Commission des affaires étrangères

Réunion du mardi 19 mars 2019 à 17h00

Résumé de la réunion

Les mots clés de cette réunion

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La réunion

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Audition, ouverte à la presse, de M. Yves Bigot, directeur général de TV5Monde, Mme Véronique Cayla, présidente d'ARTE France et Mme Marie-Christine Saragosse, présidente-directrice générale de France Médias Monde, sur l'audiovisuel extérieur français.

La séance est ouverte à 17 heures.

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Mes chers collègues, nous accueillons M. Yves Bigot, directeur général de TV5 Monde, Mme Véronique Cayla, présidente d'Arte France, et Mme Marie-Christine Saragosse, présidente-directrice générale de France Médias Monde, pour une audition sur l'audiovisuel extérieur français.

Notre commission suit cette question avec un intérêt particulier, notamment à l'occasion du débat annuel qu'elle organise en son sein sur le budget de l'action audiovisuelle extérieure, autour de l'avis budgétaire présenté par notre rapporteur, M. Alain David.

Cette audition se justifie d'autant plus que nous sommes dans une période de réflexion concernant le financement, l'organisation et les missions de l'audiovisuel extérieur français. Un rapport a été demandé à Olivier Courson, ancien conseiller pour la culture auprès du Premier ministre, qui doit être rendu à la fin du mois. Un groupe de travail conduit par le secrétaire général du ministère de l'Europe et des affaires étrangères, Maurice Gourdault-Montagne, a été constitué.

Les questions relatives à l'audiovisuel extérieur sont nombreuses : quels arbitrages retenir pour faire face à la baisse des crédits ? Faut-il faire évoluer ses modalités de financement ? Quelles missions assigner à l'audiovisuel extérieur ? Quelles zones géographiques privilégier ? Quel soutien en attendre par rapport à nos priorités diplomatiques ? Quelles coopérations développer, avec nos partenaires européens et entre vous ?

Toutes ces interrogations devront être prises en compte à l'occasion de la future réforme de l'audiovisuel public annoncée pour le second semestre. Notre commission y sera particulièrement attentive car l'audiovisuel extérieur constitue un puissant outil pour la diplomatie d'influence de notre pays, dans un contexte de concurrence accrue de la part des médias anglo-saxons et chinois notamment.

Je vous laisse la parole pour une dizaine de minutes chacun, afin de disposer de temps pour le dialogue et le débat avec les députés.

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Yves Bigot, directeur général de TV5 Monde

TV5 Monde est la chaîne de la francophonie. Nous sommes acteurs de l'audiovisuel public français et de son audiovisuel public extérieur, mais ne sommes pas exclusivement français, puisque nous sommes également financés par la Fédération Wallonie-Bruxelles, la Suisse, le Québec et le Canada et représentons les quatre-vingt-huit États membres de l'Organisation internationale de la francophonie (OIF).

Je ne reviendrai pas sur l'histoire et les missions de TV5 Monde – mais je répondrai volontiers à vos questions sur ce sujet. Au moment où la France s'interroge sur l'avenir de ses médias et celui de son audiovisuel extérieur, je vais plutôt m'attacher à dépasser la vision de court terme pour nous projeter dans l'avenir – à cinq ou dix ans –, ce qui vous intéressera sans doute plus dans le cadre des décisions que vous serez bientôt amenés à prendre pour notre avenir.

Dans dix ans, l'audiovisuel extérieur français sera extrêmement concerné par l'univers des plateformes. On en parle tous les jours et la concurrence américaine ou chinoise est déjà présente – mais pas uniquement. Les télévisions traditionnelles continueront d'exister, mais elles perdront une grande partie de leur influence directe. Leur capacité de survie et d'influence sera liée à la présence de leurs programmes sur ces plateformes – qu'elles en soient, ou pas, les opérateurs directs.

Pour l'audiovisuel extérieur français – j'exclus le sport car les droits y sont particulièrement complexes à gérer et je ne sais pas si nous pourrons créer ou faire exister une plateforme exclusivement française dans ce domaine –, il existera probablement deux principales catégories de plateformes : les plateformes d'information, au sens le plus large, et des plateformes du type de celle de Netflix. Dans ce cadre, TV5 Monde serait la plateforme francophone mondiale.

À cinq ans, les dernières études des diverses agences et instituts américains soulignent que trois éléments seront essentiels : la convergence, l'accessibilité et la confiance, ce dernier critère prenant une importance croissante.

La convergence est naturelle pour nous : nous réunissons les services publics des cinq États qui nous financent, mais aussi tout l'audiovisuel public français. Véronique Cayla, comme Marie-Christine Saragosse, siègent au sein de notre conseil d'administration. Nous sommes le bras international de France Télévisions. Nous travaillons aussi avec l'Institut national de l'audiovisuel (INA) et Radio France.

La convergence est également interne à nos entreprises, suite à leur conversion au numérique : nos rédactions sont désormais bi, voire tri-média. TV5 MONDE ne fait pas encore de radio, mais travaille à la fois en télévision traditionnelle – avec neuf chaînes généralistes linéaires et deux thématiques –, et en numérique – TV5 est présente sur l'ensemble des supports numériques. C'est aussi le cas de notre dispositif de production et de diffusion : nous avons basculé en régie à 360°, qui gère la diffusion des chaînes en même temps que la disponibilité de tous les contenus sur tous les supports numériques.

L'accessibilité est un enjeu crucial pour les programmes français. Nos actionnaires canadiens l'ont bien compris, et ils nous incitent vivement à améliorer la « découvrabilité » des programmes. Pourquoi ? Au Canada, les programmes télévisés sont particulièrement concurrencés par Netflix, qui représente 60 % des parts de marché en prime time. C'est considérable ! Cela les préoccupe beaucoup au titre de leur souveraineté. C'est d'ailleurs une question que nous devrions, nous aussi, nous poser…

Nous y répondons par l'hyperdistribution – l'accessibilité maximale de nos contenus, sur tout type de supports. Comme nous ne sommes pas aussi riches que Netflix et que beaucoup d'autres acteurs – nous sommes un Petit Poucet budgétaire –, nous abordons chaque support – Facebook, YouTube, etc. – comme un marché et analysons comment nous y inscrire et trouver des collaborations ou des partenariats.

Dernier aspect, et pas le moindre : la confiance. Depuis plus de dix-huit mois, vous suivez comme nous le débat concernant les infox – fake news en anglais. Marie-Christine porte d'ailleurs le badge « Stop aux infox ». La crise des gilets jaunes est aussi une crise de confiance envers les médias et les journalistes. J'ai fait toute ma carrière dans les médias et je suis journaliste ; vous imaginez mon intérêt pour le débat. Je ne me sens pas agressé car il est normal de débattre et d'être remis en cause ; depuis 1789, aucun poste, aucun titre n'est acquis pour toujours !

À l'international, la confiance est fondamentale : TV5 Monde est présente partout dans le monde – y compris en Chine, en Corée du Nord, à Cuba ou au Soudan du Sud. Les pays les plus fermés diffusent notre chaîne car ils ont confiance. Cette confiance, nous essayons de la tisser par la culture – tout comme nos amis d'Arte. Le dialogue est plus simple que si nous parlions de politique ou d'économie – les rivalités entre certains pays sont alors plus visibles.

Notre multilatéralisme alimente aussi notre capital de confiance : au-delà des cinq États qui nous financent, nous représentons les quatre-vingt-huit États membres de l'Organisation internationale de la francophonie (OIF). Cela entre en ligne de compte quand les gouvernements décident de notre diffusion – ou non – sur leur territoire. C'est le cas du gouvernement chinois, et de la télévision centrale chinoise avec laquelle nous avons développé des collaborations.

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Véronique Cayla, présidente d'Arte France

Arte est une chaîne à part dans l'audiovisuel public, une chaîne politique dans le meilleur sens du terme, voulue par le chancelier Kohl et le président François Mitterrand il y a près de trente ans, au cours d'un sommet franco-allemand. Il s'agissait de rapprocher nos deux pays qui se sont beaucoup affrontés au cours du vingtième siècle.

Arte n'est pas une chaîne allemande – tout le monde le sait –, mais ce n'est pas non plus une chaîne française – tout le monde ne le sait pas toujours en France. C'est une chaîne franco-allemande, dotée d'une mission européenne de rapprochement des peuples d'Europe par la culture. Cette mission est clairement décrite dans le traité interétatique signé par le président français avec les seize Länder allemands en 1990.

Arte est une création politique très originale qui n'a pas d'équivalent dans le monde et, de ce fait, elle a dû inventer son fonctionnement : celui d'une chaîne à cheval sur deux pays, deux cultures, deux langues, mais avec une seule mission claire, qui la dépasse : l'Europe.

