Commission d'enquête sur l'inclusion des élèves handicapés dans l'école et l'université de la république, quatorze ans après la loi du 11 février

Réunion du mardi 18 juin 2019 à 16h20

Résumé de la réunion

Les mots clés de cette réunion

  • AESH
  • MDPH
  • PIAL
  • enseignant
  • inclusive
  • rentrée

La réunion

Source

Mardi 18 juin 2019

L'audition débute à seize heures quinze.

Présidence de Mme Jacqueline Dubois, présidente de la commission d'enquête

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La commission d'enquête sur l'inclusion des élèves handicapés dans l'école et l'université de la République, quatorze ans après la loi du 11 février 2005, procède à l'audition de M. Jean-Michel Blanquer, ministre de l'Éducation nationale et de la Jeunesse.

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Mes chers collègues, notre commission reprend ses travaux en recevant le ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse, M. Jean-Michel Blanquer. Celui-ci est accompagné par Mme Martine Caraglio, membre de l'Inspection générale de l'administration de l'éducation nationale et de la recherche, Mme Sabine Deligne, sous-directrice du budget de la mission « Enseignement scolaire » (secrétariat général – direction des affaires financières), Mme Marie Dutertre, conseillère parlementaire, M. David Knecht, conseiller budgétaire et numérique, M. Thierry Ledroit, directeur adjoint du cabinet, conseiller pour les relations avec les académies, et M. Philippe Thurat, sous-directeur de la gestion des programmes budgétaires (direction générale de l'enseignement scolaire – service du budget, de la performance et des établissements).

Je vous remercie, monsieur le ministre, d'avoir apporté des réponses au questionnaire que le rapporteur et moi vous avons adressé au début du mois d'avril. Je précise toutefois que le caractère parfois partiel de certaines réponses pourra susciter d'autres questions de la part de mes collègues.

Il était indispensable que ces éléments écrits soient complétés par un échange sur les actions que vous menez pour rendre la rentrée scolaire de 2019 pleinement inclusive. Je pense notamment au grand service public de l'école inclusive que vous avez entrepris de mettre en place avec votre collègue Mme Sophie Cluzel, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargée des personnes handicapées, ainsi qu'aux pôles inclusifs d'accompagnement localisés (PIAL) qui sont expérimentés dans de nombreuses circonscriptions depuis la dernière rentrée scolaire. Nous vous saurions gré de nous présenter une première évaluation avant qu'ils ne soient généralisés en application de l'article 5 quinquies du projet de loi pour une école de la confiance.

Il me revient, conformément aux dispositions de l'article 6 de l'ordonnance du 17 novembre 1958 de vous demander de prêter le serment de dire la vérité, toute la vérité rien que la vérité. Je demande aux personnes qui vous accompagnent de faire de même.

M. Jean Michel Blanquer, Mme Martine Caraglio, Mme Sabine Deligne, Mme Marie Dutertre, M. David Knecht, M. Thierry Ledroit, et M. Philippe Thurat prêtent successivement serment.

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Je vous souhaite à mon tour la bienvenue, monsieur le ministre, pour une audition qui marque une étape importante des travaux de notre commission d'enquête.

Sami adore l'eau, la mer, les vagues. Il aime se promener et monter dans les bus de Dieppe pour regarder le paysage. Il a onze ans mais il n'a pas la vie des enfants de son âge et sa maman n'a pas la vie des mamans d'enfant de l'âge de Sami car ce jeune garçon est atteint d'agénésie du corps calleux, en d'autres termes d'une atrophie partielle de son cerveau. Ce petit garçon aux grands yeux et au large sourire est animé d'une envie de vivre débordante mais il demande une attention de tous les instants : il est hyperactif, a des difficultés sur le plan moteur, s'automutile en se mordant la main, pousse de cris et souffre d'épilepsie. Sami, qui attend depuis dix-neuf mois une place en institut médico-éducatif (IME), n'est scolarisé que trois heures par semaine, le mercredi.

Si j'ai voulu commencer votre audition par ce témoignage, monsieur le ministre, c'est parce des centaines de familles sont confrontées à l'insuffisance des moyens humains mobilisés, notamment des accompagnants d'élèves en situation de handicap (AESH), situation qui est à l'origine de la création de cette commission d'enquête à l'initiative du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.

Nous venons de prendre connaissance du document intitulé Pour une rentrée pleinement inclusive en 2019. Nous y avons retrouvé des propositions similaires à celles que les auditions de la commission d'enquête nous ont permis de faire émerger – j'ai la faiblesse de croire que la création de cette commission a servi d'aiguillon au Gouvernement pour accélérer le processus. Nous y avons décelé aussi des éléments qui sont source d'inquiétude, de méfiance, de contestation pour les associations et les personnes concernées, qui ont des clefs de lecture différente.

Quelles garanties apportez-vous pour que, dès la rentrée 2019, des milliers de jeunes laissés sans réponse en matière d'orientation ou d'accompagnement trouvent une solution correspondant à leurs besoins ?

Au questionnaire que vous a transmis la commission d'enquête, vous avez répondu de manière tardive et dispersée – vos services ne sont pas en cause. De nombreuses informations comme celles portant sur le nombre de jeunes non scolarisés, sur la durée de scolarisation, sur le bilan social des auxiliaires de vie scolaire (AVS) et des AESH sont absentes. Or, comme j'ai eu l'occasion de le répéter à plusieurs reprises devant cette commission, je considère qu'une politique publique ne se conduit bien que si le diagnostic qui la fonde est étayé, objectivé et partagé. J'espère que cette audition nous permettra de progresser en la matière.

Notons ensuite que si l'accueil en milieu scolaire a fortement progressé sur un plan quantitatif, notamment depuis la loi sur le handicap de 2005, il se fait parfois par défaut, en l'absence de prises en charge adaptées. À cela s'ajoutent les trop nombreuses situations de déscolarisation. Vous fixez des objectifs de désinstitutionalisation mais la programmation des moyens en matière de formation des personnels, de recherche et d'adaptation des locaux semble très en deçà des besoins. Quelles décisions budgétaires pluriannuelles envisagez-vous de prendre pour répondre à ces enjeux ?

Enfin, si l'unanimité se fait sur l'objectif de rendre notre société et notre système scolaire plus inclusifs, de nombreux parents et de nombreuses associations souhaitent préserver la capacité du secteur médico-social à répondre aux besoins spécifiques de certains jeunes en situation de handicap. Ne faut-il pas aller vers une approche moins systémique, moins chiffrée, plus adaptée aux besoins des familles, pour favoriser des passerelles, des modes de scolarisation plus souples, plus partagés ? Pensons au « droit d'aller et retour » que des responsables d'associations spécialistes de l'autisme ont évoqué devant nous. Bref, que pensez-vous de systèmes qui seraient complémentaires les uns des autres plutôt que concurrents ou en opposition ?

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Jean-Michel Blanquer, ministre de l'Éducation nationale et de la Jeunesse

Madame la présidente, monsieur le rapporteur, je souscris à vos propos. Vous avez, monsieur le rapporteur, employé le terme d'« unanimité » : elle me paraît constituer un socle s'agissant de ces enjeux. La scolarisation des élèves en situation de handicap fait l'objet depuis 2005 d'un consensus national fort. Il est décisif que personne ne prenne la responsabilité de le rompre. Nous avons tous en partage les objectifs fondamentaux que vous avez rappelés. La nécessité de progresser sans arrêt nous tient tous à coeur.

Certes, il est possible de déceler des failles dans le système et nous nous employons à trouver des solutions mais il est important aussi de mesurer les progrès accomplis. Devant une commission d'enquête, l'habitude est de parler du passé et du présent ; je parlerai toutefois aussi du futur, comme vous m'y avez invité. Cette audition se déroule à deux mois d'une rentrée dont nous attendons beaucoup puisque nous visons un grand service public de l'école inclusive. Cela nous engage collectivement : administration de l'éducation nationale dans son ensemble mais aussi acteurs du handicap.

Vous m'avez invité à dépasser l'approche quantitative mais si je ne parlais pas de chiffres, on me reprocherait d'être abstrait.

