amendement, nous conservons un haut niveau de sécurité juridique pour les deux femmes et l'enfant, grâce au recours à une notion juridique bien connue en droit civil : la reconnaissance. Elle sera effectuée conjointement par les deux mères, qui s'engageront ensemble sur la base d'une stricte égalité dans ce projet devant notaire, au moment où il recueillera le consentement à l'AMP. La reconnaissance existe déjà en droit de la filiation : ainsi, un père non marié peut reconnaître son enfant par acte authentique devant notaire. Nous étendons cette possibilité aux couples de femmes ayant recours à la PMA. À la naissance, l'une des mères – ou les deux – produira simplement cette reconnaissance, comme le fait aujourd'hui un père ayant reconnu son enfant par anticipation.

L'acte de naissance portera alors la mention selon laquelle l'enfant a été reconnu par ses deux mères, mais aucune mention de la PMA, ni aucune notion juridique nouvelle. Ce dispositif, clair et raisonnable, offre une réponse aux inquiétudes, en termes tant de sécurité, de simplicité que d'égalité.

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Pour les bonnes organisation et compréhension de nos débats, je vais donner la parole aux auteurs des amendements proposant une rédaction globale de l'article 4, en terminant par Mme Coralie Dubost, rapporteure.

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Je propose que l'article 4 soit ainsi rédigé : « Pour les couples de femmes qui recourent à une assistance médicale à la procréation, la femme qui accouche est déclarée mère de fait. Sa compagne peut quant à elle déclencher une procédure d'adoption simple ou plénière. »

En effet, la filiation par déclaration anticipée de volonté laisserait entendre qu'à la naissance de l'enfant, ce dernier aurait deux mères, ce qui reviendrait à laisser croire qu'il n'a pas de père, ce qui est faux, car biologiquement impossible.

La procédure d'adoption aurait au moins le mérite de ne pas faire croire à l'enfant, comme au reste de la société, que l'on peut naître de deux mères.

La filiation adoptive ne se présente en effet pas comme la filiation d'origine de l'enfant. C'est la transcription du jugement d'adoption qui tient lieu d'acte de naissance, ce qui permet de ne pas bouleverser la cohérence de la filiation de droit commun telle qu'elle découle de l'acte de naissance de l'enfant.

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Mon amendement avait été déposé avant les modifications que Mme la garde des Sceaux, que je remercie tout d'abord pour son écoute ainsi que pour le travail intensif qui a été conduit par elle-même ainsi que par ses services au cours des dernières semaines, a introduites : je vais donc adapter mon propos à celles-ci.

Je voudrais également remercier Mme la rapporteure qui s'est attelée avec acharnement à un sujet d'importance non seulement pour les droits individuels dans le cadre de la filiation mais également en termes d'image. Or l'image a une forte valeur symbolique.

Il est vrai qu'au moment où j'avais rédigé cet amendement, deux philosophies s'opposaient : les uns, que nous venons d'entendre, souhaitaient que nous ne modifiions strictement rien pour les couples hétérosexuels et que nous développions un régime le plus différencié possible pour les couples homosexuels ; les autres, dont je fais partie, souhaitaient au contraire un système identique pour l'ensemble des couples.

Une telle situation nous a amenés, puisque Mme la garde des Sceaux avait proposé l'instauration de la déclaration anticipée de volonté, à proposer que cette déclaration s'applique à l'ensemble des couples ayant recours à la PMA.

Les modifications en question ont donc été introduites : nous en attendons des effets bénéfiques, notamment grâce à la déclaration conjointe qui induit beaucoup moins de différences entre les différents types de couples. Elles présentent également l'avantage de reconnaître le donneur, ce qui n'est pas inutile car il s'agit d'un point important et nouveau.

Enfin, elles permettent d'éviter une hiérarchisation entre les mères. Nous venons d'entendre qu'au contraire d'autres souhaiteraient y revenir, alors qu'avec ces modifications les deux mères sont équivalentes, sans distinction entre celle qui a accouché et l'autre.

Je veux donc saluer ce pas bénéfique que venons de faire, car effectivement, aujourd'hui, on peut être mère sans avoir accouché. Cela permettra de résoudre un grand nombre de difficultés qui jusqu'à présent ont pénalisé de nombreux enfants.

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Mon amendement vise en premier lieu à créer un régime unique de filiation pour toutes les familles ayant recours à une AMP avec tiers donneur, que la structure parentale soit formée d'un couple composé d'un homme et d'une femme, d'un couple composé de deux femmes ou d'une femme seule.

La déclaration anticipée de volonté permet de reconnaître l'existence d'un projet parental et s'applique en ce sens à tous ceux qui ont recours à une AMP avec tiers donneur. La création d'un régime spécifique pour les couples de femmes induit une distinction, avalisée par la loi, des familles qu'elles forment avec leurs enfants.

Or on ne peut aujourd'hui distinguer les familles selon l'orientation sexuelle des parents. Cette stigmatisation des familles homoparentales dans la loi entretient en effet les stigmatisations subies dans tous les pans de la société.

Cet amendement permet en second lieu de tirer les conséquences juridiques des modifications que ce projet de loi induit pour les enfants nés d'un couple de deux femmes ayant eu recours à une AMP avant sa promulgation. La filiation des familles homoparentales découle de l'ouverture de l'AMP aux couples de femmes et est organisée pour protéger les enfants et leurs parents.

Cependant, n'organiser cette sécurisation des familles que pour les enfants qui naîtront après la promulgation de la loi crée immédiatement une inégalité entre enfants. En effet, un enfant né en 2019 n'aura pas les mêmes droits qu'un autre né en 2020 et cette injustice sera directement le fait de ce projet de loi. C'est d'ailleurs également le cas des enfants nés avant la loi du 17 mai 2013 ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe.

Pour y remédier, cet amendement prévoit des dispositions transitoires qui encadreront l'établissement tardif de la filiation des enfants nés d'une AMP avec tiers donneur.

Pendant un an à compter de la promulgation de la loi, les deux mères déposeraient, dans le cas où elles seraient toujours en couple ou séparées mais sans conflit, une déclaration conjointe devant notaire.

Cette déclaration serait ensuite transmise à l'officier d'état civil. En cas de conflit, la mère n'ayant pas accouché devrait établir la preuve auprès du juge qu'elle partageait le projet initial avec la mère ayant accouché.

L'adoption de cet amendement aurait donc pour effet de mettre toutes les familles sur un pied d'égalité, sans distinction liée à l'orientation sexuelle des parents, et de protéger tous les enfants nés à l'issue d'une AMP avant ou après la promulgation de la loi.

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Mon amendement visait à récrire les dispositions relatives à la DAV en en faisant un outil de sécurisation de la filiation pour tous les enfants nés d'un homme et d'une femme, de deux femmes ou d'une femme célibataire au moyen d'une PMA avec tiers donneur.

En effet, la solution initialement retenue dans le projet de loi me semblait induire une discrimination au regard du mode d'établissement de la filiation car de mon point de vue, et contrairement à ce qu'affirme le Conseil d'État, il n'existe pas entre ces couples de différence au regard de la procréation.

L'homme qui consent à l'insémination de sa compagne avec le sperme d'un tiers donneur se trouve en effet dans une situation identique à celle de la femme qui consent à l'insémination de sa compagne avec le sperme d'un tiers donneur. Dans la mesure où la filiation s'établit de mon point de vue vis-à-vis de chacun des deux parents, et non globalement vis-à-vis du couple parental, l'interprétation de la position du Conseil d'État constitue un véritable sujet de réflexion.

L'idée était d'ouvrir la DAV à l'ensemble des couples afin de sortir de la fiction biologique que j'évoquais tout à l'heure et qui est liée au recours à l'AMP avec tiers donneur. On ne peut en effet dans ce cas pas parler de vraisemblance biologique : tout au plus peut-on parler de droit au mensonge lorsqu'il s'agit de consacrer dans le droit la capacité des parents à maintenir le secret de la naissance de leur enfant, mais certainement pas d'une telle vraisemblance.

La solution proposée au travers de la nouvelle rédaction nous permet de faire un sérieux pas un avant, je l'ai dit tout à l'heure. Je regrette cependant qu'on ne soit pas en mesure d'ouvrir ce nouveau mode de filiation à l'ensemble des couples concernés.

Il s'agit quoi qu'il en soit d'une avancée notoire : cet amendement n'a donc plus lieu d'être.

L'amendement n° 1798 est retiré.

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Je donne tout d'abord l'avis de la commission sur les amendements qui viennent d'être présentés. Madame Ménard, vous proposez un maintien du droit actuel, qui, cela a été largement évoqué, notamment au cours des auditions, n'est pas opérationnel.

Nous avons notamment entendu, certes à huis clos, des témoignages très clairs : même lorsque le dispositif juridique actuel est opérationnel, il n'évite pas qu'une distinction s'opère, au sein d'une même famille homoparentale de femmes, entre les enfants, selon qu'ils sont nés avant ou après 2013, ce qui conduit parfois à la délivrance de trois livrets de famille pour deux enfants seulement.

La commission est donc défavorable à cet amendement : une telle solution ne serait pas responsable ni cohérente avec l'adoption de l'article 1er du projet de loi dont elle ne tire pas les conséquences.

S'agissant de l'amendement n° 1535, je remercie également M. Jean-Louis Touraine pour ses travaux dans le cadre des travaux de la mission d'information sur la révision de la loi relative à la bioéthique, pour nos échanges très enrichissants dans le cadre de ce titre Ier sur lequel nous sommes co-rapporteurs, ainsi que pour la cause qu'il défend.

Si je ne souhaite pas entrer dans la technique juridique concernant la question des origines, dont nous avons parlé cet après-midi, je sais combien vous vous êtes battu, cher collègue, avec d'autres, pour une filiation spécifique visant à permettre aux enfants concernés de connaître leurs origines. Je comprends cette cause et salue votre engagement à son profit.

Par ailleurs, et nous l'avons également évoqué entre nous ainsi que cet après-midi, il nous semblait particulièrement important de distinguer la question de la filiation de celle des origines, sans pour autant abandonner la recherche d'une consécration de ce droit d'accès à son identité.

C'est la raison qui me conduit à donner un avis défavorable à cet amendement.

Mme Laurence Vanceunebrock-Mialon, je comprends également votre demande qui rejoint également ce qui a été évoqué tout à l'heure par M. Hervé Saulignac : vous voudriez aller jusqu'au bout de cette quête de l'égalité dans les modalités d'établissement de la filiation entre les couples de femmes et les couples hétérosexuels.

Comme l'a expliqué la ministre tout à l'heure, nous avons trouvé me semble-t-il, au travers de la proposition du Gouvernement sur laquelle que je vais également revenir, une solution satisfaisante dans la mesure où elle permet de simplifier et de mettre tous les types de familles concernées dans un même titre.

Elle permet en effet de regrouper toutes les personnes ayant recours à la PMA : cela concerne donc également, même si nous le les avons pas évoquées, toutes les femmes non mariées.

Toutes les femmes, donc, du point de vue de la gestatrice, qu'elles soient ou non mariées, qu'elles soient en couple hétérosexuel ou homosexuel, se voient appliquer un régime défini par un même chapitre du code civil intitulé : « De l'assistance médicale à la procréation avec tiers donneur ».

Du point de vue de la femme gestatrice, il s'agit à mon sens d'un pas important. Il faut donc retenir cette solution. Si nous allions tout de suite, aujourd'hui, plus loin, nous susciterions des peurs dont nos collègues qui ont défendu des amendements de suppression de l'article 4 se sont fait l'écho. Elles sont liées à celle d'une grande révolution qui ferait faire à notre droit de la filiation une grande bascule.

Or nous ne souhaitons pas que ce soit le cas aujourd'hui : nous avons abouti à une solution d'équilibre. Je ne dis pas cependant que je serais opposée à une réforme du droit de la filiation, même si j'exprime ainsi une opinion infiniment personnelle. Une telle réforme ne pourrait de toute façon s‘envisager qu'en dehors du champ ce projet de loi.

Je pense en effet que si aujourd'hui la pluralité des familles, y compris d'ailleurs des familles hétérosexuelles, peut poser des questions et provoquer de vastes débats, les aborder nous éloignerait des strictes conséquences de l'adoption de l'article Ier.

Pour toutes ces raisons, je demande aux auteurs des amendements en discussion commune de les retirer. À défaut, j'y serais défavorable.

J'apporte ma petite pierre à notre édifice, puisque la ministre a je crois parfaitement présenté l'amendement n° 2266 qui est défendu conjointement par le Gouvernement ainsi que par moi-même – sous le n° 2267 –, en tant que rapporteure et au nom des différents échanges que j'ai eus avec mes collègues.

Je ne veux pas m'attribuer seule le mérite de ce travail, car nous avons été nombreux à y prendre part. Les mots trouvés à cette occasion ont été particulièrement justes : au cours des auditions, nous avons été touchés par ceux qui ont été employés et qui, en rapport avec ce titre VII bis et avec l'éventualité de basculer dans le titre VII, avaient trait à la symbolique. Nous avons en effet entendu à plusieurs reprises des témoignages bouleversants.

Il me semble que nous sommes prêts, à l'automne 2019, à assumer des choix sociétaux et politiques.

Nous avons notamment entendu cet appel : aidez-nous à être des citoyens comme les autres. Il est évident que nous avons eu à coeur, dans ces conditions, de bien faire les choses, sans pour autant provoquer l'effondrement du statut de la totalité des familles hétéro-parentales.

Le choix a été fait de revenir sur cet article 311-20 du code civil qui avait déjà, depuis 1994 — cela ne date donc pas d'avant-hier —, aménagé un régime spécifique aux familles hétéro-parentales engagées dans un processus de PMA avec tiers donneur.

Depuis 1994 donc, cette idée que lorsque l'on ne situait pas dans le cadre d'une procréation charnelle, sexuée et directe, l'engagement dans ce processus devait néanmoins se traduire par un mode de filiation particulier, s'est imposée. Ce mode permettait d'établir, avec un père non biologique, une filiation qui était déjà la plus solide du code civil.

En effet, une fois que le couple hétérosexuel a consenti au don, suivi le processus de PMA, que l'enfant est venu au monde et que la reconnaissance a eu lieu, la filiation ne peut être détruite.

Elle ne peut pas l'être, c'est-à-dire que la volonté de l'homme, dans ce couple composé de lui-même et d'une femme, de reconnaître l'enfant à venir et d'en assumer la responsabilité pour toute la durée de sa vie, avec toutes les conséquences qu'emporte un lien de filiation, était indestructible. Une puissance était par conséquent en germe dans cet acte de volonté.

Le fait de l'étendre aux couples de femmes et de se conformer à cette modalité sans pour autant toucher aux notions de présomption de paternité ou d'introduire une comaternité constitue précisément un équilibre très sain pour l'avenir.

Simplicité, sécurité pour l'enfant, sérénité dans cette capacité à homogénéiser : cette avancée va donc à mon sens satisfaire bon nombre de parlementaires et ce de façon transpartisane.

Les amendements n° 1535 et n° 1965 sont retirés.

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J'aborde un autre point de méthode : madame la ministre, vous avez tout à l'heure balayé l'argument de M. Bazin au motif que le travail avait été fait sérieusement et que point n'était donc besoin d'un avis du Conseil d'État.

En réalité, vous le savez puisque vous avez siégé au Conseil constitutionnel, si l'on a considéré qu'il était important que le Conseil d'État communique un avis visant à éclairer le législateur, c'est bien pour une raison. Or vous êtes obligée de reconnaître que, compte tenu d'une telle réécriture, un tel avis fait défaut.

Je reviens à présent sur certains éléments en discussion, car nous sommes bien en présence d'une réforme de la filiation. Vous affirmez que l'on ne touche pas à la filiation au sein des couples hétérosexuels : c'est vrai, mais uniquement pour ceux qui ne font pas appel à un tiers donneur.

En outre, vous revenez également sur un principe multiséculaire de notre droit qui a été rappelé par de nombreux juristes tant lors des débats que des auditions : mater semper certa est, autrement dit : l'identité de la mère est toujours certaine.

Par ailleurs, quelle est la cohérence de la disposition dont nous débattons avec le reste du titre VII ? La plupart des juristes que nous avons auditionnés nous ont en effet clairement indiqué qu'un problème se posait à cet égard.

Je vous rejoins sur un point : il est sûr qu'il n'existait pas de solution optimale. M. Jean-Louis Touraine, rapporteur, avait lui-même indiqué que la formule précédemment proposée présentait des avantages et des inconvénients. Celle que vous défendez désormais en présente également.

Par conséquent, on ne peut pas dire que dorénavant tout soit réglé : c'est d'ailleurs la raison pour laquelle nous allons effectivement défendre un certain nombre de sous-amendements.

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Je l'ai déjà rappelé, les auditions ont mis en évidence les inconvénients qu'il y aurait eu à procéder à l'établissement de la filiation des enfants nés de couples de femmes par AMP, comme le proposait la rédaction initiale du projet de loi.

Au moment où l'on souhaite reconnaître le projet parental comme condition d'accès à l'AMP, il paraît incompréhensible que l'on ne reconnaisse pas pleinement l'AMP avec tiers donneur comme un mode d'établissement à part entière de la filiation pour l'ensemble des enfants qui en sont issus.

Nous sommes nombreux à avoir, à la suite de ces mêmes auditions, esquissé des propositions afin qu'il n'y ait pas un mode d'établissement de la filiation spécifique aux femmes en couple.

Ainsi, ma proposition visait à généraliser l'établissement de la filiation par DAV à tous les couples ainsi qu'aux femmes seules recourant à l'AMP, la situation antérieure des couples hétérosexuels non mariés et des femmes seules étant désormais régie par le titre VII bis.

Toutefois, la nouvelle proposition qui nous a été soumise par le Gouvernement paraît pleinement satisfaisante : j'y souscris donc sans réserve. En effet, sur ce sujet comme sur celui de l'accès aux origines, nos travaux nous permettent aujourd'hui d'aboutir à des propositions solides et cohérentes.

Par ailleurs, j'ai souhaité, à travers d'autres amendements portant également sur l'article 4, formuler des propositions relatives à la filiation portant sur la reconnaissance des enfants nés d'une AMP à l'étranger ainsi que sur certaines dispositions du code civil.

Je présenterai au moment de l'examen du projet de loi en séance publique de nouveaux amendements à cet article tel qu'il aura été modifié par la commission.

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Madame la garde des Sceaux, madame la rapporteure, je salue bien entendu ce travail de coconstruction qui est remarquable notamment parce qu'il a été accompli en très peu de temps : il faut le souligner car c'est important, et mon propos n'est pas du tout ironique.

Il a fallu en effet à la suite des auditions, donc dans un laps de temps très court, répondre à un certain nombre de remarques et de critiques constructives qui avaient été formulées à cette occasion : un tel travail montre que nous sommes capables de réagir de façon rapide et efficace.

J'ai quelques questions car, vous le savez – je le rappelle en permanence –, je ne suis pas juriste. Premièrement, s'agissant des mères non mariées, une branche de la filiation manque : comment le dispositif est-il sécurisé ?

Deuxièmement : pourquoi la filiation est-elle établie chez les couples de femmes par consentement et non par consentement et accouchement, c'est-à-dire par reconnaissance de ce dernier, comme l'a indiqué très doctement en latin notre collègue Patrick Hetzel ?

