Mission d'information sur le suivi des négociations liées au brexit et l'avenir des relations de l'union européenne et de la france avec le royaume-uni

Réunion du jeudi 21 juin 2018 à 14h35

Résumé de la réunion

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  • britannique
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La réunion

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La séance est ouverte à 14 h 35.

Présidence de Mme Marielle de Sarnez, vice-présidente.

La mission d'information procède à l'audition, à huis clos, de Mme Sandrine Gaudin, secrétaire générale des affaires européennes sur le point des négociations sur le Brexit.

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Chers collègues, nous avons le plaisir de recevoir aujourd'hui Sandrine Gaudin, secrétaire générale des affaires européennes pour faire un point sur les négociations.

Nous devons examiner trois points avec vous, madame la secrétaire générale.

Premièrement, où en sont les négociations entre l'Union européenne en tant que telle et le Royaume-Uni ? Nous avons un rendez-vous, le Conseil européen, les 28 et 29 juin prochains, et nous savons qu'il y a quelques avancées – Michel Barnier l'a en tout cas déclaré – mais où en sommes-nous ? Le sentiment de l'opinion publique britannique, le sentiment du Parlement britannique sont fluctuants et tout cela est compliqué. La question irlandaise est encore au coeur des difficultés, mais pouvez-vous détailler les principales d'entre elles ? Quelles sont les avancées et où en sommes-nous par rapport à notre calendrier ? Nous devons aboutir au mois d'octobre.

Deuxièmement, comment le secrétariat général aux affaires européennes travaille-t-il sur la question de l'impact de la période de transition et des futurs accords ? L'ensemble des acteurs – nous l'avons vu quand nous nous sommes déplacés à Calais – déplorent cette incertitude actuelle. Sans certitude, pas de perspective d'investissement, notamment, mais, plus généralement, tout le monde – acteurs économiques, société civile, familles, étudiants – se demande ce qui va se passer demain. Certains pensent, peut-être depuis le début, que le Brexit est synonyme de difficultés pour le Royaume-Uni. Pour ma part, je ne sous-estime pas les difficultés qu'il peut entraîner pour la France. Au fond, notre responsabilité est d'identifier les difficultés des différents scénarios et d'envisager les moyens de les surmonter. Comment, madame la secrétaire générale, le Gouvernement s'attelle-t-il à ces questions ? Très nombreux sont les secteurs concernés.

Troisièmement, comment travaille-t-on au futur partenariat entre le Royaume-Uni et l'Union européenne ? Il existe plusieurs possibilités : accord de libre-échange ou accord d'association qui ne soit pas simplement un accord de commerce. Cette deuxième option a plutôt la faveur de certains d'entre nous, puisque nous considérons que les questions de sécurité et de défense, par exemple, sont absolument fondamentales et nécessitent une coopération plus qu'étroite.

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Sandrine Gaudin, secrétaire générale des affaires européennes

Mesdames et messieurs les députés, je suis toujours ravie de venir parler de ce que nous faisons tous les jours, au Secrétariat général des affaires européennes (SGAE). Je vous rappelle aussi que nos portes vous sont ouvertes. Vous pouvez venir consulter tout ce qu'il vous est nécessaire de consulter pour finaliser votre rapport et mener à bien votre mission, qui me paraît fondamentale dans le contexte d'une négociation atypique et inédite.

En effet, il ne s'agit pas ici de confier le soin à la Commission européenne de négocier un accord de libre-échange avec un pays tiers – en la matière, nous avons une certaine expérience. En l'occurrence, nous lui avons confié la négociation avec l'un des membres du club, si je puis dire, pour régler la question de sa sortie. Nous avons besoin de votre regard pour être sûr de n'avoir rien oublié. Nous ne découvrons pas un nouveau problème tous les jours, car nous avons déjà bien travaillé avec toutes les administrations, mais c'est un sujet d'une très grande complexité.

Nous savons désormais que le processus est irréversible. Juridiquement, l'article 50 ne prévoit d'ailleurs pas de retour en arrière. La sortie du Royaume-Uni sera effective le 29 mars 2019 à minuit.