Depuis 2005, beaucoup de choses ont été faites en matière d'inclusion scolaire. La France accusait auparavant un grand retard par rapport aux autres pays, mais aussi tout simplement par rapport aux besoins. Les élèves en situation de handicap accueillis dans le système scolaire sont passés de 176 000 en 2009 à 338 000 en 2019, soit un quasi-doublement, et nous devons rendre hommage à tous ceux qui ont permis cette évolution. Pendant le même temps, les élèves en situation de handicap bénéficiant d'une prescription d'aide humaine ont vu leur nombre multiplié par plus de quatre : de 46 000 à 200 000, cap qui vient d'être dépassé en cette fin d'année scolaire.

Ces progrès importants, mus par la volonté de prendre en compte les besoins de chaque enfant, ont été accompagnés par un investissement public élevé. Celui-ci se poursuit et se poursuivra au cours des prochaines années. À la fin de l'année 2018, les AVS représentaient plus de 61 700 équivalents temps plein (ETP). Au-delà de la transformation accélérée des contrats aidés en contrats d'AESH, 4 500 recrutements supplémentaires d'AESH sont prévus pour la rentrée prochaine. Le nombre d'enseignants spécialisés travaillant dans des structures dédiées comme les unités localisées pour l'inclusion scolaire (ULIS) ou les établissements et services médico-sociaux dépasse aujourd'hui 19 000 ETP. Au total, le budget dédié à la scolarisation des élèves en situation de handicap est passé entre 2017 en 2019 de 2,1 milliards d'euros à 2,8 milliards d'euros, soit une augmentation de 29 % en trois ans, ce qui constitue une progression sans précédent.

À cet effort quantitatif, s'ajoute un effort qualitatif. La loi pour une école de la confiance nous a permis de disposer des outils indispensables à cette progression.

Il y a évidemment encore un trop grand nombre d'enfants en situation de handicap qui ne font pas leur rentrée dans les mêmes conditions et au même moment que leurs camarades et c'est une situation que nous jugeons évidemment inacceptable. Trop de familles attendent plusieurs jours voire plusieurs semaines une réponse à leur demande d'accompagnant pour leur enfant. Nous considérons tous que c'est insatisfaisant. Le Président de la République a fait une priorité de l'école inclusive, laquelle se situe un peu à l'avant-garde des politiques en matière de handicap que nous souhaitons faire avancer avec Sophie Cluzel.

Ce chemin est à l'évidence un chemin compliqué. Et nous ne pouvons pas nous cacher toutes les difficultés que nous devons dépasser. L'amélioration de l'accueil des enfants en situation de handicap est source de multiples défis que nous devons relever collectivement, notamment par la concertation. C'est ce que nous avons entrepris avec Sophie Cluzel. Comme vous le savez, du mois d'octobre 2018 au mois de février 2019, nous avons mené une large concertation auprès des parents, des associations, des représentants des AESH ainsi que des personnels enseignants et d'encadrement. Au regard de l'importance des attentes, nous avons décidé de réaliser, en nous fondant sur la loi, une transformation de nos organisations que l'on peut qualifier de copernicienne, en vue de faire émerger un grand service public de l'école inclusive.

Pourquoi peut-on parler de révolution copernicienne ?

Tout d'abord, j'ai demandé aux services des rectorats et des directeurs académiques des services de l'éducation nationale (DASEN) dans chaque département de transformer totalement leur organisation en matière d'accueil des élèves handicapés. Cette transformation revêt de multiples aspects.

Elle est d'abord de nature presque psychologique. Il s'agit de considérer les quelque 80 000 AESH comme des personnels de l'éducation nationale. La plus forte illustration de cela, c'est évidemment la conversion rapide que nous avons menée des contrats aidés en contrats plus robustes, d'AESH, de sorte qu'à la rentrée 2020 il n'y aura plus de contrats aidés. La loi nous permet aussi, vous le savez, de passer à une nouvelle configuration en matière de contrats, avec des contrats de trois ans, renouvelables une fois, débouchant sur des contrats à durée indéterminée. C'est une transformation importante, a fortiori si nous réussissons, comme nous l'avons prévu, à donner beaucoup plus de plein-temps aux AESH dans les mois qui viennent.

Nous avons voulu faire des AESH des membres à part entière de la maison éducation nationale, à l'échelle de la nation, à l'échelle des rectorats, à l'échelle des départements et, évidemment, à l'échelle des établissements. Cela se traduit par des mesures de tous ordres comme la participation aux réunions en amont de la rentrée ou la création d'adresses électroniques professionnelles. Cette stratégie doit nous permettre d'entamer un travail avant la rentrée. Il y a une phrase à destination des enfants qui résume tout : « Avant, tu attendais d'avoir un AESH pour aller à l'école ; maintenant, tu iras à l'école et tu seras accueilli par un AESH ».

La révolution copernicienne passe aussi par un raisonnement qui part des pôles inclusifs d'accompagnement localisés (PIAL). Les comparaisons internationales que nous avons établies avec Sophie Cluzel – qui s'est rendue dans plusieurs pays – montrent que la France ne dépense pas moins que les autres pays pour les élèves en situation de handicap. Notre bilan est même tout à fait honorable et il s'améliore avec les moyens supplémentaires que j'ai évoqués. En revanche, nous sommes moins bien organisés. Nos concepts directeurs ont moins bien fonctionné que dans d'autres pays. Je pense, par exemple, à l'Italie ou bien au Danemark, où je me suis rendu.

Les pays qui réussissent raisonnent depuis l'établissement pour être au plus près du terrain et affecter les moyens au plus près des besoins de l'élève, en s'adaptant au cours de l'année, faisant preuve de cette souplesse que vous appelez de vos voeux, monsieur le rapporteur. L'une des premières vertus de l'école inclusive doit consister à être personnalisée, j'y reviendrai dans ma conclusion.

Après les premières expérimentations positives que nous avons eues cette année, et qui feront l'objet d'une évaluation, nous visons une première vague de déploiement des PIAL au mois de septembre : 300 circonscriptions du premier degré sont concernées, 2 000 collèges avec ULIS et 250 lycées professionnels avec ULIS. Cette nouvelle organisation, qui prendra place dans des bassins scolaires importants, nous permettra de développer le raisonnement à partir de l'établissement.

Ses vertus sont multiples. Il sera plus aisé, notamment, de donner des plein-temps aux AESH. Il existe deux façons privilégiées de leur en accorder : la première, avec un service à l'intérieur d'un établissement ; la deuxième, dans le cadre d'accords au cas par cas avec les collectivités locales, avec une répartition entre temps scolaire et temps périscolaire. Chacun sera libre de son choix. La gestion des ressources humaines sera orientée vers une formule adaptée à chaque AESH, certains ne préférant pas exercer à plein-temps. Là aussi, la personnalisation est de mise.

À travers cette double transformation, nous voulons mieux préparer la rentrée, mieux accueillir les parents et mieux scolariser les élèves.

Un maximum de choses doit se faire autant que possible avant la rentrée : les recrutements – nous y procédons ; l'accueil des parents – notre recommandation à l'échelle de la France est de donner des rendez-vous avant septembre ; la formation – la majorité des soixante heures que nous avons prévu de consacrer aux AESH. Notre but est que les AESH, le jour de la rentrée, connaissent les équipes éducatives et les parents. Il est difficile d'atteindre 100 % de réussite dès la première rentrée de ce service public de l'école inclusive mais nous voulons tendre vers cet objectif qui mobilise toute l'institution scolaire. Personne ne doit minimiser ce que cela représente sur le plan organisationnel.

Nous avons mis en tension – au sens positif du terme – l'ensemble de l'administration de l'éducation nationale. La dernière réunion des recteurs, en présence de Sophie Cluzel, a été consacrée uniquement à ce sujet et a permis, avec les directeurs des agences régionales de santé (ARS) de coordonner de la manière la plus forte qui soit l'action de l'éducation nationale et des services médico-sociaux. J'ai demandé à chacun des recteurs et aux DASEN de s'organiser différemment afin qu'ils préparent pleinement la rentrée plutôt que de gérer les situations au fil de l'eau comme cela a été trop longtemps le cas. L'un des premiers droits des élèves en situation de handicap, c'est de bénéficier d'une rentrée préparée, comme l'ensemble des autres élèves.

