Groupe de travail sur les conditions de travail à l'assemblée nationale et le statut des collaborateurs parlementaires

Réunion du mercredi 13 février 2019 à 13h30

Résumé de la réunion

Les mots clés de cette réunion

  • contractuels
  • harcèlement
  • psychosociaux

La réunion

Source

GROUPE DE TRAVAIL N°2 – LES CONDITIONS DE TRAVAIL À L'ASSEMBLÉE NATIONALE ET LE STATUT DES COLLABORATEURS PARLEMENTAIRES

Mercredi 13 février 2019

Présidence de M. Michel Larive, président du groupe de travail

– Audition des représentants des organisations syndicales représentatives du personnel des services de l'Assemblée nationale : SNAFAN FO, SPAN CGT et Solidaires -Assemblée nationale.

La réunion commence à treize heures trente-cinq.

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Nous voici aujourd'hui réunis pour la deuxième réunion de la troisième partie des travaux de notre groupe de travail consacré aux conditions de travail à l'Assemblée nationale et au statut des collaborateurs parlementaires.

On ne peut évidemment que le déplorer, mais les risques psychosociaux (RPS) et le harcèlement concernent tout le monde à l'Assemblée, quel que soit le statut ou l'ancienneté. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle Jacqueline Maquet et moi-même avons tenu, d'emblée, à travailler en prenant en considération l'ensemble des personnels de l'Assemblée nationale : fonctionnaires, collaborateurs parlementaires, personnels contractuels employés pour plusieurs années dans les services, personnels contractuels employés dans le cadre de prestations diverses, je pense par exemple aux femmes de ménage, et même députés, puisque nous ne sommes pas non plus à l'abri de ces risques liés au travail.

Aujourd'hui, nous souhaitons aborder plus spécifiquement les RPS et le harcèlement, de manière générale les conditions de travail, des fonctionnaires de l'Assemblée nationale. C'est la raison pour laquelle nous avons souhaité auditionner les trois organisations syndicales représentatives du personnel que sont, dans l'ordre de représentativité tel qu'il résulte des dernières élections professionnelles, le SNAFAN-FO, le SPAN-CGT et Solidaires -Assemblée nationale.

Au 1er février, sauf erreur, vous étiez 1 021 fonctionnaires, pour un effectif théorique de 1 349 personnes.

On le sait, notamment pour les personnels travaillant dans les services législatifs, le rythme de travail lié à la discussion d'un plus grand nombre de textes dans des délais plus contraints que par le passé, lié également à une plus grande importance de la fonction de contrôle du Parlement, ce qui occasionne une multiplication des missions d'information et des commissions d'enquête, a considérablement modifié vos conditions de travail. Les risques inhérents à ce nouveau contexte se sont donc logiquement multipliés.

Avant de vous entendre sur les causes qui, selon vous, expliquent cette dégradation et, sans naturellement vouloir empiéter sur la consultation du personnel qui va être prochainement mise en œuvre à l'initiative du Président de l'Assemblée nationale, et avant également de vous entendre sur les éventuelles pistes de réforme que vous pourriez proposer, je souhaiterais vous poser deux questions :

Pensez-vous que la baisse des effectifs soit la principale cause de la hausse des RPS dans cette fonction publique si particulière, le manque de moyens étant une des causes avérées des RPS aussi bien dans le secteur public que dans des entreprises privées, ou l'attribuez-vous à d'autres facteurs plus spécifiques ; des délais de plus en plus contraints notamment, comme je l'ai évoqué, liés notamment à une actualité plus pressante ?

En tant qu'organisations syndicales représentatives, vous faites partie des interlocutrices privilégiées des personnels : quels sont les éléments qui ont pu vous être rapportés au sujet des conditions de travail à l'Assemblée et vous a-t-on suggéré des pistes de réflexion à cet égard ?

Compte tenu du temps qui nous est aujourd'hui imparti, je vous propose de vous laisser la parole à chacun pour une durée de dix minutes environ afin de recueillir votre point de vue avant que Mme Maquet, rapporteure de notre groupe de travail, vous pose quelques questions. Ensuite, nous procéderons à des échanges entre les députés présents et vous-mêmes.

Je laisse tout de suite la parole à M. Philippe Grenier pour le SNAFAN-FO.

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Philippe Grenier, SNAFAN-FO

N'ayant pas assisté à la première séance d'audition ce groupe de travail, je prends le train en marche.

Les risques psychosociaux que nous pouvons constater dans cette maison sont-ils essentiellement imputables à la baisse des effectifs ? Il est difficile de répondre de façon catégorique à cette question. En revanche, il est assuré que cette baisse constitue une des causes majeures de souffrance et d'un certain nombre de malaises au travail, pour des raisons sur lesquelles il est inutile de s'étendre. Elles consistent en une charge de travail accrue, qui se traduit par une retombée en cascade sur l'ensemble des personnels. Cette situation ne manque pas de connaître des retentissements importants sur la vie personnelle et les rythmes de travail.

C'est aussi une forme de déni de la valeur de la fonction publique parlementaire, qui se sent dévalorisée dans son rôle et son essence puisqu'à terme on laisse entendre que l'on pourrait lui substituer d'autres formes d'emploi. Il s'agit donc d'une logique institutionnelle qui va à rebours de ce que les personnels ont connu, ainsi que de leur engagement. Car ceux qui font le choix d'entrer au service de la fonction publique parlementaire le font en pleine connaissance de cause, dans un esprit de service extrêmement développé, quelle que soit la catégorie concernée.

Ce facteur aeffectif joue pour beaucoup et les perspectives, au moins à moyen terme, ne sont pas forcément de nature à redonner à l'ensemble des catégories de personnel des raisons d'espérer.

À cela s'ajoute un phénomène observé dans l'ensemble de la fonction publique : la substitution des emplois d'application et d'exécution, progressivement remplacés par des emplois de conception et d'encadrement, ce qui entraîne un certain nombre d'interrogations au sein des personnels en place.

D'autres facteurs viennent exacerber le sentiment de malaise éprouvé par les personnels de l'Assemblée nationale. Je ne prétendrai pas vous apporter toute sorte d'informations que vous ne posséderiez pas déjà par ailleurs, car nous ne partons pas d'une page blanche. En effet, depuis quelques années, l'administration a fourni des efforts importants pour s'inscrire dans le sillage de ce qui se pratique dans la fonction publique en général afin de prévenir le développement des risques psychosociaux. Un certain nombre de process sont ainsi désormais à l'œuvre, qui permettent l'identification de ces risques.

