Mission d'information relative aux freins à la transition énergétique

Réunion du jeudi 28 mars 2019 à 10h00

Résumé de la réunion

Les mots clés de cette réunion

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  • carbone
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La réunion

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L'audition débute à dix heures.

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Messieurs, j'ai le plaisir de vous accueillir à cette réunion de la mission d'information commune sur les freins à la transition énergétique. J'ai à mes côtés M. Bruno Duvergé, rapporteur de cette mission. Cette audition est ouverte à la presse. Elle est enregistrée et visible en ligne sur le site de l'Assemblée nationale. Un compte rendu détaillé sera produit à son issue. Vous avez par ailleurs la possibilité de déposer vos contributions sur une plateforme consultative, lancée le 6 mars dernier. Voilà une démarche assez nouvelle, qui permet aux personnes auditionnées de compléter leurs propos et d'apporter des précisions à la suite de leur audition. Enfin, elle permet à chaque citoyen, quel que soit son engagement, de contribuer à l'objet de la mission et au rapport final. La plateforme est ouverte jusqu'à la mi-avril, 4 000 contributions ont déjà été fournies, selon sept rubriques que je détaillerai rapidement. Les contributeurs sont aussi amenés à voter sur chacune des contributions, pour distinguer celles qui retiennent le plus leur attention.

Nous avons mené, depuis le mois de septembre, 25 auditions. La mission a été créée en juillet 2018 par la conférence des présidents de l'Assemblée nationale. Les auditions ont été organisées selon différents thèmes. La thématique de ce matin porte sur l'industrie et la transition énergétique et concerne principalement les acteurs de l'énergie. Les sept thèmes des auditions sont les suivants : équation entre production et consommation d'énergie, développement des énergies renouvelables, mobilité, économies d'énergie, évolutions et mutations des grands groupes énergétiques – vous en êtes les témoins –, place des territoires, notamment des intercommunalités – le témoignage, la semaine dernière, de l'eurométropole de Strasbourg était très intéressant –, et enfin fiscalité écologique.

Notre audition sera suivie d'une seconde audition à onze heures trente. Je vous propose d'intervenir à tour de rôle entre cinq et dix minutes, d'aller directement au but pour nous exposer les freins que vous avez identifiés, les réponses, les solutions et les écueils à éviter. Nous aurons ensuite un moment d'échange. Je passe la parole à M. le rapporteur.

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Monsieur le président, vous avez été très complet dans la description de la mission. Je rajouterai un point important : l'un des freins est l'absence d'une vision, à terme, du monde de demain, dans dix, vingt ou trente ans, ce dans tous les domaines, qu'il s'agisse de la mobilité, des économies d'énergie, des filières énergétiques, etc. À quoi ressemblera l'industrie de demain, dans un nouveau contexte énergétique ?

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Nous recevons ce matin M. Gildas Barreyre, président de la commission électricité de l'Union des industries utilisatrices d'énergie (UNIDEN) ; M. Édouard Oberthur, responsable des contrats long terme en gaz naturel et électricité chez ArcelorMittal ; M. David Marchal, directeur adjoint à la direction productions et énergies durables de l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (ADEME), et M. Thomas Gourdon, responsable adjoint du service entreprises et dynamiques industrielles ; M. David Bardina, directeur général adjoint de Métron, start-up française innovante d'intelligence énergétique pour l'industrie ; M. Philippe-Emmanuel Rauzier, expert industrie au sein de l'association négaWatt.

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Gildas Barreyre, président de la commission électricité de l'Union des industries utilisatrices d'énergie (UNIDEN)

Monsieur le président, je vous remercie. L'UNIDEN représente les industries énergo-intensives, pour lesquelles la consommation d'énergie représente une part importante des coûts de production. Nous sommes environ 50 membres, et représentons 70 % de la consommation énergétique industrielle française, qu'il s'agisse d'énergie électrique ou d'énergie chaleur.

Concrètement, pour la transition énergétique, nous souhaitons faire passer un message sur l'indicateur de performance des politiques publiques. Nous mesurons aujourd'hui les émissions domestiques. Or, le seul véritable indicateur efficace pour réduire les émissions de gaz à effet de serre (GES) au niveau mondial est celui de l'empreinte carbone : il porte non seulement sur les émissions domestiques, mais aussi sur les émissions des produits importés. Un aluminium importé de Chine a un contenu en CO2 bien supérieur à celui produit en France. Notre message est donc positif. L'industrie et la relocalisation de l'activité industrielle en France accélèrent la transition écologique et la réduction de nos émissions de GES.

Entre 1995 et 2015, les émissions françaises de C02 ont diminué de 20 %, essentiellement grâce aux efforts consentis par le secteur industriel, dont les émissions de CO2 ont massivement chuté. Cependant, dans le même temps, l'empreinte carbone française, c'est-à-dire la contribution nette de la France au réchauffement climatique, a augmenté de 11 %, d'après les chiffres du ministère de la transition écologique et solidaire. Tous les efforts investis dans cette transition ont conduit chaque Français à émettre plus de CO2, à cause de leur consommation de produits importés de pays à fort contenu carbone.

Aujourd'hui, nous sommes convaincus que, du point de vue du climat, il faut relocaliser l'industrie en France. La stratégie nationale bas carbone (SNBC) propose par ailleurs un tel scénario, qui permet, selon elle, de réduire notre empreinte carbone de l'ordre de 10 % en 2050, par rapport au scénario de base sans relocalisation de notre industrie. Ce point est crucial.

Un second point très important concerne l'innovation, notamment l'apport de l'industrie à l'innovation dans les technologies à bas carbone. Or, que ce soient les éoliennes, les panneaux photovoltaïques, les batteries, les infrastructures, les véhicules, etc., ces technologies ne pourront se développer dans un désert industriel. Ne reproduisons pas l'erreur des panneaux photovoltaïques : si les technologies sont développées dans d'autres régions du monde, la France ne sera pas motrice et ces solutions seront peut-être développées sur un mix énergétique plus carboné. Notre message sur les apports de l'industrie à la transition écologique est donc positif.

Concernant les freins que subissent nos industries, le premier est celui de la compétitivité : compétitivité de l'industrie et compétitivité de l'accès à l'énergie. La compétitivité actuelle est fortement altérée par la fiscalité écologique et par le système des quotas de GES. Or, en grevant cette compétitivité, nous réduisons les marges de manoeuvre pour l'innovation et les investissements dans la transition écologique. Voilà un point à prendre en compte à très court terme.

À moyen terme, un soutien fort des pouvoirs publics dans la transition énergétique est plus efficace qu'une fiscalité punitive. Le soutien est un levier beaucoup plus fort que la fiscalité. C'est le choix qu'ont fait la France et l'Europe pour le secteur électrique, où la transition écologique a été accélérée par un soutien aux énergies renouvelables. Pourquoi ne pas reproduire ce modèle dans l'industrie française, pour en faire une vraie tête de pont de l'efficacité énergétique et des solutions bas-carbone de demain ?

Enfin – je rejoins ici les propos de M. le rapporteur –, nous avons besoin de visibilité. Investir dans des solutions lourdes pour accélérer la transition énergétique exige une visibilité à long terme. En vingt ans, l'industrie a réduit de plus de 50 % son intensité énergétique, c'est-à-dire la consommation d'unité énergétique par unité de produit fini. Tout ce qui était facilement accessible, nous l'avons fait, très clairement. Pour faire un pas en avant, nous demandons une certaine visibilité, car les investissements dans ces nouvelles technologies sont lourds.