Un autre de leurs droits est de bénéficier d'un parcours personnalisé avec des solutions adaptées à chacun. Cela peut passer par un accompagnement individualisé. Et je tiens à dire ici que le PIAL n'est en aucun cas une remise en cause de ce mode d'accompagnement. Il doit permettre un accompagnement mutualisé ou individualisé, selon les besoins de l'enfant. Il doit permettre aussi la personnalisation, notamment grâce à une coopération beaucoup plus forte entre les institutions médico-sociales et l'éducation nationale. L'école inclusive ne repose pas sur des réponses automatiques. Nous visons la scolarisation en milieu ordinaire mais il convient de ne retenir cette solution que dans la mesure où elle fait du bien aux élèves. Disons les choses : des acteurs, notamment des enseignants, ont pu ressentir un certain malaise parce que tous les moyens humains n'ont pas été octroyés pour accompagner la scolarisation d'enfants en situation de handicap ou parce qu'ils n'ont pas bénéficié de formations. Nous sommes très sensibles à ces questions. La coopération entre l'éducation nationale et le secteur médico-social doit rendre possible la personnalisation des parcours et éviter aux professeurs de se sentir désemparés.

Je prendrai le cas d'un proviseur que Sophie Cluzel et moi citons souvent. Dans son établissement, il a constaté que le niveau des élèves avait augmenté dans son ensemble grâce au dispositif déployé en faveur d'élèves handicapés car la personnalisation des parcours a bénéficié à tous.

Nous avons préparé la rentrée 2019 avec un soin particulier, sous l'angle quantitatif mais aussi qualitatif en mettant l'accent sur la formation des enseignants et des AESH.

La plateforme numérique Cap École inclusive met à disposition des ressources pédagogiques simples, immédiatement utilisables en classe, des références et des conseils utiles pour la scolarisation de tous les élèves.

Nous comptons systématiser les informations relatives à l'école inclusive pour l'ensemble des professeurs dans le cadre de la formation initiale comme de la formation continue. Nous avons demandé aux académies et aux départements d'inscrire dans leurs plans de formation pour le premier et le second degré une formation de trois heures sur les positionnements respectifs des AESH et des enseignants ainsi qu'une formation de six heures pour permettre aux professeurs d'acquérir les connaissances fondamentales au sujet des aménagements pédagogiques et d'une meilleure adaptation aux besoins spécifiques de chaque élève. En outre, des formations de soutien et d'accompagnement spécifiques sont prévues pour les inspecteurs de l'éducation nationale chargés de l'adaptation scolaire et de la scolarisation des élèves handicapés (IEN-ASH), acteurs fondamentaux dont je salue le travail.

Nous devons pleinement intégrer les AESH dans la communauté éducative. C'est pourquoi nous avons demandé que les réunions puissent avoir lieu avant les vacances d'été. Il y a un fort enjeu de personnalisation, de professionnalisation et de valorisation du métier d'AESH. Nous avons entendu leurs représentants et mon but est qu'un maximum d'accompagnants ressentent dès le mois de juin la réalité du changement qui se produira pour eux au mois de septembre. Ils devraient notamment être présentés de manière systématique à l'équipe pédagogique.

Je tenais à vous parler avant tout de la rentrée 2019 même si je sais que vos questions porteront aussi sur notre stratégie d'ensemble, que je souhaite portée par un consensus national. Nous lui consacrons des moyens très importants et nous donnons la priorité à la qualité, objectif qui a fait l'objet d'une très forte mobilisation de l'administration de l'éducation nationale mais aussi d'institutions et de partenaires extérieurs.

Je crois pouvoir dire devant votre commission d'enquête que nous avons avancé même s'il reste, bien entendu, bien des progrès à faire.

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Je vous remercie, monsieur le ministre. J'ai bien compris votre volonté d'aller de l'école pour tous à l'école pour chacun. C'est un élément essentiel de progrès.

J'aimerais savoir si vos équipes ont pu avancer sur le contenu des cahiers des charges des formations initiales. Quelle dotation horaire sera réservée aux formations consacrées aux adaptations nécessaires et aux gestes professionnels à maîtriser pour rendre l'école plus inclusive ?

En lisant les documents transmis par la direction générale de l'enseignement scolaire (DGESCO), j'ai constaté que les journées de formations continues sont peu nombreuses. Nous savons que 55 600 enseignants du premier degré et 32 600 enseignants du second degré ont pu bénéficier de formations. Celles-ci ont toutefois été réparties entre les rythmes scolaires, les aides pédagogiques personnalisées, les élèves en situation de handicap et les élèves allophones. Très peu d'heures ont été en réalité consacrées à l'école inclusive puisque la durée de ces formations a été en moyenne inférieure à deux jours par an. Si vous voulez opérer la révolution copernicienne que vous appelez de vos voeux, monsieur le ministre, il faudrait pouvoir intensifier les formations.

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La formation est en effet une question centrale que de nombreux acteurs ont évoquée. Vous nous dites vouloir – et nous n'avons pas de raisons d'en douter – renforcer les quotités horaires dans le cadre de la formation initiale et de la formation continue. Une question se pose toutefois : quels moyens comptez-vous consacrer aux remplacements pour permettre aux professionnels de bénéficier d'heures de formation continue lors de la prochaine année scolaire ?

C'est en ce moment que se font les affectations dans le premier degré. Dans un département comme le mien, des dizaines d'enseignants sortant de formation initiale sont affectés à des postes spécialisés sans avoir de formation spécifique. Passez-moi l'expression : on envoie les « bleus » dans les ULIS, les instituts thérapeutiques, éducatifs et pédagogiques (ITEP) et les sections d'enseignement général et professionnel adapté (SEGPA). Ne faudrait-il pas des mesures d'accompagnement fortes ?

Vous avez beaucoup insisté sur l'articulation nécessaire avec le médico-social. Vous proposez même d'expérimenter dans chaque département une association avec les PIAL. Ne croyez-vous pas, dans ces conditions, qu'il est contre-productif de supprimer des postes de l'éducation nationale dans le secteur médico-social ?

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Monsieur le ministre, j'ai abordé cette commission d'enquête en me mettant dans la peau de parents d'enfants handicapés que je rencontre. Je les sais confrontés à toutes sortes de difficultés administratives. Cela commence par l'emploi récurrent de sigles incompréhensibles par leurs interlocuteurs : MDPH, PIAL, ULIS, etc. Ensuite, ils doivent savoir à qui s'adresser puis remplir des dossiers-fleuves et vérifier s'ils sont bien arrivés. Quand, au mieux, le dossier aboutit, ils s'aperçoivent que leur enfant ne peut avoir de place là où il devrait en avoir une ou alors qu'il a une place qui ne correspond pas à son handicap. Les parents me disent avoir l'impression que l'on veut faire entrer leur enfant dans des cases, toutes bien formatées, ce qui est absolument impossible.

Cette école inclusive, nous en rêvons tous, mais est-elle possible ? Est-elle souhaitable ?

Vous avez commencé à donner quelques réponses et je m'en réjouis. Vous parlez de la personnalisation du parcours de chacun et avez insisté sur le fait qu'il ne fallait surtout pas appliquer des « réponses automatiques ». Je le souhaite de tout coeur également.

Des solutions existent : des structures publiques, des aides humaines collectives ou individuelles, des collectivités prêtes à se mettre autour de la table avec les associations. Il y a aussi des structures privées créées à l'initiative de parents, qui répondent vraiment aux besoins des enfants en situation de handicap. Je souhaite mettre ces parents à l'honneur. Ce sont eux qui savent, ce sont eux les mieux placés pour connaître les besoins de leur enfant, ce sont eux les plus motivés pour faire progresser leur enfant vers plus d'autonomie.

J'aimerais que l'on réfléchisse aux moyens de donner plus de place à ces parents, qui ont l'impression non seulement de se heurter à des murs mais aussi d'être mis de côté dans la prise en compte du handicap de leur enfant.

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Monsieur le ministre, je souhaite évoquer la situation des enfants sourds, que je connais particulièrement bien. Sur le site Éduscol, il est indiqué que chaque académie doit disposer, en 2017, d'un pôle d'enseignement des jeunes sourds (PEJS). Nous sommes en 2019 et il n'en existe que trois ou quatre : nous sommes donc loin du compte. Comment expliquer ce retard ? Par ailleurs, vous avez ouvert en 2010 un troisième concours au CAPES, réservé aux sourds. Or il vient d'être supprimé : pour quelle raison ?

