Commission d'enquête sur l'inclusion des élèves handicapés dans l'école et l'université de la république, quatorze ans après la loi du 11 février

Réunion du mardi 14 mai 2019 à 17h35

Résumé de la réunion

Les mots clés de cette réunion

  • AMF
  • CAF
  • accueillir
  • continuité
  • crèche
  • périscolaire

La réunion

Source

Mardi 14 mai 2019

L'audition débute à dix-sept heures trente-cinq.

Présidence de Mme Jacqueline Dubois, présidente de la commission d'enquête

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La commission d'enquête sur l'inclusion des élèves handicapés dans l'école et l'université de la République, quatorze ans après la loi du 11 février 2005, procède à l'audition de l'Association des maires de France (AMF) : Mme Virginie Lanlo, adjointe au maire de Meudon, Mme Nelly Jacquemot, responsable du département Action sociale, éducation, culture, sport, M. Sébastien Ferriby, conseiller Culture et éducation, et Mme Charlotte de Fontaines, chargée des relations avec le Parlement.

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Mes chers collègues, nous poursuivons nos auditions avec celle de l'Association des maires de France (AMF) : nous recevons Mme Virginie Lanlo, adjointe au maire de Meudon chargée de l'éducation, Mme Nelly Jacquemont, responsable du département Action sociale, éducation, culture, sport de l'AMF, M. Sébastien Ferry, conseiller Culture, éducation de l'AMF, et Mme Charlotte de Fontaine, chargée des relations avec le Parlement.

Les communes, qui ont la charge des écoles, sont à ce titre éminemment concernées par l'inclusion des élèves en situation de handicap, ne serait-ce qu'au regard de l'accessibilité des bâtiments et de leurs fonctionnalités. C'est pourquoi il était important de vous entendre dans le cadre de cette commission.

Nous regrettons vivement que l'Assemblée des départements de France (ADF), également sollicitée pour cette audition, n'ait pu trouver d'élu disponible pour faire valoir son point de vue. Nous pensons qu'il aurait été intéressant de croiser les regards des représentants des élus communaux et départementaux sur ces questions.

Avant de vous donner la parole, je vais vous demander de prêter le serment de dire la vérité, toute la vérité, rien que la vérité, conformément aux dispositions de l'article 6 de l'ordonnance du 17 novembre 1958.

Les personnes auditionnées prêtent successivement serment.

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J'ai à mon tour le plaisir de vous souhaiter la bienvenue. Je sais à quel point l'expertise de l'AMF est précieuse : j'ai moi-même été maire pendant dix ans et je suis bien placé pour savoir que les maires sont en première ligne, quel que soit le sujet concerné, et sont obligés de répondre aux habitants. Je vous remercie donc d'avoir répondu à notre invitation ; celle-ci doit cependant être interprétée comme une convocation, y compris par l'ADF qui n'a pas trouvé de disponibilité pour nous rencontrer.

J'ai pu constater, dans mon département, que des maires sont volontaires pour faire progresser l'inclusion scolaire des enfants à besoins particuliers. La question des moyens financiers, y compris lorsque les maires sont volontaires, pour mettre en place des unités d'enseignement externalisées (UEE) ou des agendas d'accessibilité programmée (Ad'AP), pour faire en sorte que les droits des enfants en situation de handicap soient une réalité est évidemment au coeur des préoccupations quotidiennes des maires. En sus de tout ce que vous aurez d'intéressant à nous dire sur l'inclusion des élèves handicapés, je souhaiterais donc savoir si, oui ou non, vous êtes confrontés à des problématiques de transferts de charges larvés et de moyens financiers inadaptés à vos objectifs ?

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Virginie Lanlo

J'appartiens à la commission « Éducation » de l'AMF, que je représente dans plusieurs groupes de travail, notamment ceux liés au handicap, ayant été partie prenante de la mission nationale « Handicap et accueil de loisirs ». Je suis également membre du comité de pilotage du Comité national du handicap (CNH) en 2018-2019, et j'ai évidemment travaillé sur l'école inclusive et le rapport remis à M. Jean Michel Blanquer et Mme Sophie Cluzel en février. Je suis maire adjoint de Meudon, chargée de l'éducation, depuis près de douze ans, et coordinatrice du réseau des élus chargés de l'éducation pour le département des Hauts-de-Seine ; j'ai été amenée, dans ce cadre, à travailler sur tous les sujets ayant trait à l'inclusion des enfants en situation de handicap, que ce soit dans le temps scolaire u dans le temps périscolaire.