Voilà les messages que nous souhaitions vous transmettre. Certains freins existent, mais le point essentiel est de considérer enfin l'industrie comme une solution. Nous ne pourrons pas développer les solutions bas-carbone dans un désert industriel.

Je citerai un autre exemple : l'industrie peut apporter les « flexibilités » demandées. Nous parlons beaucoup d'énergie renouvelable intermittente, qu'elle soit électrique ou chaleur. L'industrie, par la nature de sa production, peut baisser instantanément sa consommation ; elle peut également soutenir une réduction du coût de l'intégration de ces énergies renouvelables pour la collectivité.

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édouard Oberthur, responsable des contrats long terme en gaz naturel et électricité chez ArcelorMittal

Monsieur le président, monsieur le rapporteur, ArcelorMittal est l'acteur principal de la sidérurgie en France. L'entreprise représente 70 % de la production sidérurgique et 70 % des emplois dans la sidérurgie française. Nous sommes membres de l'UNIDEN, en tant que gros consommateur d'énergie. Je souhaite vous présenter quelques ordres de grandeur. ArcelorMittal Atlantique et Lorraine est l'un de nos principaux outils de production, avec ArcelorMittal Méditerranée à Fos. La consommation d'ArcelorMittal Atlantique et Lorraine représente plus de 3 % de la consommation électrique totale française, en considérant le charbon et toutes les autres énergies nécessaires – électricité, gaz naturel et chaleur – à la production de l'acier.

Nous sommes donc de gros consommateurs d'énergie. À ce titre, nous cherchons depuis longtemps à réduire nos consommations, pour limiter notre facture globale, optimiser notre autoconsommation, grâce à la chaleur fatale issue des processus de production sidérurgique, et recycler l'ensemble de nos coproduits, qu'ils soient énergétiques ou non, dans notre tissu industriel propre, ou dans un tissu industriel ou sociétal environnant. Notre site de Dunkerque, depuis 1982, produit de la chaleur utilisée par la ville et l'agglomération de Dunkerque : sont ainsi chauffés plus de 6 000 logements, les écoles, l'hôpital et la piscine municipale de Dunkerque. Ces actions sont anciennes.

Je rejoins les propos de M. Barreyre : nous avons beaucoup fait. Pour continuer dans cette voie, les nouveaux projets sont de plus en plus difficiles à trouver et à financer, du fait de leur faible profitabilité. Nous avons donc besoin d'outils, élaborés par l'État. Nos principaux sites sont certifiés ISO 50001. Les plans de réduction de consommation énergétique sont, selon nous, particulièrement importants. Nous sommes particulièrement sensibles aux décisions incluses dans les politiques publiques, pour réussir à atteindre ces objectifs.

Je vous livrerai des éléments précis. Nous avons des difficultés à trouver des aides de financement, alors qu'elles nous sont extrêmement nécessaires – nous parlons parfois de plusieurs dizaines de millions d'euros –, pour des cas particuliers à l'industrie de l'acier qui ne rentrent pas dans des mécanismes de soutien. Je pense notamment aux turbines TRT – top pressure recovery turbines – qui produisent de l'électricité sur les hauts-fourneaux, et qui, étant trop spécifiques, ne rentrent ni dans le fond chaleur, ni dans les mécanismes de certificats d'économie d'énergie (CEE).

Je souhaite porter un autre élément à votre connaissance, qui rejoint la nécessité de la visibilité. Le législateur nous apporte un certain nombre d'aides fiscales. Cependant, lors de leur mise en oeuvre, notamment avec les douanes, nous souhaiterions plus d'efficacité. Dans la pratique, les douanes sont particulièrement tatillonnes. Cela est respectable, mais ce n'est pas ce qui était attendu du législateur.

Je reviens sur un élément très important, mentionné par M. Barreyre : les mécanismes de fuite carbone, qui sont des compensations indirectes aux émissions de CO2. Très clairement, pour continuer à investir en Europe, et en France en particulier, ces mécanismes doivent être pérennisés. Nous avons besoin de visibilité. À défaut, la fuite carbone continuera, vers d'autres territoires, tout comme la réduction de consommation énergétique de l'industrie française, qui n'est pas seulement liée à l'optimisation de nos outils, mais aussi, pour beaucoup, à la réduction du tissu industriel français.

Je souhaite conclure par un propos très positif. La sidérurgie française rencontre des barrières pour réduire sa consommation de CO2. Nous avons des objectifs importants de réduction pour les dix prochaines années. Nous devrons utiliser des technologies de rupture. 800 des 1 300 salariés employés dans la recherche-développement d'ArcelorMittal sont installés en France. Nous ne développerons ces technologies de rupture qu'à partir des technologies développées par nos concurrents. Le lien entre la recherche-développement et l'outil industriel est primordial pour déployer ces technologies, qui, paradoxalement, nous obligeront à augmenter massivement notre consommation de gaz naturel et d'électricité, pour réduire notre production de GES. Il sera particulièrement important, dans les prochaines années, de nous donner une visibilité sur le prix des utilités, que ce soit le CO2, le gaz naturel et l'électricité, pour que les technologies de rupture soient intégrées à nos sites.

Comme le disait M. Barreyre, il est crucial de maintenir le tissu industriel en Europe, pour que l'acier ne soit pas produit en Chine, en Inde ou aux États-Unis, à partir de mix énergétique beaucoup plus carbonés.

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David Marchal, directeur adjoint à la direction productions et énergies durables de l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (ADEME)

L'ADEME est un acteur de la transition énergétique de l'industrie, grâce au soutien à l'innovation, à des guides, à la diffusion de bonnes pratiques, au soutien à des financements, tels que le Fonds chaleur. Vous avez auditionné précédemment d'autres représentants de l'ADEME à ce sujet.

Concernant l'industrie – nous pourrons vous transmettre des chiffres précis – nous constatons que le secteur a déjà fait beaucoup de progrès, puisque les consommations d'énergie ont diminué de 10 % en vingt-cinq ans. Dans le même temps, le secteur a diminué de 50 % ces émissions de GES, alors qu'il représente un quart de la consommation d'énergie et un tiers de la consommation d'électricité en France.

Dans les visions prospectives que nous avons publiées en 2017, nous estimons cependant que le secteur peut encore augmenter de 20 % son efficacité énergétique d'ici 2035. Dans ces 20 % supplémentaires, la plus grande partie est constituée de solutions matures ou organisationnelles. Seulement un quart tient à l'innovation. Le soutien à l'innovation est très important, mais beaucoup de solutions existent déjà.

Nous sommes assez convaincus – mes prédécesseurs l'ont dit – que la performance énergétique et la performance économique sont synonymes. Cependant, cela varie en fonction des secteurs d'activité, puisque le monde industriel est varié. Du point de vue de la consommation énergétique, nous pouvons distinguer trois groupes. Le premier est constitué des très forts consommateurs, que représente l'UNIDEN, pour lesquels la facture énergétique peut représenter 10 % à 20 % de la valeur ajoutée. Le second secteur se situe à 5 % : chimie organique, papier, etc., activités pour lesquelles l'énergie est aussi une question importante. Le troisième secteur est constitué d'un très grand nombre de petits sites, pour lesquels la facture énergétique représente moins de 1 % de la valeur ajoutée, et pour lesquels les dispositifs d'accompagnement à imaginer sont différents. Un pourcent des sites industriels en France concentre les deux tiers de la consommation d'énergie.

