Commission d'enquête sur l'inclusion des élèves handicapés dans l'école et l'université de la république, quatorze ans après la loi du 11 février

Réunion du jeudi 16 mai 2019 à 15h30

Résumé de la réunion

Les mots clés de cette réunion

  • AESH
  • PIAL
  • ULIS
  • accompagnant
  • collège
  • enseignant
  • individuel
  • pédagogique
  • équipe
Répartition par groupes du travail de cette réunion de commission

  France Insoumise    PCF & ultramarins    En Marche    MoDem  

La réunion

Source

Jeudi 16 mai 2019

L'audition débute à quinze heures trente.

Présidence de Mme Jacqueline Dubois, présidente de la commission d'enquête

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La commission d'enquête sur l'inclusion des élèves handicapés dans l'école et l'université de la République, quatorze ans après la loi du 11 février 2005, procède à l'audition de Mmes France Mochel et Caroline Moreau Fauvarque et MM. Pierre Naves, Marc Rolland et Yannick Tenne, auteurs du rapport conjoint de l'Inspection générale de l'administration de l'éducation nationale et de la recherche (IGAENR), de l'Inspection générale des affaires sociales (IGAS), et de l'Inspection générale de l'éducation nationale (IGEN) sur « L'évaluation de l'aide humaine pour les élèves en situation de handicap ».

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Mes chers collègues, nous achevons cette séquence d'auditions en accueillant les auteurs du rapport sur « L'évaluation de l'aide humaine pour les élèves en situation de handicap », publié en juin 2018 par l'Inspection générale des affaires sociales (IGAS), l'Inspection générale de l'éducation nationale (IGEN) et l'Inspection générale de l'administration de l'éducation nationale et de la recherche (IGAENR).

Nous recevons donc Mme France Mochel et M. Pierre Naves, membres de l'IGAS, Mme Caroline Moreau-Fauvarque et M. Yannick Tenne, inspecteurs généraux de l'éducation nationale, et M. Marc Rolland, inspecteur général de l'administration de l'éducation nationale et de la recherche. Mesdames et messieurs, je vous souhaite la bienvenue.

Votre rapport conjoint dresse un certain nombre de constats, en particulier sur les inégalités territoriales dans les modalités d'allocation de l'aide humaine aux élèves en situation de handicap et dans le suivi des parcours de scolarisation de ces élèves.

Il formule également des propositions, comme l'augmentation du nombre d'enseignants référents pour arriver à une cible de 130 à 160 élèves suivis par chacun d'eux, ou la création de « pôles d'établissements » dotés d'un certain nombre d'accompagnants des élèves en situation de handicap (AESH) et organisant l'intervention régulière de professionnels libéraux et du secteur médicosocial – mesure qui annonçait les pôles inclusifs d'accompagnement localisés (PIAL).

Nous serions très désireux d'en savoir davantage. Aussi vais-je vous donner la parole. Mais auparavant, conformément aux dispositions de l'article 6 de l'ordonnance du 17 novembre 1958, vous devez prêter serment, devant cette commission d'enquête, de dire la vérité, toute la vérité, rien que la vérité.

Mme Mochel, M. Naves, Mme Moreau-Fauvarque, M. Tenne et M. Rolland prêtent successivement serment.

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Merci d'avoir répondu à notre invitation et d'avoir, avec votre rapport, que j'ai lu attentivement, contribué à éclairer les différents ministères et la représentation nationale sur une situation bien difficile à évaluer. Elle l'est à tel point que l'on a déclenché une mission d'inspection pour tenter de dresser un diagnostic précis de l'aide humaine réservée aux enfants en situation en handicap.

Nous allons vous écouter attentivement présenter la synthèse de votre rapport. Puis nous tenterons de définir ensemble les leviers immédiats et futurs qu'il serait possible de mobiliser pour améliorer la situation.

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Pierre Naves, membre de l'Inspection générale des affaires sociales (IGAS)

Nous avons travaillé longtemps, près de six mois, tous les six, à la rédaction de ce rapport, pour lequel nous avons fait des déplacements sur le terrain. Nous connaissons bien, les uns et les autres, le sujet de la scolarisation des enfants handicapés. Il n'est d'ailleurs pas rare, monsieur le rapporteur, qu'il soit au coeur de missions d'inspection générale. Des rapports sur ce thème sont produits régulièrement, pratiquement une fois par an. Nous devrions donc bien connaître la situation mais, comme vous avez eu raison de le souligner, elle est très compliquée, et tout d'abord parce qu'il est difficile de connaître le nombre exact d'enfants handicapés en France.

