Commission d'enquête sur l'inclusion des élèves handicapés dans l'école et l'université de la république, quatorze ans après la loi du 11 février

Réunion du mercredi 10 juillet 2019 à 17h00

Résumé de la réunion

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La réunion

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Mercredi 10 juillet 2019

L'audition débute à dix-sept heures.

Présidence de M. Bertrand Bouyx, vice-président de la commission d'enquête

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La commission d'enquête sur l'inclusion des élèves handicapés dans l'école et l'université de la République, quatorze ans après la loi du 11 février 2005, procède à l'audition de Mme Frédérique Vidal, ministre de l'Enseignement supérieur, de la Recherche et de l'Innovation.

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Madame la ministre, notre commission d'enquête achève ses travaux par votre audition. Outre le plaisir que nous avons à vous recevoir, il était indispensable que nous vous entendions puisque nous nous intéressons à la situation des élèves en situation de handicap, non seulement à l'école, mais aussi dans l'enseignement supérieur. Vous êtes accompagnée par M. Lloyd Cerqueira, conseiller parlementaire, collectivités territoriales et immobilier, M. Jérôme Teillard, chef de projet Réforme de l'accès à l'enseignement supérieur – Parcoursup, et Mme Fabienne Corre, chargée de mission Handicap à la direction générale de l'enseignement supérieur et de l'insertion professionnelle, (sous-direction de la vie étudiante).

La loi de 2005 a amorcé un mouvement qui a conduit à la signature de chartes universités-handicap et grandes écoles-handicap, ainsi qu'à la création de missions handicap. Toutefois, certaines de nos auditions nous ont montré qu'il restait beaucoup à faire pour les étudiants en situation de handicap.

Avant que vous ne preniez la parole pour un exposé d'une quinzaine de minutes qui se poursuivra par un échange de questions et de réponses, il me revient, conformément aux dispositions de l'article 6 de l'ordonnance du 17 novembre 1958, de vous demander, ainsi qu'aux personnes vous accompagnant susceptibles de s'exprimer, de prêter le serment de dire la vérité, toute la vérité, rien que la vérité.

Mme Frédérique Vidal, M. Lloyd Cerqueira, M. Jérôme Teillard et Mme Fabienne Corre prêtent successivement serment.

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Madame la ministre, j'ai beaucoup insisté pour que l'on vous reçoive, et je vous remercie d'avoir accepté le principe de cette audition. Après avoir auditionné le ministre de l'éducation nationale, M. Jean-Michel Blanquer, et la secrétaire d'État chargée des personnes handicapées, Mme Sophie Cluzel, il importait que notre commission entende également la ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation. C'est une manière de souligner l'importance de votre ministère et c'est aussi une forme de reconnaissance pour notre commission d'enquête. Je vous remercie encore de vous être libérée pour cela.

Les travaux de notre commission d'enquête touchent à leur fin, puisque l'examen du rapport aura lieu le 18 juillet. Ils font apparaître que les efforts colossaux accomplis dans le domaine de l'inclusion des jeunes en situation de handicap depuis la loi de 2005 perdent en substance, au plan quantitatif comme au plan qualitatif, à mesure que l'on progresse dans le niveau d'études. Compte tenu du statut spécifique des universités, qui sont en partie autonomes, mais aussi des grandes écoles, comment l'État peut-il mener une politique d'accompagnement efficace dans l'enseignement supérieur ? Comment faire en sorte que les objectifs ambitieux que nous nous fixons se traduisent concrètement dans l'ensemble des écoles et des universités, partout sur le territoire ?

Parmi les enjeux importants, je mentionnerai l'accessibilité des bâtiments universitaires, mais aussi le déploiement des schémas directeurs du handicap, qui ne se fait pas à la même vitesse dans toutes les universités. Toutes ces questions ramènent évidemment à la question des moyens budgétaires dont vous disposez. Nous vous interrogerons sur tous ces sujets, mais l'usage veut que vous commenciez par vous exprimer, pour nous dire comment vous appréhendez cet important et beau sujet, en vous fondant sur les points d'intérêt particulier dont nous vous avons fait part.

Pour finir ce propos introductif, je veux vous dire ce que j'ai déjà dit à M. Jean-Michel Blanquer et à Mme Sophie Cluzel. En tant que rapporteur, j'ai voulu éviter de donner à cette commission d'enquête une tournure politicienne ou d'en faire un instrument d'affichage. Mon propos était d'établir un diagnostic partagé et parfaitement étayé en vue d'élaborer les propositions les plus consensuelles possibles pour faire avancer la cause de l'inclusion des enfants de la République, de la maternelle à l'université. Je crois pouvoir dire que l'état d'esprit qui a présidé au déroulement de nos travaux a été conforme à ce souhait initial. C'est aussi dans cet état d'esprit que nous vous recevons ce soir.

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Frédérique Vidal, ministre de l'Enseignement supérieur, de la Recherche et de l'Innovation

Je vous remercie de me donner l'occasion de présenter l'état des lieux des politiques inclusives dans l'enseignement supérieur. Je suis pleinement engagée sur ce sujet, car je suis persuadée que c'est en rendant notre enseignement plus inclusif que nous parviendrons à faire leur juste place à toutes celles et tous ceux qui, parmi nos concitoyens, sont en situation de handicap. Cette question me tient particulièrement à coeur en tant que ministre, mais également en tant que professeure et ancienne présidente d'université.