Puisque nous avons pour mission, comme vous le disiez, monsieur le rapporteur, de répondre aux sollicitations des familles, il nous revient de faire en sorte que tout le monde ait accès à l'ensemble des services proposés, qu'il s'agisse du temps scolaire, périscolaire ou extrascolaire.

Tout n'est pas une question de moyens financiers. C'est d'abord et avant tout une question de volonté des personnes – et de la communauté éducative dans son ensemble – de se mettre ensemble autour d'une table pour trouver les moyens d'accueillir ces enfants. C'est absolument indispensable si l'on veut être efficace.

Nous avons depuis des années pour objectif de faire en sorte que les collectivités soient, dès le départ, associées aux processus et aux démarches qui sont faites pour accueillir ces enfants dans les écoles. Or, c'est souvent ce qui pêche le plus. Très souvent, les communes sont mises devant le fait accompli et sont informées au dernier moment de la présence d'enfants en situation de handicap, qui auraient nécessité non seulement une adaptation des locaux mais également la mise à disposition de personnels d'accompagnement sur différents temps.

Ce que nous remarquons, c'est que les enfants évoluent sur différents temps et sont confrontés à des interlocuteurs qui sont totalement différents les uns des autres. Tant que n'est pas mis en place un dialogue continu permettant de faciliter les démarches des familles, il est compliqué pour elles d'organiser le temps de l'enfant.

S'agissant de l'accessibilité, chacun s'accorde à dire que les communes ont des problèmes financiers pour mettre aux normes leurs écoles, mais aussi que l'on peut travailler de manière différente, avec des lieux et des pôles ressources permettant la mutualisation sur un territoire, de façon à pouvoir aiguiller les familles, accueillir les enfants en fonction des besoins, des réalités territoriales, des locaux disponibles. Dans certaines collectivités, il existe des écoles que l'on ne peut pas mettre aux normes en raison de la nature même du bâti ; il faut donc trouver les moyens de mutualiser et de travailler sur un territoire dans sa globalité. Il en est de même, d'ailleurs, au regard de l'accueil des enfants lorsqu'il n'est pas besoin de mise aux normes bâtimentaires : en fonction de la situation des familles, nous essayons d'organiser des pôles ressources en fonction des besoins des enfants et des temps concernés. C'est tout l'intérêt des pôles inclusifs d'accompagnement localisés (PIAL).

Un problème fréquent tient à la continuité des temps de l'enfant et de son accompagnement quand il nécessite un éducateur ou un AESH présent sur les différents temps de vie. Cela renvoie notamment à la problématique du temps de travail des AESH et à la possibilité pour ceux-ci d'avoir plusieurs employeurs. Une jurisprudence récente a décidé que, lorsqu'un enfant a besoin d'un AESH sur le temps scolaire, que celui-ci est accordé par la MDPH et qu'il est présent sur le temps périscolaire, la prise en charge financière incombe à l'Éducation nationale. Mais quand on échange entre collègues, on s'aperçoit que, d'un département à l'autre, l'investissement financier, les enveloppes dévolues à l'accompagnement, les réactions, les projets, les prises en charge ne sont pas les mêmes, aussi bien au niveau de la MDPH que des caisses d'allocations familiales (CAF).

Je disais tout au début que tout n'était pas affaire de moyens financiers, mais il faudrait au moins qu'il y ait une cohérence dans ce qui est apporté aux familles, de façon à ce qu'elles n'aient pas à tout recommencer à zéro lorsqu'elles changent de territoire. La cohérence éducative, la cohérence entre les différents acteurs est pour nous absolument indispensable. On ne peut pas faire les uns sans les autres. Les collectivités sont au centre de toutes ces problématiques : ce sont les collectivités qui sont en lien avec l'Éducation nationale, les familles, les CAF pour les financements. Or la collectivité, bien que centrale, n'est pas forcément mise dans la boucle au départ. Cela traduit une certaine incohérence de ce dispositif. Il est vrai que nous sommes de plus en plus intégrés dans ces échanges, mais il faut tout de même se battre un petit peu pour ça.