Cela constitue en quelque sorte une matière nouvelle dont s'emparent les administrations ;, c'est aussi pour les organisations syndicales de l'Assemblée nationale un champ d'intervention relativement nouveau, du moins de manière institutionnelle ; car la souffrance professionnelle peut toujours être identifiée dans le cadre d'un mandat syndical. Toutefois, traiter cette question de façon institutionnelle relève d'un autre plan d'organisation.

Il est donc nécessaire de former les membres de l'administration chargés de ce dossier comme il importe de se former au sein des organisations syndicales ou de bénéficier de formations afin d'être le plus efficient possible en la matière.

Un certain nombre de facteurs de risques psychosociaux ont été identifiés, notamment dans le rapport présenté en juillet 2018 par le président du comité d'hygiène et de sécurité (CHS) de l'Assemblée nationale sur l'évaluation et la prévention de ces risques. Les catégories dites supérieures, A et A+, sont astreintes à une exigence absolue de résultat – une culture du résultat – liée au statut des personnels de l'Assemblée nationale  et; aux « avantages » dont ils bénéficient, qui sont régulièrement mis en avant.

Ce statut trouve toutefois une contrepartie très réelle dans la disponibilité et l'implication des intéressés, notamment des personnels de catégorie A, qui sont amenés à assister les parlementaires dans leur travail de législateur. On pourrait considérer que cette obligation de résultat, cette culture de la performance, entraînerait une forme d'impératif organisé de façon institutionnelle. C'est-à-dire que l'on attend du fonctionnaire des résultats, quel qu'en soit le coût sur le plan personnel, et cette dimension est très bien intégrée dans l'esprit des intéressés. Cela crée une forme de contrainte institutionnelle permanente pouvant, à terme, se trouver à l'origine de cas de souffrance au travail.

Mais l'ensemble des catégories est exposé à ce risque, le rapport l'établit clairement, et ce constat est parfaitement vrai puisque partagé par les organisations syndicales. Ainsi, les collègues placés à des postes d'accueil, de surveillance ou d'exécution, dont les conditions quotidiennes de travail sont extrêmement difficiles, sont-ils parfois soumis à des injonctions que l'on pourrait qualifier de contradictoires. On impose ainsi à des personnels d'appliquer des règles de contrôle, d'accueil et d'accès très rigoureuses, tout en leur faisant comprendre qu'une certaine souplesse ne messied point, car nous vivons dans le système de la dérogation, et que, par exemple, l'invité d'une personnalité doit pouvoir être admis dans les lieux même s'il ne répond pas tout à fait aux exigences quotidiennement rappelées par ailleurs.

Enfin – et ceci est une circonstance particulière que nous ne pouvons cependant pas passer sous silence : au cours de l'année 2018, nous avons vécu une forme de violence exercée à l'encontre des fonctionnaires de la maison dans leur ensemble. Je ne reviendrai pas sur la campagne médiatique qui s'est déroulée lors du premier semestre 2018, mais ces attaques d'une violence sans précédent ont été extrêmement mal vécues par l'ensemble des personnels.

Cela à telle enseigne qu'à un moment donné, les organisations syndicales se sont senties dans l'obligation d'en appeler à une forme de protection fonctionnelle auprès des autorités. En effet, les fonctionnaires de l'Assemblée nationale ne méconnaissent jamais l'ensemble de leurs devoirs, au premier rang desquels figure celui de réserve.

Aussi ont-ils vécu cette période en ayant le sentiment de ne pas pouvoir ni se défendre, ni répondre, car cela n'est pas leur rôle. En tant que fonctionnaires, ils travaillent dans l'ombre de l'institution, et n'ont pas à apparaître sur le devant de la scène. Or le sentiment a pu se répandre que la réponse de l'institution n'était pas assez rapide et pas à la hauteur de ce qu'il faut bien considérer comme une agression.

De fait, pour la première fois dans ma carrière de syndicaliste, j'ai vu des collègues atteints dans leur vie personnelle, car leur qualité de fonctionnaire parlementaire leur valait des déboires dans leurs relations personnelles et familiales. Cela a été vécu de manière douloureuse. Des correctifs ont certes été apportés, mais il faudra beaucoup de temps pour réparer ce qui a été abîmé, et, d'une certaine façon, rien ne sera plus jamais comme avant; car une faille est apparue dans l'édifice.

Au sujet de ces attaques violentes, je souhaitais établir une comparaison avec la situation que, malheureusement, certains parlementaires vivent dans leurs circonscriptions lorsqu'ils sont agressés dans leurs permanences, par exemple. On peut avoir l'opinion que l'on veut, mais il existe en démocratie des règles et des lignes que l'on ne franchit pas. Or des fonctionnaires ont eu le sentiment que certaines lignes avaient été franchies et, je le répète, ont vécu très douloureusement cette période.

Ils ont d'ailleurs considéré faire les frais d'un certain versant de l'antiparlementarisme, car il ne faut pas se leurrer : lorsque l'on attaque l'institution, on attaque les parlementaires, ses fonctionnaires et, d'une certaine manière, on porte atteinte à la démocratie. Mais, encore une fois, cela a été très mal vécu par des fonctionnaires qui sont des femmes et des hommes de l'ombre n'ayant pas vocation à se trouver sur le devant de la scène, et cela a largement contribué au développement de ce malaise.

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François Rampin, SPAN‑

CGT. En premier lieu, je souhaite préciser que le SPAN CGT syndique non seulement les fonctionnaires, mais aussi les contractuels de droit public, qui de notre point de vue devraient être fonctionnaires puisqu'ils occupent des emplois permanents. Cela ne signifie pas que nous nous désintéressions de la question des collaborateurs parlementaires, qui nous sollicitent parfois ; il existe d'ailleurs un syndicat CGT qui fédère cette catégorie et que vous entendrez la semaine prochaine. Nous sommes solidaires de ce qu'ils vous demanderont, mais nous ne parlerons pas en leur nom aujourd'hui.

Nous avons un point commun avec les collaborateurs, qui est d'avoir 600 employeurs ; eux les ont individuellement, nous les avons collectivement, et ces employeurs sont également exigeants. Cela n'est pas toujours simple et doit être pris en compte, car souvent l'administration est la réfraction de ce climat global.

Toujours à titre de propos liminaire, nous observons que, l'année dernière, votre groupe de travail s'était intéressé à la prise en compte du handicap dans le fonctionnement de l'Assemblée nationale. Je souhaiterais appeler votre attention, car cela aussi détermine notre présence à cette réunion, sur l'impression que, depuis un an, non seulement les choses ne se sont pas améliorées, mais se sont dégradées.

Cela est lié à ce que vous avez mis en avant qui est la question des effectifs. S'agissant pour l'Assemblée de la possibilité de recruter des personnes en situation de handicap, le fait qu'il n'y ait plus de concours, que l'on ne recrute plus, n'augmente évidemment pas le nombre des personnes concernées. Cela d'autant moins que les seuls concours officiellement envisagés pour le moment concernent les administrateurs et les rédacteurs des comptes rendus, et qu'à ma connaissance rien n'est prévu pour les personnes en situation de handicap dans ces deux concours.