Pour les deux premières catégories, gros et moyens consommateurs, la question de la performance énergétique est la plus importante. Deux leviers existent pour améliorer cette performance : abaisser le prix de l'énergie et baisser les consommations. Grâce au Fonds chaleur, l'ADEME agit sur le premier levier, en subventionnant les énergies renouvelables notamment. Des entreprises montrent que la marche n'est pas si grande, et que la performance économique est au rendez-vous. Par exemple, la plateforme chimique du Roussillon, dans la vallée du Rhône, a mis en place un opérateur énergétique sur site, dont la mission est de vendre des utilités aux entreprises présentes sur le site. La plateforme consomme 30 % d'énergie renouvelable, et ils envisagent d'atteindre 60 % ou 70 % d'ici 2020, grâce à une chaufferie bois et au raccordement d'un incinérateur. Cette plateforme attire : un fabricant de carbone destiné à l'aéronautique s'est installé. Voilà un exemple intéressant en termes de compétitivité.

Dans le secteur agro-alimentaire, nous avons soutenu, dans le cadre du Fonds chaleur, l'entreprise Chamtor, dans le département de la Marne : elle récupère de la chaleur fatale pour des processus agro-alimentaires tels que la fabrication de protéines d'amidon. L'investissement s'élevait à 2,2 millions d'euros pour l'entreprise : l'ADEME a fourni une subvention de 450 000 euros, et le montant restant sera rentabilisé en trois ans, grâce à environ 600 000 euros d'économies réalisées par an. Des projets sont donc fortement rentables, et répondent aux exigences de rentabilité du secteur industriel.

Concernant ArcelorMittal, nous avons soutenu des investissements pour de la récupération de chaleur fatale sur son site de Saint-Chély-d'Apcher, en Lozère. Dans ce cas, un tiers financeur est intervenu, a pris en charge les investissements, et a permis à ArcelorMittal de réduire ses coûts, sans avoir à investir.

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édouard Oberthur, responsable des contrats long terme en gaz naturel et électricité chez ArcelorMittal

Sans avoir à investir en direct !

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David Marchal, directeur adjoint à la direction productions et énergies durables de l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (ADEME)

Exactement. La question est de savoir comment démultiplier ces exemples probants. C'est un peu la quadrature du cercle : nous voulons maintenir la compétitivité et l'industrie sur notre territoire, et les pouvoirs publics utilisent le prix de l'énergie ; cependant, l'ADEME constate que cette baisse ne favorise pas les projets d'efficacité énergétique et de passage aux énergies renouvelables : ils sont moins rentables et réclament davantage de subventions.

Voilà le coeur de mon propos. Pour favoriser la compétitivité à court terme, abaisser le prix de l'énergie est pertinent. Pour la favoriser à moyen terme, il faudrait accompagner ces baisses du prix de l'énergie par des politiques qui orientent les investissements industriels vers la transition énergétique et écologique. Je vous donnerai deux exemples. Concernant la taxe intérieure de consommation sur le gaz naturel (TICGN), nous sommes assez choqués de constater que 40 % de la consommation de gaz de l'industrie est exonérée de cette taxe ou fait l'objet de tarifs réduits. Certes, nous pouvons le comprendre pour des secteurs soumis à une forte concurrence. Mais tout de même : 40 % ! Sans contrepartie exigée ! Concernant ces contreparties, je préciserai ensuite mon propos. L'autre exemple est celui des exonérations de tarif d'utilisation des réseaux publics d'électricité (TURPE) : les sites électro-intensifs font l'objet d'une exonération, sous réserve de produire un plan de performance énergétique (PPE). L'année dernière, l'ADEME a instruit ces plans auprès des directions régionales de l'environnement, de l'aménagement et du logement (DREAL). Nous sommes convaincus qu'il s'agit d'une bonne mesure, qui pousse les industries énergivores à établir des PPE. Nous sommes toutefois déçus par l'ambition de ces PPE, ou plutôt par l'hétérogénéité des ambitions : certains sites présentent des plans tout à fait à la hauteur des attentes, d'autres présentent des PPE dans lesquels les investissements consentis par les industriels sont bien en dessous de la subvention indirecte perçue via l'exonération de TURPE. Ce système pourrait être amélioré si nous exigions un niveau de qualité et d'engagement de ces PPE qui soit au moins à la hauteur de l'exonération perçue. Nous souhaitons en même temps favoriser la compétitivité et donner un signal à l'investissement, qui aille dans le sens de la transition énergétique, pour qu'à moyen terme ces industries abaissent leur consommation.

J'en viens aux mesures que nous proposons. En termes de soutien public, le bâton est toujours moins attractif que la carotte. Cependant, exiger des contreparties solides quand nous octroyons des exonérations diverses permettrait de nous assurer de maintenir, à moyen terme, le tissu industriel français, parce qu'il aura su se moderniser. Notre tissu industriel est ancien, ce qui est à notre avantage ; cependant, les usines qui se développent à l'étranger sont souvent modernes. Nous sommes face à un enjeu immense de modernisation de notre outil industriel, qui peut rejoindre l'enjeu de la transition énergétique, tout comme celui du numérique. Nous souhaiterions que les aides à la politique industrielle, par exemple numériques, incluent les co-bénéfices de la transition énergétique. Je pourrai également évoquer l'effacement, si vous le souhaitez.

Sur le long terme, le secteur de l'industrie présente cette particularité d'avoir une vision moins claire sur ses feuilles de route à long terme. De plus, nous constatons un manque de vision commune sur l'ensemble des effets que pourrait avoir la transition énergétique sur ce secteur, et sur les pans qui exigent un développement impératif. Il faut construire cette vision. Dans le cadre du comité national de l'industrie (CNI), la perspective de feuilles de route industrielles bas-carbone a été évoquée, pour aller dans ce sens.

Les gros industriels pourraient devenir des opérateurs énergétiques territoriaux – vous parliez, monsieur Oberthur, du Site de Dunkerque, et j'ai pour ma part évoqué la plateforme de Roussillon. Ces sites ont vocation à devenir des hubs énergétiques territoriaux, où les consommateurs auront vocation à fournir des services et différents vecteurs énergétiques sur le territoire.

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Je propose maintenant à M. David Bardina, directeur général adjoint de la start-up Métron, spécialisée dans l'intelligence énergétique pour l'industrie, de nous présenter son activité et les leviers et les freins à la transition énergétique qu'il a identifiés.

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David Bardina, directeur général adjoint de Métron, start-up française innovante d'intelligence énergétique pour l'industrie

Monsieur le président, monsieur le rapporteur, je vous remercie de me donner l'occasion de m'exprimer devant vous aujourd'hui. Métron est une tout petite société. Elle a cinq ans, fait moins de 5 millions d'euros de chiffre d'affaires annuel et a moins de 100 collaborateurs. C'est une jeune petite pousse, qui est néanmoins innovante, et dont le métier est de développer des solutions digitales pour optimiser l'efficacité énergétique de l'industrie. C'est le seul segment dans lequel nous intervenons à ce stade – peut-être en sera-t-il autrement à long terme.

Notre innovation consiste à apporter à l'industrie de nouvelles technologies digitales : manipuler un grand nombre de données en temps réel, se connecter aux réseaux informatiques et aux compteurs des sites de manière « agnostique », si je puis dire. Nous pouvons déployer nos solutions de manière peu coûteuse et efficace, en ayant cependant des résultats intéressants, avec des retours sur investissements inférieurs à un an. Dans la pratique, Métron est une jeune société qui se développe sans compter sur grand monde. Nous comptons sur nous-mêmes. Nous intervenons de manière agnostique par rapport aux politiques publiques. Métron est une toute petite société, mais nous sommes présents en France, à Bogota, à São Paulo, à Dubaï, à Singapour et en Italie. Nous nous intégrons à des contextes de politiques publiques très différents et notre mission est d'être efficaces quels qu'ils soient.