Troisièmement : y a-t-il une différence entre la situation des femmes mariées, donc en couple, et celle des femmes non mariées ? S'il ne me semble pas que ce soit le cas, je souhaiterais que vous me répondiez sur ce point.

Enfin, l'inscription sur l'acte de naissance sera-elle différente selon que les enfants sont issus de couples homosexuels ou de couples hétérosexuels ayant recouru à la PMA avec tiers donneur ?

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Quand on lit votre amendement, madame la ministre, on voit bien que vous tentez de faire croire que vous coulez le modèle des femmes ayant recours à l'AMP sur celui des couples hétérosexuels : or, en fait, cela ne marche pas, et je vais vous le prouver.

Je fais à ce propos trois remarques : s'agissant tout d'abord de la reconnaissance, celle-ci est antérieure à l'insémination ou à l'implantation d'un embryon, alors que la reconnaissance dans le cas des couples hétérosexuels non mariés a lieu lorsque la femme est enceinte. On voit donc bien que le parallèle est tout à fait factice : il ne s'agit en effet absolument pas de la même chose.

Je rappelle que dans le cas d'un couple hétérosexuel marié, il n'y a pas de débat puisque la loi dit que le mari est présumé être le père de l'enfant, sauf engagement d'une action – je vais y revenir – en désaveu de paternité.

Deuxième remarque : comment l'acte de naissance va-t-il être rédigé ? Je n'ai en effet pas bien compris votre intervention sur ce point, madame la ministre. Rien de précis ne figure d'ailleurs dans votre texte. Lorsqu'il s'agit d'un couple hétérosexuel, chacun connaît la rédaction d'usage, qui comprend l'éventuelle reconnaissance anticipée. Si le couple est marié, le mari devient automatiquement le père de l'enfant.

Or que va-t-on indiquer en l'espèce ? Sur cet acte figurera, en tout cas je l'espère, l'identité de la mère qui a mis au monde l'enfant des deux femmes formant le couple parental. Pouvez-vous par conséquent nous indiquer comment l'acte de naissance sera rédigé dans ce cas ?

Ma troisième remarque porte sur l'équivalent d'un désaveu de paternité pour les couples hétérosexuels, que je peine à nommer. En effet, votre amendement envisage le cas dans lequel il y a eu recours à l'AMP mais dans lequel la femme gestatrice a pu avoir des relations hétérosexuelles : l'enfant venu au monde peut alors ne pas forcément être issu de cette même AMP. Comment se déroulera dans ces circonstances le désaveu de maternité ou de comaternité ?

On voit bien que vous ne parvenez pas à couler un modèle sur l'autre. Or vous n'avez choisi cette solution que pour faire plaisir à ceux qui affirment qu'il serait discriminatoire de créer un titre VII bis. Or il n'y a en l'espèce aucune discrimination. À situation différente, définition différente : c'est une constante du droit.

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Je reviens sur le cas des couples hétérosexuels recourant à une PMA avec tiers donneur, qui, certes, ne représentent que 4 à 5 % de l'ensemble des PMA. Il faut en effet faire attention lorsque l'on évoque la PMA de bien distinguer les PMA sans tiers donneur, c'est-à-dire intraconjugales, qui constituent l'essentiel des cas, et les PMA avec tiers donneur.

Aujourd'hui, les couples qui se trouvent dans le premier cas procréent dans un contexte de vraisemblance biologique en vue de fonder une filiation. Or, après l'adoption de l'article 1er se pose la question de savoir comment on procède concernant les couples de femmes. En effet, en ce qui les concerne, la vraisemblance biologique ne tient pas : c'est une observation assez objective tirée d'une réalité biologique.

Pourquoi alors cette même vraisemblance biologique ne jouerait-elle plus dans le cas des couples hétérosexuels ayant recours à la PMA avec un tiers donneur ? Pourquoi les supprimer de la section 3 du chapitre Ier que vous abrogez ?

Il vous faut expliquer ce choix, qui n'est pas anodin, car la situation de ces mêmes couples va de ce fait changer du point de vue de l'appréhension de la filiation.

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Je reviens sur la stigmatisation des couples de femmes qui résultait de la première rédaction de cet article : la nouvelle rédaction semble en partie y remédier.

En revanche, le second objectif que je m'étais fixé, et qui consiste à tirer les conséquences juridiques des modifications que ce projet de loi induit pour les enfants nés d'un couple composé de deux femmes ayant eu recours à une AMP avant son adoption définitive et sa promulgation, ne semble pas atteint.

Ce projet a en effet un effet direct sur la situation de ces enfants, la filiation des familles homoparentales qui découle de l'ouverture de l'AMP étant organisée pour protéger les enfants ainsi que leurs parents.

Je reviens donc aux propos que j'ai tenus tout à l'heure : j'aimerais vraiment pour que nous trouvions une solution à ce problème et que nous puissions discuter de dispositions transitoires qui permettraient de traiter le cas des quelques milliers d'enfants qui se trouvent exclus de ce dispositif.

Madame la ministre, si l'idée d'inscrire dans la loi de telles dispositions transitoires visant à protéger les enfants vous déplaît, ce que je peux imaginer, je souhaiterais que l'ouverture de la possession d'état aux couples de même sexe soit sérieusement envisagée. C'est la raison pour laquelle j'ai retiré mon amendement n° 1965.

J'insiste cependant pour qu'une solution soit trouvée avant l'examen du projet de loi en séance publique en vue de sécuriser la situation juridique de tous les enfants concernés par celui-ci.

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Cela a été indiqué, nous ne débattons à cet instant pas d'un projet de loi portant sur la filiation ni, bien entendu, de l'article portant sur l'accès aux origines.

Pour autant, nous devons bien sûr tenir compte des différents types familiaux actuels qui doivent désormais bénéficier d'une reconnaissance immédiate, incontestable et sécurisée du point de vue juridique des liens unissant parents et enfants.

Je veux à nouveau saluer les efforts déployés en vue de trouver un bon compromis. Nous pouvons être satisfaits, quel que soit le point d'où nous sommes partis il y a quelques semaines, de la rédaction qui nous est présentée aujourd'hui.

Cette rédaction est satisfaisante car elle présente plusieurs vertus : tout d'abord, elle établit la différence la plus faible possible en fonction de l'orientation sexuelle. On tend en effet vers une identité de procédures, et c'est bien ainsi.

En outre, elle amorce une évolution qui, si elle est encore incomplète, s'avère de plus en plus visible et qui consiste à éviter de se cacher, s'agissant de la PMA pour les couples hétérosexuels, derrière la vraisemblance ou plutôt la simulation de procréation charnelle. Il s'agit de ce que notre collègue Raphaël Gérard appelait tout à l'heure le mensonge.

Cette rédaction inscrit par ailleurs clairement dans la loi la reconnaissance des deux mères, et ce de façon équivalente. Priorité n'est plus donnée à l'une d'entre elles : nous ne sommes plus en présence d'une mère prioritaire, et cela est tout à fait important pour l'avenir.

Elle permet enfin de reconnaître le donneur de gamètes, ce qui est important car il a été trop nié par le passé. Il est tout à fait important que l'on puisse de plus en plus lui attribuer un rôle.

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Madame la garde des Sceaux, madame la rapporteure, le dispositif que vous nous proposez correspond au dispositif que nous recherchions, c'est-à-dire un dispositif sécurisé qui établisse un mode d'établissement de la filiation similaire pour l'ensemble des mères.

Il faut dès lors se poser la question : où devons-nous établir cette similitude dans le mode d'établissement de la filiation entre les mères ? Parlons-nous des mères qui accouchent, comme le propose d'après ce que j'ai compris notre collègue Annie Genevard, c'est-à-dire que toute mère accouchant établit sa filiation par ce seul fait, au risque de créer une particularité et une différenciation entre les deux femmes composant un couple lesbien et portant un projet parental commun ?

Consacrons-nous au contraire une similitude dans le mode d'établissement de la filiation entre les deux femmes composant un couple lesbien ? Je crois absolument fondamental de privilégier l'égalité entre celles-ci, tout d'abord parce que cela nous permet de reconnaître à parité une coresponsabilité à l'égard du projet parental : elles sont en effet ainsi reconnues comme les deux mères.

Elles bénéficient ainsi d'un mode d'établissement de la filiation sécurisé qui offre à l'enfant concerné un environnement le plus sécurisé possible. Il me semblerait malvenu, Monsieur Bazin, de marquer une différence dans le code civil entre les différents types de famille.

C'est la raison pour laquelle la consécration de ce projet parental mené à parité par les deux femmes d'un même couple, qui se trouvent ainsi parties prenantes de ce même projet, doit figurer au titre VII et dans un chapitre englobant l'ensemble des personnes recourant à la même pratique médicale, indépendamment de leur orientation sexuelle.

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Le rapporteur Jean-Louis Touraine me confiait tout à l'heure en aparté que le rapport d'information qu'il avait commis en janvier 2019 constituait selon lui presque une bible, même s'il n'est pas question de parler de la bible ce soir. (Sourires.)

Il vient d'énumérer tous les avantages qu'il trouvait à la solution du Gouvernement : or il oublie ce faisant de mentionner les inconvénients qu'il avait mentionnés dans ce rapport.

Très sincèrement, j'aimerais comprendre sa position, car il y affirmait à la page 82 : « Cette option – que vous allez retenir – ne peut plus se concevoir qu'en lien avec le maintien du strict anonymat du don, ce qui pose la question de la subordination à la volonté des parents du droit d'accès de l'enfant à ses origines. »

Si l'on suit le raisonnement de la rapporteure Coralie Dubost, qui nous a indiqué rejeter une telle éventualité compte tenu de l'adoption successive des articles 1er et 2, mais aussi de l'article 3, il nous est impossible d'adopter l'amendement du Gouvernement, car ce ne serait pas cohérent.

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Nous touchons avec cette question de l'identité absolue des deux mères un point assez fondamental : permettez-moi par conséquent d'y revenir. Notre collègue Patrick Hetzel a cité le fameux adage mater semper certa est : la mère est toujours certaine d'être la mère, puisque c'est elle qui accouche.

Je comprends le souci qu'ont les couples homosexuels féminins de chercher une solution visant à ancrer la filiation vis-à-vis de l'autre femme. Loin de moi l'idée de le mépriser, car il est légitime.

Ceci étant dit, vous répondez à ce souci légitime au travers d'une solution qui ne convient pas : elle ne fonctionne pas parce que vous niez la spécificité de la mère qui accouche. Nous parlons beaucoup de droit : permettez-moi une parenthèse du côté de la poésie.

Dans l'édition du journal Le Monde publiée le 9 septembre dernier à 17 heures figurait un article tout à fait formidable intitulé : « Au commencement était le verbe — Retour sur l'épopée de la voix humaine ». Comme ce titre m'intriguait, je l'ai lu. Je vous en cite une phrase : « La voix de la mère se grave dans la matière molle du cerveau à partir du sixième mois de vie utérine : ce sceau indélébile servira d'empreinte à l'enfant. »

Je veux par là mettre en exergue le fait qu'il existe une spécificité de la maternité, de l'enfantement et de l'engendrement : si un tel constat ne conduit pas à une hiérarchie, il exprime la singularité de celle-ci.

Dès lors que vous gommez cette même singularité, vous fondez la filiation sur la volonté : or c'est à partir de là que les choses peuvent partir en vrille, par crainte de la gestation pour autrui. Dès lors en effet que vous fondez la filiation sur la volonté, la volonté d'une femme appellera certainement celle d'un homme.

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Je suis assez inquiet et même effaré par les arguments que certains de nos collègues de la majorité utilisent pour justifier cette recherche absolue d'égalité entre les deux femmes porteuses d'un projet de recours à l'AMP.

En matière de filiation, il n'existait dans ce cas des couples de femmes que de mauvaises solutions : je pense que si le Gouvernement a choisi la moins mauvaise d'entre elles, elle ne le reste pas moins.

Tenter cependant de justifier et d'expliquer qu'une sorte de caractère asexué de deux êtres naîtrait de leur seule volonté d'être parents nous amène à des schémas qui peuvent s'avérer demain totalement irréalistes. Personne ne pourra en effet effacer, même en l'inscrivant noir sur blanc dans notre droit, qu'en l'état actuel de la science un enfant ne peut naître – pour ne pas employer d'autres mots – que d'un mâle et d'une femelle.

Or vous êtes en train de nier cette évidence. Demain se posera effectivement la question de la GPA pour laquelle j'espère que nous obtiendrons une réponse de la part de la garde des Sceaux. Puisque la seule volonté prime sur le lien de filiation, plusieurs personnes — trois, quatre ou plus —, quels que soient leur sexe et leur mode de relation, pourront prétendre à un lien de parenté avec un enfant : une telle perspective nous plonge un peu dans une société digne de Frankenstein.

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Je reviens sur cette question de filiation et de mère certaine : mater certissima. Je rappelle que l'Ancien régime, sous lequel on demandait aux reines de France d'accoucher en public afin de prouver qu'elles étaient bien mères de leurs enfants, appartient au passé.

Depuis 1978 et la première fécondation in vitro, ce principe s'est éloigné de la réalité. En outre, si l'on veut user de formules latines, on serait à mon sens bien inspirés de faire référence aux suivantes : filiatio est cum familiale demontrat ou encore cum leger demontrat, c'est-à-dire la filiation est ce que la loi dit.

La loi peut, à mon sens, tout. Les représentants de la Cour de cassation qui ont été auditionnés la semaine dernière l'ont — ceux qui étaient présents s'en souviennent — bien confirmé : ce n'est pas à la loi de faire la société, mais bien à la société de faire la loi, donc de choisir. Nous sommes en train de légiférer, et de proposer : or ce que nous proposons constitue bien une avancée. Nous créons un droit sans en supprimer un autre.

Notre proposition vise à étendre cette filiation afin de rendre les choses beaucoup plus congruentes à la réalité et au réel.

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La citation faite par notre excellente collègue Annie Genevard – au commencement était le verbe – me permet de rebondir : je ne pense pas que Mme la garde de sceaux ait souhaité s'appuyer sur cette citation pour nous proposer cet amendement qui, à titre personnel, me convient très bien puisque j'ai déposé un amendement allant dans le même sens.

Vous êtes en définitive totalement d'accord, Madame Genevard, avec l'amendement du Gouvernement, puisque si le verbe est au commencement, c'est ainsi l'affirmation de la volonté de la filiation qui est au commencement, avant, donc, l'essence.

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Je ne sais pas si nous ne disposions que de mauvaises solutions. Quoi qu'il en soit, nous rencontrions une difficulté pour aboutir à une solution qui soit suffisamment consensuelle et sécurisante pour l'enfant.

Notre première préoccupation est en effet de trouver un moyen d'établir la filiation et de la sécuriser au bénéfice de l'enfant : c'est elle qui nous réunit. Il me semble que la solution à laquelle nous avons abouti ne nie pas le rôle de la mère, ce qui est à mon sens évidemment essentiel.

Il me semble qu'elle reconnaît par ailleurs enfin réellement dans notre droit l'homoparentalité, puisque précisément les deux femmes deviennent mères au même niveau. Or cette reconnaissance, qui est tout à fait légitime, n'a pas qu'une portée simplement symbolique : elle devient ce faisant réellement effective, traduisant ainsi une volonté partagée au sein de la majorité

Il me semble que cela se fait, car c'était également une de nos préoccupations majeures, sans préjudice, c'est-à-dire sans rien altérer du droit applicable aux personnes hétérosexuelles.

Il fallait concilier plusieurs objectifs, à savoir l'intérêt supérieur de l'enfant et la sécurisation de sa filiation, la reconnaissance de l'homoparentalité, donc le placement de ces deux mères sur un pied d'égalité. Il me semble en outre qu'avec cet amendement, nous sommes parvenus à ne rien altérer du droit existant applicable aux personnes hétérosexuelles.

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Nicole Belloubet, garde des Sceaux, ministre de la Justice

Je réponds très brièvement aux multiples questions – je pense en particulier à celles posées par M. Jean-François Eliaou – que vous avez posées, car nous y reviendrons au moment de l'examen de chacun des sous-amendements.

Deux éléments à ce stade, donc : oui, je le redis ici, nous avons tiré les conséquences de l'ouverture de l'AMP aux couples de femmes. Nous créons ce faisant un mode d'établissement de la filiation totalement déconnecté de la vraisemblance biologique : c'est très important.

Je respecte parfaitement le fait que vous soyez en désaccord, mais pardonnez-moi, Monsieur Breton, nous ne le créons que pour les couples de femmes. Nous restons en effet, s'agissant des couples hétérosexuels, parce que nous n'avons absolument pas voulu modifier le droit positif, sur le modèle de la vraisemblance biologique.

Si un article s'appliquant à ces derniers a pu être déplacé dans le code civil, sa rédaction n'a ce faisant absolument pas été modifiée, Monsieur Bazin.

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Nicole Belloubet, garde des Sceaux, ministre de la Justice

Nous avons par conséquent créé un mode d'établissement de la filiation différent, fondé sur la volonté et le projet parental, donc la reconnaissance conjointe, qui traduira cette même volonté et ce même projet. Il apportera la sécurisation nécessaire de l'enfant à venir au sein d'un couple de femmes, qu'elles ou non soient mariées.

Par conséquent oui, nous avons créé un tel mode : c'est donc de la sorte que nous avons introduit une véritable nouveauté. C'est d'ailleurs en ce sens que nous n'avons pas souhaité établir une similitude exacte avec les dispositions préexistantes applicables, elles, aux couples hétérosexuels recourant à l'AMP.

Une telle démarche aurait été cohérente puisque, vous le savez, il s'agit d'une solution que nous avions soumise au Conseil d'État, sur laquelle il nous a fait part de son avis et qu'il n'avait pas souhaité retenir.

Par conséquent oui, nous créons un mode d'établissement de la filiation spécifique aux couples de femmes. Dans ce cadre, puisque cette filiation est établie sur la base de la reconnaissance, il faut le reconnaître et le dire : ce n'est pas l'accouchement qui fait la filiation. Celle-ci est établie par la reconnaissance conjointe : c'est ce document qui permet de l'établir.

Cependant, l'accouchement est une condition nécessaire car si, par hasard, au sein d'un couple de femmes ayant consenti à recourir à l'AMP et ayant signé une reconnaissance conjointe l'une de ces deux femmes ne devait pas accoucher, alors cette reconnaissance serait frauduleuse et la filiation par AMP n'existerait pas : elle serait, de ce fait, annulée. Nous nous situons donc bien dans le cadre d'un régime juridique cohérent.

Il me semble que toute tentative d'assimilation absolue avec la filiation en vigueur pour les couples hétérosexuels ayant recours à une AMP serait erronée, car ce même régime obéit à une autre logique. Si nous avons souhaité que sa construction soit aussi proche que possible avec celle-ci, afin qu'il n'offre pas de singularité excessive, il ne peut malgré tout pas être construit de la même manière.

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Nicole Belloubet, garde des Sceaux, ministre de la Justice

Il y figurera le nom de l'enfant, comme sur tout acte de naissance, ainsi que les noms des mères – très vraisemblablement, le nom de la mère qui a accouché devrait figurer en première place. Il comportera également, de manière traditionnelle, la ligne « événement relatif à la filiation » où sont aujourd'hui mentionnés, le cas échéant, la reconnaissance anticipée faire par le père, pour un couple hétérosexuel non marié, et le mode d'établissement par adoption – l'absence de mention signifiant qu'il s'agit d'un couple hétérosexuel marié. Vous pourrez également trouver dans cette rubrique, dorénavant, l'indication « reconnaissance par ses mères, le […] » devant maître X.