Actuellement, seule une reconnaissance administrative permet de savoir qu'un élève est porteur d'un handicap. Parce qu'ils estiment qu'un enfant connaît une difficulté telle qu'elle pourrait être reconnue comme un handicap, des parents ou des enseignants déposent une demande. Compte tenu de la nature humaine de l'expertise et de la diversité des pratiques, il n'existe pas de normes précises permettant de trancher. La commission des droits et de l'autonomie des personnes handicapées (CDAPH) est seule à décider et, nous l'avons constaté, en fonction des personnalités et des départements, les règles appliquées sont différentes.

Pour complexifier le tableau, les plans d'accompagnement personnalisé (PAP), mis en place il y a trois ans, nécessitent l'agrément de la médecine scolaire, mais certains départements ont décrété que les médecins de l'éducation nationale, en nombre très insuffisant – comme l'a d'ailleurs montré un rapport conjoint de l'IGAENR, de l'IGEN et de l'IGAS, peu diffusé à ce jour –, n'avaient pas de temps à leur consacrer.

La lettre de mission à l'origine de ce rapport dressait le constat suivant : « De plus en plus d'enfants handicapés. De plus en plus de recours aux auxiliaires de vie scolaire (AVS). » Plusieurs questions en découlaient naturellement – Pourquoi ? Que font les maisons départementales des personnes handicapées (MDPH) ? Que fait le secteur médicosocial ? –, auxquelles nous avons tenté de répondre.

Notre travail nous a conduits à constater de réels dysfonctionnements. Je pense, pour commencer, aux élèves en attente d'AESH. Malgré la décision qui reconnaît à un enfant le droit de bénéficier d'une assistance et d'être accueilli dans un institut médico-éducatif (IME), il s'écoule parfois jusqu'à trois ans avant qu'il n'obtienne une place.

Certaines situations ne sont pas normales non plus du côté des enseignants. Ils font parfois face à des classes très hétérogènes et peinent à prendre en compte les besoins de certains enfants.

Dans le secteur médicosocial, en revanche, le nombre de places offertes aux enfants handicapés a plutôt tendance à augmenter – ne voyez dans ce constat aucun parti pris du représentant de l'IGAS que je suis !

Alors, d'où viennent les difficultés ? Nous les décrivons dans notre rapport et nous abordons la question de la formation des AESH. Nous identifions, en particulier, un effet systémique : une demande d'aide pour un enfant est déposée, elle chemine, finit par aboutir, ce qui conduit à des classes avec de plus en plus d'enfants handicapés, souvent deux ou trois.

Mais de vrais succès existent également, que nous soulignons. Les unités localisées pour l'inclusion scolaire (ULIS), qui proposent un nouveau modèle, sont l'un d'eux. J'ai personnellement travaillé sur ces structures il y a plus de vingt ans. Elles étaient alors très peu nombreuses et, d'ailleurs, on parlait plutôt de classes pour l'inclusion scolaire (CLIS). Les ULIS d'aujourd'hui fonctionnent pleinement. Elles accueillent, pendant des temps de regroupement, des élèves handicapés scolarisés en classe ordinaire, dont elles animent la prise en charge. À l'école, au collège et au lycée, les ULIS permettent un excellent accompagnement et se développent.

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Yannick Tenne, inspecteur général de l'éducation nationale (IGEN)

Plusieurs points nous ont paru importants lors de la conceptualisation de ce rapport. Compte tenu de la mission qui nous était fixée, il devait se centrer avant tout sur l'aide humaine, mais nous l'avons volontairement élargi à l'école inclusive. Il nous est apparu, en effet, que la loi de 2005 avait transformé les principes de l'accueil des élèves en situation de handicap dans le système éducatif, et nous avons jugé important de faire le lien entre les réponses apportées, avec les MDPH et l'accompagnement humain, et les attentes à l'égard de l'école en tant que telle.

Nous évoquons, dans le rapport, le passage de l'intégration scolaire à l'inclusion scolaire. La trame essentielle de notre travail réside dans ce possible passage. Comme l'a indiqué Pierre Naves, nous avons identifié certaines réussites. L'augmentation forte du nombre d'enfants en situation de handicap s'est accompagnée d'une augmentation tout aussi forte du nombre d'accueils en scolarité ordinaire.

Nous avons toutefois constaté la complexité de cette scolarisation, à l'école et hors de l'école, et la difficulté pour les parents d'accompagner leur enfant dans le parcours scolaire. Celui-ci est humainement éprouvant pour les familles et pour tous les acteurs qui y prennent part.