Arte est un groupe qui repose sur trois pôles : Arte Deutschland, Arte France et Arte Groupement européen d'intérêt économique (GEIE), soit deux pôles de production et un pôle de diffusion et de coordination – le GEIE à Strasbourg – qui abrite la rédaction des journaux et qui fabrique, au quotidien, le franco-allemand.

Dès le départ, Arte a fait de la constitution d'une mémoire commune entre la France et l'Allemagne une priorité, grâce au documentaire – toujours majoritaire – et aux coproductions, d'abord entre la France et l'Allemagne, puis avec leurs voisins. Ce travail autour des documentaires nous a permis de réunir une dizaine de chaînes publiques européennes partenaires, dotées chacune d'un fonds de coproduction.

Une fois cette mémoire créée, nous avons voulu construire un regard commun sur l'avenir de nos sociétés européennes, grâce à la fiction, vecteur puissant d'expression de l'imaginaire de chacun. C'est pourquoi nous ne diffusons pas de fictions américaines, mais uniquement des séries européennes contemporaines, voire d'anticipation.

Nous avons également développé un pôle d'information, avec une rédaction paritaire – vingt-cinq Français, vingt-cinq Allemands – tournée vers l'Europe et le monde, sans faits divers ni « chiens écrasés », mais au contraire avec de multiples regards croisés. Cela nous a permis de construire une information bien spécifique, fondée sur le recul, la réflexion, à l'inverse de beaucoup de chaînes d'information – mais pas toutes !

Après la mémoire – grâce au documentaire –, l'imaginaire – grâce à la fiction – et le présent – grâce à l'information –, le temps était venu de nous transformer en chaîne européenne : grâce à internet, nos programmes européens sont désormais diffusés dans toute l'Europe, gratuitement et de façon délinéarisée ; grâce au Parlement et à la Commission européenne qui ont accepté de financer le sous-titrage de nos programmes en quatre nouvelles langues – l'espagnol, l'anglais, le polonais et l'italien, désormais, 70 % des Européens reçoivent nos programmes dans leur langue maternelle.

Nos programmes sont européens. C'est ainsi qu'Arte est devenue la chaîne culturelle européenne de référence sur internet. Depuis dix ans, la stratégie d'Arte repose sur une triple priorité : la production européenne, le développement numérique et le développement linguistique. Cette permanence de notre stratégie a porté ses fruits : Arte se porte bien. 2018 a été une année exceptionnelle et nous avons reçu beaucoup de prix à travers le monde : l'Ours d'or à Berlin pour Synonymes, sept Césars, dont trois pour Shéhérazade – un premier film français – et deux pour des courts-métrages de fiction et d'animation. Comme toujours, nous avons obtenu de nombreux prix pour nos créations numériques ; Arte a toujours été un peu en avance dans le secteur du numérique en France.

Nos audiences ont connu une forte hausse en 2018 : celle de l'antenne a augmenté de 9 % en France ; notre offre numérique a progressé de 50 % ; sur Arte Europe le nombre de vidéos vues a été multiplié par trois en un an. Il est difficile de faire mieux et cela ne nous était jamais arrivé !

Par ailleurs, nos collaborations se sont renforcées avec l'audiovisuel public français et allemand. Nous partageons avec France 24 une plateforme commune en espagnol et, bientôt je l'espère, en anglais. Avec TV5 Monde, nous coproduisons depuis longtemps – et de plus en plus – de nombreux documentaires et des fictions francophones.

Si vous le permettez, je souhaiterais donner la parole à Régine Hatchondo, directrice générale d'Arte France, mais aussi vice-présidente d'Arte GEIE, notre atelier de fabrication du franco-allemand à Strasbourg, afin qu'elle vous présente deux grands projets qui nous sont chers.

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Régine Hatchondo, vice-présidente d'Arte GEIE et directrice générale d'Arte France

Le premier projet est en train de devenir une réalité depuis une dizaine de jours : nous avons créé sur Arte.tv un média éphémère en vue des élections européennes, Europe 2019. Quatre courts posts sur l'Europe sont diffusés chaque jour : aujourd'hui, nous évoquons par exemple le président de la Chambre des communes et le Brexit, le respect de l'État de droit et analysons les pics de bonheur en Europe – c'est la Journée du bonheur demain. Ces modules de trois à quatre minutes sont volontairement courts pour accrocher les jeunes. Nous décrivons le fonctionnement de l'Europe de façon didactique et simple. Nous diffusons de courtes séries documentaires sur la sortie du charbon, le droit d'auteur, les paysans en Croatie, etc. Nous essayons de couvrir tout l'univers européen.

Nous donnons aussi la parole aux citoyens européens, qui sont interrogés quatre fois par jour : nous dressons leur portrait, ils s'expriment sur leur métier et leur manière de vivre.

Avant les élections européennes, nous allons également diffuser sur notre site, mais aussi à l'antenne, Eden, une série originale coproduite par une dizaine de chaînes européennes, coécrite par un auteur français et un auteur allemand et réalisée par Dominique Moll. Elle a été sélectionnée au Festival Séries Mania à Lille qui en fera une projection intégrale. Nous prévoyons également de diffuser à l'antenne et sur le site des documentaires : sur Erasmus dix ans après, sur le Brexit, sur les institutions européennes et la vie des députés européens depuis cinq ans.

Nous allons communiquer autour d'Europe 2019 d'ici une dizaine de jours.

Nous développons parallèlement un deuxième projet : une plateforme européenne intégrant notamment les programmes d'Arte en six langues. Cela représente quatre cents heures de programmes coproduits, sans cesse renouvelés. Nous sommes partis de notre expérience dans ces six langues depuis deux ans, qui nous permet de commencer à mesurer les goûts des Polonais, des Italiens, des Espagnols et des Anglais.

Nous avons proposé aux chaînes allemandes ZDF et à ARD – les actionnaires d'Arte Deutschland – et à l'un de nos actionnaires français – France Télévisions – de créer un groupe de travail qui doit se réunir fin mars pour commencer à dessiner les contours de cette plateforme européenne qui diffuserait d'abord du documentaire et, à terme pourquoi pas, des fictions et des séries.

Nous n'avons pas vocation à devenir un Netflix européen – nous n'avons pas des milliards à perdre, contrairement à Netflix – mais plutôt une plateforme similaire à Molotov, qui fonctionne bien en France. Nous pourrions devenir le « Molotov européen » à destination de tous les citoyens européens, héberger les chaînes publiques européennes et, grâce à un très bon algorithme, retrouver facilement les programmes que l'on recherche.

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Marie-Christine Saragosse, présidente-directrice générale de France Médias Monde

Je vous remercie de nous accueillir. S'il y a un endroit où l'on comprend les enjeux géostratégiques – et, donc, ce nous vivons au quotidien dans le monde –, c'est bien cette commission !

Nous avons le sentiment d'une urgence. La révolution numérique, tout comme le phénomène des infox, voire les cyberattaques, qui font partie d'un continuum guerrier, sont notre quotidien depuis plusieurs années. Mais ces phénomènes recouvrent désormais des enjeux géostratégiques et peuvent modifier le devenir des nations – on l'a vu avec les élections aux États-Unis ou le Brexit. Demain, les élections européennes seront peut-être également influencées par ces informations manipulées…

Dans ce cadre, l'audiovisuel extérieur français est un outil important. Nos trois groupes sont complémentaires : chaînes généralistes – qui diffusent de l'information mais aussi des programmes patrimoniaux – et chaînes d'information avec nos rédactions qui couvrent quinze langues ; chaînes multilatérales – l'une francophone et l'autre franco-allemande et européenne – ou groupe français.

Le groupe France Médias Monde est un jeune groupe tri-média – nous sommes les seuls à faire à la fois de la radio et de la télévision et du numérique – qui date de 2012. France 24 est une chaîne d'information en continu quadrilingue – français, anglais, arabe et espagnol à raison de six heures par jour. Radio France Internationale (RFI) est une radio d'actualité, dont les programmes sont plus longs que ceux d'une radio d'information continue. Elle diffuse en français et en treize autres langues. Enfin, Monte Carlo Doualiya (MCD) est une radio généraliste arabophone que la France a créée dans les années soixante-dix.

Notre groupe diffuse donc en quinze langues. J'ai envie de dire « seulement » quinze langues car, pendant ce temps, BBC World, Deutsche Welle, ou Voice of America qui dépend du USAGM (ex- Broadcasting Board of Governors) diffusent entre trente et soixante langues…

Comme TV5, nous sommes présents dans tous les pays, à l'exception de la Chine où nous sommes interdits de séjour en raison de notre statut de groupe d'information – de l'intérêt de la culture ! Nous desservons 384 millions de foyers en vingt-quatre heures et disposons du plus important réseau de fréquences moyennes (FM) des radios internationales, ainsi que de nombreux partenariats radiophoniques (1600 radios partenaires).