Comme nombre d'entre vous, je mesure les effets de la loi de février 2005 dans la vie de nos établissements publics et, en l'espèce, de nos établissements d'enseignement supérieur. Mais je mesure également le chemin qu'il nous reste à parcourir. Depuis le mois d'octobre 2017, je veille au déploiement du plan Étudiants, dont la finalité est de permettre à chaque étudiant de trouver dans l'enseignement supérieur le chemin et les conditions matérielles de sa réussite. Il concerne tous les étudiants, y compris ceux qui sont en situation de handicap, et ces derniers font l'objet d'une attention toute particulière de la part de mon ministère et de l'ensemble de la communauté de l'enseignement supérieur. C'est notamment le cas dans la mise en oeuvre de Parcoursup, sur laquelle je reviendrai.

Pour rappel, entre 2004 et 2018, la population d'étudiants en situation de handicap a été multipliée par quatre : ils étaient 7 500 à la rentrée de 2004 et ils sont plus de 29 000 aujourd'hui. Vous avez raison de signaler que ce n'est toujours pas suffisant, mais cette hausse significative témoigne du travail qui a été fait pour rendre l'enseignement supérieur plus inclusif. Nous pouvons nous féliciter de cette tendance, qui est supérieure à la hausse spontanée de la démographie étudiante, mais le travail doit évidemment se poursuivre avec l'ensemble de la communauté de l'enseignement supérieur. Il faut améliorer à la fois les conditions d'accès et le déroulement de la scolarité des étudiants en situation de handicap.

Permettez-moi de revenir sur le travail qui a été accompli depuis 2005 au sein des établissements d'enseignement supérieur. La loi de février 2005 a facilité l'accès des étudiants handicapés à l'université, sur le plan tant de l'accessibilité physique que de l'accès au savoir. L'objectif de la loi était de rendre les étudiants autonomes, tout en leur proposant des mesures concrètes d'accompagnement. Il s'agissait initialement de doter les établissements des outils techniques nécessaires à une meilleure inclusion dans les formations : cela englobait à la fois des ordinateurs, des dispositifs audiovisuels, des logiciels permettant, par exemple, de grossir les caractères, mais aussi le développement de l'accompagnement humain. Un premier pas significatif a donc été fait il y a quatorze ans. Par la suite, dans le cadre de l'affirmation de leur autonomie, les universités ont cherché à changer d'échelle et elles ont fait de l'inclusion un enjeu majeur, bien au-delà des obligations de la loi de 2005.

Dès 2007, une première charte université-handicap a été signée entre la Conférence des présidents d'université (CPU) et le ministère. Son objectif était de créer des dispositifs d'accueil adaptés à tous les étudiants en situation de handicap, en développant des services dédiés au sein de toutes les universités. Les universités ont créé des équipes plurielles chargées de définir, en partenariat avec les équipes pédagogiques et médicales, les accompagnateurs et l'étudiant lui-même, un plan d'accompagnement de l'étudiant handicapé (PAEH). Il s'agissait de fixer les modalités d'études, mais aussi de vie étudiante, et d'aller jusqu'à l'accompagnement vers l'insertion professionnelle. Chaque université s'est ainsi dotée d'un référent handicap chargé de de coordonner les actions prescrites dans le schéma directeur de l'établissement.

La charte a été renouvelée et approfondie en 2012, et elle a donné lieu à la publication, par la CPU, d'un guide pratique d'accueil des étudiants en situation de handicap. La charte de 2012 a introduit de nouveaux objectifs pour les universités : développer les politiques d'insertion professionnelle, mettre en place des outils de formation et de recherche articulés autour du handicap, travailler à l'accessibilité des bâtiments, mais aussi au développement des politiques de ressources humaines dans les universités pour donner leur place aux personnels en situation de handicap.

Une étape supplémentaire a été franchie avec la loi du 22 juillet 2013 relative à l'enseignement supérieur et à la recherche, dite « loi Fioraso ». Elle impose, en effet, à chaque établissement d'enseignement supérieur de définir un schéma directeur pluriannuel du handicap intégrant les quatre objectifs de la charte de 2012. Plus de quatre-vingts universités en sont dotées et nous veillons à ce que les dernières y travaillent, l'objectif étant de nous approcher des 100 % avant la fin de l'année 2020.

La dynamique enclenchée il y a un peu plus de quatorze ans se poursuit aujourd'hui au sein des établissements. Le 12 février 2019, j'ai eu le plaisir de signer la deuxième charte handicap de la Conférence des grandes écoles (CGE) – la première l'avait été en 2008. Cette charte a ouvert la voie à la remise de treize bourses d'encouragement à la mobilité internationale à des étudiants en situation de handicap. La cérémonie a eu lieu à l'Assemblée nationale, sous le haut patronage de son président.

L'inclusion mobilise aussi bien les universités que les grandes écoles : le 28 mai 2019, j'ai assisté, avec ma collègue Sophie Cluzel, à la signature de la convention de partenariat entre la Conférence des présidents d'université et le Fonds pour l'insertion des personnes handicapées dans la fonction publique (FIPHFP). Ce partenariat vient approfondir le travail engagé de longue date par les établissements, notamment à travers l'accompagnement des politiques de ressources humaines. Il fait surtout le pari que c'est en intégrant les enjeux de l'inclusion dans le contenu des formations elles-mêmes que nous parviendrons à construire une société réellement plus inclusive.

Je tiens à mentionner, à titre d'exemple, le projet « Aspie friendly », coordonné par l'université fédérale de Toulouse et le professeur Bertrand Monthubert, qui a été récompensé dans le cadre de l'appel à projets « Nouveaux cursus universitaires » du Programme d'investissements d'avenir. Il a pour objectif d'adapter les cursus, le contenu des formations et les modalités d'accompagnement des étudiants avec trouble du spectre de l'autisme. Ce projet associe quinze établissements d'enseignement supérieur qui s'engagent dans cet accompagnement, mais aussi trois entreprises qui s'impliquent sur la question de l'insertion professionnelle. Grâce aux fonds de ces nouveaux cursus universitaires, le programme initialement axé autour des formations scientifiques a vocation à s'élargir à d'autres champs disciplinaires.