D'autre part, et vous avez donné ces chiffres, les manques constatés dans les effectifs théoriques sont comblés par le recours massif à l'emploi de contractuels de droit public, que nous syndiquons et défendons lorsqu'ils le souhaitent. Bien évidemment, en tout cas je vous le signale, il n'y a, au sein de ces recrutements, aucune prise en compte du handicap.

C'est d'ailleurs une pratique courante depuis fort longtemps dans le secteur privé, particulièrement à Paris dans les grands magasins, etc. : on tronçonne, coupe et saucissonne afin de descendre en deçà des seuils sociaux, de s'en exonérer, au point d'aboutir à une situation où il n'est plus possible de satisfaire aux obligations prévues par les textes. Cela est inquiétant pour la façon même dont se déroulent les travaux de ce groupe de travail.

Un autre point, qui pourrait paraître anecdotique, mais demeure symbolique, est la question du remboursement des frais de transport. Pour tous les fonctionnaires et les contractuels de droit public de l'Assemblée nationale existait un « remboursement transport » forfaitaire, basé sur le remboursement de la carte Navigo. Il a été décidé que ce remboursement ne s'adresserait plus qu'à ceux qui achètent effectivement ce titre de transport, ce que l'on peut comprendre. Mais les travailleurs handicapés, un certain nombre de collègues, de façon durable ou provisoire pour des raisons de santé, ne peuvent pas prendre les transports en commun, et de ce fait ne perçoivent plus ce remboursement. Ce forfait était sans doute une cote mal taillée, mais le symbole n'en est pas moins curieux.

Vient ensuite la réponse, implicite dans la question que vous avez posée qui est que, dans ces conditions, le débat devient quelque peu théorique. Il faut se figurer ce que représente la chute d'un quart des effectifs ! Singulièrement chez les agents ou les assistants de direction et de gestion (ADG), pour qui cela pose des problèmes majeurs.

Dans le domaine des risques psychosociaux et du harcèlement en particulier, l'action principale réside dans la prévention. Et pour prévenir, ce qui était classique dans les administrations à statut unique, était d'opérer en amont en organisant des changements de service.. Or, le manque d'effectifs empêche la mobilité, les mutations sont complètement bloquées ; il n'y a plus aucune marge, ce qui conduit à s'enfermer dans des situations pouvant survenir entre la hiérarchie et tel ou tel collègue ou entre collègues. On atteint l'absence totale de possibilité de solution.

À cela s'ajoute, et je suis entièrement d'accord avec mon camarade du SNAFAN‑FO, le fait que la fonction publique parlementaire a publiquement été mise en cause tout au long de l'année dernière, avec un léger renouveau à l'automne dernier, alors même que notre statut empêche que nous nous défendions, et sans que nous soyons particulièrement défendus par les autorités politiques – quand il ne semblait pas que ces mises en cause provenaient de personnalités politiques – a été compliqué à vivre par les intéressés. En tout cas cela ne concourt pas à se sentir en sécurité dans son travail quotidien.

Se joint à ça la « réformite », la réforme pour la réforme, alors que nous avions l'impression qu'un certain nombre de choses fonctionnait plus ou moins; que: les rapports sont publiés dans les délais, que la séance tourne et que les amendements sont traités, ce que l'on attend d'une fonction publique parlementaire. Nous tâchons par ailleurs de rendre l'accueil le plus correct et courtois possible. Dès lors, pourquoi réformer pour la réforme?réformer ?

Ces pratiques sont d'autant plus déstabilisantes qu'elles interviennent dans un contexte où les effectifs n'ont plus de marge, où l'on est privé de cette souplesse qui permettait parfois de s'adapter à des situations singulières. La seule adaptation possible porte alors sur les contractuels qui, vu la précarité de leur situation – et cela constitue une zone de non-droit absolu, car dans cette maison les contrats sont au maximum de six ans, ou de trois ans renouvelables une fois, et le plus courammentbien souvent d'un an –, apprennent assez fréquemment la veille si leur contrat sera renouvelé ou non.

Dans ce contexte, on imagine mal comment gérer les risques psychosociaux et le harcèlement.

De ce fait, la place des organisations syndicales n'est pas évidente. Lorsque nous sommes amenés à intervenir, il est généralement trop tard, alors que le stade du contentieux est pratiquement atteint, ; ce qui est absurde. Pour avoir quelque ancienneté dans cette maison, je peux témoigner qu'à une autre époque de telles situations étaient prises très en amont.

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Valérie Bergé, SPAN-CGT

Le problème du sous-effectif, que vous avez évoqué, monsieur le président, est le produit de l'absence de recrutement. Cette situation ne manque pas d'avoir des conséquences sur la mobilité. Soumis à une obligation de mobilité, les fonctionnaires y trouvent aussi la possibilité de rejoindre des postes qui les intéressent davantage que ceux qu'ils occupent, car certains postes sont moins intéressants que d'autres. Ces postes sont d'ailleurs généralement confiés à de nouveaux entrants. Or, faute de recrutement, il n'y a pas de nouveaux entrants susceptibles d'occuper ces postes moins demandés. De ce fait, les personnels occupant ces postes sont bloqués ou ne peuvent obtenir qu'une mobilité vers un autre poste peu valorisé ; ils se voient alors confinés dans ce type de profil.des tâches qui leur déplaisent.

Cette situation provoque un sentiment d'injustice, car ces postes plus difficiles réclament un investissement supplémentaire, et les fonctionnaires qui les ont occupés pendant un certain nombre d'années souhaitent s'orienter vers une position les intéressant davantage. La situation de blocage que connaissent les intéressés personnes concernées se trouve ainsi à l'origine de problèmes psychosociaux et de découragement.

Par ailleurs, le service des ressources humaines de l'Assemblée nationale ne se donne pas ou ne dispose pas des moyens de venir en aide aux personnes en difficulté. Aussi, en dépit de signalements, des personnes peuvent rester en poste sans qu'aucune mesure soit prise à leur endroit. Cette situation conduit les fonctionnaires à percevoir le service des ressources humaines comme défaillant.

En outre, différents statuts coexistent au sein d'une même équipe pour un emploi similaire, les contractuels étant désavantagés par rapport aux fonctionnaires titulaires. Ces derniers s'estiment ainsi tenus de prendre à leur charge les contraintes du service les plus importantes comme les horaires décalés ou tardifs. Cette question ne se pose évidemment pas au sein d'une équipe exclusivement composée de fonctionnaires, car les charges de travail se répartissent naturellement de façon plus équitable. Des problèmes psychosociaux et des situations de harcèlement peuvent ainsi résulter de ces déséquilibres.