Les politiques publiques sont pour nous un peu anecdotiques. Néanmoins, dans certains pays, il existe des politiques publiques qui nous aident plus. L'Italie a mis la force de la preuve au service des certificats blancs, ce qui n'est pas le cas en France. Nous pouvons d'ailleurs nous étonner qu'il ait fallu attendre la quatrième période des certificats d'économie d'énergie en France pour voir apparaître une fiche standard CEE spécifiquement dédiée au sujet de la mesure de la performance énergétique industrielle. Ceci étant, nous nous développons sans ces outils, et nous sommes très satisfaits de voir cette fiche apparaître. Elle donnera sûrement un petit coup de pouce. D'ici quelques années, nous pourrons probablement présenter un retour d'expérience intéressant sur ce sujet.

En revanche, ce qui nous aide, c'est de constater que nous aidons nos clients : l'industrie directement, mais aussi tous les acteurs qui proposent des services d'efficacité énergétique à ces clients industriels. Je parle des utilités, des sociétés de services énergétiques et des fournisseurs d'équipements. Nous nous rendons compte que mettre en place une transition énergétique dans l'industrie est porteur de nombreux risques et de nombreuses difficultés. Je ne les citerai pas tous : risque technologique, risque de l'innovation technologique, risque de performance technologique, risque des projets, risque de marché sur les prix de l'énergie, difficultés de financement des projets, etc. Voilà qui n'est pas simple. Le métier de l'industriel lambda est de produire, et non de produire en émettant le moins de CO2 possible. Ce dernier objectif devient certes inhérent à son métier, mais le premier métier reste bien de produire.

Nous voyons d'un bon oeil l'émergence des contrats de performance énergétique portés par des tiers. Voilà de bonnes solutions pour répartir les risques de manière efficace. Ainsi les industriels peuvent s'engager sur la performance de leurs technologies, et une concertation a lieu pour une meilleure répartition des risques. Aider ces acteurs, c'est nous aider. Dans ce type de montage, restent des risques peu couverts. J'en citerai deux.

Le premier risque est celui de contrepartie : quand on élabore un tel montage, il faut que l'ensemble des acteurs autour de la table aient confiance dans le fait qu'ils existeront, tous, dans dix ans. Ce risque n'est pas couvert, peu de solutions existent actuellement. Des compagnies d'assurances et des actions privées peuvent en proposer, mais des fonds de garantie pourraient les prendre en charge à l'échelle de l'État.

Le second risque est le suivant : les acteurs doivent pouvoir compter sur un cadre réglementaire et fiscal stable. Les clients comptent dessus, et nous-mêmes, pour nous développer, avons besoin que nos clients aient confiance. Nous aider directement, ce n'est pas vraiment nécessaire ; en revanche, il faut absolument aider nos clients. Nous apportons aujourd'hui des solutions, comme d'autres acteurs de ce marché en pleine expansion. Nous levons des fonds pour financer notre recherche-développement sans trop de difficultés. En revanche, nos clients doivent pouvoir avoir confiance en l'avenir, et avoir à disposition des mécanismes qui leur permettent de bien faire leur métier. Ainsi, nous pourrons bien faire le nôtre.

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M. Philippe-Emmanuel Rauzier, expert industrie au sein de l'association négaWatt, nous a remis un scénario pour l'industrie française à l'horizon 2050. Je lui cède la parole.

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Philippe-Emmanuel Rauzier, expert industrie au sein de l'association négaWatt

Monsieur le rapporteur, monsieur le président, je vous remercie pour votre invitation.

L'association négaWatt, depuis une quinzaine d'années, s'intéresse à notre préoccupation commune : léguer des bienfaits et des rentes à nos générations futures, plutôt que des fardeaux et des dettes. Nous essayons de mettre des chiffres derrière ces paroles, c'est-à-dire de construire, au-delà de la stratégie bas-carbone, un véritable scénario de développement durable à l'horizon 2050.

Ce scénario est avant tout une démarche : plutôt que de nous préoccuper des moyens de production d'énergie futurs, nous commençons, en aval, par nous interroger sur les services énergétiques dont nous souhaitons disposer dans le futur et la demande énergétique que cela impose, et par réduire les gaspillages en faisant preuve de sobriété.

Sobriété n'est pas austérité. La sobriété signifie plutôt citoyenneté, organisation des moyens et économie circulaire. Nous nous intéressons ensuite à l'efficacité des moyens mis en oeuvre – chaudière, voiture, moyens de chauffage et processus industriels – et aux vecteurs énergétiques nécessaires à cette transition énergétique – énergies renouvelables, et vecteurs propres à l'industrie, tels que l'hydrogène. Si l'efficacité et les moyens de production d'énergie sont relativement bien étudiés, j'insisterai davantage sur ce qui fait l'originalité notre scénario : une tentative pour chiffrer la sobriété dans l'industrie, c'est-à-dire une mise en oeuvre de l'économie circulaire.

L'économie circulaire s'intéresse aux besoins en matériaux, à la demande de biens de consommation et d'équipement et aux matériaux que leur fabrication induit, ce à l'horizon 2050. Il faut prendre en compte la baisse en demande de matériaux qu'implique l'utilisation de produits durables. La loi de transition énergétique a banni l'obsolescence programmée. Les produits peuvent être réutilisés, réparés, réutilisés par le biais des consignes, par le biais de « ressourceries », etc. Nous préconisons que les emballages puissent être consignés dans le verre et les plastiques. La réparation est aujourd'hui en déclin en France, malgré la présence du secteur automobile. Selon une étude de l'Union européenne, ces deux leviers de la réparation et du recyclage, permettraient, selon chaque point gagné, de générer 23 milliards d'euros et entre 200 000 et 400 000 emplois. Voilà pour ce qui concerne les biens de consommation.

Tout ceci a une incidence sur les matériaux utilisés. Nous avons élaboré une sorte de matrice qui fait la relation entre ces biens de consommation et d'équipement et les matériaux. Cette matrice a beaucoup attiré l'attention de la direction générale de l'énergie et du climat (DGEC) avec laquelle nous avons eu de nombreux contacts lors de la préparation des scénarios bas-carbone et lors de la programmation pluriannuelle de l'énergie.

La question n'est pas seulement de savoir comment produire, mais aussi que produire. Certains diront qu'une réduction de la demande peut induire une baisse de l'activité industrielle. Je rejoins les propos de M. Barreyre : aujourd'hui, il faut s'interroger sur la relocalisation de certaines activités, notamment celles qui correspondent à nos besoins futurs.

Je vais vous donner un exemple. Une agriculture raisonnée signifierait une baisse de 50 % de la consommation des engrais azotés, qui aujourd'hui sont trop répandus et qui épuisent les sols. Cela a des conséquences sur la consommation d'ammoniac ; or, la France est largement déficitaire en ammoniac : nous en produisons à peu près 1 000 kilotonnes, pour une consommation de 1 600 kilotonnes. Il en va de même pour les engrais azotés : nous sommes très importateurs. Nous pourrions imaginer une baisse de la consommation qui n'affecte pas la production française, mais qui touche davantage les importations. Ainsi, nous continuerions de moderniser notre industrie et de la valoriser, tout en faisant en sorte qu'elle réponde à nos besoins, et que la baisse de la demande soit répercutée sur les importations.