Nous avons souhaité établir des lignes de cohérence entre l'accompagnement humain, principalement individualisé, pour des raisons structurelles, et des solutions plus diversifiées. Un équilibre doit être trouvé entre l'accompagnement individuel et l'accompagnement collectif. Pour mettre fin à leur opposition, plusieurs mesures sont à conjuguer, dont certaines apparaissent dans le plan d'action sur l'école inclusive présenté par M. Jean-Michel Blanquer et par Mme Sophie Cluzel. Ces mesures sont notamment le développement des ULIS et des PIAL, et la définition d'une nouvelle approche sur le statut des AESH.

Notre rapport expose un scénario global et aborde la place des enseignants référents et la question de l'autonomie donnée aux établissements en termes de moyens pour répondre plus rapidement aux demandes des parents. Il propose, dans la partie sur le pilotage, le renforcement des liens entre les différents partenaires.

Nous avons fait le choix de conserver les principes de la loi de 2005. Pratiquement vingt après son adoption, chacun le constate, l'application de ce texte soulève des difficultés, mais certains de ses principes restent importants, en particulier la recherche d'une collaboration et de complémentarités entre l'éducation nationale et ses différents partenaires. Le rapport définit le rôle des établissements médicosociaux dans la perspective de l'école inclusive.

Nous avons conscience que nos recommandations sont plus simples à formuler qu'à mettre en oeuvre, mais elles ont avant tout pour but de fixer une direction.

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Marc Rolland, inspecteur général de l'administration de l'éducation nationale et de la recherche (IGAENR)

J'aimerais compléter ce que viennent de dire mes deux collègues en soulignant la convergence quasi parfaite à laquelle nous avons abouti tous les six au terme de la rédaction de ce rapport. C'est loin d'être toujours le cas lorsqu'une mission réunit un grand nombre d'intervenants de tutelles différentes.

La loi de 2005 a été, en effet, une avancée majeure et s'est traduite par une meilleure inclusion scolaire des élèves en situation de handicap. Il n'en reste pas moins vrai, comme l'affirme le texte de présentation de cette commission d'enquête, qu'une phase II de l'inclusion scolaire est aujourd'hui nécessaire.

La première partie du rapport, nous en avons conscience, est sans doute un peu sommaire et simpliste, mais elle n'était pas directement au coeur de notre sujet, que nous avons volontairement élargi, comme l'a précisé Yannick Tenne. Il nous a également paru important d'indiquer les spécificités des différents types de handicaps.

Du point de vue de l'accompagnement, la loi de 2005 traite essentiellement la question de la compensation du handicap. L'aide humaine vise à le compenser et, dans les faits, y parvient souvent, en particulier pour les handicaps moteurs et sensoriels. En revanche, des progrès importants sont attendus dans le système éducatif en matière d'accessibilité pédagogique.

Environ 80 % des élèves en situation de handicap scolarisés souffrent de troubles du langage et de l'apprentissage, les troubles « dys », qui nécessitent la création de dispositifs favorisant le travail en équipe et l'articulation entre les accompagnants et les équipes pédagogiques. La coordination du secteur médicosocial et du secteur scolaire doit être améliorée, les besoins particuliers de ces élèves nécessitant une prise en charge différenciée et collective.

Pour le dire de manière un peu caricaturale, notre principale préoccupation est que le traitement du handicap au sein de l'éducation nationale ne se réduise pas à l'accompagnement par l'AESH. L'école a une responsabilité propre face au handicap, à travers le travail d'équipe et les moyens pédagogiques qu'elle déploie, d'où nos propositions sur les pôles d'établissements, la coordination des partenaires et la professionnalisation des AESH.

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Je vous remercie. Nous allons à présent passer aux questions.

Monsieur Rolland, vous venez d'évoquer, à juste titre, les progrès attendus en matière d'accessibilité pédagogique. J'ai immédiatement pensé aux troubles du comportement de certains élèves, associés souvent à des difficultés cognitives. Quelle approche préconisez-vous sur cette question qui préoccupe de très nombreux enseignants ?

Les précédentes auditions ont fait apparaître un important besoin de clarification sur le dispositif des PIAL, introduit par le projet de loi pour une école de la confiance et dont votre rapport est un peu à l'origine. Pouvez-vous nous apporter quelques précisions sur sa mise en place ?

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Le rapport souligne, comme l'ont fait les précédents intervenants que nous avons auditionnés, l'écart qui existe entre la reconnaissance et la notification d'un droit formel, inscrit dans la loi, et la mise en oeuvre de ce droit. Ceux qui reconnaissent ce droit n'ont même pas connaissance du moment où l'accompagnement se concrétise. C'est là un problème qu'il va nous falloir résoudre intelligemment. Ne courons-nous pas le risque, en effet, d'adosser la reconnaissance du droit aux moyens disponibles et mobilisables ?