Je reviendrai ultérieurement sur les résultats d'audience, qui comptent pour mesurer notre impact auprès des populations, relayer les valeurs françaises et un point de vue français dans le monde.

Nous avons des relations de proximité avec TV5 et Arte. Ainsi, Véronique Cayla a évoqué le sous-titrage de ses émissions en espagnol : nous en diffusons sur notre site en espagnol et elles rencontrent un grand succès. Nous développons ce « postage croisé » de contenus et allons poursuivre dans cette voie. Nous réalisons également des coproductions. Avec TV5, nous avons même signé un accord-cadre qui inclut les coproductions, la distribution et les mesures d'audience. Nous sommes présents conjointement sur les marchés, tout en conservant nos spécificités – dans le cas contraire, cela n'aurait pas d'intérêt.

FMM a pour mission principale de délivrer une information indépendante, honnête, équilibrée et plurielle en français et en langues étrangères, sur tous les supports de radio et de télévision numériques, en développant notre crédibilité et en suscitant la confiance dont parlait Yves Bigot. Au niveau mondial, nous promouvons les valeurs démocratiques, républicaines, la langue française et la francophonie.

Parmi nos missions figure de contribuer à la stabilisation des zones de tension : en développant des langues sahéliennes – comme le mandingue ou, demain, je l'espère, le peul –, nous contribuons au dialogue et à la diffusion d'une information certifiée dans des zones où elle n'existe pas.

Nous promouvons la francophonie dans un monde plurilingue aux côtés de TV5 Monde : RFI est un fer de lance pour l'apprentissage du français à partir des langues étrangères. Nous sommes très engagés auprès des jeunes générations connectées – je vous donnerai tout à l'heure nos chiffres concernant le numérique –, notamment afin de lutter contre les fausses informations et d'éduquer aux médias. Au fond, le premier rempart dans la lutte contre les fausses informations est l'éducation, afin que l'on puisse décrypter les images.

La promotion de la culture est une signature française à l'international, partout et toujours – Arte et TV5 Monde le font aussi. Nous avons une information culturelle très importante.

Nous contribuons également au développement durable et à la coopération internationale. Depuis bientôt un an, Canal France International (CFI), qui est l'outil de coopération et d'aide au développement en matière audiovisuelle, est notre filiale à 100 %.

Nous participons aux projets européens à travers des coopérations intenses, notamment avec Deutsche Welle. Comme Véronique Cayla l'a rappelé tout à l'heure, il est important d'avoir des liens avec nos amis allemands. Nous avons lancé InfoMigrants avec Deutsche Welle et nous travaillons également sur le projet « Enter », qui n'est pas une plateforme mais une offre visant l'hyper-distribution sur les réseaux sociaux, visant à aller chercher les jeunes qui ne sont pas « Erasmus » – ce sont eux qui se radicalisent, qui restent en marge de l'Europe et qui ne parlent pas toujours anglais. Il faut aller les chercher dans leur langue – c'est la spécificité que nous avons.

Les résultats qui viennent de sortir montrent que nous assurons nos missions. Nous avons un peu plus de 176 millions de contacts chaque semaine, contre 150 millions en 2017, ce qui représente une croissance assez forte. Cela inclut l'audience linéaire, classique – 130 millions de gens nous regardent ou nous écoutent, ce qui constitue aussi une forte croissance, encore plus importante que celle du numérique cette année –, et 46 millions de vues dans les univers numériques, où nous sommes en hyperdistribution sur toutes les plateformes, notamment Facebook et Twitter, ainsi qu'avec la vidéo mobile – 900 millions de vidéos de nos différentes chaînes ont été vues en 2018 .

Nous sommes une chaîne d'information. Cela veut dire que nous avons tous les droits sur ce que nous produisons et que nous sommes en direct et en linéaire. Une récente étude de BBC World Service indique qu'il y a certes un enjeu, décrit tout à l'heure par Yves Bigot, qui est lié à la délinéarisation, aux plateformes et à Netflix pour toutes les chaînes qui sont riches en contenus patrimoniaux, comme Arte et TV5 Monde. Pour nous, le direct continue toutefois à être dominant, en linéaire, et les études montrent que ce n'est pas prêt de s'arrêter. Il faut donc être un média global, présent en linéaire et sur le numérique. Sur nos 176 millions de contacts hebdomadaires, 130 millions de personnes nous regardent en linéaire, de façon classique – par le câble et par satellite et par les FM.

Il faut faire attention quand on prend des décisions stratégiques : le monde n'est pas homogène sur le plan de la distribution. Nous devons faire le grand écart entre une distribution en ondes courtes dans certaines zones d'Afrique où RFI est toujours écoutée de cette manière – cela représente près de 37 % de son audience – et de l'Over the Top Television (OTT) dans d'autres zones. Il faut faire de la dentelle et ne jamais lâcher un « barreau de la chaîne », si je puis dire, sans en tenir un autre et sans être accessible en fonction des habitudes d'écoute, comme Yves Bigot l'a souligné.

En ce qui concerne les grands enjeux géostratégiques, il y a évidemment l'Afrique, qui reste dominante pour nous – on touche à peu près 60 % des plus de 15 ans en Afrique francophone et on se développe assez fortement en Afrique anglophone. L'enjeu est celui des langues africaines : le peul, le mandingue, le swahili ou le haoussa. Si l'on veut que l'Afrique reste francophone, il faut également parler les langues des Africains et avoir un dialogue avec ces langues nationales. Il y a aussi le monde arabe, évidemment, qui est très important dans nos audiences. On voit ce qui se passe aujourd'hui en Algérie… Nous sommes au Maghreb la première chaîne d'information en arabe. Même si le français est très écouté, l'arabe reste dominant en matière d'infos linéaires. C'est un peu plus équilibré du côté des sites internet, mais il ne faut pas du tout lâcher l'arabe, à l'évidence.

Que faudrait-il abandonner, au fond, si l'on devait faire des économies ? C'est quand même un peu la question qui nous est posée. Devrait-on se retirer d'une partie de l'Europe, par exemple ? Une telle annonce pourrait être assez « intéressante » à la veille des élections européennes, et en période de Brexit. Faut-il passer en OTT partout ? On a été obligé de le faire aux États-Unis – nous sommes partis de ce pays, soyons clairs : France 24 en anglais n'est plus présente aux États-Unis en linéaire. TV5 Monde y est toujours, Dieu merci, mais va sortir du Royaume-Uni, où nous sommes encore présents en linéaire. Le Brexit doit-il nous faire sortir du Royaume-Uni ? J'ai du mal, parfois, à me dire que c'est une fatalité.

Nous serons en tout cas très présents pour les élections européennes. Nous faisons partie du groupe de fact-checking européen et international qui vient de se mettre en place, avec Le Monde, Libération et l'Agence France-Presse (AFP), pour la France, en vue de lutter contre la montée des infox à laquelle on assistera certainement à la veille des élections européennes. Nous réalisons aussi, avec la Deutsche Welle, une série de portraits de primo-votants européens. Il nous semble très important de continuer à labourer l'Europe, dont nous ne pensons pas que tous les États membres véhiculent les mêmes valeurs.

Faut-il alors renoncer à l'Amérique latine ? Nous venons d'y lancer France 24 en espagnol. Il existe une francophilie incroyable dans cette région, où Donald Trump est actuellement notre outil marketing le plus puissant. Il serait dommage de ne pas en profiter. Doit-on, par conséquent, renoncer à l'Asie ? Ce serait bien dommage aussi : nous venons de réaliser une percée – en tout cas France 24 en anglais, qui a 12 millions de téléspectateurs dans la zone.

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Merci pour ces trois exposés liminaires.

Je suis une grande consommatrice de deux de vos chaînes, au moins – c'est moins vrai pour celle de Mme Cayla, et vous allez comprendre pourquoi. Habitant à Singapour depuis près de quatorze ans, je suis une consommatrice de TV5 Monde Asie et de France 24, qui est diffusée depuis peu dans cette région.

Je voudrais souligner que TV5 Monde est souvent accessible via des programmes payants, alors que Deutsche Welle, BBC World, NHK et CCTV le sont gratuitement.

Je comprends, Mme Cayla – mais j'espère ne pas me tromper – que votre outil parle surtout d'Europe aux Européens.

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Véronique Cayla, présidente d'Arte France

Oui, c'est l'essentiel mais cela ne nous empêche pas de déborder de ce cadre.

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Mme Saragosse a évoqué les différentes langues dans lesquelles elle aspire à diffuser. Je tiens à signaler qu'il existe un outil extrêmement intéressant en Australie : le Special Broadcasting Service (SBS), qui est diffusé en 65 langues mais n'a pas vocation à franchir les frontières du pays, est notamment destiné à lutter contre les dérives communautaires. Il y a notamment deux plages horaires qui sont consacrées chaque semaine au français.