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Il ne sera pas écrit : « est né de Mme X et de Mme Y » ?

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Nicole Belloubet, garde des Sceaux, ministre de la Justice

Non, il y aura « mère et mère », comme vous avez actuellement « père et mère ».

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J'espère que Mme la ministre me pardonnera la lecture un peu personnelle du code civil à laquelle je vais me livrer, qui est le fruit des réflexions que m'ont inspirées les auditions que nous avons conduites. Les arguments que je vais avancer fondent notre position d'ensemble sur le sujet ; je ne les réexposerai pas lors des débats sur les sous-amendements. Vous affirmez que le titre VII du code civil est le reflet d'éléments biologiques, qui traduisent la réalité ou, du moins, établissent la vraisemblance de la filiation. J'ai entendu, à l'instar de nombre de mes collègues, au cours des auditions, d'autres lectures. De fait, le titre VII du code civil ne mentionne à aucun moment les termes : « biologie », « vraisemblance biologique » ou « vérité biologique ». Un certain nombre de professeurs de droit ont évoqué l'aspect volontariste de la filiation dans chacun de ses modes d'établissement. Plusieurs auteurs nous ont dit qu'à leur sens, la conclusion du mariage constituait une reconnaissance anticipée des enfants à naître, que le fait d'accueillir tous les enfants issus du mariage constituait un acte de volonté, au même titre que la reconnaissance du père ante ou post-natale. Il existe donc des lectures du titre VII centrées sur la volonté – c'est une question débattue en droit. D'autres personnes nous ont dit : peu importe que la filiation soit biologique ou résulte d'un acte de volonté, dans la mesure où le titre VII se caractérise par une vision essentiellement causale. Il est inspiré par le dessein de déterminer ce qui a causé la venue au monde d'un enfant : acte de procréation charnelle – qui établit la vraisemblance biologique – ou acte de volonté, décision d'assumer la responsabilité de l'enfant. Finalement, ce qui importe, c'est le lien de droit qui est créé et l'identité de ceux qui vont l'assumer pendant toute la durée de vie de l'enfant. J'ai une préférence pour la lecture causale, qui repose sur l'engendrement – celui-ci pouvant être volontaire, dans le cadre d'une PMA, biologique, ou reposer sur la vraisemblance biologique. On n'en a pas parlé mais on sait que, dans certaines familles hétérosexuelles, la vraisemblance biologique n'est qu'apparence ; les enfants ne sont pas forcément issus biologiquement de l'homme, reconnu comme père en droit et dans les faits. Le titre VII met en avant le critère de l'existence des familles, dans leur pluralité.

La ministre nous a dit très clairement, que, quelle que soit notre appréhension des fondements du titre VII, tous les enfants, dans toutes les familles, auront les mêmes droits, par application de l'article 1er et du choix de société d'étendre la PMA à toutes les femmes. Je pense que nous serons tous d'accord pour reconnaître ce fait, qui est la clé pour comprendre la philosophie du texte. J'ajoute qu'il existe déjà des modes d'établissement de la filiation légèrement distincts – selon qu'un couple hétérosexuel est ou non marié, par exemple – qui produisent tous exactement les mêmes effets.

Nous défendons une novation sociale, qui est parfaitement assumée par Mme la ministre et que je soutiens, consistant à créer un mode de filiation anteconceptionnelle, fondé sur une volonté conjointe. C'est extrêmement important pour l'avenir de notre société. C'est valoriser la place des hommes et des femmes que d'insister sur le caractère conjoint, le projet parental, qui était au coeur de nos débats sur l'article 1er.

Je voudrais mentionner un dernier apport de l'article 4, qui a été élaboré, là encore, en coconstruction avec Mme la ministre : nous supprimons, à l'article 311-20 du code, les « conditions garantissant le secret », en cohérence avec l'article 3. Nous refusons, en effet, la culture du secret autour de la procréation médicalement assistée. C'est aussi un progrès social.

La commission examine les sous-amendements aux amendements identiques n° 2266 et n° 2267.

Elle est d'abord saisie des sous-amendements identiques n° 2299 de M. Patrick Hetzel, n° 2340 de M. Xavier Breton et n° 2362 de M. Thibault Bazin.

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L'article 4, dans sa nouvelle rédaction, supprime l'article 310 du code civil, lequel proclame le principe d'égalité de tous les enfants, pour introduire une exception injustifiée, à mon sens, dans un nouvel article 6-2, concernant les enfants adoptés en la forme simple. L'article 358, qui est abrogé par le projet de loi du Gouvernement, suffit à rappeler l'égalité des droits, dans le cas de l'adoption plénière. Il ne faut donc évidemment pas abroger cette disposition, dans la mesure où elle protège les enfants adoptés en la forme plénière. De plus, dans un souci de lisibilité de la loi par le citoyen, le déplacement de ces articles spécifiques hors des titres VII et VIII est particulièrement inopportun. L'affirmation du principe d'égalité en tête du code civil est inutile, puisqu'il est déjà énoncé dans les articles 310 et 358, qu'il convient de maintenir. C'est la raison pour laquelle, par cet amendement, je propose de supprimer les troisième à septième alinéas de l'article 4, telle que réécrits par le Gouvernement.

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Mon sous-amendement n° 2340 est identique. Je voudrais revenir sur les propos de Mme la garde des Sceaux et sur la question de savoir si l'accouchement est ou non une condition suffisante pour être mère. Aujourd'hui, c'est le cas. Vous nous dites que ce ne sera plus toujours vrai, cette condition demeurant suffisante uniquement pour les femmes en couple avec un homme. En revanche, pour les couples de femmes, il faudra quelque chose de plus. On voit donc que vous créez une discrimination entre les femmes, selon leur situation, ce qui, me semble-t-il, devrait choquer nombre de nos collègues.

Suivant l'avis défavorable de la rapporteure, la commission rejette les sous-amendements n° 2299, n° 2340 et n° 2362.

Elle en vient au sous-amendement n° 2425 de Mme Emmanuelle Ménard.

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Je reviens sur la proposition que j'ai défendue tout à l'heure. Seule la solution de l'adoption permet, me semble-t-il, de respecter les dispositions du titre VII du livre Ier du code civil, qui sont entièrement axées sur la recherche de la véritable filiation de l'enfant. À défaut, les dispositions applicables à tous les enfants s'en trouveraient fragilisées.

Suivant l'avis défavorable de la rapporteure, la commission rejette le sous-amendement n° 2425.

Elle se saisit ensuite du sous-amendement n° 2414 de Mme Annie Genevard.

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Je propose de supprimer les alinéas 5 à 7 de l'amendement n° 2266. En effet, le principe d'égalité des filiations que vous proposez d'instituer dans votre texte, madame la garde des Sceaux, est parfaitement établi par les articles 310 et 358 du code civil. Il n'a donc pas sa place dans le titre préliminaire du code civil, lequel ne doit pas traiter de questions particulières.

Suivant l'avis défavorable de la rapporteure, la commission rejette le sous-amendement n° 2414.

Elle passe à l'examen du sous-amendement n° 2378 de Mme Emmanuelle Ménard.

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Il s'agit d'un sous-amendement d'appel pour alerter le Gouvernement sur le fait que le droit commun de la filiation s'oppose à ce que deux filiations – maternelles ou paternelles – soient établies à l'égard d'un même enfant. Ce principe, qui irrigue tout le droit de la filiation, est en particulier affirmé par l'article 320 du code civil et a été consacré tant par le Conseil constitutionnel que par la Cour de cassation. Vous n'en tenez pas compte alors qu'en application de ces principes essentiels du droit français, et au regard de la hiérarchie des normes, l'acte juridique proposé dans le projet de loi – la filiation par déclaration anticipée de volonté – est de nullité absolue, à moins de considérer que le droit de la filiation n'est pas d'ordre public. On peut tenir le même raisonnement concernant l'amendement n° 2266, même s'il passe par le régime de la reconnaissance. En effet, le régime de filiation proposé, en établissant deux filiations maternelles, entraînera des difficultés juridiques, y compris devant le Conseil constitutionnel.

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Nicole Belloubet, garde des Sceaux, ministre de la Justice

Madame Ménard, la loi du 17 mai 2013 avait déjà ouvert la possibilité d'une double filiation de même sexe, donc je ne vois pas pourquoi on ne pourrait pas proposer cette mesure.

Madame Genevard, il me semble au contraire que l'emplacement de l'article 6-2 est adapté, car il est parfaitement complémentaire de l'article 6-1 : les deux dispositions, à mes yeux, se répondent.

La commission rejette le sous-amendement n° 2378.

Elle se saisit ensuite des sous-amendements identiques n° 2300 de M. Patrick Hetzel, n° 2341 de M. Xavier Breton et n° 2363 de M. Thibault Bazin.

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Il s'agit d'affirmer l'égalité des filiations en tête du code civil, tout en maintenant l'altérité sexuelle, dans le cadre de la parité – position à laquelle nous sommes attachés et qui constitue un motif de divergence avec le projet de la majorité.

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Le sous-amendement n° 2341 est identique à celui de notre collègue Hetzel. Je souhaiterais revenir sur la discrimination qu'établira le mode de filiation entre, d'une part, la femme en couple avec un homme, qui sera mère par l'accouchement, et la femme en couple avec une autre femme, qui ne le sera pas nécessairement puisqu'elle devra accomplir une démarche particulière. Cela montre bien votre volonté d'évacuer le pilier corporel de la filiation, qui est, à nos yeux, essentiel, à côté du pilier affectif et éducatif, d'une part, et du pilier social, d'autre part. Le pilier corporel permet en effet d'asseoir solidement les filiations. En en faisant fi, vous dites très clairement aux femmes qui sont en couple avec une autre femme que leur accouchement n'a aucune valeur – en tout cas pas la même valeur que celui d'une femme hétérosexuelle. Encore une fois, il y a une discrimination, et je m'étonne de constater que cela ne vous révolte pas, alors que vous êtes prompts à dénoncer toute forme de discrimination ou de stigmatisation. Je vous demande donc, encore une fois, comment vous justifiez cette discrimination.

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La parenté est un lien de droit qui découle du mode de procréation choisi. Peu importe qu'il s'agisse d'une AMP ou d'une procréation charnelle : la filiation est établie juridiquement, sans qu'il soit besoin d'apporter d'autres précisions.

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Nicole Belloubet, garde des Sceaux, ministre de la Justice

Monsieur Breton, le projet de loi n'introduit évidemment aucune discrimination. La mère qui accouchera sera bien la mère : je ne vois pas où est la difficulté. Elle sera mère, au même titre que l'autre mère, ce qui est évidemment l'essentiel.

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Nicole Belloubet, garde des Sceaux, ministre de la Justice

Je vous ai répondu tout à l'heure que l'accouchement était une condition nécessaire.

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Nicole Belloubet, garde des Sceaux, ministre de la Justice

La mère qui accouchera sera mère, point. Votre proposition est, en un sens, paradoxale, car vous souhaitez que les couples de femmes soient soumis au droit de la filiation s'appliquant aux couples hétérosexuels. Vous proposez donc vous-même de reconnaître la similitude existant entre les deux types de couples.

La commission rejette les sous-amendements n° 2300, n° 2341 et n° 2363.

Elle en vient aux sous-amendements identiques n° 2327 de M. Thibault Bazin et n° 2377 de Mme Emmanuelle Ménard.

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Le sous-amendement n° 2327 vise à supprimer l'alinéa 2 de l'article 4, lequel abroge les articles 310 et 358 du code civil. Il me semble qu'il faut, au contraire, conserver ces deux articles. L'article 358, en particulier, qui a trait à l'adoption, consacre les droits de l'enfant.

La commission rejette les sous-amendements n° 2327 et n° 2377.

Elle examine ensuite le sous-amendement n° 2413 de Mme Annie Genevard.

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Madame la garde des Sceaux, madame la rapporteure, je voudrais revenir sur votre choix juridique de la reconnaissance. En droit, la reconnaissance est fondée sur la vérité biologique ou, du moins, sur la vraisemblance des faits qui y sont décrits. En reconnaissant un enfant, l'homme ou la femme atteste de ce qu'il est ou de ce qu'il pourrait être le père ou la mère de l'enfant. C'est la raison pour laquelle le dispositif juridique que vous avez choisi ne me convient absolument pas. De surcroît, il donnera lieu, selon moi, à d'immanquables contentieux. L'acte accompli par les femmes sera fragilisé par le recours au droit commun de la reconnaissance. Par ailleurs, les reconnaissances relevant du titre VII verront le critère de la vraisemblance remplacé par celui de la volonté et deviendront, de ce fait, inattaquables, quand bien même serait produite une preuve biologique. Tel est d'ailleurs le motif de la condamnation de la France par la Cour européenne des droits de l'homme dans l'arrêt « Mandet contre France » de 2016, qui a très clairement rappelé que la primauté de l'intérêt supérieur de l'enfant conduisait nécessairement à ce que sa filiation soit établie au regard de la vérité biologique.

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Je trouve votre raisonnement très intéressant mais, compte tenu de la rédaction proposée, l'avis est défavorable.

La commission rejette le sous-amendement n° 2413.

Elle se saisit du sous-amendement n° 2326 de Mme Emmanuelle Ménard.

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Il a pour objet de supprimer le dix-septième alinéa de l'amendement n° 2266. En effet, le régime de filiation que vous proposez vise à sécuriser une filiation artificielle en la rendant quasi irrévocable, ce qui revient à conférer à l'intention unilatérale de la femme une portée qui peut paraître exagérée. Il est par ailleurs intéressant de constater qu'actuellement, un homme qui reconnaît un enfant sans en être le père biologique peut se voir contester cette filiation par l'enfant. En revanche, la filiation que vous proposez pour les couples de femmes s'imposerait de façon définitive pour les mères, ce qui créerait, à mes yeux, une discrimination entre les couples hétérosexuels et homosexuels.

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Je ne vois pas en quoi il y aurait une discrimination. De la même façon qu'il n'y a pas d'action en responsabilité à l'encontre du donneur, le texte n'en institue pas contre l'établissement de la filiation.

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Aujourd'hui, un enfant qui naît dans un couple hétérosexuel et qui a un doute sur la paternité de celui qui est censé être son père peut intenter une action en recherche de paternité et contester la paternité de celui qui se dit le père. En revanche, dans le cas d'un couple de mères, l'enfant ne pourra pas contester la filiation avec la mère qui n'a pas accouché, ce qui crée une discrimination entre les couples hétérosexuels et homosexuels.

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Considérons le cas d'un couple hétérosexuel qui recourt à une AMP avec tiers donneur, qui a exprimé son consentement chez le notaire et qui a reconnu l'enfant – soit par présomption de paternité, dans le cas du mariage, soit par déclaration, anticipée ou non. Une fois la filiation établie entre l'enfant issu de l'AMP et le père, aucune action en contestation de paternité biologique ne peut être intentée ; comme je le disais tout à l'heure, il s'agit d'une relation très puissante. La seule contestation possible prévue par le code civil, et conservée pour le couple de femmes, consiste à prouver que l'enfant n'est, en réalité, pas issu de l'AMP mais d'une autre relation, qui aurait eu lieu autrement.

Le sous-amendement n° 2326 est retiré.

Suivant l'avis défavorable de la commission, elle rejette ensuite le sous-amendement n° 2328 de M. Thibault Bazin.

La commission passe ensuite à l'examen des sous-amendements identiques n° 2303 de M. Patrick Hetzel, n° 2344 de M. Xavier Breton et n° 2367 de M. Thibault Bazin.

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Je propose de supprimer, au dix-neuvième alinéa de l'amendement n° 2266, les mots : « ou la femme non mariée ». En effet, le lien de filiation à l'égard de la femme seule qui a accouché est établi par l'article 311-25 du code civil. Il ne semble pas nécessaire d'adopter une disposition concernant spécifiquement la PMA – l'intervention du notaire, en l'occurrence, étant parfaitement inutile. De surcroît, d'autres dispositions interdisent l'établissement d'un lien de filiation à l'égard du donneur. On ne comprend pas très bien pourquoi on appliquerait cette disposition à la femme non mariée. Il s'agit d'une incohérence au regard de l'esprit du texte et de la volonté du Gouvernement.

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Je défends le sous-amendement n° 2344 en reprenant à mon compte les arguments très pertinents de notre collègue Hetzel.

La commission rejette les sous-amendements n° 2303, n° 2344 et n° 2367.

Elle en vient ensuite aux sous-amendements identiques n° 2331 de M. Thibault Bazin, n° 2411 de M. Xavier Breton et n° 2419 de M. Patrick Hetzel.

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Il est quand même regrettable qu'on n'ait aucune réponse de Mme la rapporteure ni de Mme la garde des Sceaux à nos interrogations sur les amendements – notre collègue Hetzel vient de soulever une vraie question – même si je comprends votre embarras, parce que vous êtes dans l'improvisation et le bricolage complets. Je voudrais revenir sur la discrimination que vous êtes en train d'établir entre les femmes. Madame la garde des Sceaux, aujourd'hui, dans le cadre de l'AMP pour les couples de personnes de sexe différent, la maternité est établie par l'accouchement, qu'il y ait eu ou non don d'ovocytes. L'accouchement est une condition suffisante. Pour les couples de femmes, ce ne sera plus le cas : il faudra également procéder à une déclaration. Vous établissez donc une discrimination, car vous allez demander aux femmes en couple avec une autre femme d'accomplir une formalité supplémentaire. N'en avez-vous pas conscience ? Vous pouvez aller jusqu'au bout de votre logique, comme notre collègue Saulignac le défend – ce qui a le mérite de la cohérence – mais vous savez fort bien qu'on est toujours rattrapé par ses contradictions. Assumez cette discrimination, qui vient du fait que vous entendez fonder la filiation, pour les AMP avec tiers donneur, sur la seule volonté. Il reste pourtant un pilier corporel, que vous ne pouvez pas évacuer ; il vous rattrape toujours, parce que la réalité, ce ne sont pas des fantasmes. La loi ne peut pas tout. La réalité, c'est l'existence physique des corps. Vous établissez une discrimination entre les femmes, assumez-le !

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Le Gouvernement a entendu instituer un mode de filiation fondé sur la volonté concordante des membres d'un couple. Il est permis d'exprimer des inquiétudes, liées au fait que la volonté d'avoir un enfant peut évidemment fluctuer. Par ailleurs, un couple n'est pas non plus à l'abri d'une désunion, d'autant que les parcours d'AMP, dont la réussite est au demeurant limitée, sont, on le sait, éprouvants. Prenons l'exemple d'un couple non marié qui aurait, à un instant t, exprimé son consentement devant notaire et qui se séparerait au cours de la procédure d'AMP – laquelle peut être soumise à de longs délais. Comment le médecin traitant et le notaire auront-ils connaissance de cette séparation, qui remet en cause la volonté commune ? Cet événement aura des conséquences graves sur le lien de filiation de l'éventuel enfant à naître, qui sera possiblement l'enfant des deux femmes, ou celui d'une seule, si celle-ci a continué son parcours d'AMP en dépit de la séparation. Compte tenu des questions qui se posent, il paraît nécessaire de donner à ce consentement une durée de validité : nous proposons trois ans, dans l'intérêt de l'enfant.