Un message électronique envoyé par l'inspection académique de Créteil a été porté cet après-midi à notre connaissance. Je vous en lis un extrait : « Pour des problématiques budgétaires, nous sommes contraints, à la demande du rectorat, de ne plus recruter d'AESH jusqu'à nouvel ordre. De ce fait, les transformations de personnels en contrats aidés en AESH sont suspendues à partir d'aujourd'hui. Je vous prie de bien vouloir veiller à ce qu'aucun AVS ne se rende dans les écoles à expiration de leurs contrats aidés. »

En cherchant à améliorer l'articulation entre le droit formel et le droit réel, ne courons-nous pas le risque d'aboutir à un système dans lequel les droits dépendront des moyens disponibles ?

J'aimerais vous interroger également sur les PIAL. Je n'ai pas d'avis préconçu sur la nécessité d'une équipe mutualisée au niveau local, au plus près des territoires. La loi reconnaît cependant un droit individuel. Or, lors d'une précédente audition, un inspecteur de l'éducation nationale nous a affirmé que l'accompagnement collectif devenait la règle et l'accompagnement individuel l'exception. Je n'ai pas le sentiment que ce soit le sens de la loi, mais les acteurs redoutent que les PIAL soient un outil de rationalisation des moyens humains mobilisés, au détriment de la reconnaissance du droit individuel à l'accompagnement.

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De nombreux élèves, et leurs familles, sont confrontés à des ruptures de parcours entre l'école primaire et le collège, et dans une moins grande mesure entre le collège et le lycée. Faute de places en ULIS ou en IME, des enfants en situation de handicap sont scolarisés dans des collèges de l'éducation nationale, où ils bénéficient d'un accompagnement – humain, matériel ou même animal – qui ne répond pas à leurs véritables besoins.

Les élèves souffrant de handicaps cognitifs au collège n'ont pas la capacité d'acquérir les compétences du socle commun. Il est pourtant attendu d'eux qu'ils s'adaptent coûte que coûte. Avez-vous réfléchi à cette question ? Fait-elle l'objet de préconisations particulières dans votre rapport ? Certaines écoles hors contrat proposent un espace transitoire à ces enfants pour qui la scolarité en milieu ordinaire est une réelle souffrance. Qu'en pensez-vous ?

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J'ai pu le constater lors de mes visites, les ULIS sont une véritable réussite et apportent beaucoup aux enfants, grâce au travail remarquable des enseignants et des AESH.

Dans ma région, une région rurale, il n'y a malheureusement pas beaucoup de places dans ces structures, où des enfants aux handicaps lourds sont souvent placés faute de pouvoir être orientés dans un établissement adapté ou accueillis au collège. Il en résulte une situation insatisfaisante pour tout le monde. Et les enfants qui devraient être en ULIS n'y sont pas.

Les enseignants des ULIS que j'ai rencontrés m'ont fait part de leurs difficultés de coordination avec les professeurs de l'éducation nationale. Ils se sentent exclus et aimeraient participer davantage aux projets de l'établissement.

Quant à l'accessibilité pédagogique, ne serait-il pas possible de proposer une boîte à outils aux enseignants, via une plateforme internet ou un numéro de téléphone, afin de les aider, dès le mois de septembre, à mettre en place des solutions adaptées pour accompagner les élèves en situation de handicap ? Il ne s'agirait pas tant de couvrir le volet psychologique, affectif ou pédagogique de cet accompagnement que de conseiller l'enseignant sur des outils pratiques – comme une police de caractères particulière pour les enfants « dys » – afin de faciliter l'intégration de ces élèves.

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J'ai un grand respect pour la haute fonction publique, dont il faut préserver l'expertise. La République est une et indivisible, et doit être présente partout et pour tous. Or vous dénoncez les inégalités territoriales dans le traitement des demandes – du fait des différences de moyens entre MDPH –, dans la mobilisation des ressources en réponse aux notifications, et dans le déploiement des dispositifs de l'État, ceux du ministère de l'éducation nationale et ceux du ministère des affaires sociales pour les établissements spécialisés.

Pouvez-vous nous en dire plus sur les inégalités territoriales ? Quelles parties de notre territoire mériteraient-elles d'être mieux prises en compte ? Les outre-mer constituent de toute évidence un sujet en soi. Comment, sans empiéter sur les compétences des départements, l'État assure-t-il son rôle en matière de péréquation afin de garantir l'égalité d'accès aux dispositifs publics ?