Il est évident qu'un travail doit être fait en termes de formation des équipes, qu'il s'agisse de l'Éducation Nationale, du périscolaire ou de l'extrascolaire. Il faut leur donner une connaissance du handicap de façon générale, mais aussi de certains handicaps qui nécessitent un regard et un accompagnement plus spécifiques, l'idée étant que plus on accueille les enfants en milieu ordinaire, mieux c'est, aussi bien pour eux que pour les autres enfants. Je peux témoigner que, dans la ville de Meudon, deux écoles, une maternelle et une élémentaire, accueillent des enfants autistes et au fil de l'année, ceux-ci sont de mieux en mieux inclus ; c'est magique pour tout le monde. Plus on favorisera cette dynamique-là, plus on intégrera les enfants. Eux ne se posent pas de question : je pense que ce sont surtout les adultes qui sont en difficulté, parce qu'ils sont en situation de méconnaissance. Ça peut être facile d'accueillir un enfant en situation de handicap, mais si l'on est formé, informé, et si la communication se fait bien entre les uns et les autres.

Pour autant, certains moyens manquent aux communes, notamment en termes de personnel disponible sur les différents temps, car vous n'êtes pas sans savoir qu'il est compliqué de recruter des éducateurs ou des animateurs sur le temps périscolaire ou extrascolaire, surtout quand ceux-ci doivent être formés à accompagner les enfants en situation de handicap. C'est un vrai sujet pour les collectivités : former, motiver, rendre attractifs ces métiers d'accompagnant au sens large du terme. La question des moyens financiers se pose aussi –par exemple pour la mise aux normes des bâtiments –, mais l'objectif de l'AMF est de dédramatiser cet accueil en collectivité des enfants en situation de handicap, mais cela ne pourra se faire qu'à partir du moment où l'ensemble des acteurs qui accompagnent ces enfants communiquent et s'informent les uns les autres.

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Je vous remercie de cette contribution vraiment intéressante. J'ai une question relative à la continuité crèche-maternelle, puisqu'il y a maintenant une politique de « crèches inclusives » : comment les mettez-vous en place ? Et, puisque vous avez abordé la question, comment répondez-vous aux besoins de formation des personnels de cantine ou de centre de loisirs, ou des ATSEM, pour qu'ils soient en mesure d'accueillir aussi les enfants en situation de handicap ?

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Vous avez dit, madame, – et c'est tout à votre honneur – que la question est d'abord celle de la volonté avant d'être celle des moyens, mais quand vous avez développé, vous avez tout de même souligné cette question des moyens. Cela me conduit à penser que je ne suis pas tout à fait à côté de la plaque…

Avez-vous des indications statistiques sur le taux de réalisation des obligations des Ad'AP pour les communes de l'AMF ? J'ai des données pour mon département, mais je voulais savoir si vous en aviez de plus globales.

Avez-vous également des statistiques – nous en avons demandé au ministère, peut-être prendra-t-il le temps de nous répondre – sur le nombre de contentieux dans lesquels les communes peuvent se trouver mises en cause, par exemple sur le repas de midi ou sur le temps périscolaire ? Le Défenseur des droits nous a dit que c'était un motif de saisine important.

Par ailleurs, vous avez insisté sur le besoin de formation des personnels, notamment des ATSEM, des intervenants sur temps périscolaire ou de loisirs. J'ai été maire et je sais que la formation a un coût. Existe-t-il des modules du Centre national de la fonction publique territoriale (CNFPT) ? Sont-ils très sollicités ? Avez-vous une indication sur les moyens mobilisés dans ce domaine par les communes membres de l'AMF ?

Enfin, le Gouvernement a mis en place le « plan mercredi », avec des financements croisés avec les CAF. Très bien – si l'on peut dire… –, mais les financements seront-ils suffisants ? Les moyens affectés dans ce cadre à la prise en charge des enfants en situation de handicap ou à besoins particuliers sont-ils adaptés aux besoins et aux moyens des communes ?

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Vous avez évoqué les PIAL. J'ai cru comprendre que vous aviez un avis positif sur le sujet, et je pense en avoir compris les raisons, mais pouvez-vous les développer ?