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À moins que le Royaume-Uni ne demande à entrer à nouveau dans l'Union européenne…

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Sandrine Gaudin, secrétaire générale des affaires européennes

L'entrée est toujours possible après la sortie, mais il faut d'abord sortir pour rentrer, et cette nouvelle adhésion serait soumise aux règles communes du processus d'adhésion à l'Union européenne : l'article 50 du traité le dit d'ailleurs clairement. Sans doute celle-ci pourrait-elle être examinée avec la plus grande bienveillance, mais il y aurait à nouveau une négociation. Vous avez raison, il ne faut rien exclure, je crois, avec nos amis britanniques, mais, pour l'heure, nous travaillons à leur sortie, et c'est suffisamment complexe.

Le 30 mars prochain, dans moins d'un an, le Royaume-Uni devient un pays tiers au sens du Traité. À ce titre, il peut potentiellement bénéficier de toutes les dispositions, des statuts prévus par le traité au profit des pays tiers. On pourrait considérer que la situation est assez simple : d'abord, imaginer l'extinction des droits et des obligations de la qualité d'État membre du Royaume-Uni, ce qu'on appelle la sortie ordonnée, grâce à un accord de retrait. C'est ce que nous sommes en train de faire. Ensuite, en ce qui concerne la relation future, on peut penser que tous les instruments juridiques et processus de coopération envisagés par le traité et ouverts aux pays tiers pourraient sans doute aisément s'appliquer au Royaume-Uni.

Nous menons donc en ce moment deux choses de front : l'accord de retrait et la définition du cadre des relations futures. C'est d'ailleurs pour cela que la négociation est compliquée, car malgré le souhait qu'avaient exprimé les Vingt-Sept de travailler d'abord sur l'accord de retrait puis sur les relations futures, ce séquençage est mis à mal par les Britanniques qui ont toujours trouvé quelque intérêt à mélanger les deux problématiques, pourtant tout à fait distinctes. L'accord de retrait est un accord international, prévu par le traité, pour « régler les conditions du divorce » : parmi ces questions, on compte le règlement financier ; le statut des citoyens de l'Union européenne présents au Royaume-Uni ; et un certain nombre de problématiques liées à des coopérations en cours et qui vont s'interrompre.

L'accord de retrait, selon les termes de l'article 50, doit tenir compte du cadre des relations futures de l'État « sortant » avec l'Union. L'accord de retrait prévoira également un dispositif particulier pour l'Irlande du Nord, mais j'y reviendrai parce que c'est aujourd'hui le coeur du problème de la finalisation de l'accord de retrait.

Nous consacrons toute notre énergie à l'accord de retrait parce qu'il n'y a pas de relation future s'il n'y a pas d'accord de retrait. De même, l'actuel chapitre sur la période de transition du projet d'accord de retrait ne s'appliquera jamais s'il n'y a pas d'accord de retrait. Il est donc crucial de se focaliser sur la finalisation de cet accord en vue du Conseil européen de la semaine prochaine – mais nous sommes très loin d'avoir abouti – ou, en tout état de cause, du Conseil européen du mois d'octobre prochain, date ultime à laquelle nous devons finaliser cet accord de retrait, la période suivante devant être consacrée au processus de ratification et par le Parlement britannique et par le Parlement européen.

Aujourd'hui, nous sommes loin d'avoir abouti. Il y a eu une phase d'accélération de la négociation aux Conseils européens de décembre et de mars, mais, aujourd'hui, ce n'est absolument pas le cas. La perspective du Conseil européen des 28 et 29 juin prochains n'a pas entraîné la dynamique précédemment constatée. Nous le regrettons car cela implique un grand nombre de sujets latents que nous allons devoir conclure d'ici octobre

Je ne reviens pas sur la manière dont nous sommes organisés. Michel Barnier est le pilote de cette discussion de cette négociation, entouré d'une petite équipe. Il s'est adjoint récemment une équipe de fonctionnaires de la Commission qui travaille en parallèle sur la « preparedness » – « préparation » est le terme pudique – d'une sortie du Royaume-Uni sans accord. Cette petite équipe monte en puissance, et sera sans doute amenée à être un peu plus visible pour montrer que nous nous préparons à toutes les options. Je pense que c'est absolument impératif.

Nous-mêmes, au SGAE, consacrons toute notre énergie à la préparation des réunions de négociation pour lesquelles la task force de Michel Barnier sollicite notre avis. Nous préparons les séminaires de travail que la task force organise, thématique par thématique. Et, depuis quelques mois, nous avons intensifié notre préparation à la sortie sans accord. Il s'agit de ne pas nous retrouver démunis, « au cas où », et c'est la demande ferme du Premier ministre. Ce travail sur les conséquences d'une sortie sans accord, qui nous l'espérons, sera inutile, nous permet cependant de réfléchir en profondeur aux différentes thématiques et aux impacts sectoriels du Brexit.