De ce fait, en tant que fonctionnaires – que nous sommes contents d'être par ailleurs – on manque d'une écoute, car à des situations de risques psychosociaux ou de harcèlement, ce statut nous est opposé, et on nous demande de faire des efforts, d'arrondir les angles et de prendre sur nous. C'est le prix à payer, car on nous fait comprendre qu'après tout nous ne sommes pas si malheureux, que nous sommes dans une grande maison, et qu'il faut « faire avec ».

Les problèmes ne sont ainsi pas réglés et le mal-être augmente. E; en définitive, le statut se trouve à l'origine de contraintes qui ne devraient pas exister.

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François Rampin, SPAN‑

J'ai oublié de mentionner les entreprises privées qui, dans un contexte d'externalisation des tâches, fournissent du personnel pour le ménage ou le service des bâtiments. La crainte de perdre leur marché conduit des employeurs à exercer une énorme pression sur leurs salariés.

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Patrice Pétriarte, Solidaires Assemblée nationale

Le syndicat Solidaires -Assemblée nationale déplore qu'il ait été décidé de mettre mis fin aux travaux du groupe de travail sur les conditions de travail à l'Assemblée nationale et le statut des collaborateurs parlementaires au mois de juin dernierl'été prochain, alors que nous considérions sa constitution comme un progrès.

Nous syndiquons tous les personnels travaillant à l'Assemblée nationale, que leurqu'ils aient le statut soit de collaborateurs parlementaires, de fonctionnaires, de contractuels de droit public ou de droit privé. Nous sommes parfois saisis de cas de RPS ou de harcèlement, dont je vais traiter puisque tel est l'objet de cette réunion.

C'est à juste titre qu'est posée la question des conséquences de la situation de sous-effectifs sur les risques psychosociaux, car la situation est trop violente, ; d'autant plus que la baisse des effectifs s'est accompagnée d'une augmentation du volume des missions à remplir.

Pour avoir travaillé à la division des scrutins du service de la séance, je peux témoigner que six fonctionnaires y étaient employés il y a quatre ans, et qu'au cours de la XIVe législature, 1 380 scrutins ont été enregistrés ; pour la législature en cours, ce chiffre est de 1 600 environ, soit 400 % d'augmentation alors que l'effectif a chuté de 50 %.

Les RPS existent, j'ai tiré la sonnette d'alarme pour mon propre cas, il ne s'est rien passé ; l'administration s'est bornée à promettre un renfort au mois de juillet, mesure qui a sans cesse été repoussée, jusqu'à ce que la machine se casse.

Ainsi aujourd'hui, lorsqu'un collègue est malade, il n'est pas possible de le remplacer, sinon le service est désorganisé, et l'on demande encore plus à ceux qui sont présents. Par ailleurs, les recrutements de contractuels de droit public ne comblent pas la baisse des effectifs. Le statut de ces personnels, déterminé par leur contrat, les conduit à effectuer un nombre déterminé d'heures de travail, ce qui, le cas échéant, amène les fonctionnaires travaillant à leurs côtés à accomplir plus fréquemment qu'ils ne le devraient des travaux nocturnes.

La baisse des effectifs a donc des conséquences importantes sur les manifestations de risques psychosociaux.

Il existe à l'Assemblée un comité d'hygiène et de sécurité (CHS) : nous avons obtenu une évolution de la réglementation car, à l'Assemblée nationale, on ne discutait pas des conditions de travail. Comment n'y aurait-il pas une augmentation des RPS, alors qu'il n'existe aucune instance pour évoquer les conditions de travail ? Une amélioration est à l'œuvreIl va être transformé en CHSCT, mais comme toujours les choses vont beaucoup trop lentement. Le médecin de prévention, que nous rencontrons fréquemment et qui est sollicité au sujet des RPS, dresse un état des lieux.

Le taux d'absentéisme, de l'ordre de 6 %, est habituellement très faible à l'Assemblée nationale, mais chaque année, il augmente il a atteint des pics de 10 % à 15 % ; l'effectif est donc moindre alors que le nombre d'arrêts de maladie augmente. Sur un effectif constant, le nombre d'arrêts maladie à l'Assemblée nationale représente 9 800 jours, ce qui signifie que, tous les jours, 25 fonctionnaires sur 1 021 sont malades. Il y a donc une corrélation entre la baisse des effectifs et la hausse du nombre des arrêts de maladie.

Autre facteur de risques psychosociaux : la pyramide des âges des fonctionnaires, dont 50 % ont plus de 55 5250 ans. Il me semble que plus on est âgé, plus on a du mal à faire face à une modification de situation professionnelle et à une augmentation du volume de travail. On a beau vouloir, parfois le corps ne répond pas.

Par ailleurs, le comportement parfois autoritaire de l'organisation managériale « braque » les personnes. À titre d'exemple, je peux faire état d'une phrase lue dans la notation d'un fonctionnaire dans laquelle son supérieur considérait que la perturbation de la vie familiale était inhérente au travail à l'Assemblée nationale. Nous ne pouvons pas l'accepter : l'organisation du travail à l'Assemblée ne doit pas perturber la vie familiale !

C'est une vision faussée de la réalité : , nous sommes bien sûr au service de l'institution, mais, comme le souligne le médecin de prévention, mieux vaut arrêter quelqu'un pendant un mois parce qu'il est à platépuisé que de le voir faire un burn-out. Ce médecin est indépendant dans sa mission, et porte cette appréciation. Les managers ne voient que le résultat et considèrent que la perturbation de la vie familiale est la condition sine qua non du travail à l'Assemblée nationale ; nous ne partageons pas ce point de vue et nous le dénonçons. Nous mettons à profit cette tribune pour le dire.

En réponse à la troisième question posée, qui porte sur les conditions de travail, je dirais que, pour les services législatifs, la production a augmenté, que les effectifs ont diminué, et que nous atteignons le point de rupture. Une note interne au service de la séance, indique que les administrateurs qui y travaillent doivent effectuer 2 400 heures par an Comment avoir une vie familiale équilibrée avec un tel quota d'heures ?

J'entends bien qu'il y a des contraintes, mais je ne suis pas certain qu'un mauvais équilibre familial soit la meilleure solution pour travailler dans de bonnes conditions à l'Assemblée nationale.

Je partage enfin le constat de mes collègues sur l'empilement des statuts, qui emporte des droits différents pour l'occupation des mêmes postes, avec des congés différents. Il faut savoir que, de par leurs obligations, les personnels de l'Assemblée nationale ont droit à un certain nombre de jours de congé, alors que leurs collègues contractuels connaissent un autre régime. Il semblerait que l'administration souhaite y mettre un peu d'ordre, ce qui serait préférable, car ces situations sont propices à l'apparition de risques psychosociaux.