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France Mochel, membre de l'inspection générale des affaires sociales (IGAS)

Permettez-moi de répondre sur un sujet qui me semble important : la reconnaissance des droits et leur mise en oeuvre. Notre rapport met l'accent sur le fait que l'accompagnement individuel, certes important, n'est pas la seule et unique solution pour aider l'élève handicapé. Nous insistons sur la variété des acteurs susceptibles de l'accompagner dans sa scolarité, au premier rang desquels l'enseignant, s'il a été formé. Lorsqu'il n'a bénéficié d'aucune formation sur l'accompagnement des élèves en situation de handicap, le rapport montre que l'existence d'une classe ULIS à proximité d'une école ou dans un collège « percole » les compétences, en favorisant la circulation des informations au sein de l'équipe pédagogique sur la situation de tel ou tel élève. S'il existe plusieurs catégories de handicaps, pour un même handicap, chaque élève est différent.

Les enseignants référents ont également un rôle essentiel dans les interactions entre la famille et l'école. Ils sont là pour expliquer, par exemple, que le recours à un AVS individuel n'est pas forcément la meilleure solution pour l'élève, ce dont nous sommes convaincus. C'est d'ailleurs pourquoi le dispositif des PIAL nous paraît si pertinent. Il permet d'améliorer l'organisation du planning. Un AVS présent à un moment où l'élève n'en a pas besoin n'est d'aucune utilité, alors qu'il pourrait intervenir au même moment auprès d'un autre élève dans une autre classe.

Enfin, troisième acteur important susceptible d'accompagner l'élève handicapé dans sa scolarité : le service d'éducation spécialisée et de soins à domicile (SESSAD), qui a un rôle à jouer au sein de l'école ou du collège, pour diffuser, au-delà de la prise en charge de tel ou tel élève, les connaissances et les compétences.

L'idée sur laquelle nous avons voulu insister, selon laquelle l'accompagnement individuel n'est pas la seule solution pour aider l'élève handicapé, dépasse largement la question du droit à un accompagnement humain.

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Pierre Naves, membre de l'Inspection générale des affaires sociales (IGAS)

En 1993 et en 1994, à titre bénévole, j'ai soutenu le développement des AVS. Il n'y en avait que quelques centaines à l'époque. Puis leur nombre est passé à 2 000, et à 5 000 en 2001, quand Mireille Malot a présenté son rapport sur la pérennisation de la fonction d'AVS à Jack Lang, alors ministre de l'éducation nationale. Il y a aujourd'hui 60 000 AVS en France.

En 1993, pour qu'un enfant soit reconnu handicapé, il fallait qu'il bénéficie d'un accompagnement individuel. La loi s'est construite sur ce principe. Vingt-cinq ans plus tard, la situation a totalement changé. Il y a des élèves handicapés dans tous les établissements de l'éducation nationale. C'est ce que nous voulions, mais notre modèle, lui, n'a pas évolué : pour qu'un élève en situation de handicap soit scolarisé, il doit toujours être accompagné individuellement.

Nous sommes confrontés à de nombreux paradoxes du fait même de la persistance de ce modèle ancien. Entre le moment où l'on décide qu'un enfant peut bénéficier d'un accompagnement individuel et le moment où il en bénéficie réellement, il s'écoule plus d'un an. Cette période d'attente bien trop longue est source d'inquiétude pour l'enfant, ses parents et son enseignant. Les PIAL permettraient, en accélérant la prise de décision, la mise à disposition rapide d'un personnel accompagnant auprès d'un élève. Ils apporteraient ainsi la souplesse qu'un système administratif basé uniquement sur l'accompagnement individuel rend impossible. Il faut donc changer de modèle pour rendre le droit compatible avec les réalités du terrain.

Quant aux SESSAD, ils ont connu un fort développement du fait de la fermeture de nombreux établissements spécialisés et de l'encouragement à scolariser les élèves handicapés en milieu ouvert, dans une logique de décloisonnement propre au secteur social. Pour que les professionnels soient présents dans l'école, ils ont néanmoins besoin d'un local. Or il n'est pas facile de mettre d'accord la commune, l'éducation nationale et le SESSAD. Un changement est donc là aussi nécessaire pour tenir compte de cette nouvelle réalité : les élèves handicapés sont de plus en plus nombreux dans l'école.

Dans les établissements, un lieu doit être réservé au SESSAD. Le maire ou le président du conseil départemental ont l'obligation d'y veiller, en l'inscrivant dans le cahier des charges.

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Pierre Naves, membre de l'Inspection générale des affaires sociales (IGAS)

Non, précisément.

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J'ai bien compris l'idée qui sous-tend votre rapport, mais la moitié des enfants en situation de handicap n'ont toujours pas d'accompagnement humain, et ceux qui en ont un ne l'ont qu'à temps partiel. Vous le préconisez en cas de véritable nécessité, ce qui demande d'optimiser l'organisation. Un plus grand nombre d'AESH disponibles n'est-il pas nécessaire pour répondre aux besoins qui surviennent concomitamment ?