Encore un mot sur la méthode qui, jusqu'à présent, fonctionne plutôt bien. La négociation menée par Michel Barnier est totalement transparente. Tous les documents échangés entre le Royaume-Uni et la task force, les supports graphiques de travail – sur Galileo, sur la future relation publique, etc. – sont publics. Au départ, cette démarche inédite nous impressionnait un petit peu, mais nous nous apercevons que tout cela se déroule de façon très saine. Cela permet une fluidité et évite toute asymétrie dans l'information des Vingt-Sept. Tous sont traités de la même manière. Cette publicité et le reporting permanent et complet de Michel Barnier et son équipe devant les Vingt-Sept contribuent à préserver notre unité. C'est évidemment fondamental. Il y a bien entendu des débats entre nous, mais il n'y a aucune forme de division : aucun des Vingt-Sept ne se désolidarise de ce qui est fait par Michel Barnier, et ce malgré les approches répétées des autorités britanniques auprès de tel ou tel État membre afin d'intercéder en leur faveur, pour essayer de « pousser » leur point de vue. Pour l'instant, nous tenons bon et cette unité des Vingt-Sept, qui a fait la réussite des négociations jusqu'à maintenant, doit absolument perdurer.

Les Britanniques sont des négociateurs d'une remarquable efficacité mais, comme vous le savez, ils évoluent dans un contexte politique d'une grande confusion. Jusqu'à maintenant, on constate qu'ils ont publié énormément de papiers, mais dans des termes peu précis. Par exemple, nous venons de recevoir un document sur un possible modèle d'union douanière qui pose un grand nombre de questions, sans apporter de réponse à la problématique de départ, celle de la frontière de l'Irlande du Nord. On nous promet un « livre blanc » du Gouvernement britannique sur sa vision des relations futures en juillet. Je m'attends à un document un peu foisonnant qui, comme les premiers documents publiés au mois d'août dernier, ne s'attaque jamais vraiment aux questions de fond, un document qui contribue à disperser aussi un peu les débats. Cette méthode témoigne aussi d'une difficulté, au niveau interne, à arrêter une ligne claire – nous savons que les opinions sont très divergentes entre les ministres de Theresa May.

Où en sommes-nous aujourd'hui ? Qu'est-ce qui est acquis ? À la fois rien et un certain nombre de choses. Rien n'est acquis, parce que tant que nous ne sommes pas d'accord sur tout il n'y a d'accord sur rien.

Nous nous sommes cependant mis d'accord sur le règlement financier de la séparation, en fixant la méthodologie du calcul de la facture. Cette facture qu'ils devront payer, dont ils ne parlent plus beaucoup dans le débat politique interne, serait d'un montant compris entre 50 et 60 milliards d'euros, étalé sur près de trente ou quarante ans, avec tous leurs engagements et le passif. Nous les avons laissés entièrement autonomes et souverains pour communiquer sur la question.

Les droits des citoyens sont un deuxième chapitre de l'accord de retrait sur lequel nous sommes parvenus à un accord De notre point de vue, comme tout compromis, celui-ci présente ses avantages et ses inconvénients. Il préserve les droits acquis des citoyens européens au Royaume-Uni et leur donne une garantie juridique avec une compétence partielle de la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) pendant huit ans.

La question irlandaise est un troisième sujet, sur lequel il n'y a eu d'accord ni au mois de décembre ni au mois de mars. Il n'y en aura vraisemblablement pas au Conseil européen de ce mois de juin, mais il nous en faut un au mois d'octobre.

En l'absence de solutions proposées par le Royaume-Uni, l'Union européenne a élaboré un modèle de dernier recours, dit backstop, spécifique à l'Irlande du Nord.

Nous proposons le maintien dans l'Union Douanière de cette partie du territoire du Royaume-Uni et un alignement réglementaire partiel de l'Irlande du Nord sur les règles du marché intérieur, afin d'éviter la mise en place d'une frontière physique et de préserver toutes les formes actuelles de coopération, issues des accords de paix, entre la République d'Irlande et l'Irlande du Nord. Ces coopérations relèvent en fait de nombreux domaines du marché intérieur et de l'Union Douanière. C'est pourquoi la solution que l'Union européenne propose, qui est une concession aux règles du marché intérieur et de l'Union Douanière, est calibrée pour l'Irlande du Nord seule et non pour l'ensemble du Royaume-Uni. Pour l'heure, cette solution n'est pas acceptée par le Royaume-Uni.