J'aimerais alerter nos collègues sur la condition des journalistes pigistes français dans le monde. Ils travaillent parfois dans des conditions très difficiles – dans certains cas, ils n'ont pas de visa les autorisant à travailler dans les pays où ils font leurs reportages. L'une des journalistes de Radio France en Nouvelle-Zélande est en fait basée à Singapour. Je pense que tout se déroule à peu près bien pour elle, mais ce ne sont pas toujours des conditions très faciles.

Je vois bien que vous avez fait trois exposés séparés, et je me pose des questions sur ce que doit être notre audiovisuel extérieur. Il me semble qu'il y va de l'influence française dans le monde, à laquelle je suis évidemment très sensible, et des valeurs que l'on peut porter, ce que l'on peut représenter. S'adresse-t-on à un public français, francophone ou étranger, qui est intéressé par la France ou par un filtre français ? Par ailleurs, plusieurs acteurs sont concernés : le Quai d'Orsay, le ministère de la culture, vous-mêmes, qui dirigez ces médias, et le personnel des chaînes. En dehors de vous trois, il y a aussi un certain nombre d'acteurs privés : TF1 et M6 sont très regardées en Afrique, le Net y contribuant pour beaucoup. À cela s'ajoute l'AFP, qui est un sacré véhicule pour l'information à la française.

Mme Saragosse a souligné qu'il existe une concurrence importante. La BBC a annoncé des chiffres en progression de 14 % pour l'Afrique en un an, ce qui est assez important.

La question est celle du public cible, je l'ai dit. Vous avez évoqué la jeunesse. Mais quelles priorités géographiques et linguistiques peut-on avoir ? Qu'en est-il des stratégies par canaux, par langues et par pays ?

J'aimerais également savoir quels sont les outils de pilotage qui vous permettraient de vous coordonner afin que l'on ait une vraie stratégie pour une France forte. Si j'en crois l'audition de M. Gourdault-Montagne au Sénat, le 20 février dernier, il ne me semble pas du tout que le budget de France Médias Monde ait à pâlir devant celui de la BBC World – mais les chiffres cités étaient peut-être erronés…

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Était-ce une « infox » ? (Sourires).

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Notre politique d'influence passe par tous les acteurs que j'ai cités. Quelle stratégie doit-on suivre sur le plan de la diffusion, notamment en matière de cibles géographiques ? Par ailleurs, quelle cohésion peut-on avoir ? Je me demande si la segmentation en plusieurs supports permet vraiment de répondre à l'ambition de la France de peser sur l'avenir du monde.

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Je voudrais vraiment remercier nos trois invités pour leurs exposés.

Chacune de vos entités présente des spécificités, mais il y a évidemment, quand on vous entend, des points communs et des rapprochements. C'est heureux, car vous êtes un instrument important pour ce que l'on appelle, en français, la diplomatie d'influence – c'est-à-dire quand on n'utilise pas le terme habituel de soft power. Vous savez que notre commission, notamment sous l'impulsion de sa présidente, attache une grande importance à ce sujet.

Vous avez dit qu'il existe une attente de France. Comment s'exprime-t-elle ? On ne peut y répondre que par l'intermédiaire d'un certain nombre de vecteurs, au premier rang desquels figure l'audiovisuel extérieur de la France. Comment pensez-vous que l'on pourrait améliorer, par ce biais, notre diplomatie d'influence ? Si l'on y accorde beaucoup d'importance, y compris dans les discours prononcés par les plus hautes autorités de l'État, c'est parce qu'elle s'exerce, comme vous vous l'avez dit, dans le cadre de notre langue, de notre culture, de ce qu'est la France, de sa vision et de son appartenance à l'Europe. Comment l'audiovisuel extérieur de la France peut-il contribuer encore davantage à cette diplomatie d'influence qui est si importante, je le répète – nous sommes un des grands pays dotés d'un réseau diplomatique.

Je suis très sensible au fait que vous avez parlé d'Europe, les uns et les autres, et singulièrement Véronique Cayla, compte tenu du rôle évident d'Arte dans la pédagogie en la matière. Nous sommes tous absolument consternés par la faible place de l'Europe dans les médias, en particulier les journaux télévisés traditionnels. Vous essayez, tous les trois, de relever le défi, et vos explications sur ce que vous diffusez actuellement pour renforcer la connaissance de l'Europe chez nos concitoyens m'ont tout à fait passionné.

Je voudrais vous demander quelle sera la place de l'audiovisuel extérieur dans la réforme annoncée. On a entendu tout et son contraire sur ce sujet, qui est tout à fait essentiel et dont notre Assemblée sera saisie prochainement, même si l'on ne sait pas très bien quelle sera la date. J'aimerais savoir si vous allez faire partie de cette réforme de l'audiovisuel et, le cas échéant, de quelle façon. C'est, en effet, une question essentielle.

J'ai aussi été très sensible à ce que vous avez dit sur la manipulation des informations, les infox, et sur les cyberattaques. M. Bigot a eu tout à fait raison de souligner que la confiance de nos concitoyens dans les médias est une question cardinale. C'est aussi un enjeu stratégique, géostratégique, comme l'a souligné Mme Saragosse. Comment peut-on mieux lutter dans ce domaine ?

Enfin, pourquoi France 24 est-elle encore absente de trop de chaînes d'hôtels dans le monde, y compris celles qui ont des liens très forts avec la France ?

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Au-delà de l'examen du budget annuel de l'audiovisuel extérieur, nous avons eu l'occasion d'évoquer à plusieurs reprises, au cours des derniers mois, la situation préoccupante de ce secteur, notamment en ce qui concerne les économies demandées pour les prochaines années : on table sur plus d'une dizaine de millions d'euros en moins.

Les trois entités que nous examinons aujourd'hui contribuent significativement au rayonnement de notre pays, de sa diplomatie et de la francophonie. France Médias Monde touche ainsi, chaque semaine, plus de 150 millions de personnes…

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Marie-Christine Saragosse, présidente-directrice générale de France Médias Monde

On en compte même 176 millions, désormais.

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… et TV5 Monde 41 millions. Arte a également des audiences en hausse.

Je souhaiterais que vous reveniez sur le passage au numérique et sur l'articulation entre vos missions et la coopération audiovisuelle. Comment pourrait-on, à l'image de ce qui est réalisé dans le cadre de Média-Sahel, trouver des collaborations et des financements, avec l'Agence française de développement (AFD), pour arriver à améliorer les capacités d'intervention sur le terrain en Afrique ? Il faut regarder ce que l'on fait au Sahel et ce que l'on peut réaliser, en général, avec l'AFD.

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J'aurais dû rappeler que vous êtes notre rapporteur budgétaire pour l'action audiovisuelle extérieure.

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Je vais être bref, car je partage tout à fait certaines des questions qui ont déjà été posées.

Habitant Varsovie, je suis également un grand utilisateur de vos médias, et je suis le rapporteur budgétaire de cette commission sur la diplomatie d'influence. Je vous remercie d'être venus devant nous et d'avoir fait ces interventions. Pour moi, et mes collègues ne seront pas surpris, car c'est un de mes dadas, il manque toutefois un acteur, à savoir France Télévisions.

Ma question porte sur la notion de frontière audiovisuelle, que je ne comprends pas. Je n'ai pas le droit de regarder France Télévisions à Varsovie, même sur internet : il existe des blocages qui ne sont pas budgétaires, car il n'y a pas de coût, mais qui résultent de sombres histoires de droits commerciaux – j'ai fini par comprendre de quoi il s'agissait, mais je n'ai pas le temps de développer. On pourrait quand même agir : il y a 10 milliards d'euros de fonds publics qui financent quelque chose qui s'arrête au Rhin, et va encore moins jusqu'au Sahel. Nous avons pourtant de la création…

Dans le cadre de ces 10 milliards d'euros, on se demande comment internationaliser les séries, car il faut le faire maintenant, mais ce n'est pas à vous que l'on s'adresse. Il existe un hiatus complet que je ne comprends pas. Pourquoi ces frontières dans l'audiovisuel ? Il ne s'agit pas juste que je puisse, égoïstement, rapprocher ma famille de la France, même si c'est une question : il y a des familles qui ont perdu le contact avec notre pays, des familles de binationaux qui ne peuvent pas regarder nos chaînes sur Internet, alors qu'on peut le faire en France sans payer la redevance. Mais c'est surtout dans l'autre sens que cela joue, et j'en ai d'ailleurs beaucoup parlé avec Mme Saragosse : je trouve que la qualité de vos travaux devrait permettre de féconder, dans bien des domaines, ce que France Télévisions réalise. Il me paraît totalement absurde qu'il y ait une telle qualité dans ce que fait Arte, du côté de l'information, de la création et des documentaires, et que cela ne soit pas suffisamment repris voire, à la limite, que cela ne fasse pas réaliser des économies – il y a, en effet, des doublons avec ce que l'on fait dans le cadre du budget de France Télévisions qui est, je le rappelle, de l'ordre de 2,5 ou 3 milliards d'euros, alors que vous vous battez avec des budgets d'une centaine de millions d'euros, pour des audiences complètement différentes.