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Vous avez parlé de continuité du dialogue pour organiser le temps de l'enfant, notamment pour aiguiller au mieux les familles en fonction des pôles ressources. Comment promouvoir au mieux ces pôles ressources, et surtout les rendre plus visibles ?

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Vous avez, au tout début de votre propos, fait allusion à la nécessité de former, non seulement les personnels des collectivités territoriales, mais peut-être les élus eux-mêmes. Je rebondis là-dessus, compte tenu du développement des maisons « France service », des maisons de services au public (MSAP) : ne pourraient-elles être aussi au service des élus, en tant que porteuses d'information sur les services publics, dont l'école fait partie ? Par exemple, le rapporteur évoquait tout à l'heure les financements CAF dont peuvent bénéficier les collectivités, mais je me rends compte que beaucoup d'élus ne connaissent pas ces financements.

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Vous avez mentionné dans votre intervention les différences de prise en charge sur le temps scolaire et périscolaire. Avez-vous noté d'autres différences de traitement significatives entre départements, et pouvez-vous développer ce point un peu plus ? On peut constater sur le terrain, d'un département à l'autre, des différences dans le traitement des dossiers, dans un sens comme dans l'autre. J'aimerais bénéficier de votre expérience à ce propos.

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Virginie Lanlo

S'agissant de la continuité crèche-école, la prise en charge et l'accompagnement du handicap sont affaire de transversalité et de travail entre les services. L'idée est d'inciter les collectivités à disposer d'un référent qui soit pour les familles une porte d'entrée, et qui puisse ensuite les aiguiller, pour un accompagnement, vers le service concerné.

Je vais essayer de répondre en m'appuyant sur mon expérience, mais aussi sur celle de mon département. S'agissant du suivi des dossiers entre la petite enfance et l'inscription en maternelle, on essaye d'avoir les informations en amont, de savoir si un enfant a été accueilli en crèche, s'il y a des soucis particuliers. Les services de la petite enfance délivrent des informations aux services scolaires s'ils savent qu'un enfant est porteur de handicap, afin qu'il y ait une mise en relation entre la directrice de crèche et la directrice de maternelle. Ces démarches n'existaient pas auparavant : tout était cloisonné, ce qui était une grossière erreur, car chaque service était cantonné à son domaine d'action, sans communication avec les autres. Le fait de travailler sur ces sujets-là de façon transversale nous amène à avoir une communication entre les différents services, car c'est le même enfant qui grandit et qui doit être accueilli, quel que soit son âge, dans de bonnes conditions. L'obligation scolaire à trois ans renforce cette exigence. Certaines familles souhaitaient que leur enfant ne soit pas scolarisé en petite section et reste à la crèche, à cause de difficultés pressenties liées à son handicap. Maintenant que la scolarisation à trois ans va être obligatoire, il faut absolument créer ce lien entre la crèche et l'école pour accueillir l'enfant, et rassurer les familles, leur dire qu'elles ne sont pas un no man's land, que leur enfant sera accueilli avec une prise en charge et un accompagnement si nécessaire.

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Nelly Jacquemont

Dans le cadre du groupe de travail « Petite enfance », les élus font remonter le fait que le diagnostic des enfants en situation de handicap s'effectue souvent lors du passage en crèche. Lorsque les enfants intègrent la crèche, ils ne sont pas reconnus comme étant en situation de handicap, et c'est au cours de leur parcours en crèche qu'ils sont diagnostiqués, d'où des difficultés pour les élus car il faut une prise en charge différente et du personnel formé. Cela rejoint toutes les difficultés que vient d'évoquer Mme Lanlo.

Les élus demandent des financements adaptés pour améliorer l'accueil en crèche de ces enfants-là, qui demandent plus de temps et du personnel en plus grand nombre. La Caisse nationale des allocations familiales (CNAF) a créé un bonus handicap dans le cadre de sa nouvelle convention d'objectifs et de gestion (COG), mais, selon les élus, ce bonus sera très difficile à percevoir, ce qui les incitera à concentrer ces enfants dans un seul établissement. C'est un effet négatif que nous avons fait remonter auprès de la CNAF, l'idée étant justement d'accueillir les enfants en situation de handicap dans chaque établissement et non de les regrouper.