Matériellement, outre le diagnostic et l'aide à l'orientation pendant les études, ce programme permet aussi de sensibiliser les personnels aux besoins spécifiques de ces étudiants. Il leur apporte un soutien en matière de logement et favorise la création de binômes avec d'autres étudiants pour mieux les accompagner dans l'enseignement supérieur. Enfin, l'expertise des entreprises partenaires permet de leur offrir un coaching spécifique pour faciliter leur insertion professionnelle, tout en valorisant la très grande qualité de ces étudiants sur le marché de l'emploi.

Ce programme est une bonne illustration des principes qui sous-tendent la politique inclusive des établissements d'enseignement supérieur. Tous les étudiants, qu'ils soient ou non en situation de handicap, suivent les mêmes parcours, mais des aménagements particuliers ou des adaptations sont ouverts à ceux qui en ont besoin, selon la nature de leur situation et selon leurs souhaits. En 2018, 27 % des étudiants concernés ont demandé un aménagement de parcours en raison de leur situation de handicap.

Un pas supplémentaire a été fait avec le nouvel arrêté relatif au diplôme national de licence, publié en juillet 2018 : les aménagements de parcours sont, de fait, ouverts à tous les étudiants, sans distinction entre ceux qui sont en situation de handicap et ceux qui ne le sont pas. Ce nouvel arrêté va plus loin dans la construction de parcours modulaires en permettant, dès le premier cycle, de se spécialiser progressivement et de valider à son rythme les crédits nécessaires pour l'obtention d'une licence. C'est aussi parce que les étudiants en situation de handicap auront, comme l'ensemble des autres étudiants, la capacité de construire leur parcours, que leur inclusion sera plus grande.

Cet arrêté préserve évidemment l'acquis des quatorze dernières années en matière d'accompagnement humain pour l'accès au savoir et les différentes formes d'aides pédagogiques accordées dans le cadre du plan d'accompagnement de l'étudiant handicapé. Des chartes doivent être signées cette année avec la CPU et la CGE : à travers elles, les établissements renouvelleront leur engagement en la matière. Cet accompagnement est assuré, soit par des personnes dédiées, soit par des étudiants d'un niveau supérieur à celui de l'étudiant accompagné. Il peut aussi s'agir de prestataires extérieurs dans certains établissements, lorsque c'est nécessaire.

Un peu moins de 72 % des étudiants en situation de handicap ne sollicitent pas d'aide humaine. Pour la grande majorité d'entre eux, une assistance technique, des appareils spécifiques, la modulation des parcours suffisent pour qu'ils se sentent parfaitement intégrés dans leur cursus. Parmi ceux qui sollicitent un tel accompagnement, 18,7 % sollicitent une aide à la prise de notes et un peu plus de 6 % un soutien pédagogique ou un tutorat spécifique. Seuls 2,9 % d'entre eux ont recours à un accompagnement renforcé – je songe notamment à l'aide au déplacement. Il ne faut pas confondre l'accompagnement renforcé avec les aides à la vie quotidienne, qui sont financées dans le cadre de la prestation de compensation du handicap (PCH). Nous réalisons chaque année, au sein du ministère, une enquête de suivi sur cette inclusion. D'après les réponses obtenues au questionnaire national, 4,5 % des étudiants en situation de handicap bénéficient, au quotidien, d'un auxiliaire de vie.

Enfin, pour les étudiants hospitalisés ou empêchés de se rendre dans l'établissement, il existe des dispositifs d'accompagnement par visioconférence, une aide à la prise de notes, mais aussi un dispositif de cours en ligne et des formations à distance, dont certaines se font en collaboration avec le Centre national d'enseignement à distance (CNED). Grâce à ces dispositifs, ils peuvent poursuivre leur parcours universitaire et passer leurs examens en milieu hospitalier. En 2018, hors sections de technicien supérieur (STS) et classes préparatoires aux grandes écoles (CPGE), 3 % des étudiants suivaient ainsi leur formation à distance.

Ces dispositifs n'ont pas seulement permis d'accroître le nombre d'étudiants en situation de handicap, ils ont aussi favorisé leur réussite. Nous partions d'une situation très inégalitaire en 2005, puisque la progression des étudiants en situation de handicap était ralentie, sinon entravée, par rapport à ce que l'on pouvait observer pour l'ensemble de la population. Pour le dire plus clairement, les étudiants en situation de handicap étaient très représentés en premier cycle, jusqu'en troisième année, mais sous-représentés en deuxième cycle, notamment en master 2. Depuis le développement des schémas directeurs du handicap au sein des établissements, ces écarts se sont considérablement réduits. Entre 2012 et 2018, l'écart de représentation des étudiants en situation de handicap par rapport à la population générale est passé de 10 à 3 % en L1. Durant la même période, cet écart est passé de 5,6 à 1,6 % en L3 et de 6,8 à 4,3 % en master 2.

Nous prêtons aussi une attention toute particulière au troisième cycle, y compris dans les études médicales. À cet égard, je rappelle que votre assemblée a adopté, lors de l'examen du projet de loi relatif à la transformation et à l'organisation de notre système de santé, un amendement de M. Gaël Le Bohec qui permettra aux internes de médecine en situation de handicap d'effectuer leur stage au plus près de chez eux pour continuer à bénéficier de l'accompagnement dont ils peuvent avoir besoin au quotidien.