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Suggérez-vous que les PMA nécessitent un délai de trois ans ? L'expression du consentement aura lieu devant un notaire ; ce ne sera pas un contrat signé au coin d'une table à la fin du repas. Le consentement au don sera suivi d'un acte médical, d'une procédure impliquant les deux membres du couple. Les conditions de retrait du consentement sont très claires et sont d'ailleurs réaffirmées dans l'article : le consentement est très sécurisé. Les praticiens que nous avons auditionnés nous ont fait part d'un cas de rétractation avant insémination, dans toute l'histoire de la PMA, dont ils ont bien été informés. Je ne pense donc pas qu'il y ait de difficultés en la matière.

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Nicole Belloubet, garde des Sceaux, ministre de la Justice

Monsieur Breton, vous invoquez l'argument de la discrimination parce que vous sentez que c'est cela qui peut faire bouger les lignes. Or, nous avons précisément souhaité éviter toute discrimination. Nous voulons établir un mode d'établissement de la filiation qui corresponde à la volonté de deux femmes d'avoir ensemble un enfant. Vous savez que, juridiquement, on peut appliquer des mesures différentes à des personnes se trouvant dans des situations dissemblables, sans porter atteinte au principe d'égalité. En l'occurrence, une situation différente justifie un mode d'établissement de la filiation distinct. Notre objectif est évidemment de garantir l'égalité entre les deux mères. Nous ne nions évidemment pas le fait que l'une des mères a accouché et est devenue mère, mais nous affirmons que l'accouchement n'est pas la cause de la filiation.

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C'est là-dessus que nous sommes en désaccord !

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Nicole Belloubet, garde des Sceaux, ministre de la Justice

Je comprends que vous soyez en désaccord mais, si nous faisions de l'accouchement la cause de la filiation, nous devrions établir une différenciation entre les deux mères. Or, comme je viens de vous le dire, nous avons pour objectif d'établir l'égalité entre elles. La reconnaissance conjointe posée ab initio consacre cette égalité. Dans un couple hétérosexuel qui procède à une AMP, le père n'en est pas moins père alors que ce n'est peut-être pas lui qui a donné les gamètes.

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Nicole Belloubet, garde des Sceaux, ministre de la Justice

Je ne vois pas où est la différence : ce sont deux cas à peu près identiques.

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Nous essayons de réaliser, en quelque sorte, une étude d'impact puisque nous n'avons pas eu l'avis du Conseil d'État sur cette disposition. Si un couple de femmes recourt à l'AMP puis se sépare après la naissance de l'enfant, le juge accordera-t-il, au regard de l'intérêt de l'enfant, une importance particulière à la mère biologique – qui aura développé avec l'enfant, notamment dans les premières semaines, des liens extrêmement forts ? Quand on crée des droits, on doit envisager les conflits pouvant survenir avec d'autres droits. Madame la ministre, nous demeurons dans l'attente des réponses aux questions que nous vous avons posées tout à l'heure et que vous deviez nous apporter lors de l'examen des sous-amendements.

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Que des collègues de la majorité s'égarent, en imaginant que la mère procréatrice peut être sur un strict pied d'égalité avec l'autre mère, et en considérant qu'il n'y a pas de différence entre le statut de cette dernière et celui d'un père, admettons. Mais entendre cela de la bouche de la garde des Sceaux, ça me gêne beaucoup. Vous ne pouvez pas nous expliquer qu'il n'y a pas de différence entre le père qui a consenti au don d'un tiers donneur, dans le cadre d'une AMP, et la deuxième mère : c'est une ineptie juridique, à moins de considérer – ce qui me ramène à ma question, qui va vous paraître un peu lancinante – qu'il s'agit d'un cheval de Troie pour assurer la reconnaissance d'un mode de filiation par GPA.

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En effet, si on n'opère plus de distinction entre la mère qui accouche et celle qui n'a pas accouché, c'est la voie ouverte à l'établissement d'une filiation simple par recours à la GPA. J'aimerais beaucoup vous entendre à ce sujet.

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Madame la garde des Sceaux, lorsque vous déclarez que l'accouchement ne suffit pas à établir la filiation, il y a quelque chose qui révolte le bon sens, face à l'évidence de la réalité. Vous êtes aveuglée, me semble-t-il, par l'objectif de l'égalité. Je sais bien que c'est ce qui a motivé la plupart des auditions, notamment des militants de cette recherche éperdue d'égalité, qui fait complètement l'impasse sur l'évidence de ce que chacun connaît. J'observe que vous êtes profondément en contradiction avec votre collègue Agnès Buzyn, qui a déclaré à de très nombreuses reprises que ce texte n'est pas une loi d'égalité des droits. Or, avec l'affirmation selon laquelle l'accouchement ne suffit pas à établir la filiation, parce qu'elle introduirait de facto une inégalité entre les deux mères…

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Nicole Belloubet, garde des Sceaux, ministre de la Justice

Une hiérarchie !

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vous démontrez que c'est l'obsession de l'égalité des droits, qui vous fait dire – pardonnez-moi – une énormité.

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C'est une question éminemment complexe, mais il y a des choses qu'on ne peut pas laisser dire. Monsieur Bazin, vous avez demandé comment le juge traiterait les deux mères en cas de séparation, sachant que l'une d'elles a porté un enfant et pas l'autre. Vous sous-entendiez ainsi que le fait d'accoucher rendrait l'une des mères plus mère que l'autre, ce qui n'est pas recevable. Peut-être ne vouliez-vous pas dire cela, mais il faut faire attention à la portée de ses propos. Si l'on interprétait votre discours, cela pourrait signifier que, dans le cas d'un couple hétérosexuel, la mère est, en quelque sorte, plus légitime que le père – culturellement, cela a pesé longtemps, dans notre société. Il y a là un réel danger. De la même façon, quand un des membres d'un couple adopte un enfant, il serait alors, lui aussi, moins légitime. Cela étant, j'entends bien l'autre écueil sur lequel vous nous alertez : si seule la volonté compte, le fait de porter l'enfant n'est pas indispensable à la filiation, ce qui fait courir le risque – ce que tout le monde craint, à juste ou à moins juste titre – de l'ouverture sur la GPA. Mais attention à ne pas faire de discrimination entre deux parents sur le fondement de l'aspect corporel ou biologique, qui serait prédominant.

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Je voulais revenir sur plusieurs remarques que j'ai entendues. D'abord, vous avez mis en cause notre obsession de l'égalité. Il ne me semble pas, que, pour un parlementaire de la Ve République, ce soit un défaut d'avoir l'égalité pour boussole politique – j'ose espérer que cet objectif est partagé bien au-delà des murs de notre assemblée. Ensuite, s'agissant de la prétendue discrimination à tous crins que vous évoquiez, je veux vous rassurer, cher collègue Breton : ce n'est absolument pas le cas. Comme je vous l'expliquais précédemment, nous souhaitons instituer un mode d'établissement de la filiation similaire pour les deux membres d'un même couple – en l'occurrence, un couple lesbien ayant recours à l'aide médicale à la procréation avec un tiers donneur.

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J'entends votre inquiétude. Selon l'adage mater semper certa est, l'identité de la mère est toujours certaine, puisqu'elle a accouché. À une époque, il n'y avait que cela pour être certain de l'identité d'une mère. Cela étant, doit-on considérer que, parce que la mère qui accouche est très certainement la mère, l'autre femme ne peut pas l'être ?

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C'est la question que je pose. On peut considérer que cela n'empêche pas d'autres mères d'être certainement mères, notamment quand elles s'y sont engagées et qu'elles l'ont déclaré au préalable.

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Nicole Belloubet, garde des Sceaux, ministre de la Justice

Je ne suis absolument pas en désaccord avec ma collègue Agnès Buzyn. La loi sur laquelle nous travaillons n'est pas une loi d'égalité des droits, mais, quand on crée un droit nouveau, on souhaite évidemment respecter le principe d'égalité. Par ailleurs, s'agissant de l'accouchement, Madame Genevard, il faut très attention aux mots – je me parle aussi à moi-même en disant cela. Je répète que l'accouchement n'est pas la cause de la filiation, dans le schéma des couples de femmes qui ont recours à une AMP, même s'il est évidemment nécessaire. Enfin, je souhaiterais apporter un début de réponse à M. Brindeau – je ne ferai que l'esquisser car nous allons examiner de nombreux amendements, après l'article 4, sur la question de la GPA. L'accouchement est toujours nécessaire dans le schéma de l'AMP pour les couples de femmes, ce qui est fondamental au regard de la GPA. La femme qui déclarera l'enfant à l'état civil, après sa naissance, devra fournir un certificat d'accouchement et la reconnaissance conjointe. C'est bien parce qu'il y aura ce certificat d'accouchement que l'enfant pourra être déclaré à l'état civil comme étant né de mère X et de mère Y, et qu'il sera impossible de glisser vers la GPA.

La commission rejette les sous-amendements n° 2331, n° 2411 et n° 2419.

Elle examine ensuite les sous-amendements identiques n° 2412 de M. Xavier Breton et n° 2420 de M. Patrick Hetzel.

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Le sous-amendement n° 2412 a trait à la révocation du consentement. Madame la garde des Sceaux, je vous remercie pour vos explications : vous assumez le fait de chercher à établir l'égalité entre les femmes, à l'intérieur des couples de femmes, mais aussi, nous l'avons bien entendu, de créer une inégalité entre les femmes au sein de la société. Il y aura les femmes – au sein des couples homme-femme – pour qui l'accouchement sera une condition suffisante pour établir la maternité et la filiation, et celles – dans les couples de femmes – pour lesquelles l'accouchement ne les déterminera plus nécessairement. Pour les couples de femmes, vous évacuez l'accouchement, ce qui conduit à le relativiser. Je suis parfaitement d'accord avec notre collègue Brindeau : cela amènera nécessairement la GPA un jour. Ce n'est pas encore pour aujourd'hui, mais la logique est là. Surtout, vous êtes en train de dire aux femmes ayant un conjoint masculin : vous accouchez, vous êtes mère, vous n'avez rien d'autre à faire, tandis que vous dites aux femmes qui sont en couple avec une autre femme : vous accouchez, mais vous n'êtes pas mère : il faut une reconnaissance. Cela signifie que vous établissez une différence. J'entends qu'en parlant de « discrimination », on emploie un jugement de valeur, mais il me semble, contrairement à vous, que ce mot est justifié. On voit bien, encore une fois, votre incapacité à articuler l'égalité et la différence. Pour avoir l'égalité, vous niez les différences, notamment corporelles. Voilà pourquoi vous voulez évacuer l'accouchement. J'entends la position de notre collègue Touraine, qui revendique une procréation sans sexe : c'est le chemin sur lequel il veut conduire notre société. Nous souhaitons, pour notre part, que le sexe ait toujours sa place dans la procréation.

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Alors que, pour tous les enfants, aujourd'hui, la femme qui accouche est reconnue comme la mère, ce ne serait plus le cas dans le cadre de la nouvelle filiation fondée sur la volonté, puisque vous avez prévu un autre dispositif : voilà ce que nous contestons. Vous êtes en train de nier une réalité biologique ou physiologique. Le droit que l'on définit ici peut-il s'écarter de la véracité ? À partir du moment où vous établissez que les deux mères ont exactement le même statut, en tirant le fil, cela revient presque à nier que l'une d'elles aurait accouché. On a eu ce débat à propos de l'AMP post mortem. On est en train de dire que, finalement, ça ne compte pas, que ça n'a aucune importance, et on gomme une réalité : chaque enfant, pour naître, passe forcément par le processus de l'accouchement.

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Je ne vois pas le lien avec vos sous-amendements, qui portent sur la révocation du consentement, et auxquels je donne un avis défavorable.

La commission rejette les sous-amendements n° 2412 et n° 2420.

Elle en vient aux sous-amendements identiques n° 2304 de M. Patrick Hetzel, n° 2345 de M. Xavier Breton et n° 2368 de M. Thibault Bazin.

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Le sous-amendement n° 2304 vise à permettre aux personnes conçues par don de gamètes et d'embryons, de disposer, à leur majorité, d'un document officiel au sujet de leur conception avec donneur, en prévoyant que les copies de tous les consentements au don soient archivées par l'Agence de la biomédecine, à moins que le Gouvernement ait une autre proposition. Le problème, aujourd'hui, est de savoir comment on va s'assurer que cette information – dont le Gouvernement nous dit qu'elle est importante et que c'est un droit pour les personnes concernées – sera centralisée de manière fiable.

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Je crois qu'on est tous d'accord pour constater que vous instituez une différence entre les femmes au sein de la société.

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Je donne un avis défavorable pour les mêmes motifs qui ont justifié notre refus de créer un registre des consentements au don à l'Agence de la biomédecine, à l'article 3 : le règlement général sur la protection des données et les réserves de la CNIL – Commission nationale de l'informatique et des libertés. L'Agence de la biomédecine conservera des données médicales et non pas notariales, lesquelles sont placées sous le sceau de la confidentialité.

La commission rejette les sous-amendements n° 2304, n° 2345 et n° 2368.

Suivant l'avis défavorable de la rapporteure, elle rejette le sous-amendement n° 2332 de M. Thibault Bazin.

Elle examine les sous-amendements identiques n° 2305 de M. Patrick Hetzel, n° 2346 de M. Xavier Breton et n° 2369 de M. Thibault Bazin.

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Madame la rapporteure, j'entends que l'Agence de biomédecine n'est peut-être pas la structure idoine pour centraliser l'information et je ne vois pas d'inconvénient à ce que cela se fasse ailleurs. Peut-être faut-il rechercher une solution avec le Conseil supérieur du notariat ? C'est un enjeu important, puisqu'il faut sécuriser le processus.

J'en viens sous-amendement n° 2305. Puisque ce n'est pas le consentement qui établit la filiation mais la mention de la mère dans l'acte d'état civil, je vous propose de substituer, au vingtième alinéa de l'amendement n° 2266, les mots « Le consentement à une assistance médicale à la procréation » par les mots : « L'établissement du lien de filiation à l'égard de l'enfant issu d'une aide médicale à la procréation dans les conditions du présent chapitre ».

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S'agissant du registre, l'avis est toujours défavorable, compte tenu du caractère confidentiel de l'acte. Par ailleurs, dans la mesure où on n'établit pas un registre des consentements au don des PMA hétérosexuelles, je ne vois pas pourquoi on en créerait un aujourd'hui. Dans le cas d'une action en contestation, il faudra fournir le document notarié. Enfin, la filiation s'établit bien par la reconnaissance conjointe.

La commission rejette les sous-amendements n° 2305, n° 2346 et n° 2369.

Elle examine les sous-amendements identiques n° 2339 de M. Patrick Hetzel, n° 2361 de M. Xavier Breton et n° 2409 de M. Thibault Bazin.

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Si je résume, vous proposez que toutes les dispositions du titre VII soient applicables aux couples de femmes faisant une PMA, que l'une soit mère du fait de l'accouchement et que l'autre le soit à la suite d'une déclaration de reconnaissance. Vous voulez donc étendre le droit commun, ce que vous critiquiez pourtant tout à l'heure dans vos amendements de suppression. Avis défavorable, même si je retiens votre raisonnement, auquel je resongerai.

La commission rejette les sous-amendements n° 2339, n° 2361 et n° 2409.

Puis elle examine le sous-amendement n° 2423 de Mme Emmanuelle Ménard.

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L'article 4, dans sa rédaction actuelle, conduit à utiliser le mécanisme de reconnaissance pour établir la maternité de celle qui n'a pas accouché. Or, juridiquement, la reconnaissance est un aveu de filiation et non pas un acte juridique créateur de filiation. La volonté n'a pas le pouvoir de créer une filiation, parce que celle-ci ne peut être ni cédée ni abandonnée. La mère qui accouche ne peut donc pas abandonner sa maternité au profit d'une autre femme. La volonté de l'une comme celle de l'autre n'ont pas un tel pouvoir.

Par ailleurs, il est important que la maternité de celle qui accouche puisse être établie conformément aux chapitres Ier à IV du titre VII du livre Ier du code civil, à l'issue d'une assistance médicale à la procréation.

Enfin, pour éviter de faire imploser – ou exploser – tout le droit de la filiation et de fragiliser la filiation de tous les enfants – résultat auquel conduirait le projet de loi dans sa rédaction actuelle –, il est indispensable d'établir la filiation de celle qui accouche, en appliquant le droit de la filiation. L'éventuelle filiation d'une deuxième femme par la voie de l'adoption est ouverte par le titre VIII du livre Ier du code civil. En dehors d'une adoption, les solutions permettant d'établir la filiation d'une personne qui n'est pas celle qui accouche conduisent à remettre en cause le droit de la filiation pour l'ensemble des enfants.

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Comme je l'ai dit précédemment, c'est intéressant, mais ce n'est pas cohérent avec votre amendement de suppression. Avis défavorable.

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Plusieurs sous-amendements qui tentent de refaire une différence entre la mère qui accouche et celle qui est mère par l'intention ont été rejetés. Le Gouvernement, la rapporteure et la majorité sont arc-boutés sur le fait que ce soit la seule volonté qui crée le lien de filiation, c'est-à-dire la déclaration conjointe. Madame la garde des Sceaux, vous avez dit que l'accouchement n'était pas la cause de la filiation et qu'il fallait actuellement produire un certificat d'accouchement, lequel n'est pas opérant pour créer la filiation. Qu'est-ce qui empêchera demain quelqu'un de contester l'obligation de devoir produire un certificat d'accouchement pour établir la filiation, dans la mesure où c'est la déclaration conjointe de consentement qui l'établit ? Cela me pousse à vous reposer la question : quid de la GPA ?

La commission rejette le sous-amendement n° 2423.

Elle examine les sous-amendements identiques n° 2329 de M. Patrick Hetzel, n° 2360 de M. Xavier Breton et n° 2408 de M. Thibault Bazin.

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Le sous-amendement vise à apporter une précision, en indiquant expressément, dans un souci de clarté, que la rupture d'un PACS prive d'effet le consentement à l'AMP.

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Je suis surpris, madame la garde des Sceaux, de voir que l'accouchement aura une portée différente selon les femmes : pour la femme dans un couple hétérosexuel, il en fera une mère ; pour une femme en couple avec une femme, l'accouchement ne sera pas suffisant. Vous faites une différence, une discrimination même, entre les accouchements. Vous êtes en train de stigmatiser les femmes en couple avec une femme, pour lesquelles l'accouchement ne suffirait pas à établir la filiation, contrairement aux femmes en couple avec un homme.

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Je n'ai pas compris le rapport de votre sous-amendement avec le PACS.

La commission rejette les sous-amendements n° 2329, n° 2360 et n° 2408.

Puis elle examine les sous-amendements identiques n° 2306 de M. Patrick Hetzel, n° 2347 de M. Xavier Breton et n° 2370 de M. Thibault Bazin.

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Pour être cohérents avec ce qui a été dit jusqu'à présent, mon sous-amendement vise à réserver l'AMP aux couples formés d'un homme et d'une femme – voilà qui est clair !

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Vos sous-amendements ne correspondent pas à l'alinéa…

Les sous-amendements n° 2306, n° 2347 et n° 2370 sont retirés.