Par ailleurs, l'augmentation des besoins est-elle une réalité ? Ou, comme je l'ai entendu, est-ce la structure qui crée le besoin, dans une logique endogène ? Dans mon département, on a fermé des CLIS au motif que leur seule existence était à l'origine de la demande. Récemment, un inspecteur de l'éducation nationale que nous avons auditionné nous a déclaré : « 45 % des primo-demandes ne sont pas justifiées. » Qu'en pensez-vous ?

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Yannick Tenne, inspecteur général de l'éducation nationale (IGEN)

La question que vous posez, que nous avons tenté de traiter dans notre rapport en lien avec l'accompagnement, renvoie à une situation objective, dans laquelle les équipes éducatives jouent un rôle de « prescripteur caché ». De mauvaises réponses sont apportées aux difficultés de certains enfants en situation de handicap, ceux qui souffrent de troubles du comportement notamment.

Ces enfants, souvent diagnostiqués à l'école maternelle, posent difficulté aux enseignants. Une bonne adéquation entre leurs besoins et la réponse qui leur est apportée dans le cadre du parcours de la MDPH n'est pas simple à trouver. Quand l'équipe d'évaluation reçoit un dossier, la réflexion est déjà bien avancée au sein de l'équipe éducative : parce qu'elle est démunie face à l'élève, elle préconise souvent un accompagnement individuel.

Comment articuler le travail de l'équipe d'évaluation, qui détermine la situation de l'enfant en situation de handicap, et celui de l'équipe éducative, confrontée au manque de place et à l'absence de solutions ?

Dans certains départements, l'accompagnement humain fait partie du guide d'évaluation des besoins de compensation en matière de scolarisation (GEVA-Sco). Il suffit de cocher la case correspondante dans le formulaire. L'analyse des besoins n'est donc pas aussi objectivée que l'on croit.

Notre rapport se réfère au rapport de 2008 de l'IGAS, de l'éducation nationale et de l'IGAENR, sur l'accompagnement du handicap en milieu scolaire, qui ne disait pas autre chose que ce que nous disons.

Pourquoi mettons-nous en avant les ULIS ? Parce qu'elles structurent beaucoup plus la réponse éducative et pédagogique, et favorisent la collaboration entre enseignants au bénéfice d'une meilleure inclusion des élèves dans le substrat scolaire. En ce sens, elles apportent une réponse à votre interrogation, monsieur le rapporteur, puisqu'elles comptent à la fois un AESH collectif et un coordonnateur des accompagnants individuels. Ces derniers sont beaucoup plus difficiles à coordonner en milieu scolaire ordinaire.

En ce qui concerne les inégalités territoriales, elles sont en effet mises en lumière dans notre rapport et, vous le soulignez à juste titre, exigeront tôt ou tard une réponse efficace. L'une des fiches que nous proposons est consacrée au pilotage, extrêmement formalisé et suivi dans certains départements, et beaucoup moins dans d'autres.

Deux départements de la banlieue parisienne relativement importants présentent des réalités totalement opposées : dans le premier, 30 élèves en situation de handicap attendent le traitement de leur dossier, contre 1 600 dans le second. L'analyse des situations, construites à partir de textes identiques et de modalités communes, révèle l'importance de la structuration du pilotage. Elle ne résoudra pas toutes les inégalités territoriales – dans certains départements, la forte présence d'établissements médicosociaux explique les orientations plus massives que dans d'autres –, mais elle est essentielle.

Face aux ruptures de parcours que, comme vous, nous avons observées, nous proposons de recourir aux ULIS. Elles sont en nombre suffisant pour l'école primaire, mais elles doivent être développées dans les collèges et les lycées professionnels.

Pour travailler sur les parcours, encore faut-il que de véritables projets personnalisés de scolarisation (PPS) soient mis en place. Dans certains établissements, ils n'existent tout simplement pas et sont, au mieux, remplacés par le GEVA-Sco. Nous nous sommes refusé à dresser la liste des bons et des mauvais exemples, mais le rapport entre le nombre d'élèves en situation d'attente et le nombre d'élèves engagés dans un projet de scolarisation et de suivi par une MDPH apporte de premiers éléments de réponse sur la question des inégalités territoriales.

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Marc Rolland, inspecteur général de l'administration de l'éducation nationale et de la recherche (IGAENR)

J'aimerais répondre de manière globale aux questions posées sur le droit à l'accompagnement, la mise en oeuvre des PIAL, leur pilotage et les risques en termes de moyens.

Le rapport formule une proposition importante sur le droit à l'accompagnement puisqu'il préconise un dispositif dans lequel l'accueil des élèves en situation de handicap serait directement pris en charge par l'école, indépendamment de la notification précisant la quotité horaire. Il n'y aurait donc plus de temps d'attente. Le droit commun serait l'accueil par l'éducation nationale.