Si ces dispositifs d'accompagnement dans les universités jouent un rôle et si la réussite des étudiants en situation de handicap s'améliore, nous avons aussi le devoir collectif – et c'est mon rôle en tant que ministre – de faciliter leur accès aux études supérieures. Pour cela, nous devons travailler sur leur orientation et lever les freins qu'ils mettent eux-mêmes à leurs ambitions : l'autocensure dissuade certains lycéens en situation de handicap de se projeter dans les études supérieures. Faire de l'accès à l'enseignement supérieur un levier d'inclusion sociale est aussi l'un des aspects les plus fondamentaux de Parcoursup.

Avec la loi relative à l'orientation et à la réussite des étudiants, vous avez reconnu un droit nouveau aux étudiants en situation de handicap : le droit au réexamen de leur candidature à l'entrée en premier cycle. Tous les candidats en situation de handicap peuvent, s'ils le souhaitent, solliciter des commissions d'accès à l'enseignement supérieur (CAES), qui sont présidées par les recteurs, le réexamen de leur demande de poursuite d'études. Ce droit au réexamen assure un équilibre entre l'accès de tous les élèves qui le souhaitent à l'enseignement supérieur, d'une part, et la prise en compte des situations spécifiques, d'autre part. Cette situation concerne tout candidat ayant été refusé dans toutes les formations pour lesquelles il avait formulé des voeux et qui ne souhaite pas se porter candidat à d'autres formations, eu égard à ses besoins spécifiques.

S'agissant spécifiquement du handicap ou du trouble de santé invalidant, sur 504 demandes de droit au réexamen adressées aux CAES, 471 propositions ont été faites et 408 ont été acceptées – soit un peu plus de 80 % des demandes. Le respect de cet équilibre s'accompagne naturellement d'une action en amont, fondée sur un dialogue renforcé entre les familles d'élèves en situation de handicap et les formations d'enseignement supérieur. C'est pourquoi j'ai demandé aux recteurs, dans une instruction du 28 mars 2018, de faire en sorte que les équipes pluridisciplinaires puissent, avec l'accord des candidats et de leurs familles, intervenir auprès des établissements pour favoriser la prise en compte de leur demande. Pour la campagne 2019, j'ai souhaité que la deuxième année de mise en oeuvre soit l'occasion d'améliorer encore l'information donnée et d'aller plus loin dans l'accompagnement. C'est une démarche d'ensemble et c'est pourquoi, le 25 octobre 2018, lors du second comité interministériel du handicap, le Gouvernement s'est engagé à accompagner l'entrée et les choix d'orientation pour améliorer l'accès à l'enseignement supérieur. J'ai donc adressé une nouvelle instruction aux recteurs dès le mois de novembre pour garantir que ces nouvelles dispositions puissent être largement diffusées.

Un référent handicap pour l'accès à chaque établissement a été désigné, afin que cet enjeu soit pris en compte tout au long de la procédure de préinscription, au plus près des formations. Dans le même esprit, une nouvelle fiche de liaison a été mise en place pour la campagne 2019, afin de permettre aux candidats d'anticiper les demandes d'accompagnement et de réussir leur rentrée dans l'enseignement supérieur. Le candidat estimant qu'il aura besoin d'un accompagnement peut, dès l'acceptation de sa proposition, solliciter le référent handicap, afin de faciliter l'analyse de ses besoins et d'anticiper les réponses à prévoir pour la rentrée. Plusieurs fonctionnalités ont été intégrées à la plateforme, afin de mieux informer les candidats en situation de handicap sur chacune des 14 500 formations référencées cette année. Un chat dédié a été ouvert, ainsi qu'un numéro vert, et une rubrique spécifique concentre, sur la plateforme, toutes les informations utiles aux candidats.

La mise en oeuvre du droit au réexamen a été simplifiée et il est désormais possible d'activer cette démarche via la rubrique « contact » de Parcoursup : elle permet au candidat d'entrer directement en contact avec la commission d'accès à l'enseignement supérieur de son académie. Il va de soi que ces mesures ont fait l'objet d'une concertation avec les associations membres de la commission « éducation » du Conseil national consultatif des personnes handicapées (CNCPH) et qu'elles ont été élaborées en lien avec le Défenseur des droits.

Voilà, pour résumer, les grandes lignes de la politique inclusive dans l'enseignement supérieur : plus de souplesse dans les cursus pour tous, un accompagnement plus humain au quotidien et un accès à l'enseignement supérieur plus inclusif.

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Madame la ministre, vous avez prononcé le mot « autocensure » et c'est effectivement une attitude que l'on peut observer au quotidien chez les étudiants en situation de handicap. Comment envisagez-vous d'améliorer la visibilité de l'enseignement supérieur pour ces jeunes qui, parfois, s'autocensurent et s'interdisent certains choix ?

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Je vous remercie, madame la ministre, pour cette présentation complète.

D'après nos chiffres, les schémas directeurs du handicap concernent 80 % des universités. On peut considérer que c'est un bon résultat mais, a contrario, cela signifie que, six ans après leur introduction, 20 % de nos universités n'en ont toujours pas. Comment envisagez-vous de poursuivre cet effort, d'accélérer leur déploiement et d'élargir le dispositif aux grandes écoles ? Il semble, en effet, que les grandes écoles présentent un taux bien inférieur.

Vous avez pris des dispositions pour améliorer l'aménagement des examens, mais les auditions que nous avons menées nous donnent le sentiment qu'il serait nécessaire de disposer d'un texte renforçant la cohérence des règles en la matière. Un grand nombre d'associations et d'étudiants nous ont dit avoir toujours le sentiment de devoir quémander une faveur, alors que les aménagements introduits durant l'année universitaire devraient, de facto, être prolongés aux examens, sans que les étudiants aient à en faire la demande.