Car les risques psychosociaux susceptibles de toucher les contractuels de droit public nous sont inconnus puisque ces personnels ne siègent pas au CHS et n'ont pas d'élections professionnelles. Nous n'avons connaissance que des cas extrêmes. D; dans ces conditions, il nous est difficile d'établir un état des lieux de ces situations.

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Vous avez raison, monsieur Grenier : lorsqu'un député est victime d'une agression, nous le dénonçons, car nous sommes solidaires. Cela concerne tous les députés : dernièrement la permanence de Mathilde Panot, qui appartient à mon groupe politique, a été taguée, ce qui prouve que ces agressions peuvent nous toucher tous, sur tous les bancs.

S'agissant du handicap, notre groupe de travail a fait un rapport et formulé des préconisations qui sont désormais entre les mains du Bureau de l'Assemblée nationale, notamment de son président. C'est encore au Président et au Bureau qu'il revient de mettre en œuvre la réforme.

La constitution de ses groupes de travail était une excellente idée du précédent Président de l'Assemblée nationale, François de Rugy. Certains d'entre eux ont malheureusement déjà cessé leurs travaux. Pour notre part, nous avons considéré que notre groupe était très important, et qu'il avait apporté des avancées, notamment sur la réévaluation du montant de l'enveloppe attribuée aux députés pour l'emploi de leurs collaborateurs.

Enfin, nous savons que l'équation est toujours la même ici comme ailleurs : moins de monde, plus d'arrêts de maladie !

C'est sans concertation que l'on nous annonce la fin de ce groupe de travail, ce que je déplore au moins autant que vous. En tout état de cause, car nous le devons aux personnels de l'Assemblée nationale, aux gens qui y travaillent, aux députés ainsi qu'à tous ceux qui côtoient cette maison : nous poursuivrons notre mission et irons jusqu'au bout de ce travail sur le RPS et le harcèlement. Ce qu'en fera par la suite l'Assemblée nationale, c'est à son Président qu'il faudra le demander.

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Avant de vous interroger, je souhaite partager quelques informations. Nous avons travaillé sur un premier rapport, concernant les assistants parlementaires et les collaborateurs, et je crois que nous avons fait un bon travail. Dix-neuf propositions ont été émises, et l'on en ressent les effets sur le statut des collaborateurs aujourd'hui. S'agissant du rapport sur le handicap, suite au changement à la présidence de l'Assemblée, il sera présenté courant mars. Et vous pouvez compter sur nous pour faire les évaluations des suites données à ces deux rapports.

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J'apprends à l'instant, avec l'assistance, que le rapport sur le handicap sera présenté courant mars, alors que je suis président de ce groupe de travail…

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Toutes vos interventions, messieurs, se sont concentrées sur la baisse des effectifs, ce qui se comprend, et malheureusement cela ne touche pas que l'Assemblée nationale. Nous demanderons des informations à ce sujet, mais avez-vous des chiffres sur les baisses d'effectifs ?

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François Rampin, SPAN‑

Ce sont les chiffres que le président a annoncés en introduction : on compte 1 021 fonctionnaires pour un effectif théorique de 1 349 personnes.

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Vous avez également parlé de « réformes », pour ma part je parle de « transformations ». Avez-vous noté un changement avec l'accélération de la numérisation ? Les effets peuvent être positifs ou négatifs, notamment avec des effectifs âgés. Peut-être faut-il réfléchir aux programmes de formation. Ce sont des points sur lesquels nous devrons élaborer des propositions.

En matière de RPS, pensez-vous que la façon dont fonctionne l'administration de l'Assemblée nationale, ainsi que le rôle et la manière de fonctionner des encadrants, soient des pistes à explorer pour remédier à certains risques ?

Certains services, certaines unités, sont-ils plus propices aux RPS que d'autres d'après ce que l'on a pu vous dire ? Par exemple les restaurants, dont le personnel est obligé de servir un très grand nombre de gens dans un laps de temps assez réduit, ou les unités d'accueil du public, dont nous avons cru comprendre que le fonctionnement n'était pas toujours optimal. Si certaines unités sont plus problématiques, c'est sans doute sur celles-ci que les efforts de restructuration de et d'amélioration des conditions de travail devront porter.

Enfin, au sujet du harcèlement, savez-vous si l'information dispensée en la matière, l'existence d'une référente et, le rôle du déontologue, sont connus ? L'information devrait-elle être renforcée ? Sans vous demander de données confidentielles, savez-vous si le harcèlement est chose répandue à l'Assemblée ?

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S'agissant des attaques médiatiques, qui continuent plus ou moins, parfois à l'encontre des députés, parfois des fonctionnaires, et parfois de tous en même temps, nous les déplorons tous et nous sommes tous dans le même bateau.

À propos de la « réformite » que vous évoquiez en déplorant ne pas savoir à quelles fins les réformes étaient décidées, attendons de voir les résultats. Je conçois que beaucoup de points soient problématiques.

En ce qui concerne la hausse du nombre d'arrêts maladies, je pense qu'il existe une corrélation avec l'âge, parce que ce ne sont pas forcément des angines. Plus la moyenne d'âge augmente, plus on connaît de « pépins » dans la vie.

Parmi vos propos, je suis particulièrement inquiète par le témoignage de Mme Bergé, selon qui le service des Ressources humaines ne se donnerait pas les moyens d'aider les personnes vulnérables ou ayant besoin de soutien. Je suis étonnée  :; est-ce une question de statut ? Existe-t-il d'emblée un a priori négatif à l'encontre des fonctionnaires, dont la parole n'est pas prise en compte ? Ce manque d'écoute est-il du domaine du ressenti, ou est-ce une réalité ? Avez-vous des précisions ?

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Je siège pour la première fois dans ce groupe, puisque j'étais parmi les députés non-inscrits et que je fais maintenant partie du groupe « Libertés et territoires » qui s'est constitué en cours de route. Je trouve intéressant de vous entendre, et de constater que les difficultés auxquelles les parlementaires sont confrontés du fait d'un changement de pratiques affectent également votre activité.

J'ai bien noté la réduction du nombre de postes statutaires : sur les 1 340 postes prévus au tableau des effectifs, vous êtes aujourd'hui 1 021. La différence correspond-elle aux personnes en arrêt de-maladie et aux personnels contractuels, ou seulement à ces derniers ?

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François Rampin, SPAN‑

Ce sont des contractuels, ou des postes qui ne sont pas remplacés.plus pourvus.