J'ai beaucoup aimé ce que vous avez dit à propos des enjeux de la confiance. J'avoue que je ne comprends pas ce que fait cette frontière au milieu de l'audiovisuel. La décision l'on pourrait prendre ne serait pas coûteuse, mais uniquement administrative et commerciale. Je conçois qu'elle serait compliquée, mais elle nous donnerait immédiatement une influence décuplée, voire centuplée sur l'ensemble de la planète. Aujourd'hui, tout est bloqué.

Je ne vais pas reprendre ce qu'a dit Michel Herbillon à propos de France 24. Cette chaîne est présente dans beaucoup d'hôtels, mais il est vrai que l'on y trouve, comme sur internet, 50 000 chaînes turques, chinoises ou anglaises. Quand on a de la chance, et c'est de plus en plus souvent le cas, on a France 24 et TV5 Monde, mais cela ne suffit pas pour que l'on puisse parler d'influence. Or il n'est pas question de coûts, je le répète : c'est l'État – l'administration – qui est organisé en silos. J'aimerais que vous m'expliquiez le sens de cette frontière entre l'audiovisuel intérieur et l'audiovisuel extérieur. Je ne pense pas que l'on fasse de même pour la littérature, par exemple.

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En ce qui concerne les chiffres, je crois que l'ensemble de l'audiovisuel public représente environ 6 milliards d'euros, dont 2,5 ou 2,7 milliards pour France Télévisions. Nous avons avec nous trois spécialistes qui rectifieront si nécessaire, mais il me semble que le total ne s'élève pas à 10 milliards d'euros.

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Merci à nos trois intervenants pour leurs exposés très intéressants. Vous avez bien expliqué que vous représentez des outils essentiels de la diplomatie d'influence : vous contribuez à diffuser la langue française et les valeurs européennes. Vous travaillez aussi, et je souscris particulièrement à cette action, à rétablir la vérité en matière d'information, dans l'époque d'infox que nous vivons.

La culture française est diverse, plurielle et métissée. L'une des valeurs que nous portons, en tant que Français, en cette année où nous présidons le G7 et le Conseil de sécurité des Nations Unies, est l'égalité femmes-hommes. C'est un combat qui m'est cher. Comme le Président de la République l'a annoncé le 8 mars, en remettant le prix Simone Veil à Aïssa Doumara, Paris accueillera en 2020 le sommet Pékin+25. Cela m'amène à une double question.

Tout d'abord, j'aimerais savoir comment vous allez, en tant que vecteurs principaux de la diplomatie d'influence française dans le monde, porter les valeurs de l'égalité femmes-hommes. Il a été question de l'Europe, mais aussi du Sahel. Je ne sais pas, d'ailleurs, si la télévision est le meilleur média pour cette région ou si ce n'est pas plutôt la radio. Par ailleurs, Muriel Pénicaud a présenté un index de l'égalité salariale femmes-hommes en entreprise : pouvez-vous nous dire si cela s'applique à vos entreprises et, le cas échéant, ce qu'il en est ?

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Merci à nos interlocuteurs pour leur présentation des enjeux liés à l'audiovisuel extérieur français. Je me déplace beaucoup à l'étranger dans le cadre de mes fonctions, et je mesure donc parfaitement combien des chaînes telles que TV5 Monde, France 24 ou encore la radio RFI contribuent non seulement à faire rayonner la France hors de ses frontières mais constituent également pour les Français établis hors de France un lien avec leur pays. Je représente, pour ma part, les Français d'Afrique de l'Est et subsaharienne, ainsi que du Moyen-Orient et de l'Océan indien.

Ma première question s'adresse en priorité au directeur général de TV5 Monde mais elle concerne aussi, en réalité, nos autres invités. En 2015, TV5 Monde a fait l'objet d'une cyberattaque inédite qui a fortement perturbé son fonctionnement et lui a causé un préjudice financier de plusieurs millions d'euros. Cette attaque a d'abord été revendiquée par le « cyber-califat », un mouvement proche de Daech, puis l'enquête a semblé conclure à une action menée par différents groupes de hackers, dont certains auraient des liens avec la Russie. En sait-on davantage, aujourd'hui, sur les auteurs et sur les buts qui étaient visés, outre celui de porter atteinte à l'image de la France ? Par ailleurs, quels sont les dispositifs mis en place par TV5 Monde ? Quel en est le coût et, de manière générale, quelles sont les mesures mises en oeuvre par les acteurs de l'audiovisuel français pour se prémunir face à ce genre d'attaques ?

Ma seconde question concerne la stratégie de TV5 Monde en Afrique, mais également celle de France 24. J'ai bien noté que vous faites de l'Afrique francophone votre priorité. Le continent africain est en pleine mutation et les changements provoqués par la révolution de la téléphonie mobile sont très impressionnants. On ressent également de plus en plus les ambitions de puissances telles que la Russie, la Chine ou les États-Unis, qui ont leurs propres stratégies audiovisuelles. TV5 Monde a lancé un plan axé sur la transformation numérique qui doit l'aider à consolider sa position sur ce marché. Je voudrais savoir dans quelle mesure les Africains sont impliqués dans l'élaboration de la stratégie. Sauf erreur de ma part, TV5 Monde est détenue par des sociétés audiovisuelles de France, de Belgique, de Suisse, du Canada et du Québec : on n'y compte aucun pays du continent africain. Comment les pays ou les acteurs africains de l'audiovisuel sont-ils impliqués dans la définition de la stratégie ? Je crois savoir qu'il existe un conseil de coopération TV5 Monde-Afrique. Selon les informations du site internet, il ne compterait que six représentants : selon vous, est-ce suffisant ?

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Nous avons adopté, à l'automne dernier, une loi visant à mieux protéger notre démocratie contre les fake news, dont on voit de plus en plus l'impact désastreux sur le débat public. On observe, dans le même temps, une défiance grandissante et inquiétante envers les médias, qui paraissent parfois impuissants face aux campagnes de désinformation. Je souhaiterais connaître votre sentiment sur le rôle des radios et des télévisions publiques à l'égard des fake news. Comment vos rédactions appréhendent-elles l'influence croissante de la manipulation de l'information via les réseaux sociaux ?

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Le Président de la République a dévoilé, il y a un an, sa stratégie pour la langue française, qui repose sur trois grands axes : apprendre, communiquer et créer en français. Cette stratégie concerne directement les groupes France Médias Monde et TV5 Monde, qui sont appelés à accroître leur audience et à renforcer leurs actions pédagogiques. J'aimerais savoir quelles stratégies ont été ou seront mises en oeuvre afin de parvenir à ces objectifs.

Selon une étude réalisée par l'Institut national de l'audiovisuel (INA) et par la Fondation Jean-Jaurès, la place accordée à l'Europe dans les journaux télévisés français ne s'élevait en 2018 qu'à environ 13 % de l'offre globale d'information. Quelle est votre position quant à ces chiffres relativement faibles, et quelle place l'Europe occupera-t-elle lors des prochains mois au sein de vos différents canaux ? Cette question a déjà été un peu abordée tout à l'heure, mais je voudrais avoir des précisions de la part de ceux d'entre vous qui ne se sont pas encore exprimés en la matière. Dans ce contexte et face à l'amplification du phénomène des infox, quelles sont les mesures préventives qui ont été prises depuis la promulgation, en décembre 2018, de la loi relative à la lutte contre la manipulation de l'information ?

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On se montre souvent admiratif, en France, du modèle de l'audiovisuel public britannique, et l'on évoque régulièrement la création d'une BBC à la française. L'actuel ministre de la culture est d'ailleurs un des promoteurs d'un tel projet. Selon vous, le système britannique est-il transposable, notamment en ce qui concerne le contrat de redevance, sur 7 ans ? S'agit-il d'une piste à suivre ?

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Je tiens à remercier nos interlocuteurs pour leur présence parmi nous et pour la présentation qu'ils ont faite de leur activité. J'associe à ma question notre collègue Monica Michel qui aurait souhaité être là, mais avait un autre rendez-vous très urgent. Je vais m'adresser plus particulièrement à Mme Saragosse, mais les autres intervenants disposent peut-être aussi d'éléments de réponse.