Je ne peux pas faire l'impasse sur la question des moyens consacrés au handicap, notamment en direction des associations qui ont vocation à faire déborder l'inclusion sur les loisirs, le logement et l'ouverture culturelle, tout aussi essentiels à l'épanouissement des étudiants. Envisagez-vous de réévaluer les budgets alloués aux universités pour tenir compte de la proportion croissante d'étudiants en situation de handicap, que vous avez vous-même soulignée ?

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J'aimerais prolonger les questions du rapporteur quant aux moyens.

Certaines grandes écoles craignent que la réforme annoncée du mécénat ne tarisse ce qui constitue pour elles une source de financement importante. Dans le même ordre d'idée, l'obligation qui serait désormais faite aux entreprises d'appliquer réellement le taux de 6 % de personnel en situation de handicap entraînerait de facto, pour certaines écoles, la perte de la compensation prévue en cas de non-respect de ce taux.

S'agissant des chartes, vous avez parlé de celles qui s'appliquent dans les grandes écoles et de celles qui s'appliquent dans les universités. Existe-il un corpus commun, une transversalité, ou bien observe-t-on des différences entre ces deux types de charte ?

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J'interviens à nouveau avec des questions qui ont émergé au cours des auditions précédentes et qui me paraissent essentielles.

La place du travail personnel dans la vie étudiante s'accroît évidemment à mesure que l'on avance dans les études. Vous avez décrit des dispositifs d'accompagnement, comme l'accompagnement à la prise de notes ; que pensez-vous de l'idée d'introduire un accompagnement au travail personnel ?

Sur le plan budgétaire, quelle progression des moyens prévoyez-vous pour remplir vos objectifs d'amélioration de l'accompagnement des étudiants en situation de handicap ?

Vous avez souligné – et je partage cette opinion – l'avancée que représente la procédure de réexamen de Parcoursup au moment de l'entrée en premier cycle. Vous avez également mentionné que le passage en master constitue une rupture. Que pensez-vous de l'idée d'étendre la procédure de réexamen de Parcoursup aux étudiants en master ?

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Frédérique Vidal, ministre de l'Enseignement supérieur, de la Recherche et de l'Innovation

Je commencerai par l'autocensure, qui est sous-jacente à beaucoup d'autres questions que vous avez évoquées. La meilleure façon de la vaincre est d'être extrêmement accueillants et ne jamais faire sentir à ces étudiants qu'ils seraient des poids. La difficulté, c'est de faire en sorte qu'ils se sentent bien au sein du système commun à tous les étudiants. Certains éprouvent de la gêne vis-à-vis de dispositifs mis en place spécialement pour eux alors qu'ils veulent juste être des étudiants comme les autres. C'est la raison pour laquelle des associations insistent pour qu'il n'y ait pas de transmission systématique d'informations sur une situation de handicap lors du passage du lycée à l'enseignement supérieur. Certains étudiants profitent de ce changement pour ne plus faire état de ce statut, car ils n'ont pas envie que le handicap soit un stigmate apposé sur leur front de façon définitive.

De manière générale, l'autocensure est liée à la crainte des jeunes de l'accueil qui leur sera fait. J'ai coutume de dire : « Venez comme vous êtes, car c'est à l'enseignement supérieur de partir de ce que vous êtes pour vous amener le plus loin possible ». La formation à distance ou les examens à distance concernent autant les sportifs de haut niveau que les étudiants en situation de handicap, et cela change le regard que l'on porte sur eux comme la manière dont ils se perçoivent eux-mêmes. Mais les changements de mentalité prennent du temps, nous le savons.

S'agissant des schémas directeurs du handicap, la direction générale de l'enseignement supérieur et de l'insertion professionnelle (DGESIP) et la Conférence des présidents d'université se mobilisent pour faciliter les démarches des universités qui n'en sont pas encore dotées. S'il y a encore 20 % des établissements dans ce cas, ce n'est pas parce qu'ils n'ont pas voulu en mettre en place mais parce que cela suppose d'être en mesure d'avoir une vision complète de ce qu'est l'établissement et d'être doté d'outils adéquats, notamment dans le domaine des ressources humaines. Nous comptons sur un accompagnement bienveillant, fait de compréhension et de respect pour l'autonomie des établissements, pour atteindre l'objectif de 100 % à la fin de l'année 2020.

La signature d'une charte avec la Conférence des grandes écoles a été une étape importante, car une partie des grandes écoles n'est pas sous la tutelle du ministère. Seules 40 % dépendent de mon ministère, mais comme elles regroupent 75 % des étudiants, cela nous permet de toucher un grand volume. Nous encourageons ces établissements à faire de l'accueil des étudiants en situation de handicap une « marque de fabrique » qui valorise leur propre image.

L'aménagement des examens renvoie encore au problème de l'autocensure. La plupart des établissements accompagnent les étudiants en situation de handicap au moment des examens puisqu'ils les connaissent depuis le début de l'année universitaire. La mise en place d'un tiers-temps est quasiment automatique. La mise à disposition d'un assistant pour les aider à rédiger est une question particulièrement délicate : que cette personne ne connaisse rien à la discipline ou bien qu'elle la maîtrise, des difficultés se posent – même si elles sont de nature différente. Je pense que les problèmes se règlent majoritairement au sein des établissements puisqu'en dix ans, ne sont remontés au ministère qu'une vingtaine de réclamations et une dizaine de contentieux.