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Virginie Lanlo

J'ajoute que la plupart des enfants en situation de handicap ne passent pas par la crèche avant d'aller à l'école : c'est une partie du problème. Lorsqu'ils commencent à être diagnostiqués par les enseignants, lorsque ceux-ci commencent à ressentir des différences, on est très souvent confronté pendant un temps, sans vouloir être désobligeant, au déni des parents, ce qui est tout à fait compréhensible car ils se trouvent complètement désarmés.

On a parlé de la formation des enseignants. Aux ATSEM, il est souvent proposé des formations ; elles choisissent celles qu'elles veulent suivre, mais on essaie de les aiguiller vers les modules de prise en charge et d'accompagnement des enfants en situation de handicap, mais encore faut-il qu'elles veuillent bien aller vers ce champ particulier, ce qui n'est pas forcément le cas. Quant au périscolaire, les collectivités recourent essentiellement à du personnel vacataire, ce qui complique les choses. Cela dit, le brevet d'aptitude aux fonctions d'animateur (BAFA) permet quand même aux animateurs qui le souhaitent de suivre un module handicap. Il y a un enjeu sur le contenu du futur bac professionnel « animation », dès la rentrée prochaine, sur lequel nous travaillons avec la DJEPVA : il faut qu'il y ait un module handicap comme il y a un module environnement ou un module numérique, de sorte que les futurs animateurs puissent être formés à tous ces sujets. Mais il faudra aussi des formations communes aux enseignants et aux ATSEM, aux directeurs d'écoles et aux directeurs de centres de loisirs, ou aux différents employés des collectivités. Nous souhaitons encourager ces démarches, et c'est pourquoi, s'agissant notamment du temps périscolaire – d'ailleurs pas seulement sur le handicap – nous sommes demandeurs de temps de formation conjoints et de coordination entre les équipes de l'Éducation nationale et les équipes du champ périscolaire. Les collectivités peuvent dégager du temps pour ça, mais ce n'est pas prévu dans les emplois du temps ou les horaires du côté de l'Éducation nationale, sauf volonté particulière, mais qui dépend des circonscriptions. Ces temps de coordination sont absolument indispensables pour accueillir les enfants, quels qu'ils soient, dans cette continuité éducative dont on parle depuis tant d'années.

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Nelly Jacquemont

Comme l'a dit Virginie Lanlo, nous ne sommes pas assez nombreux pour avoir un outil de recensement statistique au niveau de l'AMF, et nous ne sommes donc pas en mesure de vous donner de mesures statistiques, notamment sur les Ad'AP.

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Virginie Lanlo

Vous parliez des saisines du Défenseur des droits. On s'aperçoit heureusement que l'échange, le dialogue, permet de résoudre un certain nombre des cas qui donnent lieu à saisine. Tout n'est pas gagné, bien sûr, toutes les collectivités ne sont pas impliquées à 100 %, mais on s'aperçoit souvent que c'est plutôt dû à un manque de connaissance ou à une crainte forte, y compris de la part des élus – ce qui nous ramène à la question de la formation des élus. Lorsqu'après avoir été élue, j'ai été chargée de l'éducation, j'étais sans lien avec le monde du handicap ; de par ma fonction, j'ai travaillé avec Mme Sophie Cluzel, chargée du service d'accompagnement et d'information pour la scolarisation des élèves handicapés (SAIS 92) dans le département des Hauts-de-Seine, sur le réseau « loisirs handicap ». Et c'est par cette démarche-là que l'on a formé les élus du département, de manière informelle et volontaire, et, surtout, que l'on a signé une charte avec la CAF, l'Éducation nationale, la direction départementale de la cohésion sociale (DDCS), qui vise à inscrire dans chacune de nos politiques éducatives l'inclusion des enfants en situation de handicap. Vous pouvez avoir accès à l'ensemble de ces documents,

C'est vrai, les élus manquent de formation – mais pas seulement sur le handicap ! Mais quand vous êtes volontaire et que vous prenez en charge une délégation, il vous appartient de vous former et d'en trouver les moyens. Si on est là, c'est qu'on a envie d'y être, pour se placer au service des autres.