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Monsieur le ministre, nous serons obligés de nous interrompre quelques minutes pour participer à un vote solennel dans l'hémicycle, mais je propose que nous écoutions, avant cela, l'ensemble des questions.

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Monsieur le ministre, j'aimerais faire quelques remarques générales avant de vous poser une série de questions aussi précises que possibles.

Vous avez dit que, historiquement, la question du handicap a toujours fait l'objet d'un consensus dans notre pays. Vous avez raison de le rappeler et nous devons tous garder cela à l'esprit. Cela nous aidera à corriger certaines des fautes qui ont été commises de part et d'autre, à parts égales, au cours des derniers mois.

Sur un sujet comme celui-ci, il faut que nous fassions collectivement preuve de beaucoup de modestie. Je ne nie pas qu'il y ait des évolutions positives, mais c'est le moins que la République puisse faire pour ces enfants et ces familles. Nous ne pouvons pas nous satisfaire de petites évolutions : nous devons être à la hauteur de l'enjeu considérable que constitue le handicap à l'école. Il m'est toujours difficile d'entendre des gens se satisfaire de situations fondamentalement insatisfaisantes. Je ne dis pas cela pour vous, ni pour nous, mais pour l'idée que nous nous faisons de la République et pour les valeurs républicaines que nous avons en partage.

Je voudrais aborder trois points, en commençant par la situation des AESH et des AVS. Pourriez-vous nous confirmer le montant des crédits de formation qui ont été alloués par la nation, sur le budget de cette année, à la formation des AESH ? Je vous ai déjà longuement interpellé sur ce sujet lors de l'examen du projet de loi de finances. Ces crédits ont été réduits de près de 42,5 %, puisqu'ils sont passés de 12,9 millions d'euros en 2018 à 7,5 millions en 2019. Je continue d'affirmer que cette évolution est tout à fait incompréhensible et qu'elle n'est pas cohérente avec l'intention que vous affichez de requalifier ces métiers. Vous avez réduit les crédits de 40 %, alors que vous avez recruté 4 500 AESH supplémentaires. Vous aviez évoqué l'idée de faire un point d'étape avant la rentrée de septembre pour déterminer le niveau de consommation de ces crédits : je souhaiterais donc en savoir plus.

Je souhaiterais que vous éclaircissiez le concept vague de « contrat robuste » pour les AESH. Pouvez-vous préciser à quoi cela correspond en droit du travail ? Pensez-vous à un CDI ? À l'assurance d'un CDI ? Ou seulement à un CDD qui passerait de un à trois ans ? Si tel est le cas, y voyez-vous une évolution significative en droit du travail ? J'aimerais que vous alliez au-delà du slogan et que vous indiquiez précisément dans quelle case du droit du travail entre le contrat dit « robuste ».

De la même manière, pouvez-vous nous dire combien d'AESH reçoivent une formation avant de prendre leur premier poste ? Lorsque nous avions eu ce débat, vous aviez donné des garanties, sans toutefois les inscrire dans la loi. Je souhaiterais donc connaître la proportion d'AESH qui ont une formation avant de prendre leur premier poste et la proportion de ceux qui ne reçoivent une formation qu'après avoir pris leur premier poste. Dans ce cas, quel est le délai ?

J'en viens à ma deuxième série de questions. Pouvez-vous nous dire combien d'enfants ne sont scolarisés ni en milieu ordinaire, ni en milieu spécialisé ? Pouvez-vous nous dire, aussi, combien d'enfants sont scolarisés moins de dix heures par semaine ? Je serais très inquiet s'il s'avérait que vous ne disposez pas de données chiffrées en la matière. Et, puisqu'on me reproche parfois d'exagérer, j'aimerais que vous m'indiquiez si, oui ou non, certains enfants sont scolarisés moins de cinq heures par semaine dans notre pays.

Je voudrais, pour finir, vous interroger au sujet des ULIS, car un point me paraît toujours obscur. Vous avez annoncé la création de cinquante ULIS supplémentaires à chaque rentrée scolaire. Pouvez-vous nous confirmer que c'est bien le cas et nous dire où nous en sommes ? D'autre part, dans les documents budgétaires que j'ai sous les yeux, il est indiqué que, pour faire fonctionner ces ULIS, 1 942 ETP d'accompagnants étaient attribués en 2018. En 2019, nous sommes restés à 1 942 ETP. Je souhaite donc savoir comment on peut créer cinquante ULIS en conservant le même nombre de personnels accompagnants.

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Monsieur le ministre, je souhaite d'abord vous interroger sur le sport handicap. Chacun sait que le sport est un facteur d'inclusion très important. Que comptez-vous faire, à la fois au regard de la formation des enseignants et du suivi des élèves en situation de handicap, pour que ces derniers puissent réellement pratiquer une activité physique et sportive en primaire et dans le secondaire ?

Ma deuxième question porte sur l'aspect qualitatif, dont vous avez parlé dans vos propos liminaires. Dans le projet de loi pour une école de la confiance, un amendement concernant les PIAL a été voté en commission mixte paritaire. Il permet d'intégrer aux PIAL des personnels gestionnaires des établissements médico-sociaux, mais également des personnels de santé. Pouvez-vous nous en dire un peu plus sur cette avancée significative ?

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Monsieur le ministre, vous avez annoncé très récemment, avec Mme Sophie Cluzel, plusieurs mesures en faveur de l'école inclusive. Je voulais vous interroger principalement sur les procédures de recrutement des nouveaux accompagnants : est-il envisageable, à terme, d'adapter leur niveau de diplôme au niveau d'études des enfants, pour prendre en compte le fait que le besoin d'accompagnement d'un enfant en primaire n'est pas le même qu'au collège ou au lycée ?

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Il se trouve que j'ai visité ce matin un PIAL de ma circonscription, et je dois avouer que mon regard sur les PIAL a complètement changé. J'ai enfin compris en quoi ils pouvaient être adaptés aux besoins de chaque enfant, notamment si notre ambition est de mener chacun d'eux vers l'autonomie. Cela dit, ce PIAL réunissait trois écoles formant un groupe scolaire. En milieu dense, il n'y a pas de difficulté de déplacement et le travail en équipe est facilité. Comment les PIAL peuvent-ils fonctionner dans des zones moins denses, par exemple dans des milieux ruraux, avec des temps de déplacement et des distances qui compliquent le travail en équipes ?

Comme mes collègues, je m'interroge également sur le statut des AESH : que signifie ce contrat « consolidé » ? J'ai moi aussi rencontré des collectifs d'AESH : ils estiment qu'un recrutement à « bac + 2 » serait un pas vers la professionnalisation.

On assiste par ailleurs, dans ma circonscription, à la fermeture d'écoles spécialisées, notamment pour les enfants sourds, et les parents s'en alarment. Comment expliquer ces fermetures ?

J'ai encore deux questions à vous poser. Quelle politique de l'éducation nationale envisagez-vous, du point de vue médico-social, pour que les PIAL fonctionnent au mieux ? Enfin, comment s'articulent la notification de la MDPH et les projets personnalisés de scolarisation (PPS) donnés par les professeurs référents ?

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Ma question s'adressait plutôt au ministre de l'agriculture, mais puisqu'il ne sera pas auditionné, c'est à vous que je l'adresse, monsieur le ministre. Des informations remontent du terrain au sujet des accompagnants des élèves en situation de handicap dans les lycées agricoles et les lycées maritimes. Ils n'ont pas les mêmes conditions de travail, ni le même statut et ils se posent beaucoup de questions sur les conditions d'exercice de leur métier. Est-il prévu d'harmoniser le statut des AESH dans tous les ministères concernés ?

Pour avoir vu de près, au cours des dernières années, la politique inclusive, je souscris tout à fait à l'idée qu'il faut des solutions souples, personnalisées et au plus près du terrain. La formation des enseignants doit, elle aussi, se faire au plus près du terrain, afin d'apporter des solutions concrètes.

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Monsieur le ministre, j'aimerais rentrer dans le dur. Vous nous dites, et nous vous croyons, que l'accompagnement mutualisé n'a pas vocation à faire disparaître l'accompagnement individualisé pour les enfants en situation de handicap. Comment, alors, tolérer que des inspections d'académie, comme celles que nous allons auditionner tout à l'heure au sujet des PIAL, nous disent que l'accompagnement mutualisé sera désormais la règle et l'accompagnement individualisé l'exception ? L'inspecteur IEN-ASH de Dieppe a dit exactement la même chose lorsque nous l'avons auditionné.