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Nous voyons que la numérisation affecte tout le monde dans l'organisation du travail. Existe-t-il une réflexion dans vos services sur les manières d'améliorer l'organisation du travail, en tenant compte de certains paramètres tels que la volonté de réduction des dépenses ? Continuez-vous à travailler comme avant ? La numérisation peut entraîner de la désorganisation, je le vois par exemple dans l'hémicycle, où les liasses d'amendements ne sont plus distribuées. Je suppose que cela a dû changer un certain nombre de pratiques pour vous.

Des emplois sont directement liés aux parlementaires et aux fonctions d'accueil, et d'autres sont plus administratifs et liés à la gestion. L'impact de la diminution des postes est-il le même dans ces deux catégories, ou certains secteurs sont-ils plus affectés que d'autres ?

Je conclurai en vous disant combien je suis sensible à votre témoignage. Depuis dix-huit mois, les institutions républicaines et démocratiques sont bien malmenées, et quelle que soit notre fonction au sein de ces institutions, nous sommes tous bousculés.

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Je partage totalement les propos de Mme Dubié. Je voulais avoir une précision supplémentaire sur les postes de contractuels. On me dit que beaucoup sont recrutés dans la restauration, notamment à la journée. C'est-à-dire que le matin, les responsables des restaurants font appel à des personnes pour le repas du midi ou le repas du soir, en fonction des besoins. Pouvez-vous me le confirmer ?

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Philippe Grenier, SNAFAN-FO

Avant de répondre à l'ensemble des questions que vous nous avez posées, je souhaite revenir sur le troisième point que je souhaitais développer et qui m'avait échappé. Il a été évoqué par mon camarade Patrice Pétriarte : c'est le vieillissement de la population. La pyramide des âges est très défavorable, elle est étroitement corrélée à une absence de recrutement. Baisse des effectifs et vieillissement du personnel, accompagnés d'une hausse de la charge de travail : toutes les conditions sont réunies et nous constatons en effet le développement d'un certain nombre de pathologies.

Vous demandez si le rôle de l'administration de l'Assemblée et les pratiques en matière de management peuvent avoir un impact significatif. C'est évident, mais il ne s'agit pas ici de faire un procès d'intention ou de pointer que l'administration fait mal telle ou telle chose. Il faut constamment améliorer les procédés, mais je suis relativement confiant à cet égard : nécessité fait loi, et nous sommes en train de créer les conditions d'une concertation améliorée en la matière.

Pourtant, il reste beaucoup de problèmes. Par exemple, avant d'obtenir l'organisation d'un concours au service des Ccomptes rendus, il a fallu attendre que l'effectif du service soit arrivé à l'étiage et que le personnel soit épuisé physiquement pour que soit enfin prise la décision de recruter des fonctionnaires qui jouent pourtant un rôle essentiel dans l'élaboration de la loi et la publicité des travaux.

Il faut aussi des réponses institutionnelles concernant le rôle dévolu au management. Elles commencent à se mettre en place, charge à nous de s'assurer que cela se fasse bien. Le CHS, après bien des atermoiements, est en train de se transformer en comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT), à l'instar de ce qui se fait dans la fonction publique, au terme d'une concertation et à la demande de l'ensemble des organisations syndicales. J'en profite pour dire que notre organisation syndicale, contrairement à ce qui a pu être compris, n'a jamais été opposée à la mise en place d'un CHSCT puisque nous le demandions depuis 2013 à la suite des réformes intervenues dans la fonction publique de l'État.

Il est également nécessaire d'améliorer certaines procédures en matière de notation et d'affectation. Il faut qu'une réflexion s'engage, en ayant à l'esprit que la fonction publique parlementaire est dépourvue de commission administrative paritaire. Par conséquent, lorsqu'un fonctionnaire rencontre un problème de notation ou d'affectation, il n'existe pas d'instance institutionnelle de recours comprenant des personnes compétentes, légitimes, et siégeant spécialement pour examiner ces réclamations. Nous sommes donc amenés à intervenir au cas par cas, car il existe des difficultés, comme dans toute organisation humaine et professionnelle. Sans demander la transposition à l'identique des commissions administratives paritaires, la mise en place de certains cadres sécuriserait le personnel.

Il est exact que des unités sont plus propices au développement de certains risques, mais c'est lié aux conditions de travail de manière générale. Les conditions de travail se sont dégradées à la Séance ; elles ont été très dégradées pour les rédacteurs des comptes rendus ; elles sont aussi dégradées pour les gardiens-surveillants et les agents, et pour les employés des restaurants, qui sont aussi des personnels vieillissants qui rencontrent des pathologies physiques : les troubles musculo-squelettiques sont en augmentation constante, car une personne de cinquante-cinq ou soixante ans ne devrait pas avoir à porter les mêmes charges en cuisine qu'une personne de trente ans qui entre dans la profession.

Le restaurant est l'un des secteurs qui recrute le plus grand nombre de contractuels. Pour les emplois à la journée, on recrute parfois des extras, mais c'est conforme aux usages de la profession. On peut se demander si nos effectifs sont en nombre suffisant, mais cette pratique n'est pas dérogatoire aux règles de la profession pour les emplois en salle, qui répondent à la règle des extras telle qu'on l'observe dans l'hôtellerie et la restauration.

En revanche, sur des postes de fonctionnaires, un certain nombre de personnels sont recrutés par des contrats de droit public à durée déterminée. Il nous a clairement été dit que, pour ces emplois qui ne relèvent pas du « cœur de métier » de l'Assemblée – cette terminologie n'est pas la nôtre –, il n'est pas prévu de recruter des fonctionnaires pour l'instant. Mais il faut bien mettre des gens en face de postes de travail, surtout lorsqu'il s'agit de travail posté. C'est une situation que nous ne pouvons que dénoncer et déplorer.

S'agissant de l'information donnée aux fonctionnaires, elle existe, elle pourrait évidemment être améliorée. On pourrait également augmenter les prérogatives du médecin de prévention en la matière. Il intervient dans la prévention des risques psychosociaux, mais cela ne fait pas partie de son cahier des charges initial. On peut donc s'interroger sur le rôle du médecin de prévention.

Quant aux secteurs liés à l'activité parlementaire, le « cœur de métier » – j'utilise cette terminologie sans, je le répète, la reprendre à mon compte – est privilégié par rapport aux fonctions support, qui subissent de plein fouet les pertes d'emplois.

En 2015, sur les 1 349 emplois fixés au règlement intérieur, nous comptions un peu plus de 1 100 fonctionnaires, nous étions donc à 10 % d'effectifs en moins. Nous arrivons maintenant à 20 % d'effectifs en moins, et dans certains corps, tels que les assistants de direction et de gestion et les agents, le déficit par rapport aux effectifs réglementaires peut être de 30 %, voire 40 %.