La commission examine ensuite les sous-amendements identiques n° 2310 de M. Patrick Hetzel, n° 2351 de M. Xavier Breton et n° 2374 de M. Thibault Bazin.

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Le sous-amendement vise à faire établir un lien de filiation à l'égard de l'autre membre du couple, homme ou femme, par le recours à l'adoption plénière. Cela permettrait de rester dans une vision classique de la filiation et, surtout, de ne pas nier la réalité d'un accouchement. La manière dont vous traitez ce problème juridique n'est pas la bonne.

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Vous ne pourrez pas nous répondre que notre sous-amendement risque d'établir une inégalité, puisque vous la créez entre les femmes en fonction de leur couple.

Suivant l'avis défavorable de la rapporteure, la commission rejette les sous-amendements n° 2310, n° 2351 et n° 2374.

Suivant l'avis défavorable de la rapporteure, la commission rejette ensuite les sous-amendements identiques n° 2307 de M. Patrick Hetzel, n° 2348 de M. Xavier Breton et n° 2371 de M. Thibault Bazin.

La commission examine ensuite les sous-amendements identiques n° 2309 de M. Patrick Hetzel, n° 2350 de M. Xavier Breton et n° 2373 de M. Thibault Bazin.

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Le sous-amendement vise à maintenir le système actuel d'établissement du lien de filiation de l'enfant issu d'une AMP avec tiers donneur, dans les couples hétérosexuels.

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Vous pourriez peut-être retravailler vos sous-amendements d'ici à la séance, puisqu'ils ne correspondent pas du tout à l'alinéa concerné. La question de l'AMP hétérosexuelle est déjà réglée.

Le sous-amendement n° 2373 est retiré.

La commission rejette les sous-amendements nos 2309 et 2350.

Puis elle examine les sous-amendements identiques n° 2308 de M. Patrick Hetzel, n° 2349 de M. Xavier Breton et n° 2372 de M. Thibault Bazin.

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Le sous-amendement vise à établir un lien de filiation pour la femme qui n'accouche pas, en passant par l'adoption simple.

Suivant l'avis défavorable de la rapporteure, la commission rejette les sous-amendements n° 2308, n° 2349 et n° 2372.

Elle passe à l'examen du sous-amendement n° 2421 de Mme Emmanuelle Ménard.

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Il vise à remplacer l'expression « à l'égard de chacune d'elles, par la reconnaissance qu'elles ont faite conjointement devant le notaire lors du recueil du consentement mentionné à l'article 342-10 », par l'expression « pour la mère qui porte l'enfant par la déclaration de son accouchement lors de la déclaration de naissance de l'enfant (comme pour toute naissance) et pour l'autre mère par la reconnaissance anticipée de l'enfant à naître de la mère qui porte l'enfant ». Il s'agit de ne pas revenir en arrière dans notre droit de la filiation, qui vise à reconnaître de facto la mère qui accouche comme celle de l'enfant. Le régime de reconnaissance par anticipation pour les deux mères revient à nier un principe structurant de notre droit, ce qui n'est pas souhaitable. Il revient en effet à dire que la mère qui accouche entretient le même rapport de filiation que l'autre mère, ce qui n'est factuellement pas le cas, puisque l'une donne naissance à l'enfant et l'autre non. En outre, vous déclarez que l'accouchement n'est pas la cause de la filiation pour les femmes homosexuelles, alors qu'il l'est pour les femmes hétérosexuelles, ce qui me semble discriminatoire.

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Je suis très étonnée, Madame Ménard, d'entendre autant de propositions d'extension du simple droit commun pour les couples de femmes. Néanmoins, votre solution n'est pas celle qui a été retenue par l'amendement.

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Au fil des débats, nous convergeons vers l'ouverture du titre VII et des dispositions du droit commun aux couples de femmes. Si nous travaillons collectivement à une réécriture, peut-être arriverons-nous à une solution commune pour la séance.

La commission rejette le sous-amendement n° 2421.

Puis elle examine le sous-amendement n° 2333 de M. Thibault Bazin.

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Par prudence, je retire mon sous-amendement, parce que je ne veux pas du tout converger vers la société que nous propose notre collègue, même si je respecte ses convictions. Madame la rapporteure, si nos sous-amendements ne correspondent pas toujours aux alinéas de l'amendement du Gouvernement, c'est parce qu'il n'est pas facile de travailler en peu de temps. Nos sous-amendements ont été des reprises du système de la DAV, ce qui explique qu'il y ait des incohérences. Mes autres sous-amendements sont défendus par avance. Je pense vraiment que votre solution n'est pas bonne.

Le sous-amendement n° 2333 est retiré.

La commission examine le sous-amendement n° 2416 de Mme Annie Genevard.

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J'ai une proposition à faire : établir légalement la filiation pour celle qui accouche, par le seul fait de l'accouchement, et pour l'autre mère, que l'acte soit fait devant notaire, préalablement à la réalisation de la PMA.

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Je tenais à faire un point de méthode sur la position de nos sous-amendements. Le document que nous avons reçu avec l'article 4 ne permet pas de connaître précisément les alinéas, ce qui peut expliquer les écarts. Nous en faire le reproche, alors que nous avons travaillé en flux tendu, n'est pas correct.

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Vous avez dit que vous n'y compreniez rien ! Nous travaillons dans des conditions incroyables ! Il peut y avoir un saut d'un ou deux alinéas, parce que nous n'avons pas disposé de la version pastillée. Ces conditions de travail exécrables sont le fait du Gouvernement.

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Nicole Belloubet, garde des Sceaux, ministre de la Justice

Votre proposition, Madame Genevard, de reconnaître que l'une des femmes soit mère par l'accouchement et l'autre par une reconnaissance ab initio, vient heurter notre volonté de faire en sorte qu'il n'y ait pas de hiérarchie entre ces mères, qu'elles soient mères toutes les deux ensemble de la même façon. L'absence de hiérarchie se traduit forcément par la reconnaissance anticipée que nous proposons.

La commission rejette le sous-amendement n° 2416.

Puis, suivant l'avis défavorable de la rapporteure, la commission rejette les sous-amendements n° 2334 et n° 2335 de M. Thibault Bazin.

Elle examine ensuite le sous-amendement n° 2426 de Mme Emmanuelle Ménard.

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Par souci de coordination, il vise à supprimer la rédaction de l'article 342-12. Le droit commun applicable au nom patronymique suffit, me semble-t-il.

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Dans le droit dit commun, c'est le nom du père qui prévaut en l'absence d'accord. Dans ce cas, nous proposons qu'en l'absence d'accord, ce soit les deux noms des deux mères qui apparaissent. Ce n'est pas tout à fait la même chose.

La commission rejette le sous-amendement n° 2426.

Le sous-amendement n° 2410 de Mme Emmanuelle Ménard est retiré.

La commission examine ensuite les sous-amendements identiques n° 2311 de M. Patrick Hetzel, n° 2352 de M. Xavier Breton et n° 2375 de M. Thibault Bazin.

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Si les dispositions de l'article 311-21 sont maintenues alors que, par ailleurs, la filiation est établie à l'égard de la mère par la mention de son nom dans l'acte d'état civil et à l'égard de l'autre membre du couple par reconnaissance, elles deviennent parfaitement inutiles.

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Mme la garde des Sceaux vient de nous dire qu'elle ne voulait pas établir de hiérarchie entre la femme qui a accouché et celle qui ne l'a pas fait. La question n'est pas tant d'établir une hiérarchie qu'une différence. Vous êtes incapables de penser la différence, parce que, pour vous, elle est créatrice d'inégalité. Je rejoins d'ailleurs tout à fait les derniers propos de Mme Tamarelle-Verhaeghe. Nous n'établissons pas de hiérarchie de valeur, mais disons simplement que c'est différent. Vous niez l'importance de l'accouchement, parce que vous ne voulez pas établir de différence. Mais il faut l'assumer : une femme qui accouche, c'est différent d'une femme qui n'aura pas accouché, sans que cela n'implique qu'elle soit plus ceci ou moins cela – c'est une réalité objective.

Nous assumons l'importance du corps dans la filiation, quand vous voulez l'évacuer, ce qui va laisser la place à toutes les dérives. Fonder la filiation à partir de la seule volonté, c'est prendre le chemin de la multiparentalité. Pourquoi direz-vous non à ceux qui voudraient faire une déclaration à trois ? Moi, je peux leur dire non, puisque je fonde la filiation sur l'altérité sexuée. De même, pour les demandes de GPA, dans la mesure où l'accouchement n'a plus d'importance, vous ne pourrez plus invoquer l'argument de l'utilisation du corps de la femme… Votre raisonnement n'a plus de limites et vous êtes rattrapés par son absurdité.

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Même si cela est un peu embarrassant, je suis obligé de donner raison à Xavier Breton. Madame la ministre, lorsque vous avez présenté votre amendement, vous avez rappelé quatre principes, dont la prise en compte du réel. Le réel, c'est que l'une des deux femmes met un enfant au monde, tandis que l'autre non. L'enfant qui grandit dans un couple de femmes sait toujours laquelle des deux l'a mis au monde. D'une certaine manière, avec ce que vous nous proposez, vous effacez cette réalité dans l'état civil. De ce point de vue, vous niez une forme de réalité, ce qui risque d'être contesté par les couples de femmes elles-mêmes.

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L'accouchement de la mère sera bien reconnu et visible, puisqu'il sera inscrit dans les documents médicaux, le carnet de santé, et peut-être le dossier médical partagé (DMP). Il n'y a donc pas à se poser la question de savoir si les mères diront laquelle d'entre elles a accouché, puisque c'est un fait qui apparaîtra.

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Monsieur Saulignac, il n'y aura aucune différence de filiation entre les enfants dont nous parlons : il s'agit bien de modes d'établissement de la filiation.

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Il n'y a aucune hiérarchie entre les mères, quels que soient le modèle familial et les membres du couple.

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Nicole Belloubet, garde des Sceaux, ministre de la Justice

Monsieur Breton, vous savez très bien, puisque je vous l'ai dit tout à l'heure, que je ne nie pas l'accouchement – et il est inutile de fantasmer autour de possibles dérives –, étant donné que, lorsque l'on ira déclarer l'enfant à l'état-civil, il faudra bien un acte prouvant que la mère a accouché. Nous ne nions pas l'accouchement, mais disons au contraire que c'est une condition indispensable. Cette égalité entre les mères, Monsieur Saulignac, répond à une demande forte des femmes qui souhaitent avoir un enfant en couple, que vous pourriez prendre en considération, et ne nie pas l'accouchement.

Suivant l'avis défavorable de la rapporteure, la commission rejette les sous-amendements n° 2311, n° 2352 et n° 2375.

Suivant l'avis défavorable de la rapporteure, la commission rejette successivement le sous-amendement n° 2336 de M. Thibault Bazin, le sous-amendement n° 2427 de Mme Emmanuelle Ménard, ainsi que les sous-amendements identiques n° 2312 de M. Patrick Hetzel, n° 2353 de M. Xavier Breton et n° 2376 de M. Thibault Bazin, le sous-amendement n° 2428 de Mme Emmanuelle Ménard, les sous-amendements identiques n° 2314 de M. Patrick Hetzel, n° 2355 de M. Xavier Breton et n° 2380 de M. Thibault Bazin, les sous-amendements identiques n° 2313 de M. Patrick Hetzel, n° 2354 de M. Xavier Breton et n° 2379 de M. Thibault Bazin, les sous-amendements identiques n° 2315 de M. Patrick Hetzel, n° 2356 de M. Xavier Breton et n° 2381 de M. Thibault Bazin, les sous-amendements identiques n° 2317 de M. Patrick Hetzel, n° 2358 de M. Xavier Breton et n° 2383 de M. Thibault Bazin, les sous-amendements identiques n° 2318 de M. Patrick Hetzel, n° 2359 de M. Xavier Breton et n° 2407 de M. Thibault Bazin, et enfin les sous-amendements identiques n° 2316 de M. Patrick Hetzel, n° 2357 de M. Xavier Breton et n° 2382 de M. Thibault Bazin.

La commission examine ensuite le sous-amendement n° 2338 de M. Thibault Bazin.

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En l'état de notre droit, le défaut de déclaration de naissance est incriminé à l'article 433-18-1 du code pénal. Compte tenu de l'importance des effets du consentement, tel que vous l'avez imaginé, il convient de s'assurer que cette reconnaissance soit remise à l'officier d'état civil le jour de la déclaration de naissance.

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Tout est déjà prévu dans le dispositif. Avis défavorable.

Le sous-amendement n° 2338 est retiré.

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Nicole Belloubet, garde des Sceaux, ministre de la Justice

Je vois avec plaisir, monsieur le député, que vous accédez à la reconnaissance conjointe.

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Je réfléchis avec vous, afin d'enrichir le texte, même si les hypothèses initiales ne me conviennent pas.

La commission examine le sous-amendement n° 2417 de Mme Annie Genevard.

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L'amendement vise à revenir sur un propos que j'ai déjà tenu, mais que je voudrais fonder sur des références un peu plus précises. Pendant les auditions, on nous a répété à l'envi que toutes les études allaient dans le même sens, qu'un enfant élevé dans une famille homoparentale était plus heureux, plus ouvert, qu'il n'y avait aucun problème. Or ces conclusions se fondent sur des études dont tout laisse à penser qu'elles sont totalement biaisées, comme l'a démontré le docteur Berger. Olivier Vecho et Benoît Schneider concluent, de la même façon, dans leurs travaux, que les études publiées aux États-Unis n'étaient pas fondées scientifiquement. C'est pourquoi je propose qu'une commission constituée d'experts, membres de la société française de psychiatrie de l'enfant, réalise une analyse critique de ces études, comme cela se fait dans toutes les autres disciplines médicales avant une prise de décision importante comme la nôtre.

Suivant l'avis défavorable de la rapporteure, la commission rejette le sous-amendement n° 2417.

Elle examine enfin le sous-amendement n° 2418 de Mme Annie Genevard.

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J'ai une autre proposition à vous faire, madame la garde des Sceaux, puisque la première ne vous a pas convaincue : l'adoption simple pour la deuxième mère. J'ai entendu les réserves des couples de femmes, disant que le temps de la procédure d'adoption créait une fragilité. Néanmoins, je crois que cette fragilité est à mettre en regard avec l'intérêt que présenterait le choix d'une telle disposition.

Suivant l'avis défavorable de la rapporteure, la commission rejette le sous-amendement n° 2418.

La commission adopte les amendements identiques nos 2266 et n° 2267 portant rédaction globale de l'article 4.

En conséquence, tous les amendements suivants déposés sur l'article 4 tombent.

La réunion est suspendue de minuit cinq à minuit quinze.

Après l'article 4

Suivant l'avis défavorable de la rapporteure, la commission rejette l'amendement n° 426 de Mme Anne-France Brunet.

Puis elle examine l'amendement n° 1664 de M. Jean-Louis Touraine.

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Il vise à autoriser l'établissement de la filiation d'un enfant conçu par don par la voie de la possession d'état. La possession d'état consiste dans « une réunion suffisante de faits qui révèlent le lien de filiation et de parenté entre une personne et la famille à laquelle elle est dite appartenir ». L'amendement intéresse plusieurs situations, notamment celle des enfants nés d'AMP au sein d'un couple de femmes avant l'entrée en vigueur du présent projet de loi et dont la filiation à l'égard de la mère sociale n'a pu être établie par la voie adoptive. Cette mère sociale pourrait ainsi, nonobstant sa séparation avec la mère biologique, faire reconnaître sa filiation à l'égard de l'enfant, par la voie de la possession d'état. Il intéresse également le cas des enfants nés de GPA à l'étranger, pour lesquels la voie adoptive n'est pas possible, à l'instar des femmes célibataires ou des couples de femmes.

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Si je comprends bien votre amendement, il vise à permettre l'établissement du lien de filiation pour la deuxième mère, dans le cas des PMA conçues avant ce texte, lorsque l'adoption simple ne fonctionne pas, du fait d'une séparation. Je suis ennuyée, parce que je pense que ce n'est pas exactement le champ du texte, dans la mesure où nous sommes censés tirer les conséquences pour l'avenir. Néanmoins, comme vous, j'ai entendu les témoignages de ces nombreuses mères qui sont venues nous parler de leurs difficultés face aux tribunaux. Sagesse.

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Nicole Belloubet, garde des Sceaux, ministre de la Justice

Monsieur Touraine, vous exposez l'idée que l'on pourrait reconnaître la filiation par le biais de la possession d'état, si j'ai bien compris. Il me semble que votre requête présente une difficulté dans la mesure où l'octroi de la possession d'état est soumis à deux conditions : que la personne se comporte, dans les faits, aux yeux de tous, comme le parent de l'enfant, ce qui ne semble, dans ce cas, pas poser de difficulté ; mais également que cette possession d'état soit paisible, publique, continue et non équivoque. Dans un couple composé de deux femmes, ce caractère non équivoque ne saute pas aux yeux d'emblée et n'est pas probant.

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Je suis profondément défavorable à cet amendement. À un moment, il vous faudra avoir une certaine cohérence dans vos messages… Alors que M. Touraine, qui est églement rapporteur, en arrive à proposer, par voie d'amendement, des montages qui concernent notamment des enfants nés de GPA à l'étranger, vous ne pouvez pas continuer à dire que vous ne voulez pas de la GPA et prévoir des directives qui la préparent.

La commission rejette l'amendement n° 1664.

Elle passe à l'examen des amendements identiques n° 163 de M. Xavier Breton, n° 351 de M. Patrick Hetzel, n° 576 de Mme Annie Genevard et n° 915 de M. Thibault Bazin.

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L'amendement vise à inscrire à l'article 16-1 du code civil que le corps humain est indisponible. Il est important que nous rappelions avec force l'indisponibilité du corps humain. Nous avons vu qu'il existait des tentations, notamment avec la conservation des gamètes confiée à des centres privés à but lucratif, de ce qui serait un marché de la procréation, où seraient commercialisés des produits du corps. La circulaire en cours de préparation sur la gestation pour autrui pour les enfants nés à l'étranger prépare cette pratique, en la reconnaissant, tandis que le Gouvernement ne fait rien et refuse de s'élever, au niveau international, pour l'interdire de façon universelle, qu'elle soit gratuite ou pas. Il existe aujourd'hui une certaine tentation de considérer que le corps est quelque chose qui nous appartient, que nous avons un corps, alors qu'en réalité nous sommes un corps. Il est important de profiter de l'examen de cette loi de révision pour rappeler les grands principes qui font des lois de bioéthique de notre pays une exception au niveau international.

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Le principe de l'indisponibilité du corps humain existe dans notre droit, mais de façon implicite. Or, plus que jamais, il devient nécessaire de l'expliciter, en l'inscrivant à l'article 16-1 de notre code civil. Cela nous préservera des risques d'une marchandisation.

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Nous proposons d'ajouter au deuxième alinéa de l'article 16-1 du code civil qu'en plus d'être inviolable le corps humain est indisponible.

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J'imagine que ce sont des amendements d'appel, puisque la jurisprudence comme le code les satisfont. L'indisponibilité du corps humain est un principe d'ordre public qui a été consacré par la Cour de cassation en 1991. L'article 16-1 du code civil consacre déjà le principe de non patrimonialité du corps humain, que nous avons longuement évoqué lors de l'examen des articles 1er, 2 et 3. Demande de retrait.