Notre proposition se traduit aujourd'hui par la mise en place des PIAL – et la création de 3 000 d'entre eux, annoncée hier –, même s'il faut distinguer le dispositif tel que nous l'avions conçu et le dispositif tel qu'il se met en oeuvre.

Après la sortie du rapport sur « L'évaluation de l'aide humaine pour les élèves en situation de handicap », j'ai participé, avec un collègue de l'IGEN, à la rédaction d'une note d'une quinzaine de pages destinée au ministre. Cette note, qui se penche sur la situation de trois académies en particulier, présente le bilan de l'expérimentation des PIAL et formule des préconisations. Elle recommande qu'une dotation d'AESH bénéficie à plusieurs établissements organisés sur un territoire afin de leur permettre d'accueillir, immédiatement, tous les élèves en situation de handicap.

Nous ne revenons aucunement sur le principe de base de la loi de 2005, c'est-à-dire la séparation de la prescription d'accompagnement et du suivi de la scolarité de l'élève. Yannick Tenne a souligné les carences qui existent en matière de PPS. Dans l'esprit de l'école inclusive, il est de la responsabilité de l'établissement scolaire d'accélérer la prise en charge des élèves handicapés. Les AESH mutualisés répondent à cet objectif.

Il ne s'agit pas de créer une administration parallèle. Pour le premier et le second degré, l'organisation doit prendre place à l'échelle de la circonscription scolaire. Pour les lycées, elle relève des établissements publics locaux d'enseignement (EPLE), de taille plus importante et dans lesquels la problématique d'accompagnement des élèves en situation de handicap est quelque peu différente.

Les PIAL ont été expérimentés dans toutes les académies, après les annonces de Mme Sophie Cluzel et de M. Jean-Michel Blanquer au mois de juillet 2018. Notre rapport, publié en février 2018, a peut-être contribué à la réflexion.

Trois ou quatre PIAL en moyenne ont été expérimentés par académie, sans instruction sur le type d'organisation à mettre en place.

Au sein de la circonscription scolaire, le réseau des écoles autour d'un collège constitue le cadre de référence. Nous préconisons d'affecter les personnels accompagnants dans un même établissement scolaire, mais ils peuvent également travailler dans plusieurs d'entre eux, ce qui permet d'assurer les contacts, le suivi et le pilotage.

En ce qui concerne les moyens, un risque existe en effet que le budget détermine la capacité d'un établissement à recruter des accompagnants. Cependant, dans notre rapport comme dans la note sur les PIAL, nous insistons sur la nécessité, avant toute chose, d'utiliser au mieux les moyens existants.

Nous pensons que les accompagnants doivent être mis à disposition des écoles et des collèges sur la base du temps d'enseignement des établissements. Je ne sais pas si cette recommandation sera suivie lors de la mise en oeuvre des PIAL, mais nous préconisons que, dans les écoles, le service des personnels accompagnants soit de 26 heures hebdomadaires : 24 heures pour l'école et 2 heures pour les temps de concertation et de travail avec les enseignants. Nous recommandons une harmonisation similaire dans les collèges.

Dans le système actuel, les notifications des MDPH fixent des quotités horaires. Entre le recrutement et le service donné à l'accompagnant, parfois auprès de différents élèves, les affectations sont très compliquées à réguler pour le rectorat, le département ou l'inspection d'académie. La gestion difficile des quotités horaires conduit à une déperdition des heures de travail des accompagnants.

Confier cette organisation aux établissements permettra d'améliorer le rendement, si je puis dire, la professionnalisation et le travail en équipe des accompagnants, en fonction des besoins définis par les équipes pédagogiques et les responsables de l'inclusion scolaire. Il existe certes un risque que la question des moyens l'emporte sur toute autre considération, mais il convient, pour commencer, d'utiliser au mieux les moyens existants.

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L'objectif des PIAL, du moins je l'espère, est surtout d'apporter un meilleur service aux élèves.

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Marc Rolland, inspecteur général de l'administration de l'éducation nationale et de la recherche (IGAENR)

Tout à fait.

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Caroline Moreau-Fauvarque, inspectrice générale de l'éducation nationale (IGEN)

L'inclusion scolaire doit être l'affaire de tous et nécessite, pour les enseignants, l'acquisition de compétences, que ce soit pendant leur formation initiale ou dans le cadre de la formation continue.

Nous avons observé, en rédigeant notre rapport, qu'un écosystème favorable émerge dès lors qu'un nombre suffisant de personnes sont compétentes dans l'accompagnement des élèves handicapés à l'école. L'ULIS est un moyen d'ancrer de manière pérenne, dans un établissement, cet accompagnement, qui relève autrement d'une seule personne, un professeur très impliqué, un enseignant référent ou le proviseur. La forte dépendance à l'égard d'un acteur unique n'est pas souhaitable, car elle est fragile. Les ULIS et les PIAL offrent au contraire la possibilité de stabiliser une organisation, qui agit ensuite par diffusion et contagion positives.