Concernant le « plan mercredi », j'ai envie de dire qu'on n'a jamais assez de financements, mais pour moi l'inclusion des enfants en situation de handicap ne doit pas s'arrêter au « plan mercredi », car ce plan suppose, de toute façon, qu'on ait élaboré un projet éducatif de territoire (PEDT) – qui évoque déjà la prise en charge des situations de handicap. Nous avons eu une réunion là-dessus juste avant de venir vous voir. Le « plan mercredi » ne doit donc pas être un document à lui tout seul, mais être inscrit dans un projet éducatif de territoire, d'autant que le mercredi est désormais un temps périscolaire, inclus dans une continuité de l'enfant sur la semaine. En termes de financement, les communes ont quand même pas mal perdu en repassant à quatre jours. Elles ont retrouvé un peu de financement sur le « plan mercredi », mais pas autant que ce qu'elles ont perdu, et l'exigence des familles n'a pas diminué, au contraire. Il nous appartient donc, avec les moyens moindres qui nous sont donnés, de faire aussi bien, voire mieux qu'avant. Nous militons, bien évidemment, pour l'accueil des enfants en situation de handicap, mais les enveloppes ne sont pas les mêmes selon les CAF, d'un département à l'autre. Cependant, il y a un accompagnement des CAF au cas par cas pour ces enfants, en fonction des projets individuels ou des projets d'établissement d'accueil et de loisirs.

Les pôles ressources dans le cadre des PIAL, qui nous ont été présentés en février, sont pour moi un outil intéressant qui mérite d'être développé, autour de ce principe qui consiste à mutualiser les ressources, parce que chaque enfant, chaque jeune en situation de handicap n'a pas forcément les mêmes besoins d'accompagnement, pas sur les mêmes temps, pas de la même manière : certains en auront besoin pour écrire en classe, ou pour la cantine, ou lors des sorties. Ce sont des temps où l'on peut effectivement avoir des accompagnants qui s'occupent de plusieurs enfants. C'est le principe de ces pôles ressources, et si l'on peut mutualiser en fonction des lieux, des besoins sur un territoire donné, des continuités entre l'école primaire et le collège, des besoins de partage, je pense qu'il faut aller dans ce sens. Mais les échanges avec les collectifs d'AESH montrent que c'est compliqué, car on est confronté au fait qu'il y a des temps différents avec les mêmes employeurs, mais que le temps de l'enfant, lui, doit être pris dans sa continuité. Il y a donc un travail à faire en direction des accompagnants, pour leur donner un vrai statut, une carrière pérenne et non pas précaire –question que l'on se pose de la même façon pour les animateurs, de manière générale. Sans compter le temps extrascolaire, pendant les vacances, qui donne lieu à des prises en charge différentes, avec des accompagnements différents : il y a beaucoup de travail à y faire aussi.

Aiguiller les familles relève pour moi de la responsabilité des collectivités en tant que telles : il s'agit notamment de donner de la visibilité quant à l'accueil des enfants, des jeunes en situation de handicap – sans oublier les adultes, car il y en a également –, d'où l'importance d'avoir un référent « handicap ville » dans la commune : ce n'est malheureusement pas à la portée de toutes, mais cela peut aussi se faire dans le cadre d'un EPCI. C'est quelque chose qu'il nous appartient de faire pour que les familles aient les bonnes informations, mais il faut aussi que l'école, que l'Éducation nationale ait le réflexe d'aiguiller les familles vers les collectivités pour qu'elles bénéficient d'une continuité entre les différents temps. Cela doit donc se faire dans les deux sens : nous aiguillons les familles vers les référents handicaps de l'Éducation nationale, mais il faut une réciprocité et que l'Éducation nationale incite les familles à venir voir les communes pour être accompagnées si elles le jugent nécessaire.

Nous n'avons pas de statistiques précises sur les différences de prise en charge entre départements, plutôt des remontées au sein de la commission « éducation » de l'AMF sur les politiques menées par les directions académiques – pas seulement à propos du handicap. Les priorités peuvent ne pas être les mêmes d'un département à l'autre, d'une circonscription à l'autre. C'est la même chose au niveau des CAF. Même quand une impulsion est donnée au niveau national, la déclinaison ne se fait pas forcément au niveau des territoires. Je prendrai l'exemple des ouvertures et fermetures de classes : les critères mis en oeuvre par les directions académiques ne sont pas uniformes. La cohérence de ce qui est décidé au niveau national ne se retrouve pas forcément au niveau des territoires, ce qui perturbe quelque peu les élus que nous sommes.