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François Rampin, SPAN‑

Monsieur Lurton, au début des années 1980, il avait été établi que l'ensemble des emplois permanents de l'Assemblée nationale devait être pourvu par des fonctionnaires, pour des raisons historiques. Une partie des emplois de l'Assemblée, jusqu'aux années 1980, était attribuée sur liste d'aptitude, comme dans la fonction publique territoriale. Donc sur des amitiés politiques.

Il a semblé que recruter les fonctionnaires dans toutes les catégories permettait de mettre en place le concours républicain et d'assurer une liberté d'accès de tous aux emplois publics. C'est la raison de ma présence ici, par exemple, qui n'aurait pas été possible sinon. Nous sommes donc très attachés à ce principe.

Ce mode de recrutement s'est aussi appliqué aux restaurants, qui a ont été nationalisés à l'époque car c'était ils étaient auparavant gérés par une entreprise privée. En les nationalisant le restaurant, on a intégré l'ensemble des personnels. Mais très vite, pour des raisons de gestion et de commodité, on a fait du des restaurants une association, ce qui a permis de recruter du personnel sous statut privé. La plonge ou le nettoyage des réfectoires, par exemple, sont assurés par des contractuels de droit privé. Mais ces contrats sont passés avec une association, l'Association pour la gestion des restaurants de l'Assemblée nationale (AGRAN), ce qui leur permet de bénéficier de contrats à durée indéterminée (CDI) et d'un petit déroulé de carrière.

En revanche, des contrats de droit public concernent des emplois de fonctionnaires :, ce sont en général les emplois de commis ou de serveur.

Enfin, des extras remplacent certaines personnes, pour partie en cas d'arrêt maladie car il est évident que dans la restauration plus qu'ailleurs, il est important d'avoir en face de soi des personnes bien portantes. Et pour une autre partie, en remplacement des manques, de manière permanente. Voilà quelques éléments sur la complexité de la question des restaurants.

Vous parlez des secteurs plus ou moins touchés par les chutes d'effectifs ; M. Grenier l'a dit, il s'agit plutôt de catégories de personnel que de secteurs. Les secteurs qui emploient une part importante de personnel d'une certaine catégorie – l'accueil pour les agents, ou les secteurs administratifs constitués principalement d'assistants de direction et de gestion et d'administrateurs-adjoints – sont plus touchés que les commissions ou la séance, qui comptent davantage d'administrateurs.

S'agissant du numérique et des réformes d'organisation, contrairement à ce que l'on pourrait penser, l'Assemblée nationale n'est pas une vieille administration ossifiée. Elle a plutôt tendance à s'emparer de tous les outils modernes, parfois même de manière excessive, compte tenu de l'échelle de cette organisation – 1 300 personnes – et de sa localisation, uniquement à Paris sauf péril exceptionnel. Il n'y a pas tant de besoins, et nous avons peut-être eu tendance à trop chevaucher la dernière mode.

Par exemple, je travaille à la bibliothèque, dont dépend la distribution. Nous avions pensé que la numérisation nous dispenserait de la publication sur papier. Nous distribuons les documents parlementaires un en nombre assez restreint de documents parlementaires, mais il nous en est toujours demandé. Nous sollicitons donc l'imprimerie en permanence, ce qui n'est pas exemplaire en termes de développement durable. Nous imprimons en format A4 et en recto simple la plupart des documents, car les parlementaires nous les demandent – et ce ne sont pas forcément les parlementaires les plus âgés… La numérisation n'apporte donc pas la réponse à tout et, en tout cas, les parlementaires n'aiment pas trop qu'on leur dise que nous n'avons plus d'exemplaires d'un document. Donc nous faisons en sorte de l'avoir.

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Valérie Bergé, SPAN-CGT

Sur le développement du numérique, les fonctionnaires ont toujours suivi les évolutions, nous avons toujours eu de nouveaux outils, et nous nous formons. Le souci est que dans une situation de sous-effectif, il est difficile de s'absenter pour suivre les formations, mais nous le faisons quand même.

À propos des ressources humaines, il faut s'interroger sur la façon dont elles sont organisées, comment sont recrutées les personnes qui les gèrent, quel est leur profil. Ce n'est pas de la mauvaise volonté ou un souhait de mal faire, mais une question structurelle. Cette structure est-elle vraiment apte, aujourd'hui, à répondre aux besoins en termes de ressources humaines pour notre institution ? Nous n'avons pas la réponse, mais elle pourrait contribuer à améliorer la situation en termes de risques psychosociaux et de harcèlement. Tout le monde sait qu'il existe une déontologue et un référent harcèlement, mais tout le monde sait également que ces personnes ne peuvent pas se substituer au service des Rressources humaines pour régler concrètement les problèmes qui se présentent.

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Patrice Pétriarte, Solidaires Assemblée nationale

La numérisation a en effet dégradé la situation, comme partout. Aujourd'hui, nous avons deux écrans, deux téléphones, la séance publique est diffusée en fond, nous sommes submergés d'informations et nous devons tout traiter en même temps. Le stress augmente : dès la prise de poste à neuf heures, et jusqu'à une ou deux heures du matin, nous sommes en situation de stress. La situation s'est donc dégradée. Avant, nous avions des pauses, des moments pour réfléchir et se poser intellectuellement. Aujourd'hui, cela paraît difficile. Comme partout, la numérisation a aggravé la situation : on augmente le rendement, et si l'on pouvait nous mettre dix écrans dans le bureau, on le ferait. Je ne suis pas certain qu'à terme, ça ne pose pas quelques problèmes en termes de risques psychosociaux.

En ce qui concerne l'influence de l'organisation et de l'encadrement sur les risques psychosociaux, j'engage le service des Rressources humaines à transmettre l'excellent guide de prévention et de traitement des situations de violences et de harcèlement dans la fonction publique, tout y est écrit. Par exemple, le caractère discriminatoire d'une mention à de la situation familiale dans une feuille de notation y figure, et apparemment le notateur dont nous faisions mention n'a pas lu ce guide. Il faut effectivement former les encadrants aux risques psychosociaux.

Déterminer quelles unités sont spécialement soumises à ces risques dépend des effectifs et de l'activité. En ce qui concerne les restaurants, il faut savoir que l'AGRAN, qui est une association loi de 1901, a été créée pour pouvoir embaucher à la journée, comme il est d'usage dans la profession. Ce statut a été choisi pour embaucher des gens à la journée. Ce n'est pas possible dans l'administration, donc une association satellite a été créée.