Pourriez-vous nous renseigner sur le cadre actuel de la coopération entre l'audiovisuel extérieur de la France et l'Organisation internationale de la francophonie (OIF) ? Comment les accords conclus dans ce domaine s'appliquent-ils concrètement ? En ce qui concerne plus particulièrement un pays cher à Monica Michel, la République des Seychelles, on constate un déclin préoccupant de l'utilisation de la langue française. Celle-ci figure pourtant parmi les trois langues officielles du pays, aux côtés de l'anglais et du créole. Quelle est aujourd'hui la présence des médias français aux Seychelles et quelles seraient les pistes pour pallier le déclin de la diffusion de contenus en français ? La diplomatie d'influence est importante dans cette partie du monde.

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Arte souhaite accroître ses engagements dans la production et l'achat de programmes à hauteur de 25,3 millions d'euros, soit une hausse de 19 % entre 2016 et 2021. Le renforcement de l'offre est la condition sine qua non pour élargir et diversifier le public mais elle doit bien sûr être associée à une politique de distribution efficace sur tous les supports de diffusion, en particulier sur les réseaux sociaux.

Dans ce cadre, Arte met en avant depuis 2013 l'édition et la production de jeux vidéo qui représente 4,9 millions d'euros de chiffres d'affaires, avec une croissance de 15 % en 2018. Citons le jeu Homo Machina, sorti en 2018, qui a reçu une large reconnaissance en France et à l'étranger. Citons encore l'émission Art of Gaming présentée par l'excellente « streameuse » Trinity – dont j'espère le retour pour une nouvelle saison – qui aborde le jeu vidéo sous le prisme artistique et culturel.

Pourriez-vous nous présenter la stratégie d'Arte en matière de jeux vidéo à l'horizon de 2021, madame Cayla ?

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Merci à tous trois : vous parlez très bien de vos métiers et de la stratégie de vos différents groupes.

Dans cette commission, nous avons pour vocation de nous intéresser à l'influence de la France. Nous aurions souhaité avoir une vision complète de la stratégie d'influence de la France dont vos trois entités sont parties prenantes mais c'est une question qui s'adresse peut-être davantage à votre actionnaire.

Vous diffusez vos programmes en plusieurs langues. Ne faudrait-il pas privilégier le renforcement de l'usage du français, alors que l'objectif de passer de 280 millions à 700 millions de francophones a été fixé pour 2050 et que vous cherchez de nouveaux moyens ?

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La Semaine de la langue française et de la francophonie vient de commencer et ma question, dans le prolongement de celle de Bruno Fuchs, portera sur la promotion de notre langue et de notre culture à l'échelle internationale. On compte aujourd'hui près de 300 millions de locuteurs francophones à travers le monde qui sont autant d'ambassadeurs du quotidien, détenteurs d'une capacité d'influence non négligeable à l'heure où la mondialisation est devenue la norme.

La francophonie ne saurait être réduite à la seule pratique de la langue française. Elle constitue le principal vecteur de nos idées, de nos moeurs, de notre philosophie et de nos valeurs Les médias dont vous êtes les représentants sont des ponts qui permettent de faire circuler ces valeurs de par le monde. Ils doivent être les premiers promoteurs de la langue française sur les cinq continents.

Alors que la concurrence des médias étrangers devient féroce, quelles sont vos offres en matière de promotion de la langue française et de la francophonie dans les pays non francophones ?

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Il y a quelques mois, j'ai présenté devant notre commission un rapport sur la refondation démocratique de l'Union européenne avec mon collègue Sébastien Nadot. Je tiens à féliciter nos trois invités pour la qualité des émissions consacrées à l'Union européenne sur les antennes de l'audiovisuel extérieur. C'est un aspect peu connu que nous avions tenu à souligner.

Arte s'apprête à créer un média éphémère consacré à l'Europe intitulé « Europe 2019 ». Mais pourquoi éphémère ? Nous avons grand besoin d'un support pérenne.

Marie-Christine Saragosse a évoqué le nombre de langues dans lesquelles les programmes étaient diffusés. Pourquoi quinze langues seulement ?

Vous avez indiqué faire un gros effort pour les jeunes générations. En quoi cela consiste ?

Par ailleurs, il a été beaucoup question de lutte contre l'infox. Pouvez-vous nous donner des exemples concrets montrant comment vous avez réussi à déjouer des infox ?

Enfin, je déplore l'absence de france24 dans certains hôtels. Ne pourriez-vous pas veiller à ce que les offices du tourisme et les guides indiquent les établissements où la chaîne est disponible ?

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Avant de vous donner la parole pour les réponses, j'aimerais vous poser une question supplémentaire à laquelle je vous invite chacun à répondre en quelques minutes. Si, à partir d'une page blanche, vous deviez imaginer l'audiovisuel extérieur d'un pays comme la France, qui a vocation à exercer une influence universelle dans le monde, quels seraient vos projets ?

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Yves Bigot, directeur général de TV5 Monde

Si vous m'y autorisez, madame la présidente, je vais d'abord répondre aux différents orateurs et ce faisant, j'imaginerai une réponse à votre question.

Première question : le public de TV5 Monde. Nous nous adressons aux Français de l'étranger, à tous les francophones et à tous les francophiles de la planète qui s'intéressent selon l'expression consacrée au filtre français. En réalité, ce filtre est franco-belgo-helvéto-québécois mais ces quatre pays ont la même vision géopolitique et géostratégique et partagent les mêmes valeurs. Il faut savoir que 60 % de nos téléspectateurs ne parlent pas un mot de français et regardent nos programmes avec des sous-titres. Nos programmes sont diffusés en français mais ils sont sous-titrés dans quatorze langues, ce qui participe à la diffusion et à l'apprentissage de notre langue.

Les téléspectateurs sont avant tout attirés par notre culture et par nos créateurs. S'ils s'abonnent à l'une des neuf chaînes généralistes de TV5 Monde – dans beaucoup de pays, elles sont payantes –, c'est pour profiter du cinéma français, de l'art de vivre à la française.

Nous nous adressons aussi beaucoup à la jeunesse. En Afrique 60 % des 50 millions de nos téléspectateurs ont moins de trente-cinq ans. À l'heure où l'on se pose la question de l'âge des téléspectateurs du service public en France, il est très important de ne pas être coupé de la jeunesse, qui représente l'avenir. L'audience de TF1 et de M6 est extrêmement réduite sur ce continent. Ces chaînes ne sont diffusées que dans un tout petit nombre de pays et seulement dans des hôtels ou chez des particuliers ayant les moyens de s'abonner aux plus beaux des bouquets satellitaires.

Quant à la présence des États africains dans les instances de TV5 Monde, c'est un sujet que j'ai abordé il y a moins de deux heures avec Louise Mushikiwabo, secrétaire générale rwandaise de l'OIF. Elle m'avait d'ailleurs indiqué, avant même d'être désignée à ces fonctions, qu'elle souhaitait que l'on étudie ensemble la place des chaînes africaines au sein de TV5 Monde. Comme vous vous en doutez, c'est un chantier que je peux simplement préparer. Il appartient aux cinq gouvernements qui nous régissent de prendre des décisions.

La diplomatie d'influence qu'exerce la France à travers TV5 Monde passe principalement par la culture, vecteur d'attachements profonds pour une langue ou pour un pays. Si je parle aussi bien la langue de Shakespeare que celle de Molière, c'est parce que je voulais savoir ce que racontaient les Beatles ou Bob Dylan dans leurs chansons. La diffusion d'oeuvres françaises est l'influence la plus profonde que la France peut avoir non seulement dans les pays francophones mais dans le monde entier.

Si la chaîne est payante à Singapour alors que d'autres sont gratuites, c'est pour des raisons commerciales. Les chaînes que vous avez mentionnées paient pour être distribuées, ce que nous ne faisons pas. En revanche, nous estimons que notre chaîne a de la valeur, d'où ce mode payant.

La place de TV5 Monde dans la réforme en cours de l'audiovisuel public français dépendra de son association avec une éventuelle nouvelle entité. Rappelons que nous sommes déjà le fruit de synergies entre différents acteurs de l'audiovisuel public français. Notre actionnaire principal est France Télévisions, avec 49 % des parts, et sa présidente est à la tête de notre conseil d'administration auquel siègent Marie-Christine Saragosse et Véronique Cayla. Nous ne pouvons être absorbés au sein d'une entité française puisque les quatre autres sociétés audiovisuelles qui nous financent appartiennent soit à des États souverains – la Confédération helvétique et le Canada – , soit à des entités dépendant d'États souverains – la fédération Wallonie-Bruxelles et le Québec, lequel, rappelons-le, a refusé d'adhérer à la constitution du Canada.

La confiance est bien sûr fondamentale pour moi. Si nous parvenons à en inspirer à nos téléspectateurs, c'est principalement en raison de la qualité de nos programmes et des valeurs que nous véhiculons, valeurs partagées par les cinq États associés, valeurs de la France.