Nous sommes également parvenus à un accord sur la période de transition. Le Royaume-Uni serait maintenu dans tous ses droits et obligations jusqu'au 31 décembre 2020, sauf celui de participer à la prise de décision. Ainsi, il restera jusqu'à cette date dans le marché intérieur et mettra en oeuvre absolument toutes les décisions, toutes les nouvelles directives ou nouveaux règlements qui pourraient s'appliquer ; bref, il sera rule taker. La période de transition est utile, car elle donne une visibilité au-delà de la date fatidique de la sortie. Les opérateurs économiques, les entreprises, tous les acteurs auront un peu plus de temps pour se préparer. Surtout, nous aurons le temps, pendant cette période, de négocier les accords identifiés dans le cadre de la relation future, ce qui est absolument indispensable.

En se montrant capable de proposer et de négocier cette période de transition, l'Union européenne a donné une dynamique à la discussion. Même si nous avons perdu, en s'accordant en mars dernier sur les conditions de la transition, un certain levier sur les Britanniques, il fallait aussi, quelque part, donner le signal que la démarche de l'Union européenne ne se limitait pas à l'affirmation des grands principes de la négociation : l'intégrité des politiques de l'Union, l'autonomie décisionnelle… La position de l'Union pouvait donner l'image d'une certaine forme de rigidité et les Britanniques étaient très habiles pour le démontrer, notamment dans la presse. L'Union européenne voulait donc aussi donner le sentiment qu'elle était capable d'apporter des solutions pratiques : c'est aussi le cas aujourd'hui avec le backstop. La négociation de la période de transition montrait une ouverture et une souplesse. Les Britanniques ne sont pas devenus ni ne seront jamais nos ennemis. Si une certaine tension dans la discussion a pu susciter certaines idées, il fallait absolument y remédier.

Outre l'Irlande du Nord, les questions majeures qu'il faut encore régler dans l'accord de retrait sont les questions de gouvernance. Comment imaginer la mise en oeuvre de l'accord de retrait ? La CJUE sera-t-elle pleinement compétente pour appliquer cet accord qui porte sur du droit de l'Union européenne ou bien, comme le souhaitent évidemment les Britanniques, une autre forme de mécanisme de règlement des différends s'appliquera-t-elle ? Quelles instances de dialogue seront mises en place entre l'Union européenne et le Royaume-Uni pour faire vivre cet accord de retrait ? Celui-ci devra vivre un très grand nombre d'années, notamment le temps de mettre en oeuvre le règlement financier, qui court sur une quarantaine d'années. À ce stade, nous ne constatons aucun progrès sur ces questions.

En revanche, nous avons progressé sur des chapitres qui ne sont pas marginaux. Par exemple, nous avons progressé sur un certain nombre de points liés à la coopération en matière judiciaire : que fait-on du stock d'affaires en cours ? Nous avons progressé sur les questions de marchés publics et sur Euratom, en matière de traitement et de circulation des matières fissiles. Ces questions sont majeures.

Nous n'avons pas encore de solution en matière de protection des données. Dans le cadre de la coopération policière et judiciaire avec le Royaume-Uni, nous avons échangé et nous continuerons à échanger jusqu'à la date de la sortie un très grand nombre de données à caractère personnel. Quel sera donc le régime ces données ? Il n'est pas question qu'elles puissent être transmises à un pays tiers sans notre accord. Il nous faut donc nous accorder sur le traitement de ces données personnelles, et les discussions sont compliquées.

La protection des indications géographiques est toujours importante pour nous dans les accords. Ce sera une question à envisager dans la relation future, mais il faut aussi l'envisager dans le cadre du retrait. Pour l'instant, la négociation n'a pas abouti.

Je reviens un instant sur la question nord-irlandaise. Comme je le disais, le Royaume-Uni nous a exposé, il y a quelques jours, dans un papier un peu compliqué, sa conception de la solution du backstop que nous envisageons pour l'Irlande du Nord : les autorités britanniques proposent une union douanière temporaire et spécifique, dérogatoire, pour l'ensemble du Royaume-Uni et une certaine forme d'alignement réglementaire qui n'est pour l'instant pas défini. Le tout s'appliquerait pour un temps qui excéderait la période de transition : jusqu'en 2021.