S'agissant de l'information sur les risques psychosociaux et de l'accès à la déontologue, ce n'est pas connu. Il faudrait des référents concernant le harcèlement à l'Assemblée nationale. Pour citer une situation précise, il y avait un cas avéré de harcèlement d'un directeur à l'égard de secrétaires. Le constat était unanime, mais il a été traité en quatre mois, car il fallait attendre que s'achève le concours d'assistant de direction et de gestion en cours. Il a fallu quatre mois pour traiter un cas de harcèlement. Et l'on on peut saluer constate la conscience professionnelle des fonctionnaires concernées, qui ne se sont pas arrêtées au cours de ces quatre mois alors qu'elles étaient harcelées. Ce problème a été réglé, mais à notre sens, cela a été trop long. On en revient au problème du manque d'effectif : dans une administration fermée, la meilleure solution est de séparer les gens, mais encore faut-il qu'il y ait les effectifs pour cela.

S'agissant des moyens du service des Rressources humaines, il se donnefait avec les moyens qu'on lui donne et applique les décisions qu'on lui donnedemande d'appliquer. Il est de tradition, à l'Assemblée nationale, que les affectations des postes ne sont pas décidées par les Ressources humaines. Le service des Ressources humaines donne des informations, et ce sont les secrétaires généraux qui décident où sont affectés les gens. Le service des Ressources humaines n'a pas les moyens de sa politique. C'est le vrai problème à mon sens.

Vous nous demandiez si nous continuons à travailler comme avant :, mes collègues ont partiellement répondu. L'impact sur la diminution du nombre de postes est évident. Il faut savoir que lorsque le nombre de fonctionnaires est réduit, ce n'est pas compensé en nombre par les contractuels. Aujourd'hui, nous avons perdu 300 emplois de fonctionnaires, et il y a 113 contractuels. Il y a des gains de productivité, on nous en demande et nous les faisons, mais au bout d'un moment, ce n'est plus possible. Les gains de productivité se font par une baisse des effectifs et une augmentation de la charge de travail., nousNous sommes aujourd'hui arrivés à la limite de l'exercice et il faut remettre un peu d'huile dans les rouages. Dans d'autres administrations, il existe des « brigades volantes » affectées là où l'on constate un manque. Cela impose d'avoir des gens polyvalents, et surtout, d'accepter que du personnel soit sans affectation et sans travail immédiat, ce qui est très mal perçu à l'Assemblée nationale.

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Je rappelle la question qu'avait posée la rapporteure : avez-vous connaissance de cas de harcèlement ? Et pensez-vous que la déontologue soit le bon référent pour les problèmes de harcèlement ?, neNe faudrait-il pas un référent ayant une formation en psychologie ?

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Monsieur Rampin, vous avez parlé de réformes – nous avons parlé de transformations  : êtes-vous associés à ce travail de réforme en tant que représentant syndical ? Est-ce que les salariés sont associés ? Va-t-on vers de la coproduction dans ces processus de transformation et de réforme ?

Comment les choses se passent entre le pôle des députés et le pôle des salariés ? Les échanges sont-ils positifs ?

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Avant de donner la parole à nos invités, j'ai un élément de réponse pour la rapporteure, car je suis aussi membre du conseil d'administration de l'association des députés : il y a bien longtemps qu'il n'a pas été convoqué…

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Une question rapide : il n'y a pas de commission administrative paritaire, il n'existe pas non plus de comité technique paritaire ?

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Philippe Grenier, SNAFAN-FO

Vous nous demandez si nous avons connaissance de cas de harcèlement. Je serai très prudent, car chacun sait que définir le harcèlement est un exercice difficile, et l'on ne peut établir un harcèlement que s'il a été qualifié sur le plan pénal. En revanche, il m'est arrivé en tant que syndicaliste d'identifier des situations conduisant à des faits de harcèlement, ou caractéristiques de harcèlement, et de faire le nécessaire pour qu'il y soit mis un terme. Les mesures correctives ont pu prendre la forme de rectifications de notation, plus souvent, c'est un changement d'affectation sans que celui-ci ne revête le caractère de sanction pour la personne harcelée. Mais pour dire qu'il s'agissait de cas de harcèlement, il eut eût fallu que le processus aille jusqu'à son terme.

Sur la coproduction, une consultation des personnels va être engagée, et en tant qu'organisation syndicale de la fonction publique, je dirai que la coproduction a certaines limites. Nous pouvons émettre des avis, mais nous ne coconstruisons pas le cadre d'emploi avec les autorités.

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Patrice Pétriarte, Solidaires Assemblée nationale

Concernant les cas de harcèlement, j'ai cité un cas potentiel. Nous l'instruisons et nous laissons toujours la place à la une solution amiable. À propos de la notation, le directeur notateur nous a répondu qu'il n'était pas prévu dans le règlement de la négocier ;, il ne veut donc pas la modifier. Nous avons saisi les questeurs, et s'il le faut, nous exercerons nos prérogatives de syndicat en saisissant la juridiction administrative pour la révision de notes, et la juridiction pénale si le cas de harcèlement moral et de discrimination fondée sur la vie familiale est avéré. Nous travaillons sur des écrits.

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François Rampin, SPAN‑

Ce que nous constatons, c'est plutôt de la souffrance au travail que du harcèlement qualifié. Et le recours naturel est le cabinet médical, et pas du tout le service des Rressources humaines, ce qui peut sembler surprenant. Les raisons ont été évoquées : la structure de la maison fait que le pouvoir ne réside pas au service des Rressources humaines, y compris pour les simples affectations. Vous imaginez donc pour le reste.

Cela s'explique aussi parce que les secrétaires généraux dépendent eux-mêmes du Bureau de l'Assemblée. Vous avez insisté sur le fait qu'il y avait des changements d'orientation selon les présidents successifs. Il faut avoir ces éléments en tête, sachant que vous êtes 577 employeurs et nous sommes 1 021 employés, ce qui situe le rapport de forces.

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Patrice Pétriarte, Solidaires Assemblée nationale

S'agissant des contacts entre députés et fonctionnaires, il existe des associations au sein desquelles se retrouvent fonctionnaires et parlementaires, comme le XV parlementaire. Ce week-end, nous étions à Londres et nous sommes revenus de terre anglaise avec une victoire. Nous avons donc des échanges fréquents, parfois heurtés, mais cela se passe très bien !

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Vous êtes bien sûr qu'il ne s'agit que de rugby ? (Sourires.) Je vous remercie de vos interventions.

L'audition s'achève à quatorze heures cinquante.

Membres présents ou excusés

Groupe de travail sur les conditions de travail à l'Assemblée nationale et le statut des collaborateurs parlementaires

Réunion du mercredi 13 février 2019 à 13 h 30

Présents. - Mme Jeanine Dubié, M. Michel Larive, M. Gilles Lurton, Mme Jacqueline Maquet, Mme Nicole Trisse