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J'ai une autre question : on a besoin du partenariat avec le secteur médico-social, comme le montre le système de déploiement partenarial des UEE ; on pourrait donc imaginer qu'en cas d'interventions de SESSAD, on mette à disposition des salles au sein des établissements scolaires, par le biais de conventions, et que les prises en charge puissent se faire sur le temps scolaire : la famille n'a pas forcément le temps de se déplacer le soir pour des rééducations. Est-ce que des partenariats ont été mis en place avec des professionnels de santé libéraux, par exemple des orthophonistes, pour qu'ils interviennent au sein de l'école ? C'est une piste d'amélioration du parcours scolaire de l'enfant et l'ensemble de ses temps de vie.

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J'ai pour ma part deux demandes de précisions. J'ai vécu dans ma ville la mise en place d'une UEE pour enfants autistes, qu'on accompagnait avec volontarisme, dans une classe dédiée, aménagée, insonorisée, avec des meubles adaptés au handicap, des cloisonnements, des poufs, une ATSEM pour sept élèves. Donc, vous pouvez me raconter tout ce que vous voulez, mais ça demande des moyens, qui vont avoir un impact sur le budget de la commune.

Ma deuxième question porte sur les crèches. J'ai été maire d'une ville où il y avait six crèches. Quand on fait le choix volontaire, comme je l'ai fait, d'y accueillir des enfants en situation de handicap, on est pénalisé par les modalités de financement de la CAF, qui sont fonction du taux de remplissage et du taux de présence, car un enfant en situation de handicap ne vient pas 100 % du temps : selon son handicap, il peut arriver qu'il ne vienne que deux heures par jour– c'est vrai à l'école aussi. Est-ce que l'AMF s'est préoccupée de cet aspect ?

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Nelly Jacquemont

J'ai parlé tout à l'heure de cette question des crèches, mais trop brièvement. Ce que nous disent les élus, c'est que, schématiquement, les modalités de financement par les CAF incitent à accueillir des enfants qui seront présents cinq jours sur cinq, huit à dix heures par jour, plutôt que des enfants en situation de handicap ou de fragilité sociale. Dans le cadre de la négociation de la COG, l'AMF avait demandé qu'on puisse valoriser aussi ce type d'accueil, d'où la mise en place de ce fameux bonus handicap, qui, cependant, se révèle en fin de compte ne pas répondre aux attentes car il est calculé de façon trop stricte. Bref, le problème reste non résolu à ce jour.

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Virginie Lanlo

C'est effectivement un sujet important, qui risque de concerner, demain, le périscolaire, l'accueil de loisirs, si le mode de calcul des financements est aligné sur celui des crèches, au lieu d'être calculé de façon forfaitaire, sans tenir compte des heures de présence.

S'agissant des interventions des professionnels de santé, quand on peut éviter à un enfant de sortir de l'école pour aller voir un orthophoniste, et que l'orthophoniste veut bien se déplacer jusqu'à l'école, les collectivités passent souvent une convention ou un accord, dans des conditions qui dépendent du temps sur lequel est prise l'intervention : temps de l'Éducation nationale, temps périscolaire, ou à cheval sur les deux. Toutes les communes n'ont pas non plus le même bâti scolaire : certaines ont des espaces dédiés pour le RASED, pour le médecin scolaire, qui ne sont pas occupés à temps plein et peuvent être mis à disposition si nécessaire. C'est une question d'échange, de dialogue entre les uns et les autres. On facilite évidemment les déplacements des familles en laissant leur enfant sortir plus tôt ou rentrer plus tard.

L'implantation d'UEE suppose effectivement de dégager des moyens. À Meudon, nous avons mis en place une UEE en maternelle, « grâce à », si je puis dire, une fermeture de classe qui est intervenue à ce moment-là et qui a permis à l'éducatrice chargée de détecter les enfants susceptibles de bénéficier de l'UEE. Cela remonte à une vingtaine d'années. C'est un investissement, mais qui en vaut la peine – même si cela reste un investissement, nous en sommes tous d'accord.