Nous imaginons mal appliquer à l'ensemble du Royaume-Uni une solution que nous envisagions pour la seule Irlande du Nord. Cela ne nous paraît pas acceptable.

Tout d'abord, cette proposition ne résout pas la question irlandaise : d'une part, en ne s'attaquant pas à l'aspect réglementaire, elle ne règle pas la question des contrôles. Le caractère « temporaire » de la solution proposée par les Britanniques ne constitue pas, en outre, une réponse acceptable à la problématique de la frontière.

Surtout, cette solution contrevient à tous nos principes. Cela s'appelle du cherry picking : un peu d'union douanière, une peu de marché intérieur, une velléité de garder une autonomie en matière commerciale,… La solution britannique montre un système assez confus qui leur serait évidemment extrêmement favorable, mais c'est une solution qui n'en est pas une et ne résout pas le sujet posé.

Les discussions sont donc bloquées. Nous essayons quand même, pendant ce temps de blocage, de travailler sur d'autres sujets. Par exemple, nous travaillons sur la future coopération dans le domaine de la justice et des affaires intérieures qui préoccupe beaucoup les Britanniques – ce qu'ils appellent la question de la sécurité, au sens large. On peut être un peu surpris par les demandes du Royaume-Uni de bénéficier d'un statut de pays tiers « plus », alors même qu'ils ont aujourd'hui un grand nombre d'opt-out en matière JAI. Nous avons, en matière de coopération policière et judiciaire, des agences – Europol, Eurojust – et des instruments – les bases de données Eurodac, les bases « Prüm », le Système d'information Schengen II (SIS II) – dont certains sont déjà ouverts à une coopération avec les pays tiers. Pour ces instruments déjà ouverts, il n'y a aucune raison de ne pas l'accorder aux Britanniques . Nous essayons de regarder les choses avec sang-froid car il est sans doute de notre intérêt de continuer à travailler avec nos amis anglais en matière de lutte contre le terrorisme, car nous avons une frontière commune à garder. Mais nous demandons que ce soit dans le cadre d'un accord Union européenne-Grande-Bretagne, négocié, avec dans ce cas des contreparties pour le « plus ».

J'insiste sur cette idée de négociation, car les Britanniques multiplient les demandes mais refusent sans ménagement les nôtres, comme celle de garder un accès aux eaux territoriales en matière de pêche. Il ne s'agit pas d'échanger la pêche contre la coopération policière, et nous avons d'ailleurs assuré le traitement des questions relatives à la pêche dans le cadre de la future relation commerciale économique. Cet exemple démontre cependant que, sur l'un comme sur l'autre sujet, les demandes devront être considérées des deux côtés.

Galileo est représentatif de la problématique d'un instrument ouvert à des pays tiers, et il n'y a donc aucune raison, là non plus, de ne pas considérer les demandes du Royaume-Uni de pouvoir bénéficier des services de ce programme. En revanche, certaines fonctionnalités du programme ne sont pas ouvertes aux États tiers car elles relèvent de l'autonomie stratégique de l'Union en matière de sécurité et de défense ; nous ne prévoyons pas de changer de doctrine sur le sujet. Galileo est un programme qui cherche à renforcer la souveraineté de l'Union européenne en matière de recherche-développement dans le domaine de la géolocalisation. C'est, comme on dit, un programme de souveraineté. Son ouverture à des pays tiers est déjà une forme de générosité. Si nous devions l'ouvrir dans ses parties les plus sensibles à tous les pays tiers, notamment les Américains, nous perdrions la notion même de programme de souveraineté européen. Cela dit, le Royaume-Uni, après sa sortie, continuera de bénéficier de différents services de Galileo, et notamment de l'intégralité du signal dans sa version civile ; s'il demande à continuer de bénéficier de l'accès au signal militaire cela sera possible et cela devra aussi faire l'objet d'accords spécifiques.

Les Anglais ont tendance à considérer les Français comme les plus « durs » dans la négociation, alors qu'il y a vingt-sept États autour de la table soucieux de défendre les intérêts de l'Union ; par exemple, nous apprenons, notamment par voie de presse, que l'Union européenne, et particulièrement les Français refusent l'accès à Galileo, refusent la coopération en matière de lutte contre le terrorisme, comme si nous n'accordions pas d'importance à ce sujet majeur pour nous... Ce sont des rumeurs infondées, et cela nécessite de la part de tous, et de vous en particulier, une attention toute particulière pour distinguer ce qui est possible et ne l'est pas en matière d'accords avec les pays tiers.