Les coordonnateurs d'ULIS ont parfois des difficultés à interagir avec les enseignants. La pérennisation du statut des AESH leur permettrait de devenir membres à part entière de l'équipe pédagogique et de diffuser leurs compétences dans les établissements.

Une question a été posée sur le versant pédagogique et les ressources disponibles. La mission handicap de la direction générale de l'enseignement scolaire (DGESCO), en lien avec le groupe de travail du conseil scientifique de l'Éducation nationale dirigé par Mme Caroline Huron, chercheuse à l'Institut national de la santé et de la recherche médicale (INSERM), travaille actuellement à la conception de fiches pratiques. Caroline Huron réfléchit, sur le temps long, au développement de moyens pédagogiques et numériques adaptés au plus grand nombre d'élèves en situation de handicap. Outre ce travail sur des exercices inclusifs, elle s'intéresse à l'organisation d'examens inclusifs. Nous n'avons pas abordé ce sujet, mais l'adaptation des examens constitue une problématique en soi.

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Que pensez-vous du message électronique de l'académie de Créteil s'agissant de la concrétisation de droits reconnus ?

Je vous en donne de nouveau lecture : « Pour des problématiques budgétaires, nous sommes contraints, à la demande du rectorat, de ne plus recruter d'AESH jusqu'à nouvel ordre. De ce fait, les transformations de personnels en contrats aidés en AESH sont suspendues à partir d'aujourd'hui. Je vous prie de bien vouloir veiller à ce qu'aucun AVS ne se rende dans les écoles à expiration de leurs contrats aidés. »

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Marc Rolland, inspecteur général de l'administration de l'éducation nationale et de la recherche (IGAENR)

Nous ne sommes pas au courant de ce message de l'académie de Créteil. Nous avons toutefois reçu, il y a une quinzaine de jours, l'information suivante : dans le cadre du plan de transformation des contrats aidés en AESH, une dotation a été effectuée par le ministère. Chaque rectorat en a bénéficié, selon la répartition académique. Je ne connais pas précisément la situation de l'académie de Créteil.

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Pierre Naves, membre de l'Inspection générale des affaires sociales (IGAS)

L'instruction du 18 avril, à laquelle fait référence Marc Rolland, prévoit la transformation des contrats uniques d'insertion (CUI) en contrats d'AESH, ce dont on ne peut que se féliciter. Le message de l'académie de Créteil est pour le moins étonnant et exagéré, mais ce n'est pas la première fois que je constate une telle prudence à l'éducation nationale. Par peur du lendemain, on serre les boulons début mai, pour les desserrer ensuite.

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Marc Rolland, inspecteur général de l'administration de l'éducation nationale et de la recherche (IGAENR)

S'agit-il d'un problème global de moyens ou d'un problème de gestion ? La transformation des CUI en AESH se fera en deux vagues de recrutement : la première au mois d'avril, la seconde à la rentrée. Peut-être cela explique-t-il l'instruction donnée par l'académie de Créteil, néanmoins critiquable.

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Yannick Tenne, inspecteur général de l'éducation nationale (IGEN)

En amont de notre rapport, nous avons mené deux enquêtes flash sur les académies de Versailles et de Lille. La question était de savoir si, dans les conditions qui étaient les leurs, elles pouvaient répondre aux demandes d'accompagnement pour la rentrée 2018. Nous avons constaté que les services académiques faisaient globalement face, par des ajustements en fonction des dotations et des évolutions de gestion, et mettaient tout en oeuvre pour que la rentrée se déroule dans les meilleures conditions possibles. Autrement dit, la situation en mai n'est pas la situation en septembre.

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Ce message nous trouble beaucoup. Il est probable que des enfants n'auront pas d'accompagnants au mois de juin, ce qui entraînera de nouvelles ruptures de parcours.

Je vous remercie, mesdames et messieurs, d'avoir répondu à notre invitation et de nous avoir éclairés sur différentes questions, en particulier les PIAL. Ce dispositif préoccupe la plupart des intervenants que nous auditionnons.

L'audition s'achève à seize heures quarante.

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Membres présents ou excusés

Réunion du jeudi 16 mai 2019 à 15 heures 30

Présents. – Mme Jacqueline Dubois, Mme Nathalie Elimas, M. Sébastien Jumel, Mme Catherine Osson, Mme Cécile Rilhac, Mme Mireille Robert, Mme Sabine Rubin