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J'ai une dernière question. J'entends très bien que votre commune est très volontariste sur la question du handicap, mais peut-être avez-vous bénéficié aussi de la proximité de Mme Cluzel sur le territoire concerné. Sentez-vous au sein de l'AMF, parmi l'ensemble des maires de France, la même volonté, ou bien des craintes, des difficultés ? Faites-nous cette remontée aussi, cela nous sera utile.

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Virginie Lanlo

En effet, nous avons bénéficié d'une dynamique présente dans notre département, et aussi du fait que je suis ces dossiers au sein de l'AMF, de ses commissions, de ses groupes de travail liés au handicap.

Au niveau de la commission « éducation », il y a une vraie volonté des élus, mais il y a aussi un manque d'information. Selon les territoires, l'information est très inégale : quand on est dans une zone rurale, isolée, c'est plus compliqué d'avoir connaissance des formations, des moyens, des possibilités qui existent. Et puis toutes les communes ne sont pas concernées de la même manière par le handicap. Souvent, les élus font la démarche à partir du moment où ils se trouvent confrontés à un cas qui se présente. C'est face à des familles, à Meudon, que j'ai commencé à apprendre, à vouloir me former. Des élus qui ne sont pas en lien direct n'auront pas forcément le réflexe de le faire.

À la commission « éducation », nous faisons en sorte de bien apporter aux élus toutes les informations, de faire connaître les travaux qui sont effectués et de les mettre à la disposition de tous. À chacun, cela dit, de s'en saisir.

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J'ai été maire d'une petite commune en milieu rural, et je voudrais mettre en garde contre les caricatures : il y a des territoires ruraux qui sont très en avance. Dans ma petite commune, nous avons eu un élève en situation de handicap, une AVS a très vite été mise en place, il a été accueilli à l'école locale sans aucun souci. Mais il doit y avoir des écarts énormes d'un département à l'autre.

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Virginie Lanlo

J'ai en fait dit que les élus se forment à partir du moment où ils sont confrontés au handicap – c'est ce qui ressort des échanges que nous avons. Je n'ai pas du tout dit que l'on n'accueille pas les enfants en situation de handicap dans les zones rurales ; en revanche, d'un département à un autre, les possibilités de formation, d'échange d'expériences, ne sont pas les mêmes. Ce sont des inégalités qu'il ne faut pas nier. Les pratiques de l'Éducation Nationale, son dynamisme, ne sont pas les mêmes d'un département à l'autre, et c'est vrai aussi pour les élus. Dans les Hauts-de-Seine, où nous n'avons que 36 communes, il est plus facile de mettre tout le monde autour d'une table que dans un département qui en compte 300, voire plus…

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Oui, et nous savons que très souvent, dans les petites communes rurales, l'école revêt une importance si grande que le maire et son équipe mettent tout en oeuvre pour accueillir au mieux les enfants, avec des moyens souvent bien supérieurs en proportion à ceux que mettent en place certaines grandes communes.

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L'objet de la commission d'enquête n'est pas de distribuer les bons et les mauvais points. Ce que je sais, c'est qu'en milieu rural, quand on est dans un désert médical, que tout est loin, que les services publics ont déménagé, que les moyens des communes sont rétrécis, il est plus compliqué de répondre à certaines situations, même avec toute la bonne volonté du monde à des situations, qu'à Neuilly – pour prendre un exemple au hasard…

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Je voulais simplement dire qu'il y a des disparités, des réalités locales très diverses. La Mayenne, par exemple, est un département très concerné par le phénomène des déserts médicaux, mais reconnu pour sa politique d'accueil du handicap.

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Nous arrivons au terme de cette audition, et je vous remercie, mesdames, de votre éclairage.

L'audition s'achève à dix-huit heures trente.

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Membres présents ou excusés

Réunion du mardi 14 mai 2019 à 17 heures 30

Présents. – Mme Géraldine Bannier, M. Bertrand Bouyx, Mme Blandine Brocard, Mme Danièle Cazarian, Mme Béatrice Descamps, Mme Jacqueline Dubois, Mme Marianne Dubois, Mme Agnès Firmin Le Bodo, Mme Emmanuelle Fontaine-Domeizel, M. Sébastien Jumel, Mme Catherine Osson, Mme Béatrice Piron, Mme Cécile Rilhac, Mme Sabine Rubin

Excusés. - Mme Anissa Khedher, Mme Nathalie Sarles