S'agissant de la préparation à un scénario de no deal, à une sortie sans accord de retrait et a fortiori sans accord sur la relation future, le Premier ministre a demandé à chaque ministre de préparer un plan de contingence. Le no deal serait le pire de tous les scenarios, mais nous devons préparer cette hypothèse.

Nous conduisons également un travail dédié en direction des acteurs économiques. Il y aura un grand plan de communication en direction du public et des entreprises pour donner de la visibilité et rassurer tout le monde.

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Depuis notre voyage dans les Hauts-de-France et à Bruxelles, je m'interroge. Les membres du Conseil nous ont dit que tout allait bien, que les États membres étaient unis, mais il est quand même à craindre que cette unanimité se fissure sur certains sujets. Dans les Hauts-de-France, nous avons appris que les Néerlandais ont commencé à négocier unilatéralement avec le Royaume-Uni, et le président de la région nous a même invités à nous y mettre nous aussi pour ne pas se laisser distancer. Ce sont deux sons de cloche différents. Quelle est votre appréciation ?

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Je rejoins ce qui vient d'être dit et y apporterai quelques précisions. J'ai rencontré en début de semaine l'organisation des pêcheurs normands, et je ne vous cache pas que les pêcheurs sont très inquiets. Ils pensent que leurs six à douze milles vont leur être retirés, sacrifiés au profit d'autres secteurs de la négociation. Vous avez dit que des secteurs ne seraient pas négociés contre d'autres. En attendant, cette inquiétude est bien réelle, notamment du fait que certains pays commencent déjà à avancer leurs pions dans certains secteurs, à l'instar des Néerlandais, pour qui la pêche est un secteur crucial. Dans mon territoire, nous avons beaucoup à perdre.

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Cela ne va pas vous surprendre, je poserai également une question sur la pêche, en tant que député du Pas-de-Calais. Ma circonscription comprend les marins-pêcheurs d'Étaples-sur-Mer, qui représentent 10 % de la pêche française et sont, plus encore que les pêcheurs normands, affectés par le Brexit puisque 60 % de leur zone de pêche se trouve dans les eaux britanniques. Pouvons-nous les rassurer ?

Je souhaite en outre poser une question sur les échanges étudiants, sujet dont on ne parle quasiment jamais. Quel sera l'avenir des programmes d'échange entre le Royaume-Uni et la France après le Brexit ?

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Vous nous dites que le no deal serait une catastrophe pour les intérêts européens et français. Les Britanniques ont une administration rationnelle, des hommes politiques qui le sont aussi de manière générale. Peuvent-ils considérer que le no deal serait plus intéressant qu'un deal qui soit un compromis ?

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Pour réagir à ce que vient de dire notre collègue, la mort est souvent mieux acceptée que la souffrance. Ce n'est pas encourageant.

Quid, à votre avis, madame la secrétaire générale, des duty free après le Brexit ? Je me souviens avoir rompu des lances, dans les années 1990, avec M. Monti, qui nous obligeait à supprimer le duty free sur la Manche. Comment est-ce envisagé ? Cela intéresse beaucoup les gens de Calais, de Normandie.

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Il en a effectivement beaucoup été question lors de notre déplacement dans le Pas-de-Calais. J'ai le sentiment que c'est une demande importante.

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Une réflexion est-elle en cours sur la possibilité d'un changement politique majeur au Royaume-Uni, si le Gouvernement tombait, par exemple, même si cela paraît moins probable depuis hier ?

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Visiblement, ça cogite dur, en effet, pour trouver des subterfuges parlementaires permettant d'échapper au Brexit.

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Vous avez parlé d'un plan de communication en direction des entreprises. Je salue cette initiative. Pouvez-vous nous en dire plus ? Pourrons-nous y avoir accès pour le distribuer ? À quelle échéance est-il prévu qu'il soit publié ?

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Si j'ai bien compris, les Néerlandais ont déjà produit un plan de communication en direction de leurs PME, présentant les alternatives en préparation, envisageant les opportunités que pourrait créer le Brexit, essayant de mobiliser tout le tissu industriel hollandais derrière le Brexit.