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Nicole Belloubet, garde des Sceaux, ministre de la Justice

Si la non patrimonialité du corps humain est définie dans le code civil, en revanche, juridiquement, l'indisponibilité du corps n'existe pas vraiment : c'est l'indisponibilité de l'état des personnes qui existe. Dès lors que l'on veut toucher à l'un des éléments qui caractérisent l'état des personnes, il faut passer par un juge. Je crois qu'il ne s'agit pas tout à fait de la même chose.

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Madame la rapporteure, nous sommes tous d'accord pour reconnaître l'importance de ce principe. Nous pourrions d'ailleurs travailler pour le faire inscrire dans la Constitution, afin de lui donner plus de force, dans la prochaine loi de révision de bioéthique.

Les amendements nos 163, 351 et 915 sont successivement retirés.

La commission rejette l'amendement n° 576.

Elle examine ensuite l'amendement n° 573 de Mme Annie Genevard.

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L'amendement vise à rendre possible l'identification génétique post mortem dans le cadre d'une action relative à la filiation, pour rétablir la conformité du droit français avec la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme.

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Votre amendement présume du consentement d'une personne à la réalisation de tests génétiques post mortem pour établir la filiation. Cela me semble attentatoire à la liberté de la personne.

La commission rejette l'amendement n° 573.

Puis elle examine l'amendement n° 1578 de M. Bruno Fuchs.

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Consultée par la Cour de cassation au sujet de l'établissement de la filiation avec un parent d'intention, la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH) a imposé à la France l'obligation de reconnaître celui-ci et de lui laisser la libre appréciation du moyen utilisé pour y parvenir. La procédure actuelle est longue, compliquée et aléatoire. Le parent d'intention doit passer par l'adoption. C'est pourquoi l'amendement vise à ajouter à l'article 47 du code civil, après le mot « irrégulier », « ou falsifié », ce qui devrait simplifier la reconnaissance.

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La jurisprudence actuelle de la Cour de cassation permet la transcription dans l'état civil de l'état civil du père biologique et l'adoption de l'enfant par le conjoint ou la conjointe. Cette jurisprudence a été confortée par un avis de la CEDH du 10 avril 2019, lequel a consacré les équilibres recherchés depuis plusieurs années sur ce sujet complexe, puisqu'il s'agit de maintenir l'interdiction de la GPA en France, tout en assurant la prise en compte de l'intérêt de l'enfant, en établissant sa filiation. La Cour de cassation se prononcera prochainement sur cette question. Mme la garde des Sceaux a également précisé, à l'occasion de la séance des questions au Gouvernement, ce mardi, qu'une circulaire permettra de sécuriser définitivement la situation des enfants qui sont nés d'une GPA légale à l'étranger. Avis défavorable.

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Nicole Belloubet, garde des Sceaux, ministre de la Justice

Il y a un double point de départ. Le premier, c'est que la GPA est interdite en France. Elle le demeurera. C'est pour nous un point intangible. Nous considérons en effet qu'autoriser la GPA porte atteinte aux principes que nous défendons et que, mesdames, messieurs les députés, vous avez rappelés. Le deuxième, c'est l'intérêt supérieur de l'enfant. Comme l'a rappelé le Conseil d'État dans son avis sur le projet de loi, l'intérêt des enfants passe par le fait de voir leur filiation établie et d'avoir le droit de mener une vie familiale normale voire sereine. À partir de là, une jurisprudence a été établie en France et est appliquée, laquelle consiste à transcrire directement dans l'état civil français l'état civil du père biologique et, pour le parent d'intention, à ouvrir la possibilité d'une adoption. L'adoption fait d'ailleurs, plus généralement, l'objet d'une réflexion en ce moment à l'Assemblée nationale.

La solution trouvée par la France a recueilli l'aval de la Cour européenne des droits de l'homme qui avait été saisie par la Cour de cassation sur les solutions à apporter à ce type de questionnement. La Cour européenne des droits de l'homme a déclaré que les États membres avaient une certaine marge de manoeuvre et que l'établissement de la filiation par adoption était l'une des voies possibles. La solution française s'est trouvée, en quelque sorte, confortée par cet avis.

La CEDH ayant été saisie sur une affaire individuelle, la Cour de cassation va à nouveau statuer dessus dans quelques semaines. Le droit, en France, est clairement établi, et avait d'ailleurs été indiqué aux officiers d'état civil, dans une dépêche qui leur avait été adressée en 2017. Après l'avis d'avril 2019 de la CEDH, puis après que la Cour de cassation aura de nouveau statué, nous pourrons à nouveau adresser aux officiers d'état civil un texte leur rappelant les principes que je viens d'énoncer devant vous. Cela est important pour assurer l'unité des pratiques dans notre pays. En toute hypothèse, je le redis, la GPA demeure un interdit absolu en France.

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Je souhaite rappeler mon opinion personnelle sur cette question. Comme vous, madame la garde des Sceaux, je suis tout à fait opposé à la GPA. Avec cet amendement, j'essaie de simplifier la procédure.

La commission rejette l'amendement n° 1578.

Puis elle examine l'amendement n° 1807 de M. Raphaël Gérard.

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Je ne sais pas pourquoi mon amendement n'est pas en discussion commune avec celui de M. Fuchs puisqu'il traite du même sujet. Il propose en effet de compléter la rédaction de l'article 47 du code civil.

Je partage pleinement les propos de Mme la garde des Sceaux. Je rappelle que l'avis de la Cour européenne des droits de l'Homme indique que le traitement des demandes doit être effectif et rapide. Or, selon qu'on habite à Versailles ou à Montpellier, les jugements d'adoption pour les cas de couples de même sexe ou hétérosexuels sont plus ou moins longs en raison d'une vraie résistance dès lors qu'il y a soupçon de GPA. Certaines familles entrent dans des procédures très compliquées qui peuvent être très longues parce qu'idéologiques, ce qui fragilise la filiation des enfants, lesquels peuvent se retrouver pendant six mois, un, deux voire trois ans dans une situation très précaire au cas où le parent figurant sur l'état civil français décède.

Il conviendrait donc de s'interroger sur l'efficacité de l'application de ces procédures, car ces questions concernent des familles et des enfants qui ont besoin d'une sécurité.

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Nous sommes en train de multiplier les affirmations selon lesquelles on ne s'affranchit pas de nos principes éthiques et on interdit telle chose. Mais ce qui manque, ce sont les sanctions quand on ne respecte pas ces principes. Un projet de loi a un caractère incitatif ou dissuasif, et il faut être sincère dans ce qu'on affirme. Lorsqu'une pratique touche à nos principes fondamentaux, qui finalement entrent dans notre droit avec un décret et une jurisprudence sans que le législateur ne se soit prononcé dessus, cela pose problème. La France ayant un système juridique avant tout basé sur la Constitution et la loi, contrairement au modèle américain, il faut, à un moment donné, se donner les moyens pour rendre nos principes effectifs. Je ne remets pas en cause ce désir d'amour et le projet parental que tout le monde peut avoir, mais la question est de savoir si on y donne droit ou non. Si on estime que la gestation pour autrui va à l'encontre de nos principes, faisons respecter ce principe.

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Comme mon collègue, je considère qu'il y a, en France, une forme d'hypocrisie. On se gargarise de beaux principes comme l'indisponibilité du corps humain, le refus de la marchandisation du corps humain, jamais de GPA chez nous, mais de facto on la tolère à l'étranger et on tolère ses conséquences en France puisque le parent biologique est reconnu, de même que l'autre parent par le biais de l'adoption.

Par conséquent, il faut établir dans le droit l'interdiction de recourir à une convention de gestation pour autrui des suites de laquelle naît un enfant, et prévoir des sanctions, car c'est un acte profondément délictueux. Ce sera l'objet d'un amendement que je présenterai ultérieurement.

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Comme vous, le fait que des hommes et des femmes recourent à la GPA me déplaît et me heurte profondément. Je préférerais que personne n'y ait recours, dans aucun pays du monde, surtout dans les pays où l'on sait que c'est une forme évidente d'esclavage.

Sur qui doivent reposer les sanctions ? Dès lors que ces enfants sont là, quand bien même nous détestons la manière avec laquelle ils sont arrivés, la responsabilité doit-elle peser sur eux ?

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Et si vous faites porter la sanction sur ceux qui sont devenus ses parents, qui pénalisez-vous sinon les enfants ? Je pense que nous sommes nombreux ici à partager la même conviction sur la GPA qui nous heurte profondément, mais dans le même temps notre responsabilité première est de faire en sorte que cela ne pèse pas malgré tout sur les enfants. Je ne vois pas d'autre levier que cette circulaire qui permettra de fait que les parents deviennent des parents, même si je n'aime pas la manière par laquelle ils ont pu l'être.

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Je vous remercie, madame la présidente, de nous laisser le temps de nous exprimer sur ce sujet très important.

Nous ne sommes pas inhumains, et quand un enfant est là il faut l'accueillir, quel que soit son mode de conception. Sur les réseaux sociaux, on peut voir actuellement de la publicité pour un salon sur la GPA qui se tiendra bientôt à Bruxelles. Notre ancien collègue, Jean Leonetti, avait déposé une proposition de loi qui prévoyait des dispositifs dissuasifs, car si on ne veut pas demain de GPA, encore faut-il s'en donner les moyens. Nous avons fait des propositions et j'espère que nous serons au rendez-vous pour renforcer la dissuasion à l'égard de ceux qui réfléchissent à faire une GPA, et de tous ceux qui font de la publicité pour ce moyen, y compris ici, parfois même sur des plateaux de télévision. Si l'on estime que la GPA n'est pas conforme à la dignité de la personne humaine, et je me réjouis qu'il puisse y avoir consensus à ce propos, peut-être va-t-il falloir sanctionner, à un moment donné, ces publicités.

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Je souscris en tout point aux propos qui viennent d'être tenus.

Je vous invite à aller au-delà de l'affirmation des principes que vient de faire Mme Bergé. Bien évidemment, l'enfant doit être accueilli, et bien évidemment il ne doit pas porter la faute de ses parents. Mais il faut aussi mettre fin à ce système abominable où en Inde, comme vous l'avez dit, des femmes sont réduites en esclavage. Si on en reste à la situation actuelle, on sait que ce système perdurera à nos portes. Notre responsabilité est de dire à ces couples d'hommes qui seraient tentés de recourir à la location du ventre d'une femme que ce n'est pas à ce prix-là qu'ils peuvent devenir père. Il faut le dire et il faut pouvoir le sanctionner. Sinon, nous sommes condamnés à voir perdurer cette abominable situation.

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Comme vous l'avez dit, Monsieur Bazin, il ne faut pas encourager la GPA en faisant de la publicité.

Il fut un temps où j'ai pu partager cette représentation de couples hommes homosexuels qui se rendaient aux États-Unis ou au Canada pour une GPA. Cela existe et cela les concerne. Pour autant, on doit sécuriser leurs enfants. Mais c'est aussi la réalité de familles hétérosexuelles qui sont passées par des parcours très longs et très douloureux du point de vue psychologique, physique, d'échec de PMA, d'échec de l'adoption nationale et qui au final, parce qu'ils veulent fonder une famille, s'endettent pendant des dizaines d'années – certains vendent même leur maison – pour une GPA. J'ai de la peine à condamner cette réalité-là, même si effectivement le système, qui n'est pas autorisé pour l'instant dans notre pays, interpelle. On ne peut pas faire peser sur les enfants le poids d'une histoire déjà très douloureuse pour les parents et il faut qu'on accepte de faciliter la sécurisation de la filiation de ces enfants, puis ouvrir ou clore le débat.

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Un couple hétérosexuel de ma circonscription est allé aux États-Unis pour une GPA. Deux enfants y sont nés de la même mère sans la considérer comme un ventre qui a porté leurs enfants. Ce couple est aujourd'hui revenu vivre en France, mais leurs enfants n'ont aucune sécurité juridique.

Madame la ministre, pouvez-vous confirmer que vous allez sécuriser le parcours de ces enfants, parce que c'était une promesse et un engagement fort du Président de la République, alors candidat, à l'égard de ces familles ? Pour ma part, je me réjouissais de pouvoir respecter cet engagement.

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Ce débat, qui n'est pas simple, doit éviter toutes les caricatures. D'abord, il n'y a pas une mais plusieurs GPA : celles qui sont sauvages et interdites en France, celles qui peuvent avoir lieu en Inde où les femmes sont dans une situation de grande précarité et où l'on peut soupçonner l'exploitation de cette grande vulnérabilité, celles qui sont faites aux États-Unis, celles dites éthiques pratiquées au Canada, et celles qui sont intrafamiliales faites au Portugal. Cette diversité de situations fait qu'il est très compliqué d'apporter une seule réponse.

Si la GPA a été faite légalement dans un autre pays, on ne peut pas poursuivre les familles qui sont en France. Par contre, on peut poursuivre les individus qui ont eu recours à une GPA sauvage en France. D'ailleurs, les sanctions sont lourdes.

Je sais que les médias vous ont beaucoup sollicités récemment sur ce sujet qui constitue, pour eux, du pain bénit. Mais en réalité, les choses sont bien plus compliquées. Au-delà du fait qu'il y a une pluralité de réponses à une pluralité de situations, le seul qui doit obtenir une seule réponse, c'est l'enfant à qui on doit garantir une vie familiale normale et sereine, comme l'a expliqué très justement la ministre. À ce titre, il me semble que la jurisprudence de la Cour de cassation – à cet égard, on peut saluer le travail prétorien de nos juges qui assument une certaine responsabilité en la matière – a créé des dispositifs permettant de sécuriser l'article 47 auquel vous faites référence qui ne concerne pas strictement la filiation puisqu'il a également des impacts majeurs en droit de l'immigration. Je pense que ce n'est pas le lieu d'apporter une sécurité supplémentaire à ces enfants-là via cet article. Je vous propose donc de retirer cet amendement.

Mme la ministre s'est engagée à prendre une circulaire prévoyant une uniformité d'application de la jurisprudence de la Cour de cassation dans le territoire par tous nos magistrats. J'espère qu'ils entendent eux aussi le message et que nous ne verrons bientôt plus de résistance vis-à-vis de certaines situations.

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Nicole Belloubet, garde des Sceaux, ministre de la Justice

Au fond, nous fonctionnons dans un cadre juridique tel qu'il a été défini par la Convention européenne des droits de l'Homme à laquelle nous sommes adhérents et qui a précisé dans un avis récent les éléments que j'ai soulignés tout à l'heure. La convention respecte l'interdit sur le territoire national, ce qui permet à la France de faire primer ses valeurs et ses principes, mais elle n'interdit pas que l'on prenne en compte les intérêts des enfants. C'est précisément dans cet équilibre que nous nous situons en France.

Monsieur Bazin, effectivement M. Leonetti avait déposé en 2014 une proposition de loi qui prévoyait de punir d'un an d'emprisonnement ceux qui tentaient d'obtenir la naissance d'un enfant par la pratique de la GPA. Ce n'est pas l'état du droit aujourd'hui en France : ce qui est pénalisé en France, c'est l'entremise.

Une GPA réalisée en France n'a pas lieu d'être puisque la femme qui accoucherait serait forcément la mère. Donc, tout contrat passé avec une autre femme est inconnu. Se pose la question des personnes qui vont faire une GPA à l'étranger, dans des États où, comme l'a rappelé Mme Dubost, la pratique est tout à fait légale et permise par la Convention européenne des droits de l'Homme. Pour notre part, nous restons sur nos principes et sur l'équilibre que nous avons instauré en ce qui concerne l'établissement du droit de la filiation.

La commission rejette l'amendement n° 1807.

Puis elle rejette successivement les amendements n° 626 et n° 627 de Mme Annie Genevard.

La commission est saisie de l'amendement n° 1612 de M. Jean-Louis Touraine.

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Madame la garde des Sceaux, vous avez rappelé l'interdiction de la GPA qui n'est donc plus pratiquée régulièrement en France depuis le début des années quatre-vingt-dix. En revanche, nous ne sommes pas partisans de sanctionner d'une quelconque façon les enfants qui en sont nés. Une procédure prolongée d'adoption est donc inappropriée, imposant délais et insécurité. La CEDH consent à cette adoption comme une formule minimum pour que la France ne soit plus condamnée. Je rappelle que le Président de la République nous a demandé de nous préoccuper du sort de ces enfants nés de GPA. Comme l'a rappelé Mme Aurore Bergé, nous ne pouvons pas faire porter aux enfants les conséquences de phénomènes auxquels ils sont étrangers. Ce ne sont pas eux qui ont choisi leur mode de procréation.

Cet amendement consacre et étend par voie législative la jurisprudence désormais constante du tribunal de grande instance de Paris, lequel déclare en effet exécutoires les jugements étrangers par lesquels la filiation d'un enfant né par GPA a été établie et regarde alors cette filiation comme une filiation adoptive.

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Il me semble que l'on est toujours hors du champ du projet de loi relatif à la bioéthique, même si le sujet est passionnant, qui prévoit l'extension de l'accès à la PMA à toutes les femmes et d'en tirer les conséquences au niveau de la filiation. Je propose donc le retrait de cet amendement.

La commission rejette l'amendement n° 1612.

Elle examine ensuite l'amendement n° 2056 de M. Arnaud Viala.

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M. Viala propose un excellent amendement qui vise à insérer, après l'article 4, l'article suivant : « La gestation pour autrui est interdite. »

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Cet amendement est déjà satisfait par l'article 16-7 du code civil. Je vous propose donc de le retirer.

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Je le maintiens, car nous devons mener un important travail pour le rendre effectif.

La commission rejette l'amendement n° 2056.

Titre II Promouvoir la solidarité dans le respect de l'autonomie de chacun

Chapitre premier Conforter la solidarité dans le cadre du don d'organes, de tissus et de cellules

Avant l'article 5

La commission examine l'amendement n° 1000 de M. Thibault Bazin.

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Il convient non seulement de promouvoir la solidarité mais aussi de conforter le respect des principes essentiels en matière de don d'organes que sont le respect du corps de la personne vivante comme de la personne décédée, la non-patrimonialité du corps humain, le consentement et l'anonymat du don d'organes et la gratuité du don. C'est pourquoi je propose de compléter l'intitulé du chapitre Ier du titre II par ces principes essentiels.

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Les principes que vous énumérez s'imposent au texte. J'ajoute que les articles 16 et suivants du code civil fixent déjà l'ensemble de ces principes. Par conséquent, je vous demande de retirer votre amendement. À défaut, j'émettrai un avis défavorable.

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Je maintiens l'amendement parce que je suis vraiment préoccupé par l'effectivité de ces principes.

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Agnès Buzyn, ministre des Solidarités et de la Santé

Monsieur Bazin, vous ne pouvez pas dire que ces principes ne sont pas effectifs puisque cela fait trente ans que des greffes sont pratiquées.

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Je souhaite que l'on réaffirme ces principes dans le titre II avant d'évoquer les sujets suivants, dans le même esprit que le titre Ier qui précise « sans s'affranchir de nos principes éthiques ».

La commission rejette l'amendement n° 1000.

Article 5 : Extension du don croisé d'organes à plus de deux paires de donneursreceveurs pour améliorer l'accès à la greffe

La commission examine l'amendement n° 1278 de Mme Emmanuelle Ménard.