Quant au recyclage, la France n'est pas la plus performante, alors qu'il est une partie intégrante de l'économie circulaire. Le recyclage concerne, d'une part, la collecte des déchets et leur valorisation, et, d'autre part, le taux d'incorporation dans la fabrication, qui demande parfois des schémas industriels différents. Par exemple, pour les plastiques, le taux de collecte sur le gisement de déchets et de 21 %, y compris les chutes de transformation. Nous exportons une partie de ces déchets à l'étranger, car les systèmes de régénération des résines ne sont pas aussi performants en France. Ce taux de collecte est plus élevé dans certains pays : 38 % dans nos pays voisins. Par ailleurs, nous exportons des résines régénérées. Finalement, le taux d'incorporation dégringole de 21 % à 4 % dans les plastiques. Nous pourrions imaginer, demain, un système de valorisation du tri plus performant, et un système industriel d'incorporation qui nous permettrait de répondre au défi de l'économie circulaire.

Nous sommes aussi très importateurs d'activités d'avenir, comme le numérique et les énergies renouvelables. Dans notre scénario, nous essayons de mettre en évidence ce que peut représenter en termes de matériaux le développement des énergies renouvelables. Nous disposons d'un scénario sans relocalisation et d'un autre avec relocalisation, pour comprendre les conséquences en termes de consommation énergétique.

Ce défi est important. Le frein à la transition énergétique est le manque de vision d'avenir, à cause de préoccupations économiques particulières. Les investissements dans l'industrie sont lourds et les transformations, nécessaires, doivent être bien préparées en amont, pour s'appuyer sur les modèles de demande et de société pertinents à l'horizon 2050.

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Messieurs, je vous remercie. Je cède la parole à M. le rapporteur.

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J'aurais trois questions. Les chiffres fournis par le rapport négaWatt montrent que la consommation énergétique de l'industrie est stable, voire à la baisse. Pour expliquer ce fait, quelles sont les parts respectives de la désindustrialisation et des économies d'énergie ?

Ma deuxième question est inspirée par notre visite de la communauté urbaine de Dunkerque, où ArcelorMittal était présent. La communauté urbaine a modélisé le paysage des flux énergétiques – gaz, produits, etc. – entre les différentes industries du territoire et met en relation les émetteurs et les récepteurs, dans une logique de valorisation. Plusieurs exemples ont été présentés par ArcelorMittal : chaleur, laitier réutilisé pour fabriquer des enrobés, CO2 revendu à une société belge pour fabriquer de l'éthanol, etc. Voilà qui est très intéressant. L'entreprise valorise son activité au sein de son écosystème. Pourriez-vous développer ce point, monsieur Oberthur ? Nous parlons peu, aussi, de la chaleur fatale des datacenters, alors que leur production d'énergie est importante.

Enfin, monsieur Marchal, vous avez fait une proposition intéressante, à savoir que le niveau d'investissement dans les réductions d'énergie soit égal aux exonérations de taxe consenties. La question est de savoir comment. Quels dispositifs mettre en place pour rendre cette proposition effective ?

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Philippe-Emmanuel Rauzier, expert industrie au sein de l'association négaWatt

Depuis une dizaine d'années, les baisses de consommation d'énergie dans l'industrie sont dues pour moitié à une baisse de l'intensité énergétique, et pour moitié à la désindustrialisation. Le scénario négaWatt ne prévoit pas de désindustrialisation, mais plutôt une réorientation de la production industrielle. Le recyclage génère des économies d'énergie, mais certainement pas une baisse de l'activité industrielle. Les secteurs sont différents. Il faut s'intéresser, pour les plastiques, à la régénération, qui consomme beaucoup moins d'énergie et crée des emplois dans le domaine du tri, plutôt que d'utiliser le vapocraquage, dont les éléments de chimie organique consomment beaucoup d'énergie. Vous trouverez dans le document que je vous ai distribué un diagramme, principalement fondé sur la demande. Le scénario sans relocalisation permet environ 46 % d'économie d'énergie. Le scénario avec relocalisation génère entre 40 à 60 térawattheures (TWh) supplémentaires de production, est soutenable, et permet d'atteindre 100 % d'énergie renouvelable.

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Cependant, si nous relocalisons, nous allons peut-être baisser l'empreinte carbone de la France, car nous serons peut-être plus performants que la Chine, par exemple. Est-il possible que la consommation d'énergie en France augmente, tout en réduisant l'empreinte carbone ? Êtes-vous d'accord avec cette hypothèse ?

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Philippe-Emmanuel Rauzier, expert industrie au sein de l'association négaWatt

Oui et non. Nous sommes très surpris de constater, dans certains pays émergents, que les processus de production sont plus économes en énergie qu'en France. Dans le scénario négaWatt, nous n'avons pas vraiment évalué cette empreinte carbone. Cette évaluation est très complexe, car elle demande de bien connaître les processus de production et de connaître précisément les pourcentages d'importation en fonction des pays. En revanche, nous avons essayé d'évaluer les conséquences, en termes d'augmentation d'énergie, d'une relocalisation de l'activité en France, avec des techniques et un mix énergétique performants.

Dans les accords internationaux, nous parlons de la réduction de GES, et non de l'empreinte de chacun des pays. Si demain, par exemple en 2040, nous nous préoccupions de cette empreinte carbone, cela changerait beaucoup la donne pour nos pays développés.

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Gildas Barreyre, président de la commission électricité de l'Union des industries utilisatrices d'énergie (UNIDEN)

Pour l'empreinte carbone, trois aspects sont à prendre en compte pour l'industrie. Le mix électrique, en France, est l'un des plus faiblement carboné ; nous avons donc intérêt à orienter la consommation, en France, vers ce mix, quitte, d'ailleurs, à imaginer des transferts d'usage de la chaleur vers l'électricité. Le mix énergétique, plus général, a plutôt tendance à être moins carboné ; nous utilisons plus massivement du gaz que la Chine, qui utilise plus le charbon. Enfin, notre tissu industriel est plus ancien que les pays émergents. Certains procédés industriels pourraient être plus performants. Néanmoins, un certain nombre de nos industries sont en benchmark, notamment l'industrie de l'aluminium française, et la chimie française, qui a beaucoup investi ces dernières années, n'en est pas loin. Le groupe auquel j'appartiens est présent sur la plateforme de Roussillon. Pour vous donner un exemple, nous avons récemment investi dans une distillation réactive, pour lequel nous avons reçu le prix Pierre-Potier de l'innovation, qui utilise la chaleur de la réaction pour distiller. Nous consommons ainsi « zéro » énergie, puisque la réaction est exothermique et distille directement le produit. Pour réaliser une telle innovation, mon groupe doit décider d'investir en France ; il doit se trouver sur une plateforme compétitive, en l'occurrence la plateforme de Roussillon, avec des infrastructures de qualité et un tissu industriel existant. Sans investissement, nous n'aurions pas développé un nouveau procédé moins émetteur.

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David Marchal, directeur adjoint à la direction productions et énergies durables de l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (ADEME)

J'apporterai aussi quelques éléments de réponse. Nous confortons les chiffres sur la part de la baisse d'activité par rapport à celle des économies d'énergie, qui s'élèvent chacune à environ 50 % pour les vingt dernières années.