L'existence de frontières audiovisuelles s'explique par la gestion des droits. Si les programmes de France Télévisions, que nous diffusons dans le monde, ne sont pas partout visibles, c'est que France Télévisions n'en détient pas les droits au-delà du territoire français, qu'il s'agisse des retransmissions d'événements sportifs dont les droits ne sont acquis que pour la France ou de la diffusion d'oeuvres. Celles-ci sont la propriété des producteurs, propriété partagée pour un temps avec les chaînes qui les financent majoritairement. C'est l'un des grands enjeux de la future loi sur l'audiovisuel : comment adapter à la réalité de 2019 ou 2020 les relations entre les producteurs et les diffuseurs et comment répartir les droits entre eux ?

Sur la question de l'égalité entre les femmes et les hommes, nous appliquons toutes les réglementations. L'écart salarial ne devrait pas dépasser 1 % en 2020. C'est Thomas Derobe, notre secrétaire général, qui est en charge de cette mission.

S'agissant de la cyberattaque que nous avons subie le 8 avril 2015, l'enquête menée par le magistrat du parquet anti-terroriste de Paris avec les sept forces de police françaises a démontré deux choses : cette attaque était destinée non à voler nos données ou nous rançonner comme c'est le cas habituellement avec les cyberattaques mais à nous détruire ; elle a été menée par un groupe de hackers russes, APT28, connu aussi sous le nom de Fancy Bear ou Pawn Storm. Il y a en revanche deux questions auxquelles l'enquête n'a pas pu apporter de réponses : pourquoi avons-nous été ciblés ? Existe-t-il un lien entre ce groupe de hackers russes et un certain État ? Question qui fait sourire mes interlocuteurs étrangers.

Le dispositif de lutte contre les cyberattaques coûte chaque année 3 millions d'euros et occupe six ingénieurs. Nous avons un contrat avec Airbus supervisé par l'Agence nationale de la sécurité des systèmes d'information (ANSSI).

Plusieurs questions ont porté sur notre stratégie en Afrique. Ce continent est, avec le numérique, au coeur de notre plan stratégique actuel et de notre développement. Nous sommes présents partout. Ce ne sont pas avec les États mais avec les chaînes africaines et les producteurs africains que nous travaillons. Nous investissons environ 3 millions d'euros dans la production africaine chaque année : cinéma, documentaires, séries télévisées, magazines, web-créations. Ce n'est pas moi qui décide du nombre d'États représentés au sein du conseil de coopération de TV5 Monde. Notons que celui qui s'est tenu la semaine dernière a été élargi à une douzaine d'acteurs. Nous travaillons bilatéralement avec l'ensemble des chaînes africaines pour des coproductions et nous échangeons avec elles en permanence, dans tous les domaines.

La BBC est une chaîne que je connais extrêmement bien car j'y ai été producteur pendant cinq ans. Son modèle est-il transposable à la France ? Sans doute mais, encore une fois, ce n'est pas à moi d'en décider. Ce sur quoi nous pourrions prendre exemple, c'est son conseil d'administration et le mode de nomination de son président : son mandat de dix ans non renouvelable lui permet de travailler en toute indépendance sur le long terme sans être en permanence préoccupé par sa réélection. Il faut dire que la BBC a noué un lien particulier avec les citoyens britanniques en les protégeant pendant la seconde guerre mondiale – elle est surnommée Auntie, « tata » –, lien qui n'a pas d'équivalent en France.

Un dernier mot à propos de la langue française : il s'agit de l'une de nos missions fondamentales, que nous partageons avec RFI. Nous avons des programmes sous-titrés en quatorze langues et nous avons des services d'apprentissage du français pour les diplomates et pour les migrants et d'enseignement du français, qui reçoivent sur notre site plus d'un million de visites mensuelles.

Le service public de l'audiovisuel public extérieur pourrait-il avoir une configuration idéale ? Je ne le sais pas, madame la présidente. Préservons déjà celui que nous avons, il est assez exceptionnel.

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Marie-Christine Saragosse, présidente-directrice générale de France Médias Monde

J'abonde dans votre sens !

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Véronique Cayla, présidente d'Arte France

Je répondrai rapidement aux quelques questions qui concernent Arte.

Je dois dire que j'ai été ravie d'entendre une question sur les jeux vidéo. Cela fait cinq ans que nous en produisons et nous en sommes très fiers. Cela constitue pour nous une manière de rajeunir notre public, non seulement en Europe mais aussi dans le reste du monde. La moyenne d'âge des personnes qui y jouent n'est pas si basse que cela mais elle est néanmoins moins élevée que celle des téléspectateurs des chaînes publiques françaises. Nous poursuivrons dans cette voie, en produisant d'autres jeux qui ont tous une forte dominante culturelle et géostratégique. Il y en a un magnifique qui vient de sortir sur l'Irak, dans le prolongement de celui qui met en scène une réfugiée syrienne, Enterre-moi, mon amour.

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Je les conseille à tout le monde, spécialement aux électeurs d'extrême droite !

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Véronique Cayla, présidente d'Arte France

Je vous laisse la responsabilité de vos propos. Toujours est-il que nous sommes très satisfaits de ces jeux vidéo qui permettent de faire découvrir le monde à un public beaucoup plus jeune, avec des contenus différents des jeux que l'on trouve habituellement sur le marché.

Pour « Europe 2019 », nous avons voulu faire quelque chose de puissant jusqu'aux élections européennes, voire jusqu'à la rentrée du nouveau Parlement européen, afin de traiter de tous les moments forts qui vont ponctuer cette année. Nous espérons bien pouvoir continuer si notre budget est à la hauteur. Nous avons vu avec satisfaction dans la presse hier qu'Arte est le média français le plus présent pour couvrir les élections européennes actuellement.

Nous consacrons 8 % de notre budget au numérique, ce qui est, je crois, le pourcentage le plus élevé. Nous avons lancé récemment un appel d'offres commun avec toutes les chaînes de télévision du service public de l'audiovisuel français. Cinq programmes ont été retenus. Ils sont en cours de production et seront diffusés sur tous les sites à la fin de l'année. C'est un bel exemple de la manière dont les chaînes peuvent coproduire ensemble pour être plus efficaces dans un monde très ouvert, c'est le moins que l'on puisse dire.

Enfin, en matière de prévention des cyberattaques, je tiens à remercier Yves Bigot pour la percée qu'il a faite et pour les bonnes méthodes qu'il a partagées avec nous.

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Marie-Christine Saragosse, présidente-directrice générale de France Médias Monde

Permettez-moi de revenir d'abord sur les chiffres indiqués par Mme Genetet, qui se référait à l'audition de Maurice Gourdault-Montagne. Le budget de BBC World Service s'élève à 430 millions d'euros en 2019, tandis que celui de USA GM, l'équivalent américain, s'élève à 708 millions d'euros et celui de Deutsche Welle à 350 millions d'euros. Je rappelle que cette dernière correspond plus ou moins à France Médias Monde ; si on y ajoutait 3Sat, soit l'équivalent allemand de TV5, de moindre envergure, il faudrait comptabiliser 80 millions d'euros de plus, auxquels on pourrait aussi ajouter le budget d'Arte Allemagne…

Le plus petit de nos concurrents dispose ainsi de 100 millions d'euros de plus que nous, qui avons un budget de 256 millions d'euros. Voilà les ordres de grandeur : on ne se plaint pas, car il y a sûrement des groupes plus pauvres que nous. Mais il y a des médias beaucoup plus riches, comme vous pouvez le constater. J'ajouterai que, lorsque nous enregistrons 176 millions de contacts hebdomadaires, cela fait 13 millions de contacts de plus que Deutsche Welle, de sorte que nous semblons être assez efficients, comme nos camarades ici présents d'ailleurs.

Sur la place de l'Europe dans les médias, je pense que l'enquête de l'INA ne devait porter que sur les chaînes nationales françaises, car, entre RFI et France 24, je crois qu'il n'y a pas un jour où nous ne proposions plusieurs programmes sur l'Europe, que ce soit à titre hebdomadaire ou quotidien.

Pour ceux qui sont intéressés par ces questions, nous avons apporté des communiqués de presse sur le dispositif énorme qui sera déployé à l'occasion des élections dans le cadre de la lutte contre les fausses infos, notamment à destination des primo-votants. On y aborde aussi ce qui ne plaît pas toujours aux téléspectateurs français, puisque Bruxelles n'a pas forcément bonne presse.

Quant à l'accès à la chaîne France 24 dans les hôtels…

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Marie-Christine Saragosse, présidente-directrice générale de France Médias Monde

C'est à vous de réclamer. Je vous demande surtout de vous plaindre !

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Marie-Christine Saragosse, présidente-directrice générale de France Médias Monde

Les hôtels offrent des bouquets de chaînes préformatés, mais nous sommes tout de même présents dans 2,5 millions de chambres. Cela dit, changez d'hôtel si vos réclamations ne sont pas suivies d'effet ! Eh oui, vous pouvez être pour nous des relais marketing !