J'aimerais aussi vous entendre au sujet des PIAL. Sont-ils conçus comme un outil qui doit permettre d'améliorer et d'anticiper la prise en charge des enfants, en faisant en sorte que ce soient les AESH qui attendent les enfants, et non le contraire ? Ou bien – c'est ce que nous craignons –, sont-ils conçus comme des outils de rationalisation, voire de rationnement des moyens humains mobilisés ?

La séance, suspendue à dix-sept heures, est reprise à dix-sept heures dix.

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L'exercice auquel vous vous soumettez, monsieur le ministre, est plus acrobatique que le baccalauréat, car vous avez eu moins de temps que les candidats pour préparer votre réponse. (Sourires.)

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Jean-Michel Blanquer, ministre de l'Éducation nationale et de la Jeunesse

Je vais répondre aux questions dans l'ordre où vous me les avez posées, en commençant par vos questions, madame la présidente.

Sur l'amplification et l'accélération de la formation, j'ai déjà donné certains éléments de réponse. L'ouverture de la plateforme Cap École inclusive est vraiment un élément essentiel, car elle offrira des ressources de qualité immédiatement accessibles. Elle permettra également la géolocalisation des enseignants ressource. Cela signifie que tout professeur, tout acteur de l'éducation nationale pourra, grâce à cette géolocalisation, trouver un correspondant expérimenté susceptible de le conseiller.

Sur les quarante-huit heures forfaitaires de formation que doivent suivre les enseignants du premier degré, six seront consacrées à ces questions. J'ajoute que des formations sur l'école inclusive seront systématiquement inscrites dans les plans départementaux et dans les plans académiques de formation. Les AESH, comme les professeurs, doivent recevoir une formation d'au moins trois heures sur la question du positionnement et de six heures sur les connaissances de base relatives à l'engagement pédagogique, à quoi s'ajoutent six heures sur les connaissances de base relatives à l'engagement pédagogique et la formation de soutien et d'accompagnement des IEN-AESH. Voilà pour ce qui concerne la formation continue.

La réforme de la formation des professeurs amorce une grande évolution : la systématicité de la formation de tous les futurs professeurs. Au sein des INSPÉ, tous les futurs professeurs recevront une formation sur l'école inclusive. Nous définirons un référentiel de formation précis.

Notons, enfin, que le nombre de personnes ayant reçu une formation spécialisée est reparti à la hausse. Après des années de baisse, leur nombre était tombé à 1 293 en 2017, mais il est remonté à 1 397 en 2018 et il continuera d'augmenter.

Monsieur le rapporteur, vous m'avez, vous aussi, interrogé sur la formation, et précisément sur les moyens de remplacement. Nous avons créé, dans le budget pour 2019, 400 postes supplémentaires pour le remplacement dans le premier degré, de manière à avoir des moyens de remplacement largement à la hauteur des besoins. Vous avez évoqué des suppressions de postes dans le domaine médico-social à l'éducation nationale. Or ce n'est pas le cas. Il peut parfois y avoir des difficultés de recrutement, mais nous n'avons supprimé aucun poste médico-social.

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Si, dans les PEP76 : six ETP ont été supprimés. Des postes d'enseignant.

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Jean-Michel Blanquer, ministre de l'Éducation nationale et de la Jeunesse

J'examinerai ce point précis, même si, en l'occurrence, je pensais plutôt aux médecins et aux infirmières.

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Ce sont peut-être les postes de directeurs qui ont été transformés ?

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Jean-Michel Blanquer, ministre de l'Éducation nationale et de la Jeunesse

Je vais regarder. Peut-être même pourrons-nous vous apporter une réponse d'ici la fin de cette réunion.

Madame Brocard, je ne peux que vous donner raison au sujet des sigles. Nous sommes les héritiers d'une mauvaise tradition en la matière et nous n'avons pas amélioré les choses. Nous devons mobiliser notre intelligence collective pour trouver des noms qui aient un sens. Je prends souvent l'exemple de l'opération « Devoirs faits » : cette expression est immédiatement compréhensible. Nous devons effectivement limiter le recours aux sigles, même si certains d'entre eux sont entrés dans l'usage courant pour les familles : c'est par exemple le cas des MDPH et des ULIS. S'agissant des PIAL, nous pourrions nous en tenir à l'expression « pôle inclusif », tout simplement. En tout cas, nous devons veiller à ne pas compliquer davantage les démarches administratives.

D'une manière générale, nous devons nous efforcer de raisonner à partir des besoins de l'élève et de sa famille, alors qu'on a tendance, dans ce domaine comme dans d'autres, à plaquer sur le citoyen l'organisation administrative du système. C'est un vieux travers, qui concerne l'ensemble de l'organisation administrative française. C'est ce renversement de perspective que j'ai qualifié de révolution copernicienne : il n'est pas achevé à l'heure où je vous parle, mais je suis d'accord pour dire que ce doit être notre objectif. Nous avons essayé au maximum, pour la rentrée prochaine, de raisonner de cette façon.

Nous nous sommes imposé certaines règles afin d'aller dans ce sens. Je ne l'ai pas dit tout à l'heure, mais chaque département va être doté d'une cellule départementale sur le handicap. Or nous avons décidé que ces cellules devraient fournir une réponse aux familles dans les vingt-quatre heures. Toutes les familles pourront appeler leur cellule et obtenir une réponse quasi immédiate : même si on ne leur propose pas immédiatement une solution, elles auront au moins une idée de ce qui se profile.

Vous m'avez demandé comment donner plus de place aux parents. Ce que je viens de vous dire est un premier élément de réponse. Au sein des PIAL, nous ferons en sorte qu'un rendez-vous soit organisé avec eux avant la rentrée. Nous avons par ailleurs créé avec Mme Sophie Cluzel un comité de suivi national qui doit piloter la réforme et qui inclut les associations de parents d'élèves.

Madame Dubois, vous m'avez demandé pourquoi nous avions pris du retard dans la création de pôles d'enseignement des jeunes sourds. J'avoue que je n'ai pas de données exactes sous les yeux. Peut-être Mme Caraglio pourra-t-elle vous répondre sur ce point…

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Martine Caraglio, inspectrice générale de l'administration de l'éducation nationale et de la recherche, chargée de mission pour le handicap et l'inclusion

Je suis étonnée du chiffre que vous donnez, car la DGESCO m'informe à l'instant qu'il existe vingt PEJS, et non trois, comme vous l'indiquez. Le problème des PEJS est qu'ils vont de la maternelle à l'université et qu'il peut être difficile, sur un territoire étendu, de réunir dans un même lieu des enfants de niveaux très différents. Cela étant, il est vrai que les sourds signants souhaitent des lieux de rassemblement pour favoriser la communication des enfants.

Il existe d'autres modèles que le PEJS, peut-être plus intéressants : je pense au modèle d'inclusion totale des enfants sourds dans un établissement ordinaire, où les autres élèves apprennent la langue des signes. Dans ce cadre, il y a une vraie communication, notamment dans la cour de récréation. C'est le genre de dispositif que nous essayons de développer, car cela correspond vraiment à l'idée que nous nous faisons de l'école inclusive.

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Jean-Michel Blanquer, ministre de l'Éducation nationale et de la Jeunesse

Monsieur Pradié, vous m'avez posé de nombreuses questions. Nous avions déjà abordé certaines d'entre elles à l'occasion de l'examen du projet de loi pour une école de la confiance.

Je vous confirme que, dans la loi de finances pour 2018, 12,9 millions de crédits étaient consacrés à la formation des AESH et aux contrats aidés dédiés au handicap. Or nous n'avons dépensé, en exécution, que 7,5 millions d'euros. Il y a effectivement eu une légère baisse de dépense par rapport à 2017, puisqu'elle s'était alors élevée à 8,3 millions d'euros. Cela renvoie à la question plus large de la formation continue des personnels au sein du système éducatif. En effet, un nombre important d'AESH était autrefois en contrats aidés : cela peut expliquer en partie la diminution tendancielle dont je viens de parler. Le décret qui a été pris au milieu de l'année de 2018 et qui prévoit un minimum de soixante heures de formation pour les AESH a évidemment des effets sur les AESH qui sont recrutés depuis, mais il n'a pas eu d'impact sur la gestion de 2018.