Vous parliez de l'aspect territorial de la question, qui englobe celle des schémas directeurs. Avant de développer un réseau de chaleur, l'ADEME exige que les collectivités aient mis en place des schémas directeurs de développement des réseaux, qui doivent permettre d'identifier notamment les ressources de chaleur fatale dans les industries, les quartiers à construire, et les baisses de consommation dans certains autres quartiers. Ces anticipations sont nécessaires pour planifier la bonne rentabilité d'un réseau de chaleur.

Plus globalement vous parliez des flux de matière, ce qui intègre ce que nous appelons l'écologie industrielle territoriale. Nous animons un réseau d'animateurs territoriaux sur cette question. Un travail, intitulé Synapse, a été réalisé ces dernières années, pour mettre en place un plan d'action, qui inclut notamment l'élaboration d'une base de données commune, en partie mis en place par la chambre de commerce et d'industrie de France. D'autres outils, par ailleurs, existent. Cette base de données vise à référencer les flux. Cette « bourse aux flux » détaille les gisements de déchets comme les besoins, et permet de distinguer les mises en relation potentielles : elle a une grande valeur. Nous essayons aussi, via ce groupe de travail, de normaliser les codifications des flux, pour que les acteurs puissent mieux s'orienter. Nous pourrons vous en dire plus sur ce point, si vous le souhaitez.

Nous avons réalisé un important travail sur le gisement de chaleur fatale. Douze térawatt-heure d'énergie à plus de 100 degrés Celsius, sur une cinquantaine de TWh de gisement, se trouvent proches d'un réseau de chaleur. Voilà qui est significatif. Dans la programmation pluriannuelle de l'énergie, les objectifs fixés portent sur deux térawatt-heure. Nous sommes encore loin d'avoir utilisé les ressources du gisement global. Les data centers ne sont qu'un exemple, et ne sont pas les plus gros sites de production. Nous pourrions imaginer soit d'accompagner, soit d'obliger – nous savons que les obligations sont souvent mal perçues – les sites fortement consommateurs d'énergie à faire une étude de valorisation de leur chaleur fatale.

Enfin – je le confirme – la question de l'empreinte nous intéresse beaucoup. Elle se heurte à des difficultés méthodologiques : calculer l'empreinte est évaluer les conséquences des relocalisations, voilà qui est loin d'être simple.

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Ma question s'adresse à MM. Marchal et Gourdon. Vous accompagnez le projet Rev3 dans les Hauts-de-France, projet industriel tourné vers l'écologie et la transition énergétique, lancé en 2017. Avez-vous d'ores et déjà du recul quant à l'évolution du projet ?

Par ailleurs, pourriez-vous préciser vos propos sur les exonérations fiscales dont peuvent bénéficier les industries électro-intensives ? Si ces exonérations ne constituent pas la meilleure solution pour pousser les industries à investir, que préconisez-vous ? Pensez-vous qu'il faille revoir ces exonérations et orienter les fonds vers des investissements en recherche et développement, pour accompagner les industries de manière plus incitative ?

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David Marchal, directeur adjoint à la direction productions et énergies durables de l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (ADEME)

Pour Rev3, nous pourrons demander à nos collègues des Hauts-de-France s'ils disposent d'ores et déjà de retours d'expérience. Nous avons chiffré le nombre d'emplois liés au scénario Rev3, en vue de comparer ce chiffre avec d'autres scénarios régionaux, tel que le scénario Région à énergie positive (REPOS) en Occitanie, afin de mieux évaluer les dynamiques territoriales. Je ne pourrai cependant vous en dire plus aujourd'hui.

Quant aux exonérations, les éléments les plus précis dont je dispose concernent les exonérations de TURPE. Une centaine d'entreprises ont fourni des plans de performance énergétique (PPE), ce qui constitue la contrepartie principale aux exonérations et est, en soi, très positif. Cependant, nous signalons que le niveau d'ambition de ces PPE pourrait être amélioré. L'État, dans sa bienveillance, lorsqu'il attribue l'exonération de TURPE, devrait être plus exigeant sur un niveau minimum des PPE. Dans ces plans à cinq ans, les industriels proposent des mesures d'investissement dans des dispositifs plus économes. Ces PPE nous ont appris que, parmi les actions identifiées, nous pensions qu'un grand nombre d'entre elles était déjà mis en oeuvre ! Je m'inscris en faux, monsieur Barreyre, contre vos propos, lorsque vous disiez avoir tout fait sur vos sites très consommateurs. Pour les électro-intensifs, des actions aussi simples que la mise en place de moteurs à vitesse variable, procédé connu depuis longtemps, se trouvaient inscrites dans les PPE comme des actions à mener dans le futur. Voilà des points d'amélioration possibles.

Sur la centaine de PPE fournis, un tiers proposait des investissements deux fois inférieurs à la subvention reçue. Cela nous semble insuffisant par rapport au niveau d'ambition attendu. En pratique, nous pourrions exiger que le niveau d'ambition et d'investissement prévisionnel affiché soit au moins égal à la subvention. Cette mesure, qui demande d'être affinée, ne devrait pas être trop complexe à mettre en oeuvre.

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Gildas Barreyre, président de la commission électricité de l'Union des industries utilisatrices d'énergie (UNIDEN)

Les PPE constituent une contrepartie importante aux réductions de TURPE. Il faut cependant garder à l'esprit que les industriels ne sont pas tous au même niveau de maturité quant à l'efficacité énergétique. Par exemple, les cycles d'investissement dans une électrolyse chlore-soude sont très longs, et les industriels ne réinvestissent que tous les vingt ou trente ans. Si un industriel français, installé en France, vient d'investir dans l'électrolyse chlore-soude la plus performante, qui consomme 90 % de l'électricité du site, il aura du mal à atteindre 10 % d'efficacité énergétique. Au contraire, si un industriel souffre d'un léger retard d'investissement par rapport à un concurrent, il lui sera très facile d'atteindre 20 % d'efficacité énergétique.

Donner des chiffres bruts est risqué, car les industriels connaissent des niveaux de maturité différents, de même qu'un particulier, s'il vient de réaliser de lourds travaux chez lui, tardera par exemple à changer ses fenêtres. Ce point doit être pris en compte. C'est pourquoi ces PPE doivent être validés par les autorités locales, en l'occurrence les DREAL. Certes, les objectifs pourraient être plus ambitieux, mais les industriels n'ont ni la même maturité ni la même capacité d'investissement. De plus, tous les industriels n'ont pas la même visibilité à long terme : pour certains, investir avec un retour sur investissement à cinq ans ne pose pas de problème ; pour d'autres, des taux de retours plus courts sont malheureusement nécessaires. Nous ne sommes pas tous égaux dans l'industrie.

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édouard Oberthur, responsable des contrats long terme en gaz naturel et électricité chez ArcelorMittal

Pour compléter, je vous dirai que la sidérurgie a connu un cycle bas très dur. Il est possible que des opérations de maintenance n'aient pas été réalisées comme prévu. Je ne pense pas que ce soit le cas pour les sites que nous avons évoqués, mais cela aurait pu être une possibilité. Les investissements, même pour les variateurs, sont lourds et peuvent parfois se chiffrer en millions d'euros. Nous cherchons à ne pas les intégrer dans nos propres dépenses d'investissement ; si nous le faisions, nous n'investirions pas dans nos hauts-fourneaux.