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Il s'agit de repenser le don d'organes comme un acte personnel, généreux et altruiste et non comme une obligation légale où la personne n'aurait plus son mot à dire sur le devenir de son corps. Le don n'est pas altruiste parce qu'il vient sauver des vies, mais c'est l'intention du donneur qui en fait un don altruiste. On en arrive malheureusement parfois à des situations pour le moins paradoxales où l'on entend certains membres du corps médical regretter la baisse du nombre des accidents vasculaires cérébraux (AVC) car cela pourrait induire une baisse du nombre d'organes à donner. Je trouve cela regrettable.

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Vous souhaitez que le Gouvernement puisse promouvoir des campagnes d'information. Or je vous rappelle qu'il existe des campagnes de promotion du don d'organes qui relèvent de l'Agence de la biomédecine qui diffuse des plaquettes qui visent à faire le point sur l'activité de ce don.

Par ailleurs, je n'ai pas compris quelle était votre référence à une quelconque obligation légale en matière de dons. Avis défavorable.

La commission rejette l'amendement n° 1278.

Puis elle est saisie de l'amendement n° 1001 de M. Thibault Bazin.

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J'ai lu attentivement l'avis du Comité consultatif national d'éthique (CCNE) sur les dons d'organes, qui préconise de limiter la possibilité du don croisé d'organes au rein. C'est ce que je vous propose de préciser par cet amendement.

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Le don croisé qui a été instauré par la loi de 2011 n'a pas été réduit au rein, mais dans les faits il se limite au rein. C'est là que les tensions principales se font jour. Comme les reins sont exclusivement concernés, je ne vois pas quel est l'intérêt d'un tel amendement. Avis défavorable.

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Si on fait une petite dérogation par rapport à la notion de don sans contrepartie, il convient de le préciser dans la loi.

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Agnès Buzyn, ministre des Solidarités et de la Santé

Je pense que votre amendement est superfétatoire parce qu'en réalité le don croisé ne s'adresse qu'aux donneurs vivants. Or, de facto seul le rein peut être prélevé chez un donneur vivant. Le principe du don croisé consiste à rechercher une compatibilité qu'il n'y a pas entre frères et soeurs, par exemple. Même si cela devait s'appliquer à d'autres organes, l'intérêt sur le plan de la greffe serait exactement le même que celui pour le rein. Le don croisé a été créé parce qu'on s'est aperçu que la compatibilité entre donneurs vivants était parfois insuffisante, et que l'on trouve une meilleure compatibilité chez un autre couple de donneursreceveurs.

Monsieur Bazin, il n'y a jamais de contrepartie dans les greffes d'organes aujourd'hui en France. Il n'y a donc pas de contrepartie dans le don croisé, il y a seulement un couple, un frère et une soeur ou une mère et son enfant par exemple, et la compatibilité entre les organes étant insuffisante, on choisit un autre couple pour laquelle la compatibilité serait meilleure et on croise les organes. On s'aperçoit qu'en augmentant le nombre de possibilités de croisement, on a une meilleure capacité à apparier l'organe et moins de risques de rejet.

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Un couple donneurreceveur est prêt à donner dans un don croisé dès lors qu'il y a un autre couple de donneurreceveur. Il y a donc bien une forme de contrepartie qui a été limitée dans la loi de manière assez intelligente. En réalité, ce croisement est un don simultané, c'est une espèce de dérogation réfléchie et encadrée de manière éthique.

Je vais retirer l'amendement, mais je me demande pourquoi le CCNE préconise de limiter la possibilité du don croisé d'organes.

L'amendement n° 1001 est retiré.

La commission étudie l'amendement n° 1690 et l'amendement n° 1693, tous deux de M. Jean-Louis Touraine.

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La loi de 2011 permettait de faire un échange entre deux paires, ce qui a conduit à un très faible nombre de transplantations avant d'être arrêté par l'ensemble des équipes de transplantation en France, le don croisé d'organes ne fonctionnant pas bien avec deux paires seulement et l'excès d'exigence de simultanéité ne rendant pas possible cette réalisation.

Le présent projet de loi vise à augmenter le nombre de paires possibles, mais de le limiter à quatre paires. Pour ma part, je propose de supprimer cette limite de quatre paires qui peut s'avérer être le minimum pouvant faire mieux fonctionner ce système, et de pratiquer ce qu'on appelle une chaîne de donneurs qui est courante dans bon nombre d'endroits. Aucune limitation ne serait prédéfinie dans la loi. Elle pourrait être fixée par voie réglementaire à cinq ou six paires, en fonction des possibilités et des besoins. Je propose également de limiter l'exigence de simultanéité, sachant que si, dans une famille, un donneur ne remplit pas ses obligations, qu'il se rétracte, la compensation serait faite par la priorisation d'une transplantation à partir d'un rein prélevé sur un sujet décédé.

Le bon fonctionnement du système avec des donneurs vivants exige souvent plus de quatre paires et que les demandes ne se fassent pas toutes en même temps.

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Ces amendements visent à modifier les chaînes de dons. Il s'agit d'un débat extrêmement complexe qui fait intervenir bien évidemment des experts médicaux, mais également des mathématiciens parce que ces questions nécessitent une modélisation.

On sait que les chaînes de trois à quatre paires produisent d'assez bons résultats et qu'il y a peu de ruptures de chaîne. Autrement dit, il y a une faisabilité avérée pour des équipes médicales. Mais au-delà de trois ou quatre paires, on se heurte à quelques difficultés. Les Américains ont réalisé des chaînes de dix-sept ou vingt paires, mais ces chaînes de grande ampleur impliquent des périodes extrêmement longues.

En prévoyant des chaînes plus grandes, votre amendement revient sur le délai de vingt-quatre heures. Comme vient de l'indiquer M. Touraine, le croisement de dons d'organes ne fonctionne pas avec deux paires, en raison d'une condition de simultanéité. Nous proposons donc un délai de vingt-quatre heures pour pouvoir travailler sur quatre paires. Autoriser davantage de paires ne permettrait pas à l'ensemble des opérations de prélèvement de se dérouler dans un délai de vingt-quatre heures. Le chaînage jusqu'à six paires commence lui aussi à poser des problèmes d'organisation. C'est la raison pour laquelle je ne suis pas favorable à l'amendement n° 1690 et que je demande son retrait au profit de l'amendement n° 1693 dans lequel vous proposez de fixer une limitation du nombre de paires par voie réglementaire afin d'introduire de la souplesse et de pouvoir le cas échéant, si les conditions sont réunies, aller au-delà de quatre paires. Cela permettra effectivement de ne pas rester figé sur ce que prévoit le projet de loi.

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Agnès Buzyn, ministre des Solidarités et de la Santé

Je suis favorable à l'amendement prévoyant de fixer le nombre de paires par décret. Je rappelle à ceux qui auraient la moindre inquiétude dans cette salle que l'Agence de la biomédecine repose sur des comités d'experts dont le conseil d'orientation scientifique et médical valide toutes les décisions. Procéder par décret permettrait d'aller progressivement à trois paires, et peut-être à quatre paires parce que les modélisations montrent que quatre paires c'est bien. Si les techniques évoluent dans deux ans grâce à de meilleurs liquides de conservation des greffons, on pourrait en venir à cinq paires par décret, ce qui éviterait d'attendre à chaque fois de passer par la loi. Aussi l'amendement de M. Touraine qui prévoit de fixer le nombre de paires par décret correspond-il bien à la façon dont on progresse dans le champ des greffes.

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Je retire l'amendement n° 1690 et je maintiens l'amendement n° 1693 qui d'ailleurs recueille l'adhésion des experts de l'Agence de la biomédecine qui souhaitent davantage de souplesse.

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Je rebondis sur ce qui a été évoqué en matière de rupture potentielle de la chaîne du don. Donner un rein n'est pas tout à fait de même nature que donner son sang. La rupture de la chaîne du don suppose que la condition de l'acceptation du don par la personne n'est pas remplie, ce qui pose un grave problème. J'entends ce que vous dites, madame la ministre, sur les préventions de l'Agence de la biomédecine. L'extension de cette pratique, qui n'est pas sans poser de questions puisqu'on sort du cadre traditionnel du don pour entrer dans une forme d'échange, doit être entourée de grandes précautions afin de respecter au maximum l'esprit initial, celui du don.

L'amendement n° 1690 est retiré.

La commission adopte l'amendement n° 1693.

Elle en vient à l'amendement n° 958 de M. Thibault Bazin.

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Le principe de la greffe d'organes pose le problème de la gratuité du don. Donner un organe n'est pas anodin, Ne pas forcément attendre de contrepartie fait partie de nos principes fondamentaux de la bioéthique. Quand on donne son consentement en attendant en échange qu'il y ait un autre don pour un tiers qui nous intéresse, il peut arriver que la chaîne du don soit coupée, comme l'a dit mon collègue Dharréville. Plus la chaîne de dons sera grande, plus le risque d'avoir des consentements un peu faussés sera élevé.

Comme ce fameux don croisé d'organes n'a pas fonctionné de manière opérationnelle, je propose que le dispositif que vous imaginez soit à titre expérimental, pour une durée de trois ans, suivis d'une évaluation. J'ai repris exactement cette formulation qui existe ailleurs dans le projet de loi pour d'autres dispositions.

Comme on s'aventure, avec cet article, dans quelque chose qui peut poser des problèmes éthiques, il serait prudent de l'appréhender sous cette forme.

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Je ne comprends pas pourquoi le don croisé entraînerait un risque nouveau de marchandisation, car il est clair que l'anonymat demeure entre les paires.

Imaginons qu'un père souhaite donner un rein à son fils, mais qu'il n'est pas compatible. Il entre alors dans un processus de dons croisés, c'est-à-dire qu'il va lui-même donner un rein à une personne avec laquelle il est compatible et, par croisement, son propre fils recevra le rein d'un autre donneur compatible. Mais les identités des deux paires ne sont pas révélées, il n'y a pas de rupture de l'anonymat. Par conséquent, le risque de marchandisation que vous évoquiez tout à l'heure n'est pas nécessairement accru.

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Ce n'est pas ce que j'ai dit ! Et je n'ai pas parlé de l'anonymat mais de la gratuité du don.

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Agnès Buzyn, ministre des Solidarités et de la Santé

Accroître le nombre de croisements possibles augmente seulement la probabilité de trouver un greffon compatible pour un enfant, mais ne change rien à nos critères éthiques qui avaient été respectés pour le don croisé avec deux paires. Il n'y a pas plus ou moins d'échanges. Certes, il y a un risque plus élevé de rupture de la chaîne, mais ce n'est pas grave, car au pire, si un donneur se rétracte, celui qui attend le greffon étant en dialyse il ne meurt pas et il devient prioritaire sur la liste de greffes à partir d'un donneur décédé. Vous augmentez simplement le nombre de greffons disponibles dont on sait qu'ils sont en diminution sur les donneurs décédés et qu'ils vont continuer à baisser puisque nous prenons de mieux en mieux en charge les accidents vasculaires cérébraux, les infarctus et qu'il y a de moins en moins d'accidents de voiture, ce dont on peut se réjouir. Augmenter le nombre de paires ne change donc absolument rien aux principes éthiques qui avaient été préservés lors du don croisé. Le seul risque est celui de la rupture de chaîne. C'est une question de probabilité.

La commission rejette l'amendement n° 958.

Puis elle adopte successivement les amendements rédactionnels n° 2146 et n° 2147, du rapporteur.

La commission est saisie de l'amendement n° 621 de Mme Annie Genevard.

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Organiser les prélèvements sur une durée de vingt-quatre heures, comme le prévoit le projet de loi, fait courir le risque d'une révocation du consentement d'un donneur alors que le receveur de la paire à laquelle il appartient aura déjà été greffé ou peut, au contraire, l'empêcher de se rétracter alors qu'il le souhaiterait. L'organisation simultanée est donc, de ce double point de vue, une garantie supplémentaire. C'est la raison pour laquelle l'amendement vise à maintenir l'obligation d'organiser simultanément les opérations de prélèvement et de greffes dans le cadre d'un don croisé.

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Je comprends tout à fait votre raisonnement et la logique de votre argumentation, mais en maintenant la condition de simultanéité prévue actuellement dans la loi, il ne serait pas possible de passer à une chaîne de quatre paires. C'est la raison pour laquelle je ne peux qu'émettre un avis défavorable.

La commission rejette l'amendement n° 621.

Elle est saisie de l'amendement n° 574 de Mme Annie Genevard.

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Tel qu'il est rédigé, l'article 5 tend à faire penser que l'anonymat pourrait être garanti entre donneur et receveur d'une même paire, ce qui est impossible. C'est pourquoi Mme Genevard propose d'insérer, après le mot : « receveur », les mots : « de paires différentes ».

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Le respect de l'anonymat du don d'organes est un principe absolu. À cet égard, le texte est très clair puisqu'il est écrit que : « L'anonymat entre donneur et receveur est garanti. » J'insiste sur ce que j'ai dit tout à l'heure, à savoir que l'anonymat est garanti entre les donneurs et les receveurs des différentes paires, sachant qu'il est évident qu'il n'y a pas d'anonymat à l'intérieur de la même paire entre un père et son fils. Avis défavorable.

La commission rejette l'amendement n° 574.

Puis elle adopte l'article 5 modifié.

Après l'article 5

La commission examine l'amendement n° 945 de M. Thibault Bazin.

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Cet amendement prévoit de dispenser l'information sur le don d'organes en classe de troisième et pendant les années de lycée.

En discutant avec les services concernés, j'ai pu constater que l'obligation pour les médecins généralistes d'informer leurs patients de 16 à 25 ans, que prévoit la loi de 2004, n'était pas effective. Il est en effet difficile que le médecin s'assure des connaissances du patient lors d'une consultation. De plus, à cet âge, les jeunes ne consultent pas forcément un généraliste. Cette occasion n'est donc pas optimale pour diffuser les modalités de consentement du don.

Si nous souhaitons que chacun prenne conscience de l'existence d'un registre des donneurs et donne un réel consentement, nous devons nous assurer que les jeunes disposent de l'information sur le don d'organes. Le dispositif prévu à l'heure actuelle n'étant pas opérant, une information en amont, dispensée par le personnel de l'éducation nationale, serait préférable.

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Il faut très probablement réfléchir à la façon d'améliorer cette communication, qui n'est pas optimale. L'information sur le don d'organes pourrait entrer dans le champ des missions de sensibilisation de l'école, bien que l'on veuille faire porter beaucoup à cette dernière.

Aujourd'hui, je le rappelle, la question relève des compétences de l'Agence de la biomédecine, qui organise des campagnes de sensibilisation.

Par ailleurs, si j'entends que les médecins sont très sollicités, ils apparaissent comme les professionnels les plus à même de diffuser une information utile et éclairante sur le don d'organes.

Je rappelle enfin qu'une telle information est prévue dans le cadre des journées défense et citoyenneté. Il semble donc qu'il existe déjà plusieurs dispositifs, peut-être insuffisants. C'est pourquoi je donnerai un avis défavorable à cet amendement.

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Vérifier le consentement des personnes est essentiel. Aujourd'hui, les jeunes ne sont pas informés de l'existence du registre. Les médecins libéraux, qui assument de nombreuses responsabilités, ne trouvent pas toujours le moment opportun pour aborder ce sujet avec eux lors d'une consultation. Au contraire, l'enseignant de sciences de la vie pourrait présenter cette thématique, de manière très pédagogique, lors d'un cours sur les organes.

Cela me semble bien plus approprié que de donner des informations sur le don d'organes lors de la journée défense et citoyenneté, ce qui, comme j'ai pu le constater, manque vraiment de sérieux.

Le recueil du consentement, un de nos principes éthiques, pose de vraies questions. Donnons-nous les moyens d'évoquer cette thématique, qui n'est pas évidente, avec toute une classe d'âge, en troisième.

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Agnès Buzyn, ministre des Solidarités et de la Santé

Cela ne rassurera pas complètement M. Bazin, mais le dossier médical partagé (DMP) comprend une phrase attestant que le médecin généraliste a donné l'information sur l'existence du registre national des refus de dons d'organes. Le formulaire rappelle donc au médecin qui remplit un DMP avec son patient qu'il est censé l'informer de l'existence de ce registre.

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Certes, mais combien de jeunes prennent rendez-vous avec un généraliste pour ouvrir un tel dossier ?

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Il ne faut pas réduire la question de l'information sur le don d'organes aux seuls jeunes car la proportion des Français conscients qu'ils sont supposés consentir au don d'organes est certainement très faible. Vous avez donc raison sur la nécessité de communiquer, mais il faut imaginer dispenser cette information de manière large et massive.

La commission rejette l'amendement n° 945.

Puis elle examine l'amendement n° 1276 de Mme Emmanuelle Ménard

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Je retire cet amendement car il est satisfait.

L'amendement est retiré.

La commission est saisie de l'amendement n° 1294 de Mme Josiane Corneloup.

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Cet amendement introduit des sanctions plus dissuasives en matière de trafic d'organes.

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Plusieurs amendements traitent de ce sujet, qui nous préoccupe tous. La lutte contre le tourisme de transplantation ne relève pas à proprement parler du champ de la bioéthique, qui doit plutôt articuler les avancées de la science et les interrogations que celles-ci posent en matière éthique. Les incriminations pénales permettent de faire respecter ces grands principes mais l'aggravation des peines ne relève pas de la bioéthique. Pour cette raison de principe, j'émettrai un avis défavorable.

Le débat sur ce sujet important est ailleurs : il y a incontestablement matière à légiférer, mais pas à cet instant ni dans ce cadre. De plus, des dispositions pénales complètes et précises existent déjà.

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Ce premier argument est problématique : l'extension de la PMA ne relève pas non plus de la bioéthique, puisque c'est un sujet sociétal…

Cela étant, l'amendement prévoit bien d'inscrire ces sanctions dans le code pénal. Si la garde des Sceaux était présente, nous pourrions lui rappeler que, selon un rapport du Sénat paru il y a quelques mois, la moitié des amendes pénales ne sont pas recouvrées. Cela pose problème : le Parlement vote des sanctions et la justice prend des décisions, qui ne sont pas exécutées par la suite.

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La non-marchandisation du corps humain ainsi que le respect de la dignité de la personne et de ses éléments sont bien des sujets de bioéthique. Cette proposition n'est donc pas hors sujet mais très concrète.

Si notre législation condamne naturellement le trafic d'organes, mais mentionne un paiement, l'amendement, lui, évoque un « profit ou avantage comparable », comme lorsque ceux qui font du tourisme procréatif recherchent des intermédiaires.

Cette proposition assez fine mérite une attention redoublée de notre part. Elle ne doit pas être balayée, malgré l'heure à laquelle nous l'étudions.

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Il s'agit non pas de tourisme procréatif mais de tourisme de transplantation.

La commission rejette l'amendement n° 1294.

Suivant l'avis défavorable du rapporteur, la commission rejette l'amendement n° 1296 de Mme Josiane Corneloup.

La commission examine l'amendement n° 1297 de Mme Josiane Corneloup.

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Il s'agit toujours de lutter contre le tourisme de transplantation.

Suivant l'avis défavorable du rapporteur, la commission rejette l'amendement n° 1297.

Elle est saisie de l'amendement n° 1295 de Mme Josiane Corneloup.

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L'amendement définit le quantum approprié des peines.

Suivant l'avis défavorable du rapporteur, la commission rejette l'amendement n° 1295.