Pour les budgets, la question majeure pour les établissements est la mise en accessibilité des bâtiments, qui est au coeur des schémas directeurs du handicap, des schémas patrimoniaux et des schémas pluriannuels de stratégie immobilière (SPSI). Des agendas d'accessibilité sont mis en place pour permettre de mesurer les efforts à consentir. Les enquêtes montrent que le parc de l'enseignement supérieur et de la recherche est à 67 % fonctionnel, c'est-à-dire accessible. La proportion de bâtiments totalement inaccessibles est passée, entre 2012 et 2018, de 18 % à 12 %. Hors contrats de plan État-région (CPER), plan Campus et budgets dédiés de chaque université, 135 millions d'euros ont été consacrés à l'accessibilité des universités et des écoles dans le budget du programme 150 « Formations supérieures et recherche universitaire ». Depuis 2005, une enveloppe de 7,5 millions d'euros est allouée pour mettre en place des aides spécifiques destinées aux étudiants dans les universités. Dans les écoles, un peu moins de 700 élèves bénéficient de dispositifs de soutien spécifiques, dont le coût est d'environ 300 euros par personne, ce qui est faible. Il faut poursuivre les efforts en vue de consacrer des crédits supplémentaires à l'accessibilité.

Les chartes signées soit avec la Conférence des grandes écoles soit avec les universités affirment des valeurs communes. Si le ministère peut dicter certains principes aux établissements qui dépendent de lui, pour ceux qui appartiennent au secteur privé, il doit plutôt déployer un travail de persuasion. Néanmoins, tout le monde est convaincu qu'il est important de faire des efforts.

S'agissant de l'extension du droit au réexamen instauré dans le premier cycle au niveau du master, nous devons examiner si la nécessité s'en fait sentir. Je n'ai pas d'avis préconçu. La procédure est relativement récente – nous n'en sommes qu'à la troisième année d'application. Nous tentons de l'améliorer année après année. Elle est compliquée à mettre en place puisqu'elle suppose l'intervention des recteurs qui ne connaissent pas forcément les dossiers.

D'après un recensement de la DGESIP, la représentation des étudiants en situation de handicap dans les masters s'améliore. Le principe de l'examen du dossier à l'échelle académique permet de donner toutes leurs chances à ces étudiants, d'autant que les universités cherchent à attirer ceux qui sont excellents. Il y a 14 % des étudiants handicapés diplômés du premier cycle qui sont inscrits en master 1, ce qui se rapproche des chiffres observés pour la population étudiante générale – 13 %. Aujourd'hui, il n'y a pas de seuil d'exclusion entre le premier et le deuxième cycle pour les étudiants en situation de handicap. La difficulté principale, à laquelle tous les étudiants sont confrontés, est de s'insérer dès le départ dans un cycle de réussite. Je suis favorable à une amélioration continue et nous sommes prêts à travailler à un droit de poursuivre ses études plus inclusif.

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Le rapport donnera des éléments de diagnostic à ce sujet.

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Frédérique Vidal, ministre de l'Enseignement supérieur, de la Recherche et de l'Innovation

Je le lirai avec grand intérêt.

Vous avez évoqué l'accompagnement des étudiants dans leur travail personnel. Sachez qu'en juin dernier, nous avons mis en place un groupe de travail réunissant la DGESIP, la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA), des associations et des établissements pour préparer un plan d'action pour la rentrée et identifier des difficultés particulières. Il se penche notamment sur la question du transport, qui prend un temps tel que cela empiète sur le travail personnel et sur l'aide à domicile. J'ai demandé qu'il établisse un cahier des charges de manière que nous puissions apporter des réponses adéquates. Il me semble important que ce travail soit mené conjointement par l'État et les collectivités, qui doivent être associées à cette réflexion, en particulier pour tout ce qui concerne les transports.

Je dois vous demander, monsieur le président, de repréciser votre question sur les 6 %.

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Avec les modifications des règles entourant l'obligation d'employer 6 % de personnes en situation de handicap dans les entreprises et les changements affectant le mécénat, nous craignons un tarissement de certaines sources de financement de l'enseignement supérieur. La Conférence des grandes écoles a envisagé la création d'un fonds dédié à l'accessibilité aux études supérieures. Quelle est votre position à ce sujet ?

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Les entreprises ne respectant pas leur obligation d'employer 6 % de travailleurs handicapés doivent, en effet, payer une taxe à l'Association de gestion du fonds pour l'insertion des personnes handicapées (AGEFIPH), mais comme elles sont de plus en plus nombreuses à s'y conformer – et c'est bien ! –, il y a moins de financements. Cela pose la question des fonds dédiés.

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Frédérique Vidal, ministre de l'Enseignement supérieur, de la Recherche et de l'Innovation

C'est un sujet dont j'ai longuement discuté avec Sophie Cluzel, qui est, bien sûr, ravie de la diminution du nombre des amendes, car cela signifie qu'il y a une augmentation du nombre de personnes en situation de handicap employées. J'examinerai cette question plus particulièrement.

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J'aimerais, madame la ministre, vous faire part du témoignage d'un jeune homme myopathe en fauteuil roulant que j'ai rencontré et dont la situation combine deux sujets sur lesquels nous entendons faire porter notre effort : l'inclusion et les formations en alternance. Lorsqu'il a trouvé un stage dans un lieu éloigné de quelques kilomètres de son université, il a été confronté à un double problème de logement et de transport. Sur le campus, lui a été proposé un logement d'une surface supérieure pour qu'il puisse se déplacer mais qui lui a été surfacturé, ce qui ne me paraît pas normal. Ne devrait-il pas exister des logements adaptés qui soient proposés au même tarif que les autres ? Par ailleurs, il devait se rendre non seulement de son domicile à l'université mais aussi de l'université à son lieu de stage et de son lieu de stage à son domicile. Or, dans la mesure où il était majeur, il ne pouvait plus bénéficier de notifications de la maison départementale des personnes handicapées (MDPH) et il n'y avait pas de financements pour qu'une personne le conduise dans un véhicule adapté.