Cela explique que la dotation pour 2019 ait été sincérisée, comme on dit, et ramenée à 7,5 millions d'euros. Mais, comme je vous l'ai dit au moment des débats, en application du principe de fongibilité des crédits hors titre II, il s'agit d'une dotation provisionnelle : nous l'ajusterons autant qu'il faudra en 2019, en fonction des besoins. Nous pourrons faire le point dans un an sur l'exécution du budget de 2019 : nous aurons peut-être dépensé 7,5 millions, comme prévu, mais peut-être davantage – 8, 9 ou 10 millions – si le besoin s'en fait sentir sur le terrain. J'insiste sur le fait qu'il n'y a pas eu de diminution, mais un ajustement, au plus près des besoins du terrain.

Vous me demandez par ailleurs en quoi le contrat AESH peut être qualifié de robuste. Vous avez en partie répondu à la question, en évoquant les contrats aidés, les contrats d'un an et de trois ans et les CDI. Un processus est en cours : nous serons passés, en trois ans, d'un système qui était quasi exclusivement fondé sur les contrats aidés à un système où il n'y aura plus de contrats aidés. Si vous me permettez l'expression, il y a donc une « déprécarisation » accélérée. Ce qui ne s'est pas passé en dix ans vient de se passer en trois ans.

Tout le monde reconnaît qu'un effort important a été fait par la nation durant les dix premières années qui ont suivi l'adoption de la loi de 2005, mais cela s'est uniquement traduit par la création de contrats aidés. Ils étaient moins coûteux pour l'État, plus précaires pour les intéressés et moins intéressants pour les personnes concernées, les élèves et leurs familles. Passer d'un contrat de quelques mois à un contrat de trois ans, c'est clairement plus solide – si vous n'aimez pas le mot « robuste ». Le fait que l'on puisse, après deux contrats de trois ans, obtenir un CDI, nous apparaît également être une solidification du contrat. Nous pouvons désormais proposer de vraies carrières aux AESH, avec une vraie formation et la perspective d'un CDI. Nous créons des postes et nous proposons des contrats beaucoup plus solides : c'est un double progrès, que nul ne peut nier.

Vous me demandez combien d'élèves sont dans l'attente d'une aide individuelle ou mutualisée : ils étaient 14 980 à la fin de l'année dernière, soit 8,4 % des 340 000 enfants en situation de handicap. Ce n'est évidemment pas satisfaisant, mais il est évident que cette proportion va baisser, avec les moyens supplémentaires que nous mettons.

Je suis d'accord avec vous lorsque vous dites qu'il n'est pas normal que l'on ne puisse pas dénombrer précisément les enfants qui ne sont pas scolarisés et ceux qui le sont en milieu ordinaire. Il y a cependant un paradoxe à saluer en permanence ce qui a été fait entre 2005 et 2015, à présenter cette période comme une sorte d'âge d'or de l'école inclusive, et à critiquer ce qui s'est passé entre 2015 et 2018, alors que nous sommes les héritiers de politiques qui n'ont pas développé de systèmes d'information adéquats en matière d'aide aux élèves en situation de handicap.

Nous amorçons cette modernisation, qui est absolument indispensable – je pense que nous pouvons tomber d'accord sur ce point. Elle est enclenchée avec les MDPH : Sophie Cluzel s'est exprimée publiquement à ce sujet et a annoncé la création d'un nouveau système d'information harmonisé sur l'ensemble du territoire. Il va permettre d'enclencher, en 2020, le système d'information de l'éducation nationale, qui sera compatible avec celui des MDPH.

Madame la présidente, monsieur le rapporteur, je reconnais que nos systèmes d'information ne sont pas satisfaisants et qu'il faudrait avoir les chiffres en temps réel, au lieu de collecter des données à l'échelle académique. Ce processus est enclenché, mais le développement d'outils numériques est toujours complexe. S'agissant des MDPH, cela se fait évidemment en relation avec les départements.

Vous m'avez interrogé aussi sur le nombre total des AESH affectés en ULIS. Ils sont 2 597 AESH-co – pour « collectif » – auxquels il faut ajouter 1 059 AESH « non co » et 1 022 contrats aidés, soit 4 677 ETP d'AVS en 2018. C'est le nombre que je vous ai donné lors du débat en séance – j'avais peut-être arrondi à 4 700. Compte tenu du fait que le taux d'encadrement en ULIS est de 0,65 AESH par élève, la création de 50 ULIS a créé un besoin de 33 ETP supplémentaires, que nous avons évidemment prévu.

Pour répondre à Mme Rilhac, la politique « handisport » menée par la ministre des sports inclut une série d'initiatives, conduites notamment par l'Union sportive de l'enseignement de premier degré (USEP) et l'Union nationale du sport scolaire (UNSS), qui illustrent la personnalisation des parcours. Notre logique est celle de l'école inclusive, c'est-à-dire de la participation, même si parfois nous développons des dispositifs spécifiques – je pense au développement du jeu d'échecs, considéré comme un sport cérébral. Les sports de l'esprit permettent à des handicapés ne pouvant pas faire physiquement de sport d'intégrer une dimension sportive à leur quotidien.

Nous travaillons également avec les collectivités locales. Le ministère de l'éducation nationale a commencé à monter une cellule sur le bâti scolaire avec la Caisse des dépôts et consignations, afin de pouvoir conseiller les collectivités locales en matière d'équipements handisport.

Enfin, les PIAL ont été conçus pour renforcer la coopération avec les institutions médico-sociales, de façon à mieux associer les professionnels de santé et les gestionnaires des établissements et des services médico-sociaux. Nous le notifions dans les PPS. L'amendement a permis de consacrer législativement les conventions qui vont institutionnaliser les relations entre établissements scolaires et établissements médico-sociaux, même si cela existe déjà sur le terrain.

Madame Piron, certains AESH peuvent en effet se spécialiser dans l'école primaire et suivre des formations qui leur sont plus adaptées, d'autres dans l'enseignement secondaire. Notre approche est pragmatique et personnalisée. Certains AESH suivront un élève au collège, d'autres ne le feront pas. Un PIAL est très souvent un réseau d'établissements, qui comprend des écoles et des collèges. Il est donc possible d'y avoir des AESH qui travaillent à l'école et au collège. C'est l'intérêt du PIAL de pouvoir gérer cette situation, dans l'intérêt de l'élève et en tenant compte des compétences et des aspirations des AESH.

Madame Rubin, je vous remercie pour votre témoignage sur les PIAL, car je n'ignore pas les craintes qu'ils ont suscitées. Une logique de réseau – danoise ou italienne – y est à l'oeuvre. À Garges-lès-Gonesse, il y a quelques jours, j'ai vu avec Sophie Cluzel ce que vous venez de décrire. Quand une grande distance sépare les écoles d'un même PIAL, cela peut poser des problèmes, surtout dans les zones moins denses, même s'il est tenu compte des transports au moment de le constituer. Dans la plupart des cas, un PIAL dispose d'un certain nombre d'AESH, qui sont affectés dans les différentes parties du réseau, en essayant d'éviter un excès de transport, même si les regroupements pour formation peuvent poser ces problèmes pratiques.

Vous trouvez souhaitable que les AESH aient un bac + 2. Je pense que le contrat est un moyen pour eux d'améliorer en permanence leurs compétences, et que la validation des acquis de l'expérience devient un enjeu. Des AESH recrutés avec des contrats aidés, qui n'avaient pas le niveau bac + 2, pourront, grâce à des formations, atteindre un tel niveau. Je ne suis pas certain qu'il faille le poser comme une barrière à l'entrée, mais viser plutôt une formation continue et une validation des acquis de l'expérience.

Vous avez mentionné des fermetures de structures spécialisées dans votre département. Si vous faites référence à la structure pour les enfants sourds, dont on m'a plusieurs fois parlé, d'après ce que j'ai compris, il n'y avait presque plus d'élèves, alors qu'une structure voisine pouvait les accueillir.