Comment lutter contre les fake news, que j'appellerai de préférence des « infox » (le terme français officiel). Le premier outil, c'est l'éducation. En ce moment, c'est la semaine des médias à l'école. Partout, dans les lycées français, on va expliquer aux élèves la différence entre l'information, la manipulation, le mensonge, la propagande etc. Qu'est-ce qu'une information vérifiée ? Voilà un sujet qu'il faut inclure dans la réflexion de l'éducation nationale dès le plus jeune âge. Notre émission Info ou Intox ? a été primé par l'UNESCO, au titre de l'éducation aux médias. Je crois qu'il faut commencer dès la classe de CE1, comme je pense que le ministre de l'éducation nationale en est conscient.

Deuxièmement, pour lutter contre les fausses informations, il s'agit de s'organiser le plus possible en réseau. Ainsi, à la veille des élections européennes, nous allons en mettre un en place au niveau européen, avec Le Monde et Libération. Nous nous efforçons de faire de même avec beaucoup de médias étrangers, tels que Deutsche Welle et BBC World. C'est aussi ce qu'on fait avec le secteur public français, grâce à un onglet commun sur le site de France Info. Ainsi, nous avons mutualisé tous nos outils de lutte, regroupés sous une rubrique « Vrai ou fake ? ».

Troisièmement, la répression peut aussi marcher. L'incitation à la haine n'est pas passible de poursuites seulement en période électorale. Je pense que le Gouvernement a engagé une réflexion sur ce point, qui va au-delà de la taxation des « GAFA ».

Vous m'interrogez sur un « BBC à la française ». Mais la capacité de communication fantastique des Britanniques, qui ont regroupé tous leurs médias sous le label BBC, ne doit pas nous faire croire que leur organisation est plus cohérente que la nôtre. De ce point de vue, la marque a une importance redoutable. Car, en réalité, lorsque je regarde comment fonctionnent BBC World Service et la BBC « tout court », je constate que leur coopération ressemble comme deux gouttes d'eau à celle que nous entretenons avec France Info : la nuit, c'est France 24 qui couvre les événements internationaux, comme c'est France 24 qui fournit les journaux du monde. Telle est exactement la manière dont BBC News et BBC World News coopèrent. France 24 a de même accès à tous les contenus de France Télévisions en matière d'information.

Ainsi, il ne faut pas céder à une illusion d'optique : même si nos canaux d'information portent des noms différents, la BBC, fusionnée ou non, coûte beaucoup plus avec ses 6,7 milliards d'euros de budget que les sommes consacrées en France au budget de l'audiovisuel public. Je vous mets donc en garde : on a toujours tendance à trouver l'herbe plus verte ailleurs ! On peut aussi regarder du côté des Allemands, qui proposent en parallèle ARD, ZDF et Deutsche Welle.

J'en viens à la question de la réforme, soulevée par la présidente Marielle de Sarnez. J'abonde dans le sens d'Yves Bigot, pour demander surtout de la stabilité. Nous avons été fusionnés en 2012 ; pour mener à bien cette énorme réforme, on a déménagé des personnels, on a conclu un accord d'entreprise, on a appris aux gens à travailler ensemble entre la radio et la télé –en plusieurs langues : cela n'existe pas ailleurs en France à cette échelle.

Le résultat est là : nous avons des audiences en croissance, 26 millions d'auditeurstéléspectateurs internautes internationaux de plus cette année. Partant, est-ce qu'on pourrait bénéficier d'une visibilité et d'une stabilité qui nous mettent au moins à égalité, de ce point de vue, avec nos principaux concurrents ? Car nous aimerions beaucoup pouvoir nous consacrer entièrement à notre coeur de mission.

M. Quentin posait une question sur les jeunes. Nous les touchons forcément dans les zones où nous sommes où la population est jeune, mais aussi grâce à notre forte présence sur les réseaux sociaux : sur Facebook et Twitter, on a 64 millions d'abonnés ; sur YouTube, on est la première chaîne française, avec un million d'abonnés en français et un million d'abonnés en arabe et presque un million en anglais. En français, nous sommes déjà la première chaîne. Or les gens qui sont sur ces réseaux constituent un public beaucoup plus jeune que la moyenne du public des chaînes nationales. En outre, en Afrique, il y a 60 % de la population qui a moins de 25 ans ; nous touchons 60 % des Africains de 15 ans et plus. Nous avons donc forcément une audience jeune.

J'en viens à l'OIF et au sujet de la langue française. Nous avons lancé la semaine de la langue française et de la francophonie hier matin, à France Médias Monde, en présence du ministre de la culture. Elle s'ouvre avec un concours « Stop aux infox ! », mot qui été lancé par la Délégation générale à la langue française et aux langues de France. Ce concours s'adresse aux jeunes publicitaires de toute la francophonie, qui doivent inventer une campagne. Ils ont travaillé hier jusqu'à 23 heures. Nous irons demain avec Yves Bigot remettre les prix dans les locaux de France Télévisions. Entre-temps, nous aurons passé toute une journée à l'Organisation internationale de la francophonie, grâce à une délocalisation de RFI. Comme vous le voyez, c'est vraiment la fête de la francophonie.

Nous avons conclu un accord-cadre avec l'OIF, qui concerne notamment les jeunes talents. Je me rendrai encore aujourd'hui à l'Agence universitaire de la francophonie, pour y remettre le prix des jeunes écritures francophones. J'ai participé, à Tunis, à la réunion préparatoire au sommet de la francophonie en 2020. J'y ai senti un élan extraordinaire. Mais il y a besoin d'outils, parce que la population croît plus vite que le système éducatif. Tel est l'enjeu.

Quant aux langues étrangères, elles ne sont pas un ennemi du français. C'est tout le contraire. Car, même quand on parle anglais, on parle aussi français, sur nos antennes. Quand on parle arabe, on parle français aussi… En parlant de la francophonie, nous sensibilisons en effet à cet espace commun que les gens apprennent à découvrir. C'est pourquoi nous proposons des interfaces d'apprentissage du français en vingt langues, y compris dans les langues africaines, pour y amener d'autant plus de gens. Il y a, de ce point de vue, un vrai enjeu éducatif en Afrique.

Si on veut que l'Afrique soit francophone, il faut chérir les langues africaines. Le français ne se sent jamais aussi bien que lorsqu'il se frotte à d'autres langues. La preuve en est que la France est le seul pays où on ne parle que français. Tous les autres pays de la francophonie vivent en plusieurs langues. Et le français s'en nourrit ! Car c'est une langue très vivante. Il ne faut pas avoir peur du pluralisme linguistique. Au contraire, il nous renforce. C'est bien le français qui est deuxième langue d'usage sur les cinq continents ; ce n'est pas le chinois.

S'agissant de l'Afrique, nos radios jouent un rôle clé dans la bande sahélienne avec RFI qui émet en mandingue et bientôt en peul. Elles portent notamment les valeurs humanistes, à commencer par l'égalité entre les femmes et les hommes qui sont au coeur de notre ligne éditoriale. Et dans une entreprise comme la nôtre, les aspects éditoriaux sont cohérents et donc étroitement liés à une politique de gestion des ressources humaines très attentive à ces questions. Ainsi, le nouvel index sur l'égalité femmeshommes, qui concerne bien nos entreprises également, attribue à France Médias Monde la note quasi maximale de 99100.

Voilà, je crois que j'ai tout dit.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Je vous remercie. Nous vous reverrons lorsque nous examinerons un prochain projet de loi dont nous nous saisirons, pour sa partie consacrée à l'audiovisuel extérieur, probablement à l'automne prochain. Je vous dis donc à très bientôt.

La séance est levée à 18 heures 30.

Membres présents ou excusés

Réunion du mardi 19 mars 2019 à 17 heures

Présents. - Mme Ramlati Ali, Mme Mireille Clapot, M. Alain David, M. Michel Fanget, M. Bruno Fuchs, Mme Anne Genetet, M. Michel Herbillon, M. Bruno Joncour, M. Rodrigue Kokouendo, Mme Amélia Lakrafi, Mme Nicole Le Peih, M. Denis Masséglia, M. Jean François Mbaye, M. Frédéric Petit, M. Jean-François Portarrieu, M. Didier Quentin, Mme Laetitia Saint-Paul, Mme Marielle de Sarnez, Mme Liliana Tanguy, Mme Nicole Trisse

Excusés. - M. Lénaïck Adam, M. Pieyre-Alexandre Anglade, M. Moetai Brotherson, M. Olivier Dassault, Mme Laurence Dumont, M. Éric Girardin, M. Philippe Gomès, M. Meyer Habib, M. Mansour Kamardine, M. Jean-Paul Lecoq, Mme Marine Le Pen, M. Jean-Luc Mélenchon, M. Hugues Renson, M. Sylvain Waserman