Je vous rappelle un élément important : voulons-nous garder nos industries fortement émettrices de CO2 sur notre sol, ou, voulons-nous, en les obligeant à réduire leur consommation, les pousser potentiellement à partir vers d'autres pays ? Depuis le début de cette table ronde, les débats sont intéressants, mais je pense que nous nous focalisons trop sur la France – ce qui par ailleurs est normal. La réduction de TURPE a été nécessaire, et reste nécessaire, au sein d'une compétition intra-européenne et mondiale. Gardons bien cela à l'esprit ! Les sites français d'ArcelorMittal sont comparés toutes les semaines aux sites espagnols, aux sites allemands, aux sites belges, aux sites italiens, aux sites polonais, etc. Certes, nous avons accepté que la réduction de TURPE soit mise en regard de PPE. Je rappelle toutefois que la présence de l'industrie est importante pour la stabilisation du réseau et du type de consommation, qui ne sont pas entièrement valorisés – cela dépend des courbes de charge. Or, rappelons-nous bien que ces exonérations de TURPE ont été octroyées pour conserver les industries sur notre territoire, et non seulement en échange d'une meilleure efficacité énergétique.

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Monsieur le rapporteur, une dernière question ?

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édouard Oberthur, responsable des contrats long terme en gaz naturel et électricité chez ArcelorMittal

Excusez-moi, je souhaitais réagir quant à la question sur Dunkerque. À Dunkerque, à Fos, et partout en Europe, nous intégrons nos usines dans un tissu industriel et parfois urbain. Depuis longtemps, nous valorisons notre chaleur et des coproduits. Monsieur Marchal, vous parliez de Synapse : ArcelorMittal fait partie d'un réseau européen qui s'appelle Enhanced energy and resource Efficiency and Performance (EPOS), et qui met en place des données et un outil pour la réutilisation d'énergie et de coproduits sur des bases industrielles, entre acteurs industriels. ArcelorMittal est active dans le réseau EPOS et, je pense, très probablement dans Synapse. Notre action est très importante. Nous cherchons par exemple à valoriser notre laitier au mieux. À cette fin, nous avons développé des sociétés autour d'ArcelorMittal, et nous continuons dans cette voie. Ces produits peuvent être utilisés pour des routes, du remblai, dans des innovations telles que le ballaste sur des éoliennes. Cette valorisation est très importante pour nous, et notre recherche et développement y travaille, pour tous les coproduits, qu'ils soient énergétiques ou non.

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Mes deux questions portent sur le niveau international. M. Bardina, vous avez expliqué être implanté un peu partout dans le monde, comme à Dubaï, qui a tendance à investir dans les nouvelles énergies. Au niveau international, voyez-vous des nouveautés très compétitives par rapport à la France ? De plus, je souhaite revenir au point évoqué par M. Oberthur, celui de la prise en compte du contexte européen et des quotas de GES ? Ces dispositifs sont-ils efficaces ? Je souhaite que nous ne restions pas trop focalisés sur la France.

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Ma question s'adresse à M. Barreyre. Monsieur, vous avez évoqué dans vos propos liminaires la question du photovoltaïque en France. La France a selon vous raté le coche, puisque les panneaux sont construits à l'étranger. Cette question a fait l'objet d'une autre audition, dont la conclusion rappelait que les installations françaises sont dix fois moins nombreuses qu'en Belgique et cinquante fois moins qu'en Allemagne. L'industrie du photovoltaïque n'a-t-elle plus lieu d'être en France ? Est-ce définitif ?

De plus, vous avez abordé la question de l'incitation, au contraire de la fiscalité punitive. Je suis tout à fait d'accord avec ce contre-pied. Par exemple, pourrions-nous imaginer une sorte de crédit d'impôt recherche tourné vers la transition énergétique ?

Messieurs Rauzier et Barreyre, vous avez tous deux présenté l'exemple de la relocalisation et de la réindustrialisation sur notre territoire national. Les leviers de la délocalisation furent la compétitivité prix, la compétitivité produit et la compétitivité travail. Il s'agit d'éléments factuels du libéralisme et de l'économie de marché. Pourrions-nous imaginer un nouveau concept de « compétitivité environnementale » – certes beaucoup plus psychologique et beaucoup moins factuel du point de vue de l'économie de marché – pour agir comme un levier et rompre certains freins, dont la plupart sont bel et bien psychologiques ?

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David Bardina, directeur général adjoint de Métron, start-up française innovante d'intelligence énergétique pour l'industrie

Nous sommes effectivement présents à une grande échelle internationale, mais nous ne sommes pas sûrs d'avoir une vision parfaitement claire et précise des situations que connaissent les différents pays où nous travaillons. Je ne suis pas sûr de pouvoir vous parler de Dubaï. En revanche, nous savons que dans certaines zones du monde, en fonction de leurs caractéristiques et de leur histoire – comme le Japon qui a un lien particulier avec le nucléaire – certains sujets sont plus porteurs que d'autres. L'hydrogène a le vent en poupe en Asie. Les pays asiatiques sont moteurs pour les solutions mises sur le marché. Je vous donnerai un autre exemple. L'Australie est un pays immense qui a très peu d'habitants : neuf fois la superficie de la France pour deux fois moins d'habitants. Il est impossible qu'un réseau d'électricité maille le pays. Les solutions de production locale intéressent beaucoup les Australiens, tel que le développement d'énergie solaire, par définition intermittente, ce qui implique un stockage sur des micro-réseaux. Voilà un sujet porteur.

Notre approche est très simple : nous nous intéressons à un grand nombre de sujets, et nous intervenons dans des pays où ces sujets sont critiques. Nous tentons d'apporter des solutions de régulation. Parler de recharges de batteries associées à des réseaux d'électricité n'a pas beaucoup de sens en France, contrairement à l'Australie. Nous intervenons là où les questions sont critiques et où le time to market – je vous prie de m'excuser pour cet anglicisme – est le plus court possible. Partout dans le monde, nous rencontrons des situations intéressantes, y compris en France.

J'ajouterai un point. Nos clients sont principalement des grands comptes, c'est-à-dire des grands groupes industriels internationaux. Nous sommes frappés – ce n'est qu'une remarque, et non une critique – par le fait que même des grands groupes industriels internationaux français ont tendance à nous tester à l'étranger, et non en France. Voilà qui suscite nos interrogations. Nous travaillons avec des verriers en Colombie ou en Amérique du Sud, alors qu'ils sont en fait français. Nous travaillons avec des cimentiers français à Dubaï, mais pas en France. Nous n'avons pas d'influence, nous sommes un petit acteur ; nous intervenons là où on nous le demande, et c'est généralement hors de France.

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édouard Oberthur, responsable des contrats long terme en gaz naturel et électricité chez ArcelorMittal

Concernant la question relative au CO2, nous sommes soumis aux quotas. Très clairement, les conséquences sont importantes par rapport à nos concurrents qui n'y sont pas soumis. En Europe, nous constatons une certaine homogénéité. Le facteur prix, pour le gaz naturel et l'électricité et pour l'accès aux utilités telles que l'oxygène, devient pour nous particulièrement critique. Il est donc crucial de maintenir une compétitivité pour les prix de l'électricité et du gaz naturel grâce à l'effet taxe, tout comme pour le transport. Ainsi nous pouvons rester compétitifs, notamment par rapport aux Allemands.

In fine, la compétition devient internationale. Nous pourrions importer des boîtiers Slabes, de la matière produite en Chine, en Inde ou aux États-Unis, sur d'autres structures de coûts, hors CO2, et les terminer en Europe. Ainsi, nous pourrions maintenir une partie de notre tissu industriel en Europe et le lien avec les producteurs de produits finaux, comme l'automobile, etc. Cependant, toute la partie amont de la production de l'acier disparaîtrait. Nos émissions de CO2 chuteraient clairement, mais l'acier continuerait à être produit ailleurs, sur une base CO2 qui n'est pas la nôtre. Voilà le coeur du problème.