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Martine Caraglio, inspectrice générale de l'administration de l'éducation nationale et de la recherche, chargée de mission pour le handicap et l'inclusion

Je confirme qu'aucun CAPES n'a été supprimé. Il y a deux postes à la session 2019 du CAPES externe de langue des signes française (LSF).

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Jean-Michel Blanquer, ministre de l'Éducation nationale et de la Jeunesse

La coopération entre l'éducation nationale et le secteur médico-social est en voie d'accentuation, grâce aux PIAL mais aussi à l'échelle nationale. J'ai fait référence tout à l'heure à la réunion avec les directeurs d'ARS et à la coopération très fluide existant entre Sophie Cluzel, Agnès Buzyn et moi-même sur ces enjeux : notre objectif est d'offrir à l'élève une plus grande fluidité entre l'éducation nationale et le médico-social. C'est pourquoi il est très important d'être capables d'avoir des classes spécialisées à l'intérieur de l'école. Dans un collège modèle de l'académie de Poitiers, où la structure médico-sociale est pleinement incluse dans le collège, j'ai vu que les élèves pouvaient passer du temps dans cette structure spécialisée, du temps en classe et du temps en sport, avec une grande fluidité. Ces modèles de bon fonctionnement sont nos points de repère, pour avancer dans ce sens, à toutes les échelles.

Madame Bannier, les lycées agricoles et maritimes ne relèvent pas de ma compétence, même si nous en parlons. Beaucoup de choses évoluent dans l'éducation nationale et, par un effet de symétrie, dans les autres ministères. Jusqu'à cette année, le ministère de l'agriculture a appliqué strictement l'article 6 bis de la loi de 1984, lequel dispose que les six années nécessaires à la transformation du CDD en CDI doivent s'effectuer au sein d'un même département ministériel. Désormais, il appliquera l'article L. 971-7 du code de l'éducation, lequel crée un régime de recrutement propre aux AESH, qui pourront être recrutés en CDI au ministère de l'agriculture, tout comme pourront être recrutés des agents ayant exercé au ministère de l'éducation nationale. Cela permettra au ministère de l'agriculture de recruter plus de CDI et d'offrir une fluidité entre les deux ministères favorable aux AESH.

Je ne peux qu'être d'accord avec votre volonté de mener la formation des enseignants au plus près du terrain. C'est d'ailleurs bien l'impulsion qui a été donnée. Dans l'exemple de Garges-lès-Gonesse, c'est exactement ce qui se passe : nous concevons, à l'échelle du PIAL, des sessions de formation dans les établissements, mêlant les enseignants aux AESH, ce qui permet en plus de faire naître un esprit d'équipe.

S'agissant des questions de M. le rapporteur sur l'accompagnement individualisé, je n'ai jamais affirmé que la mutualisation était le principe, et l'individualisation l'exception. Je vous le redis solennellement. Dans une maison qui compte un million d'agents, de temps en temps, il peut arriver que la parole de l'un d'entre eux ne soit pas exactement celle du ministre – le contraire me vaudrait d'ailleurs un procès en autoritarisme.

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Pas du tout ! C'est la République une et indivisible ! (Sourires.)

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Jean-Michel Blanquer, ministre de l'Éducation nationale et de la Jeunesse

Je vous remercie. Il est en effet souhaitable que notre approche soit marquée par une certaine unité. Le mot-clé, c'est le pragmatisme : dans certains cas, l'aide sera individualisée ; dans d'autres, mutualisée. L'aide individualisée n'est pas, par principe, ce qu'il y a de mieux pour chaque enfant – d'ailleurs, personne ne le prétend –, mais elle n'est pas non plus l'exception. Nous partons de l'enfant et de ses besoins pour définir l'aide la plus adaptée. Le PIAL n'est donc pas un outil de rationalisation budgétaire, laquelle n'est pas un crime en soi, mais de personnalisation du parcours de l'élève.

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Monsieur le ministre, j'aimerais vous poser une question au nom de notre collègue Marc Delatte. Nous savons l'importance du dépistage précoce pour corriger plus rapidement certains effets du handicap chez les jeunes enfants. Ne pourrait-on pas associer les étudiants en santé à cet effort de prévention ?

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Monsieur le ministre, il semblerait que vous ayez oublié de répondre à l'une de mes questions concernant l'articulation entre les notifications des MDPH et le fait que ce soient les professeurs référents qui doivent définir le fameux PPS.

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Monsieur le ministre, je vous ai demandé si un point d'étape avait été fait sur les crédits de formation, après six mois d'exercice budgétaire. Je vous ai entendu sans pouvoir partager votre point de vue. On pourrait considérer qu'une baisse de 40 % c'est un ajustement, un exercice de sincérité, un apurement… Pour moi c'est une baisse, d'autant que le nombre des personnels augmente. Je le dis sans esprit de polémique : vous vous fondez sur des données de consommation des crédits de formation relatives à un moment où l'on proposait mal et peu ces formations. Qui veut tuer son chien l'accuse de la rage. Vous ne pouvez pas, pour réévaluer les crédits de formation, régler votre curseur sur une mauvaise pratique, comme je tente de vous le dire depuis quelques mois. Dans la mesure où vous nous annoncez, avec sincérité j'imagine, pouvoir réajuster, il me semble qu'il vaut mieux le faire maintenant que dans un an. Où en sommes-nous dans la consommation de ces quelque 5 millions d'euros ?

Pourriez-vous également nous préciser combien d'enfants sont scolarisés moins de dix heures par semaine en France ? Les MDPH ne disposant pas de ces éléments statistiques, il est inutile d'aller les chercher auprès d'elles. Je n'imagine pas que le ministre de l'éducation nationale n'ait pas ces chiffres. Mais vous avez raison, monsieur le ministre, de trouver cette absence symptomatique de l'approche française du handicap. Il aurait fallu s'occuper de la question des statistiques il y a bien des années déjà.

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Monsieur le ministre, vous m'avez remis en arrivant une version illustrée des Fables de La Fontaine. Je vérifierai d'ailleurs si ma fille, qui est en CM2, et toutes les écoles de ma circonscription ont eu le plaisir de la recevoir également. Tout en vous écoutant, j'ai relu l'une des fables les plus connues, Le Lièvre et la Tortue, que je ne vous citerai pas, puisque j'imagine que vous la connaissez par coeur. À propos des PIAL, sans retour d'expérience, sans consolidation de l'expérimentation, « de quoi vous sert votre vitesse » ? Comment justifiez-vous de développer à toute blinde un dispositif nécessitant d'être expertisé ? Pourrez-vous nous transmettre la note de quinze pages que l'IGEN et l'IGAENR ont présentée sur ce sujet ?

Monsieur le ministre, vous êtes redoutable et brillant : il faut s'affûter avant de vous auditionner ! S'agissant des AESH, les chiffres que vos services nous ont transmis montrent qu'en 2018-2019, sur 56 634 personnes bénéficiaires d'un CDD, moins de 1 % bénéficient d'un contrat de trois ans, 73 % ont été recrutés dans le cadre d'un contrat d'un an, et 22 % pour une durée plus courte. Comment allez-vous franchir la marche colossale qui mène au contrat de trois ans ? Dans notre société, tous ceux qui s'occupent de l'humain – aides à domicile, aides-soignantes, infirmières, AESH, etc. – sont en manque de reconnaissance, leurs métiers étant souvent des variables d'ajustement, ce qui les conduit fréquemment à la précarité. Envisagez-vous d'ouvrir assez rapidement, avec les organisations syndicales, une négociation à ce sujet ? Un premier pas ne consisterait-il pas à prendre en compte toutes les années réellement effectuées ? Certains AESH travaillent depuis plus de six ans ! Pourquoi ne pas prendre en compte les années déjà effectuées, pour donner un premier signe en vue du CDI, qui serait un premier pas vers l'obtention d'un statut ?

Enfin, d'après les chiffres dont nous disposons, l'effort dans la formation spécialisée est indéniable : 1 397 personnes ont été formées en 2018. Mais, en 2004, il y en avait eu 2 482. S'agissant des PIAL, nous auditionnerons dans quelques minutes des personnels intervenant dans l'académie de Créteil. La première phrase que j'ai soulignée est : « L'accompagnement humain mutualisé est devenu la compensation la plus prescrite, tandis que l'accompagnement humain individualisé est devenu l'exception. » De nombreux témoignages vont dans le même sens. Transmettre aux IEN, aux DASEN et aux coordinateurs des AESH la parole du ministre me semblerait de bon aloi.