Elle examine ensuite l'amendement n° 1304 de M. Pierre Dharréville.

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Cet amendement répond aux questions qui peuvent émerger s'agissant de l'utilisation des réseaux sociaux et de communication pour établir des registres parallèles de donneurs et de receveurs, qui pourraient déboucher sur certaines pressions et mises en cause de la logique du don.

Bien qu'il ne soit peut-être pas entièrement abouti, il a du moins le mérite de poser la question.

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Même avis que pour les amendements précédents, pour les mêmes raisons.

La commission rejette l'amendement n° 1304.

La commission est saisie des amendements identiques n° 358 de M. Patrick Hetzel et n° 922 de M. Thibault Bazin.

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L'objectif est d'inscrire la mention « donneur d'organes » dans le dossier médical partagé et sur la carte Vitale. Cela constituerait un moyen efficace d'informer sur le souhait des personnes.

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Si, comme la ministre l'a souligné, le médecin généraliste échange des informations sur le don d'organes avec son patient, il peut aussi cocher une case « donneur d'organes » dans le DMP, le cas échéant. Cela revient à faire d'une pierre deux coups.

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Mme la ministre l'a dit, depuis la loi de modernisation de notre système de santé, le dossier médical partagé contient un volet sur le don d'organes. Par conséquent, l'intention des amendements est satisfaite.

Par ailleurs, je le répète, depuis la loi Caillavet, toute personne est supposée consentir au prélèvement d'organes. Que nous le disions ou pas, nous sommes tous consentants.

Aussi, je vous suggère de retirer ces amendements. À défaut, j'y serai défavorable.

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Agnès Buzyn, ministre des Solidarités et de la Santé

Une telle proposition n'a pas de sens : il faut absolument faire reposer le refus du don sur le registre national des refus de l'Agence de bioéthique, seule instance organisée pour centraliser les refus.

En effet, une personne, donneuse d'organes sur sa carte Vitale, qui décide finalement de s'y opposer, ne contactera pas spontanément la Caisse nationale d'assurance maladie pour modifier sa carte Vitale. Sur le registre des refus elle peut, en temps réel, accepter ou supprimer un refus.

Parce que les personnes peuvent changer d'avis, le registre doit être dynamique. C'est pourquoi nous ne souhaitons absolument pas diffuser cette information ailleurs, pas même dans le dossier médical partagé.

Les amendements n° 358 et n° 922 sont retirés.

La commission examine l'amendement n° 1906 de Mme Laurianne Rossi.

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Cet amendement a pour objectif d'augmenter le nombre de donneurs en France et d'accroître l'information sur le don d'organes. Il vise à intégrer cette question au modèle proposé par le Conseil d'État dans le cadre des directives anticipées sur la fin de vie. Dans un tel cas, le patient et potentiel donneur serait informé du don d'organes et du consentement présumé, qui, selon le rapport du CCNE, n'est pas opérationnel.

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Avis défavorable. L'amendement, incontestablement inspiré par une grande sincérité, viendrait plutôt alourdir un principe qui, aujourd'hui est simple et compréhensible. Toute personne est supposée consentir au don d'organes ; dans le cas contraire, elle doit s'inscrire sur le registre national des refus. Mieux vaut s'en tenir à l'existant plutôt que d'ajouter un dispositif qui serait porteur d'une forme de contradiction.

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Agnès Buzyn, ministre des Solidarités et de la Santé

Ce sujet a été discuté lorsque la Haute autorité de santé a rédigé un guide sur les directives anticipées, afin d'apprendre aux Français à les remplir. Nous avons pourtant refusé de faire figurer la moindre information sur le don d'organes dans les directives anticipées, car ce sont deux sujets différents.

Le fait de lier les directives anticipées au don d'organes est en effet paru malvenu car il laisserait à penser aux Français qu'il faut favoriser le non-acharnement thérapeutique pour disposer de davantage de greffons. Il a semblé que cela pouvait donner une image erronée de ce que doit être l'accompagnement d'une fin de vie.

Les deux sujets ont donc été clairement dissociés. Le registre national des refus de l'Agence de la biomédecine est donc bien le seul endroit où l'information doit figurer. Quant au DMP, il doit seulement inciter le médecin généraliste à donner l'information, non comprendre la mention de l'acceptation ou du refus du don.

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Au regard des précisions qui viennent d'être apportées, je retire l'amendement.

L'amendement n° 1906 est retiré.

La commission examine l'amendement n° 1897 de Mme Laurianne Rossi.

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Cet amendement, qui rejoint celui qu'a défendu M. Bazin précédemment, concerne l'article du code de la santé publique prévoyant que les médecins assurent une information sur le don d'organes aux patients âgés de 16 à 25 ans. Considérant qu'il est inutile d'être restrictif en la matière, je vous propose de supprimer la limite d'âge supérieure.

Lever cette limite d'âge permettrait de sensibiliser davantage les Français, tout au long de la vie. Le site du ministère des solidarités et de la santé indique en effet que, selon une étude datant de juin dernier, seuls 24 % des Français connaissent la loi relative au don d'organes.

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Un médecin ne s'intéresse pas nécessairement à l'âge de son patient lorsqu'il s'agit d'évoquer le don d'organes.

De plus, si j'entends la nécessité de ne pas s'en tenir à cette limite d'âge, je répète que l'Agence de la biomédecine est censée mener des campagnes massives auprès des Français pour les sensibiliser à ces questions.

Mon avis sera donc plutôt défavorable.

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Agnès Buzyn, ministre des Solidarités et de la Santé

Cette limite avait été pensée pour sensibiliser les jeunes.

En réalité, je suis d'accord avec vous, Madame Rossi, autant sensibiliser tout le monde. Je serai donc plutôt favorable à la levée de la borne d'âge supérieure et à inscrire « au moins 16 ans » dans le code de la santé publique.

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Je le redis, le dispositif actuel, qui fait reposer l'information sur les médecins, n'est pas opérant. Les médecins généralistes, qui ont beaucoup à faire, demandent à se concentrer sur leurs missions.

Élargir le nombre des personnes concernées ne fera pas fonctionner mieux le dispositif. Cherchons-en un autre. Nous devons procéder différemment pour satisfaire cet enjeu de communication.

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Agnès Buzyn, ministre des Solidarités et de la Santé

La tranche d'âge visée se rend très peu chez le médecin. Les consultations obligatoires s'étalent jusqu'à 17 ans, mais ces moments d'échange visent des personnes un peu trop jeunes pour aborder les questions relatives au don d'organes. Quant à la tranche d'âge des 18 à 25 ans, elle est celle qui consomme le moins de soins médicaux.

Nous avons mis en place le service sanitaire, où des étudiants en santé parlent de santé publique. On peut imaginer d'intégrer à ce cadre des messages de santé publique autour du don d'organes dans les informations fournies au collège ou au lycée.

Comme vous, j'estime que le médecin généraliste n'a pas que cela à faire. Mais l'obligation d'information est inscrite dans la loi. Il serait dommage de supprimer les discussions que les généralistes ont avec leur patientèle sur le refus de don. Si l'on conserve l'information par le généraliste, je pense, comme Mme Rossi, que cette information peut être donnée à tout adulte, et pas seulement à des personnes âgées de 16 à 25 ans.

La commission adopte l'amendement n° 1897.

Elle est saisie des amendements identiques n° 361 de M. Patrick Hetzel et n° 925 de M. Thibault Bazin.

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L'amendement vise à compléter le code de santé publique par l'alinéa suivant : « L'Agence de la biomédecine réalise une enquête annuelle auprès des équipes françaises de greffe afin de déterminer combien de leurs patients ont eu recours au commerce de transplantation d'organe à l'étranger. »

L'information, assez facile à quantifier dans la mesure où certaines personnes inscrites sur les listes d'attente de greffes se retirent, permettrait d'éclairer cette thématique.

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Ces amendements sont satisfaits car des enquêtes sont réalisées tous les deux ans sur ce sujet.

La commission rejette les amendements n° 361 et n° 925.

Puis elle examine les amendements identiques n° 356 de M. Patrick Hetzel et n° 920 de M. Thibault Bazin.

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Dans le même esprit, l'amendement n° 356 vise à obtenir des informations plus précises.

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Le tourisme de transplantation a déjà été évoqué. Nous rappelons que les personnes qui partent à l'étranger pour obtenir un greffon se mettent en danger. Il est important de sensibiliser nos concitoyens à ces pratiques.

Par ailleurs, la lutte contre le trafic d'organes relève non pas du système de santé mais de la police et de la justice. Avis défavorable.

La commission rejette les amendements n° 356 et n° 920.

Elle en vient à l'amendement n° 1279 de Mme Emmanuelle Ménard.

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Avis défavorable. La fonction des « coordinateurs de prélèvements » n'est pas claire. Par ailleurs, un donneur et sa famille ne sont pas dans l'isolement comme l'exposé sommaire le laisse supposer.

La commission rejette l'amendement n° 1279.

Elle examine l'amendement n° 942 de M. Thibault Bazin.

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Cet amendement et les deux suivants sont issus d'un retour du terrain et visent à améliorer le dispositif actuel.

Actuellement, un jeune peut s'inscrire sur le registre national des refus à partir de 13 ans, soit par internet, soit par courrier postal, ou indiquer son refus à ses parents, qui le transmettront. Il règne cependant un flou sur la période allant de 13 à 18 ans puisque, jusqu'à 18 ans, une autorisation écrite des deux parents est nécessaire pour le don.

Compte tenu des dispositions en vigueur pour les personnes mineures, de l'importance de cette inscription et de la maturité associée à cette tranche d'âge, et dans un souci de clarification, il conviendrait de repousser à 18 ans l'âge auquel cette inscription sur le registre est possible.

Cet amendement vise donc à considérer que tout majeur est un donneur potentiel mais que ce n'est pas le cas pour les personnes mineures, auxquelles s'appliquent les dispositions de l'article L. 1232-2.

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La règle qui prévaut actuellement semble plutôt équilibrée car un refus n'engage pas. Il est souhaitable qu'un jeune puisse décider très tôt, et seul, de son refus et de son inscription sur le registre national, quitte, bien entendu, à revenir sur sa décision quand il le souhaite. En revanche, un don engage.

En vertu des principes généraux du droit de la santé, les mineurs sont placés sous l'autorité de leurs parents. C'est donc l'âge de 18 ans qui déclenche leur autonomie et capacité à décider.

La différence de traitement s'explique ainsi et me semble cohérente. C'est pourquoi j'émettrai un avis défavorable.

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Agnès Buzyn, ministre des Solidarités et de la Santé

Je partage pleinement l'avis du rapporteur. Le dispositif laisse au jeune l'autonomie de s'inscrire sur le registre des refus. S'il décède alors que son refus est enregistré, le prélèvement s'arrête. Les parents ne peuvent pas autoriser le don, ce qui signifie que leur volonté ne s'impose pas sur celle de leur enfant mineur. C'est là une belle mesure.

À l'inverse, si le mineur n'est pas inscrit sur le registre des refus, les parents doivent donner leur consentement.

Votre amendement, Monsieur Bazin, aboutirait à ce que la parole des parents, pour le don comme pour le refus, soit toujours supérieure à celle de l'enfant, contrairement au dispositif, qui fait primer la volonté de l'enfant lorsqu'il a exprimé son refus.

La commission rejette l'amendement n° 942.

Elle examine ensuite l'amendement n° 943 de M. Thibault Bazin.

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Depuis 2014, en France, il est possible de prélever les patients relevant du protocole Maastricht III, pour lesquels une limitation ou un arrêt programmé des thérapeutiques ont été décidés, en raison du pronostic des pathologies ayant conduit à une prise en charge en réanimation. L'arrêt cardiaque du patient est provoqué par l'arrêt des traitements, dont font partie l'alimentation et l'hydratation artificielles, et permet le prélèvement d'organes.

Compte tenu de l'importance du facteur temps dans la chaîne du don, il convient de permettre la consultation du registre national des refus pour les personnes qui relèvent de Maastricht III, sachant que leur décès est très proche.

Cet amendement subtil permettrait d'améliorer le dispositif.

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Mme la ministre souhaitera certainement s'exprimer sur ce sujet.

Cette proposition viendrait déroger à un principe important selon lequel le registre ne peut être consulté qu'après le décès, une disposition qui doit être préservée. Le Comité consultatif national d'éthique a établi une séparation très stricte entre l'équipe qui décide de l'arrêt des traitements et celle qui prélèvera les organes. Nous ne souhaitons pas abolir cette frontière, certes symbolique, mais extrêmement importante, en raison des risques qui peuvent exister, notamment de penser que l'on peut cesser les soins pour prélever des organes, si aucun refus n'a été exprimé.

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Étant soucieux de l'effectivité de nos principes éthiques, je retire cet amendement.

L'amendement n° 943 est retiré.

La commission est saisie de l'amendement n° 944 de M. Thibault Bazin.

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Lorsque des donneurs potentiels non Français ont en leur possession une carte de donneur, par exemple lors d'un accident de voiture, la première obligation prévue est de consulter le registre national des refus. Celui-ci ne peut pourtant pas contenir le nom de ces personnes, du fait de leur nationalité.

Cet amendement vise à éviter cette démarche car le facteur temps est important dans la chaîne du don d'organes. Comme cela se pratique dans certains pays, les personnes visées, des donneurs potentiels non Français, portent sur elles une carte de donneur d'organes.

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Monsieur Bazin, vous pourriez participer au concours Lépine des amendements ! (Sourires.) Il me semble que vous êtes allé chercher celui-ci très loin. Pourtant, l'avis sera toujours défavorable.

Ce n'est pas l'obligation de nationalité mais celle de résidence qui ouvre droit à l'inscription sur le registre national des refus. Par conséquent, la démarche de consultation n'est pas inutile car l'accidenté peut, tout en étant étranger, être résident en France et inscrit sur le registre. Pour l'étranger non résident, le droit de son pays s'applique.

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Je retire cet amendement, pour le retravailler. Mon but n'est pas de déposer gratuitement des amendements mais de transmettre les propositions d'améliorations des services qui ont rencontré certains cas particuliers. Le contexte de pénurie de dons entraîne une réelle frustration. Il existe de moins en moins de personnes qui entrent dans les cas où le prélèvement d'organes est possible.

Ces amendements visent donc à améliorer le dispositif.

L'amendement n° 944 est retiré.

La commission examine ensuite l'amendement n° 1293 de Mme Josiane Corneloup.

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Il est juste défendu, compte tenu de l'heure et de l'ampleur des sujets qui nous attendent.

Suivant l'avis défavorable du rapporteur, la commission rejette l'amendement n° 1293.

Puis, suivant encore l'avis défavorable du rapporteur, elle rejette l'amendement n° 1305 de Mme Elsa Faucillon.

Elle est saisie de l'amendement n° 1275 de Mme Emmanuelle Ménard.

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Cet amendement vise à établir par décret la liste des pays dans lesquels la réalisation d'une transplantation d'organe ne déclenche pas le remboursement du suivi médical post-opératoire en France.

Cette liste, conçue sur le modèle de celle des paradis fiscaux, devrait à terme être établie à l'échelon européen. Il s'agit là bien évidemment de lutter contre le trafic d'organes, qui est actuellement en pleine expansion.

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Avis défavorable. Si des personnes se mettent en danger en réalisant une opération de greffe à l'étranger, notre devoir est de les prendre en charge, non de les juger.

La commission rejette l'amendement n° 1275.

Elle examine l'amendement n° 1697 de M. Jean-Louis Touraine.

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Cet amendement est assez comparable à celui que M. Bazin vient de défendre, bien qu'il aille beaucoup moins loin.

La plupart des prélèvements d'organes sur sujets décédés s'effectuent sur des donneurs en état de mort encéphalique. Certains patients, pourtant, sont prélevés alors qu'ils subissent un arrêt cardiaque, notamment programmé, d'après le protocole Maastricht III. Ce dispositif portant sur un sujet très sensible, il a été mis en place de façon très encadrée et progressive par l'Agence de la biomédecine, avec une grande prudence. En effet, l'arrêt cardiaque programmé laisse prévoir un moment où le prélèvement sera réalisable.

Les équipes qui réalisent ces prélèvements dans le cadre de Maastricht III ont indiqué de manière répétée la grande difficulté qu'elles rencontraient à ne connaître l'état de l'inscription sur le registre national des refus que très tardivement, après que le décès a été déclaré. Le prélèvement d'organes est alors réalisé dans des conditions difficiles.

Il ne s'agit pas là de permettre une consultation anticipée du registre – M. le rapporteur a bien résumé les risques que celle-ci peut faire courir –, mais simplement de solliciter que les modalités de consultation du registre soient étudiées. Une fois l'étude menée, un rapport serait fourni nous permettant, avec l'avis de la CNIL, de savoir quand et comment améliorer la pratique de ces prélèvements.

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Les réserves que j'ai indiquées à M. Bazin demeurent évidemment. Cependant, l'amendement ayant pour objectif de réaliser une étude afin d'améliorer l'existant, j'émettrai un avis de sagesse.

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Ce registre est-il plus accessible que le site internet pour signer la pétition contre la privatisation d'Aéroports de Paris ? (Sourires.)

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Agnès Buzyn, ministre des Solidarités et de la Santé

La remarque de politique politicienne de M. Dharréville, à deux heures du matin, au sujet des donneurs Maastricht III, est pour le moins surprenante. Nous aurons l'occasion d'en reparler.

Le Gouvernement est défavorable à cet amendement et propose à M. Jean-Louis Touraine de le retirer. En vertu d'un décret en Conseil d'État, le registre ne peut pas être consulté avant le décès des personnes. Même une étude ne nous semble pas aller dans le bon sens.

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Je maintiens toutefois l'amendement car j'ai été sollicité sur ce point par les équipes de prélèvement.

La commission rejette l'amendement n° 1697.

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Chers collègues, il nous reste 850 amendements à examiner.

La séance est levée à deux heures.

Membres présents ou excusés

Réunion du jeudi 12 septembre à 14 heures 30

Présents. - M. Thibault Bazin, Mme Aurore Bergé, M. Philippe Berta, M. Xavier Breton, M. Pascal Brindeau, M. Guillaume Chiche, M. Marc Delatte, M. Pierre Dharréville, Mme Coralie Dubost, Mme Nicole Dubré-Chirat, M. Jean-François Eliaou, Mme Nathalie Elimas, Mme Elsa Faucillon, Mme Agnès Firmin Le Bodo, Mme Emmanuelle Fontaine-Domeizel, M. Bruno Fuchs, Mme Annie Genevard, M. Raphaël Gérard, M. Guillaume Gouffier-Cha, M. Brahim Hammouche, M. Patrick Hetzel, Mme Marie Lebec, Mme Monique Limon, M. Didier Martin, Mme Sereine Mauborgne, Mme Emmanuelle Ménard, Mme Bénédicte Pételle, Mme Florence Provendier, M. Alain Ramadier, M. Pierre-Alain Raphan, Mme Laëtitia Romeiro Dias, Mme Laurianne Rossi, M. Hervé Saulignac, Mme Marie Tamarelle-Verhaeghe, M. Jean-Louis Touraine, Mme Laurence Vanceunebrock-Mialon, M. Olivier Véran, M. Guillaume Vuilletet

Excusé. - M. Jacques Marilossian

Assistaient également à la réunion. - M. Charles de Courson, M. Jean François Mbaye, Mme Agnès Thill