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Madame la ministre, j'aimerais appeler votre attention sur le problème des concours. La durée réglementaire de certaines épreuves est dépassée lorsqu'y sont appliqués des tiers-temps, notamment pour l'agrégation. Or de plus en plus de personnes handicapées accèdent à ce niveau d'études.

Par ailleurs, rendre les bâtiments accessibles n'est pas suffisant. En cas de changements de cours ou de salles, les étudiants en situation de handicap devraient être prévenus systématiquement par SMS plutôt que d'avoir à monter et descendre des étages pour rien avec des cannes ou un fauteuil roulant. Cela leur éviterait de perdre de précieuses minutes de cours et leur épargnerait une fatigue supplémentaire. La notion d'accessibilité universelle est de plus en plus mise en avant, au-delà de l'accessibilité physique. Ne pourrait-on pas, par exemple, généraliser les notifications par texto qui sont pratiquées dans certaines universités ?

Enfin, j'aimerais savoir comment peut se concrétiser l'aide à la mobilité dans la vie quotidienne des étudiants en situation de handicap.

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Le 4 juillet dernier, des bourses à la mobilité internationale financées par l'Association Mission Handicap ont été remises à treize lauréats à l'hôtel de Lassay en présence de M. Richard Ferrand et de Mme Sophie Cluzel. Leur montant total, de 30 000 euros, pourrait paraître confortable mais il faut savoir qu'une fois partagé, il ne couvre que 5 % des coûts supplémentaires dus au handicap de certains étudiants. De manière générale, à l'heure où la mobilité internationale – en particulier les échanges Erasmus – fait de plus en plus partie intégrante du parcours d'études, que proposez-vous pour aider les étudiants en situation de handicap qui séjournent à l'étranger ? Ils doivent parfois payer des billets d'avion pour venir rechercher en France des traitements médicaux qu'ils ne peuvent emporter pour la durée entière de leur séjour. Ils ont aussi besoin d'assistants dont le salaire n'est pas pris en charge par le pays d'accueil. Où en est-on de la création du statut international de l'étudiant en situation de handicap (SIESH) ? Il permettrait peut-être aux étudiants de bénéficier de droits sur leur lieu d'études à l'étranger.

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Quelle prospective budgétaire imaginez-vous pour améliorer le financement des CROUS (centres régionaux des oeuvres universitaires et scolaires) et pour favoriser une meilleure inclusion, en termes de logement, mais aussi d'activités culturelles et de loisirs sportifs ?

Nous avons entendu Mme Amandine Torresan, étudiante en école supérieure de professorat et d'éducation, qui nous a tous émus profondément. Elle a commencé son audition en expliquant que son parcours avait été celui du combattant, l'histoire du pot de terre contre le pot de fer : « C'est “Marche ou crève” […], comme si on faisait une course à pied et qu'on nous demandait de ne jamais nous arrêter, de ne jamais respirer […] j'ai l'impression d'être seule au milieu de l'océan. »

Cette jeune femme, qui est allée jusqu'au bout en obtenant son diplôme, a pourtant, pour l'instant, renoncé à exercer le beau métier d'enseignant. Je me permets de vous renvoyer, Madame la ministre – ou les membres de votre cabinet –, à son audition. Vous verrez qu'elle ne contredit pas ce que nous nous sommes dit, mais apporte un éclairage particulier sur la réalité vécue par les étudiants.

Dernier élément, la médecine scolaire est le parent pauvre de l'éducation nationale. Je ne vois, cependant, pas là d'absence de volonté politique. Il est tout simplement compliqué de rendre la médecine scolaire attractive pour les médecins, à quoi s'ajoute la problématique globale de la démographie médicale. Il en va de même pour la médecine universitaire. Pourtant, elle est vitale dans le champ qui nous occupe. Quelles dispositions, quelle approche, quelle politique envisagez-vous de mettre en oeuvre pour renforcer la médecine universitaire ?

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Je précise que l'audition de Madame Torresan s'est déroulée par vidéoconférence et que le seul document disponible est le compte rendu écrit mis en ligne sur le portail de la commission d'enquête.

Madame la ministre, comment votre ministère contrôle-t-il la bonne exécution, dans les établissements publics et privés, des dispositions visant à l'acceptation des étudiants en situation de handicap ?

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Frédérique Vidal, ministre de l'Enseignement supérieur, de la Recherche et de l'Innovation

Je vais regrouper les sujets de logement, d'aide à la mobilité et d'accompagnement dans le cadre des transports. Une fois de plus, je ne vous dirai pas que les choses sont parfaites, loin de là, mais je vais vous présenter ce que nous avons essayé de mettre en place.

Le plan de financement des CROUS comprend un grand programme d'aménagement pour rendre tous les logements accessibles aux étudiants en situation de handicap pour 2022. Quant à la question de savoir si le logement dont vous m'avez parlé aurait été surfacturé, je n'ai pas de réponse. En tout cas, on a prévu l'accessibilité

En matière de mobilité et d'accompagnement, un peu plus de 2 000 jeunes effectuant leur service civique seront dédiés à l'accompagnement des étudiants en situation de handicap dans les établissements. La mise en place a commencé à la rentrée 2018-2019 et se fait progressivement. À travers le service civique, nous offrons du temps d'accompagnement, l'idée étant de mettre en contact les étudiants avec d'autres étudiants. Cela fonctionne, en général, beaucoup mieux ainsi et, outre le côté beaucoup plus agréable, cela participe également à l'intégration dans la vie étudiante.