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Jean-Michel Blanquer, ministre de l'Éducation nationale et de la Jeunesse

Pour ce qui est du dépistage précoce, grâce à l'entrée obligatoire à l'école à trois ans, nous pouvons envisager une visite médicale systématique à trois et quatre ans. Nous attendons un progrès considérable de cette approche. Comme l'a dit le secrétaire d'État Adrien Taquet, lors de la séance des questions au Gouvernement tout à l'heure, la protection maternelle et infantile (PMI) doit collaborer avec l'éducation nationale, ce qui facilitera le développement du dépistage. Ce projet est en cours d'élaboration. Le défi est de taille, étant donné la démographie française. Avec Agnès Buzyn, nous nous sommes fixé l'objectif de réussir à faire passer cette visite médicale à tous les enfants, à plus forte raison dans les territoires défavorisés. Nous privilégions la collaboration entre la PMI et l'éducation nationale pour y parvenir. Nous verrons par la suite comment compléter le processus, éventuellement grâce à ce type de propositions, madame Dubois, qui n'a pas été envisagé pour l'instant.

S'agissant de l'articulation entre les MDPH et les PPS, une mise en cohérence est prévue. L'enseignant référent est l'interlocuteur des familles et fait le lien avec la MDPH. C'est lui qui aide les familles à remplir le GEVA-Sco, notre outil d'évaluation des besoins transmis à la MDPH. En revanche, il ne réalise pas le PPS, qui relève de la MDPH, mais peut aider à sa réalisation. Notre but est d'éviter une distorsion entre les préconisations de la MDPH et ce qui se passe dans l'établissement, en renforçant cette cohérence, dont le PPS est le vecteur majeur.

Monsieur Pradié, je comprends que vous soyez focalisé sur les crédits de formation, dont nous pourrons vous fournir l'état de consommation. Mais je voudrais réaffirmer très clairement que les crédits de formation seront à la hauteur des besoins.

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Ce n'était pas ma question ! Quel est le niveau de consommation de ces crédits ?

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Jean-Michel Blanquer, ministre de l'Éducation nationale et de la Jeunesse

Vous ne semblez pas avoir envie que ce soit votre question, mais c'est ma réponse. Vous me donnez le sentiment, même si je peux me tromper, de vouloir démontrer que nous voulons faire des économies sur la formation. Il n'en est rien. L'effort de sincérisation budgétaire nous offre un socle pour réaliser la formation, que nous sommes capables d'ajuster en fonction des besoins. Nous sommes ambitieux et ne voulons pas d'une formation au rabais, sans quoi je n'aurais pas dit tout ce que j'ai dit précédemment.

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Jean-Michel Blanquer, ministre de l'Éducation nationale et de la Jeunesse

Je n'ai pas l'état de la consommation des crédits sur moi, mais nous pourrons vous fournir cette information prochainement. En tout état de cause, le suivi se fait académie par académie, en fonction des besoins.

Comme je vous l'ai dit tout à l'heure, notre système ne permet pas de savoir combien d'enfants sont scolarisés moins de dix heures par semaine. Il peut exister des enquêtes a posteriori qui le font académie par académie. Ce mécanisme, bien trop artisanal, doit changer. La modernisation du système d'information commencera par les MDPH et se poursuivra avec l'éducation nationale.

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Jean-Michel Blanquer, ministre de l'Éducation nationale et de la Jeunesse

Ce sont les agrégations des données par académie.

M. Sébastien Jumel, rapporteur, donne un document à M. Jean-Michel Blanquer.

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Je me transforme en collaborateur du ministre… juste pour l'occasion ! (Sourires.)

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Jean-Michel Blanquer, ministre de l'Éducation nationale et de la Jeunesse

Sur 185 563 élèves en situation de handicap suivis, 161 340 l'étaient à temps complet, soit 87 %, 12 688 pour 2,5 à 4 journées, soit 7 %, 9 113 pour 1,5 à 2 journées, soit 5 %, et 2 422 pour 0,5 à 1 journée, soit 1 %. Je vous remercie pour ces chiffres, monsieur le rapporteur.

Je vous remercie également d'avoir cité Le Lièvre et la Tortue, la fable qui m'était également venue à l'esprit quand M. Pradié avait fait référence à La Fontaine. Nous sommes toujours le lièvre ou la tortue d'un autre… Certains nous reprochent notre excès de rapidité, d'autres notre excès de lenteur. Monsieur le rapporteur, vous semblez nous reprocher d'aller trop vite sur les PIAL. Néanmoins, ce sont eux qui vont nous permettre d'améliorer la formation, en la rapprochant du terrain, comme vous nous l'avez demandé. J'ai tendance à penser que, dans la mesure où nous les avons déjà expérimentés, nous sommes dans une situation d'équilibre. Pour répondre à votre demande, nous allons vous fournir la note de l'IGEN et IGAENR de février dernier. L'expérimentation qui a eu lieu dans l'académie d'Aix-Marseille a été positive de tous les points de vue – élèves, familles, accompagnants et enseignants. C'est sur cette base que nous lançons une deuxième phase, qui sera éventuellement suivie d'une troisième.

Vous nous avez dit que moins de 1 % des AESH étaient à plein temps. Il me semble, en réalité, que, même s'il est faible, le taux est supérieur. C'est l'un des problèmes de la situation actuelle. Nous souhaitons aller vers plus de temps complets, en fonction, bien sûr, du désir des AESH. Nous pensons que, dès l'année prochaine, un tiers des AESH pourraient travailler à temps complet, notamment grâce aux PIAL et aux accords conclus avec les collectivités locales.

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Le taux de 1 % concerne les AESH sous CDD de trois ans.

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Jean-Michel Blanquer, ministre de l'Éducation nationale et de la Jeunesse

Notre objectif est bien évidemment la généralisation des contrats de trois ans. Le basculement se fera l'an prochain, qui verra les derniers emplois aidés, avant la rentrée 2020, où tous les AESH bénéficieront de contrats de trois ans. Ces questions de ressources humaines sont étudiées avec les organisations syndicales.

Le fait que l'aide soit mutualisée ou individualisée dépend aussi des MDPH. Les réalités de l'académie de Créteil doivent correspondre à ce que les MDPH ont préconisé. Je répète qu'il n'y a pas eu de consignes pour généraliser la mutualisation.

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Monsieur le ministre, je vous remercie pour toutes vos réponses, qui ont été les plus honnêtes et sincères possible. C'est un sujet très difficile, un défi formidable à relever pour notre société. Nous sommes là parce que nous voulons tous y parvenir. Les transformations en cours, qui semblent majeures, même si elles paraissent un peu rapides à certains, semblent ouvrir une nouvelle étape dans la scolarisation des élèves en situation de handicap. J'espère qu'un jour on ne parlera même plus de scolarisation des élèves en situation de handicap, mais simplement d'école.

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Monsieur le ministre, je souhaite à mon tour vous remercier pour la qualité de nos échanges. Nous nous sommes fixé comme objectif de publier notre rapport à la mi-juillet. Il va sans dire que je me ferai un honneur, en compagnie de la présidente, de vous le remettre, en espérant qu'il saura nourrir vos réflexions, ainsi que les décisions à venir, sur un sujet dont les membres de la commission ont dès le début estimé qu'il ne devait pas faire l'objet de politique politicienne. Nous ne devions avoir qu'une seule chose en tête : le témoignage de Sami, que j'ai cité en introduction, de tous ces enfants et de tous ces parents qui ont besoin d'être respectés, reconnus et pris en compte par la République.

L'audition s'achève à dix-sept heures cinquante.

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Membres présents ou excusés

Réunion du mardi 18 juin 2019 à 16 heures 15

Présents. – Mme Géraldine Bannier, Mme Blandine Brocard, Mme Jacqueline Dubois, Mme Marianne Dubois, Mme Nathalie Elimas, M. Olivier Gaillard, M. Sébastien Jumel, Mme Catherine Osson, Mme Béatrice Piron, M. Aurélien Pradié, Mme Cécile Rilhac, Mme Sabine Rubin

Excusés. - M. Christophe Bouillon, M. Bertrand Bouyx

Assistait également à la réunion. - Mme Florence Provendier