Deux mécanismes clefs sont concernés : le CO2 indirect et le CO2 aux frontières. Le CO2 indirect neutralise le coût du CO2 dans le coût de l'électricité. Jusqu'à présent, la France l'a intégré. L'évolution du prix du CO2 fait qu'aujourd'hui nous courons potentiellement le risque, dans les années à venir, de ne pas toucher pleinement cette compensation. Il va falloir que l'État nous dise ce qu'il en est. Le CO2 coûte aujourd'hui plus de 20 euros la tonne, contre 5 ou 7 euros auparavant. Ces coûts vont-ils rentrer dans le budget de l'État ? Notre direction générale pense qu'il faut – nous en revenons à la discussion préliminaire sur l'empreinte européenne – installer des barrières au CO2 aux frontières, de telle manière que nous intégrions, sur le marché européen, le coût du CO2 dans les produits qui ne sont pas soumis à cette réglementation. Voilà le moyen de nous inciter à produire en Europe, avec des processus de production compétitifs, et sans avantager nos concurrents extra-européens. Nous n'avons qu'une seule terre. Sans ces mécanismes, au niveau mondial, nous produirons beaucoup plus de CO2.

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Gildas Barreyre, président de la commission électricité de l'Union des industries utilisatrices d'énergie (UNIDEN)

Concernant votre question sur le photovoltaïque, notre remarque précédente portait plus généralement sur l'ensemble des technologies impliquées dans la transition énergétique. Aujourd'hui, de grands groupes français, membres de l'UNIDEN, investissent dans la recherche et les nouvelles technologies pour le photovoltaïque. Le potentiel semble infini. Nous sommes loin d'avoir fini d'inventer des panneaux photovoltaïques plus efficaces et moins coûteux en termes environnementaux.

Cependant, pour le moment, une grande partie de la recherche se déroule non pas en France, mais dans d'autres pays européens, en Chine et aux États-Unis, où les investisseurs locaux ont de grandes capacités d'investissement, notamment en Californie. Nous sommes en retard, nous n'avons pas été pionniers. Au contraire, nous avons été incités à nous tourner vers les solutions les moins coûteuses venues de Chine, à cause du tarif d'obligation d'achat. Ce tarif, au lieu d'inciter les acteurs français producteurs de panneaux photovoltaïques à produire en France, a incité des opérateurs, des vendeurs de service, à acheter des panneaux chinois.

Nous sommes en train de répéter exactement les mêmes erreurs pour les batteries et les électrolyses d'hydrogène ; puisque nous voulons décarboniser l'hydrogène, nous le ferons avec les électrolyses chinoises, puisqu'il n'existe pas d'électrolyse française. Nous faisons la même erreur avec les éoliennes : l'acier vient de Chine, et les nouveaux investissements se portent hors de France. Voilà qui est dommage, alors que nos groupes chimiques, sidérurgiques et énergétiques sont de taille mondiale.

Mon groupe, qui est minuscule, possède une société à Nîmes qui s'appelle Protéus et qui fabrique des enzymes pour accélérer et catalyser la méthanisation, permettant de doubler les rendements des méthaniseurs. L'État, aujourd'hui, ne nous considère pas. Il réclame un tarif d'obligation d'achat de méthanisation, peu importe le rendement, puisque le tarif d'achat est garanti. À quoi cela sert-il de se tourner vers des acteurs locaux, à quoi cela sert-il d'innover ?

Je souhaite lutter contre l'idée que tous les opérateurs, aujourd'hui, ont l'État comme client. On nous dit d'augmenter le prix de l'énergie de 20 à 40 unités, si bien qu'une solution à 35 unités, non innovante, serait acceptée par tous. Notre discours est plus positif. Plutôt que de passer notre temps à discuter avec l'État, si nous consacrions nos ressources intellectuelles à innover, nous pourrions passer de 35 à 20 unités l'ensemble de ces solutions. Nous savons que les solutions existent, par exemple dans le photovoltaïque, l'éolien ou la méthanisation. L'idée n'est pas de monter de manière dogmatique de 20 à 40 unités le coût des énergies pour tout le monde, pour les gilets jaunes ou pour les entreprises énergo-intensives. Le but est de faire en sorte que toutes les solutions passent de 35 à 20 unités. C'est ainsi que nous pourrons gagner face à des pays comme la Chine et les États-Unis. Sinon, dans vingt ou trente ans, ce sont eux qui passeront de 35 à 20 unités.

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Je vous remercie, monsieur Barreyre. Je constate que vous avez beaucoup fait réagir l'ADEME ; monsieur Marchal, vous avez la parole.

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David Marchal, directeur adjoint à la direction productions et énergies durables de l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (ADEME)

Pour le photovoltaïque, deux centres de recherche, l'Institut national de l'énergie solaire (INES) et l'Institut photovoltaïque d'Île-de-France (IPVF), sont installés en région parisienne et sont des leaders européens. Effectivement, les capacités de production de l'industrie sont faibles. Dans les vingt prochaines années, au moins 100 gigawatts (GW) de photovoltaïque seront installés. Si l'un veut investir dans le photovoltaïque en Europe, le marché existera bien ! L'automatisation de la production fait que le facteur humain compte beaucoup moins. D'ores et déjà, de grands industriels alimentent ce marché : Air Liquide fournit par exemple des gaz industriels qui sont utiles pour la fabrication des panneaux photovoltaïques. Ces faits sont moins connus, car il s'agit de fournisseurs de second rang. Toutefois, ce marché mobilise déjà des acteurs importants. Concernant le crédit d'impôt, je cède la parole à M. Gourdon.

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Thomas Gourdon, responsable adjoint du service entreprises et dynamiques industrielles de l'ADEME

Les crédits d'impôt sont des mesures qui reviennent de façon intermittente. Nous avons chiffré pour l'industrie un crédit d'impôt qui viserait à orienter les 5 % d'économies d'énergie sur les utilités. Nous pensons que le crédit d'impôt est facile à mettre en oeuvre, et qu'il ne faut pas aller chercher les gisements sur les procédés, qui sont beaucoup trop compliqués. Pour les utilités, nous avions chiffré le crédit d'impôt à hauteur de 20 %, soit 1 milliard d'euros pour l'État pour 5 milliards d'euros d'investissements. Nous tenons à votre disposition une fiche sur ce sujet.

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Je terminerai par une remarque. Monsieur Barreyre, nous sommes intéressés par votre procédé sur la méthanisation. Pourrez-vous nous transmettre des informations ?

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Tout comme nous sommes intéressés par votre dernière proposition sur le crédit d'impôt, monsieur Gourdon… Messieurs, je vous remercie pour votre participation à cette table ronde. Nous sommes contraints par le temps, il est un peu frustrant de clôturer des échanges si intéressants. N'hésitez pas à participer en ligne à la consultation citoyenne sur le site de l'Assemblée nationale. Vous avez encore une quinzaine de jours pour contribuer.

L'audition s'achève à onze heures vingt-cinq.

Membres présents ou excusés

Réunion du jeudi 28 mars 2019 à 10 heures

Présents. - Mme Jennifer De Temmerman, M. Julien Dive, M. Bruno Duvergé

Excusé. - M. Christophe Bouillon