Quant à l'information relative aux changements de salles, bien évidemment – et heureusement, au XXIe siècle ! –, on peut la diffuser par les téléphones portables. Je ne sais pas à quel établissement Mme Rilhac faisait allusion tout à l'heure, mais on ne peut qu'encourager les établissements à mettre en place un système d'information qui évite aux étudiants d'avoir à monter trois étages pour savoir où a été déplacé leur cours. Là encore, c'est un aspect qu'il faut encourager de manière générale : cela aidera certes beaucoup les étudiants en situation de handicap, mais aussi tous les autres. En tout cas, je retiens la remarque et j'aborderai le sujet à la Conférence des présidents d'université. C'est à chaque établissement de décider de la mise en place de systèmes d'information, certains étant plus enclins que d'autres à utiliser les outils numériques.

Le tiers-temps, selon le code de l'éducation, s'applique aux examens comme aux concours, et le Conseil d'État l'a confirmé en 1991. Il peut toutefois arriver que l'étudiant ne souhaite pas le prendre. Je pense, madame Rilhac, que vous faisiez référence à des durées d'épreuves qui sont déjà extrêmement longues, de sorte qu'il est difficile de les prolonger encore d'un tiers du temps.

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C'est le cas de certaines épreuves d'agrégation, pour lesquelles le tiers-temps n'est pas la bonne réponse.

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Frédérique Vidal, ministre de l'Enseignement supérieur, de la Recherche et de l'Innovation

Il faudra probablement conduire un travail spécifique sur le sujet.

L'aide à la mobilité internationale pour les étudiants prend différentes formes, y compris au niveau européen, dans le cadre des financements Erasmus. Ce que nous défendons auprès de la Commission européenne, c'est que ces aides ne soient plus les mêmes pour tout le monde, c'est-à-dire qu'il y ait une graduation dans le montant de l'aide à la mobilité. Aujourd'hui, quand vous n'avez pas les moyens de compléter les aides à la mobilité, vu leur montant, vous ne bougez pas. Pour le prochain programme, nous voudrions qu'il puisse y avoir un montant de base, auquel s'ajoute un montant adapté, modulé en fonction des revenus.

Vous dites que les bourses d'aide à la mobilité internationale ne couvrent pas la totalité des frais pour les étudiants en situation de handicap, mais cela vaut malheureusement pour toutes les bourses de ce type. Nous avons demandé, cette année, dans le budget prévisionnel, que de l'argent soit spécifiquement consacré à la modulation de cette aide à la mobilité internationale. Cette dernière est un sujet important, et nous la porterons au niveau de l'Europe. Elle est parfaite aujourd'hui pour ceux qui ont seulement besoin d'un petit coup de pouce, mais pour ceux qui ont besoin de se faire financer leur mobilité, on est encore loin du compte. Je ne désespère pas qu'on trouve des solutions à ce problème, qui est, en tout cas, général et pas spécifique aux étudiants en situation de handicap.

Pour ce qui est de l'aspect médical, les services universitaires de médecine préventive et de promotion de la santé (SUMPPS) sont la raison d'être de la contribution Vie étudiante et de campus. Cette année, un peu plus de 120 millions d'euros ont été collectés et répartis entre les établissements et les CROUS. Ils permettent de travailler à la mise en place de maisons de santé complètes au sein des établissements et d'améliorer la vie culturelle et la vie sportive sur les campus. Là encore, cette amélioration bénéficie à l'ensemble des étudiants, y compris, bien sûr, aux étudiants en situation de handicap.

Avec la mise en place du service sanitaire, nous travaillons aussi à traiter plus de sujets de prévention, tant dans les établissements scolaires que dans les établissements d'enseignement supérieur. Il s'agit d'envoyer des étudiants des filières médicales et paramédicales formés à la prévention assurer cette prévention dans les collèges, dans les lycées ou dans les établissements d'enseignement supérieur. Nous travaillons beaucoup sur le sujet avec les associations étudiantes. Telles sont les réponses que nous apportons à travers la contribution Vie étudiante et de campus

Par ailleurs, dans le plan « 60 000 logements étudiants », une part des logements en question sera rendue directement accessible aux personnes en situation de handicap.

Pour ce qui est du contrôle, je dispose, au niveau du ministère, de l'information relative au taux d'inscrits en situation de handicap, à condition que les étudiants se soient déclarés. En partant du principe qu'ils sont à peu près le même pourcentage à se déclarer chaque année, on voit ce taux augmenter. Le contrôle rectoral vise à vérifier que les travaux sont faits en matière d'accessibilité.

Très sincèrement, l'immense majorité des établissements d'enseignement supérieur intègrent cette question à leur propre stratégie. Je ne suis pas obligée de les pousser tous les jours. Il me faut plutôt trouver, de mon côté, des solutions pour les accompagner. Ils ont envie d'agir, et c'est le principal. À nous de trouver les moyens de les accompagner au mieux.

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C'est ainsi que nous clôturons le programme d'auditions de notre commission d'enquête. Merci, madame la ministre.

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L'état d'esprit qui règne dans la commission me rend confiant sur l'adoption de notre rapport, le 18 juillet. Il comptera un grand nombre de propositions, notamment dans votre champ de compétence, madame la ministre. Je ne manquerai pas de vous le remettre officiellement, en espérant que nos propositions, qui sont le plus pragmatiques possible, sauront vous convaincre, dans l'intérêt des étudiants.

L'audition s'achève à dix-huit heures dix.

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Membres présents ou excusés

Réunion du mercredi 10 juillet 2019 à 17 heures

Présents. – M. Bertrand Bouyx, M. Sébastien Jumel, Mme Béatrice Piron, Mme Cécile Rilhac, Mme Nathalie Sarles.

Excusés. – Mme Jacqueline Dubois.