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Sandrine Gaudin, secrétaire générale des affaires européennes

Nous ne sommes pas autorisés à négocier quoi que ce soit en bilatéral avec le Royaume-Uni. Ceux qui le font, le font à leurs risques et périls. La task force Barnier et la Commission européenne savent cependant que les tentations sont fortes, notamment pour les voisins les plus immédiats du Royaume-Uni et ceux dont les économies seraient les plus affectées par une absence d'accord. Je vous invite également à être prudent à la stratégie de désinformation des Britanniques qui peuvent indiquer négocier avec tel ou tel État membre. Il existe bien entendu des contacts bilatéraux plus ou moins poussés avec le Royaume-Uni, nous en avons aussi. Nous parlons aux Anglais mais nous ne négocions rien.

Je ne sais pas ce que veut dire « se laisser distancer ». Nous sommes conscients que d'autres discutent et nous discutons aussi. J'ai par exemple autorisé les douanes à discuter avec les Anglais de façon techniquement assez poussée pour savoir ce qui se passerait en cas de non-accord, car ce sont nos douanes qui subiront le choc les premières. Les douanes françaises sont aux avant-postes de la discussion bilatérale. Mais c'est une discussion bilatérale, pas une négociation et nous avons fait cela en toute transparence vis-à-vis de Michel Barnier, que j'ai informé. En tout cas, nous ne pouvons rien négocier en termes de tarifs douaniers, de conditions commerciales et économiques et je pense que les Pays-Bas ne peuvent pas non plus le faire et ne le font pas. Je suis d'accord sur le fait qu'il ne faut pas négocier la pêche contre autre chose. C'est un sujet majeur, l'impact sur certains ports de la Manche et de la mer du Nord étant très important. Ce que nous demandons aux Anglais dans la négociation officielle entre l'Union européenne et le Royaume-Uni, c'est de continuer à bénéficier d'un accès aux eaux territoriales et aux ressources anglaises. Pour l'instant, ils nous disent non, mais nous trouverons une manière de le négocier et d'offrir autre chose aux Anglais pour préserver cet intérêt économique parmi les plus importants. La pêche est aussi une préoccupation néerlandaise, belge, irlandaise, danoise, allemande, espagnole ; nous ne sommes pas seuls. Nous avons bien perçu les inquiétudes de nos pêcheurs et négocierons la pêche comme un sujet offensif majeur. La direction des pêches a conduit un travail remarquable d'analyse d'impact La question s'est posée de savoir si ce sujet devait être traité dans la négociation globale de la relation future ou dans un accord séparé. Il en est ressorti que le secteur de la pêche préférait que la pêche soit traitée dans le cadre de l'accord global. Cela n'allait pas forcément de soi au début.

Le programme Erasmus, monsieur Fasquelle, étant ouvert aux pays tiers, les Anglais pourront donc continuer, après le Brexit, à financer le programme et à en bénéficier, comme ils le souhaitent d'ailleurs. Ils souhaiteraient d'ailleurs continuer à bénéficier d'un peu tout : Galileo, Horizon 2020, la recherche… Je ne pense pas qu'Erasmus sera le sujet le plus compliqué.

Le no deal, c'est le rétablissement de barrières douanières, de visas pour les personnes qui circulent, c'est une régression complète. Nous nous battrons pour qu'il y ait des accords. Le no deal n'est pas une bonne option, mais nous devons nous y préparer car nous essayons d'être une administration rationnelle.

Le duty free, cela voudrait dire que l'on vit dans un monde où les droits de douane sont rétablis mais où des facilités sont octroyées. Je ne suis pas convaincue que la zone frontalière sera un nouveau domaine de prospérité économique.

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Sandrine Gaudin, secrétaire générale des affaires européennes

Nous avons demandé à la Commission européenne, dans le cadre de la négociation du cadre financier pluriannuel, de dédier certains fonds de la politique de cohésion à la compensation des dommages créés par le Brexit, au même titre qu'il existe un fonds d'ajustement à la mondialisation. Nous n'avons pas de réponse pour l'instant mais il faudra un tel dispositif pour les régions les plus affectées. Mais je ne crois pas que l'on puisse baser le maintien d'une certaine prospérité de nos régions frontalières sur le duty free.

S'agissant de la communication, le Mouvement des entreprises de France (MEDEF) a déjà réalisé des brochures, beaucoup d'information a été produite. Les PME exportatrices devront, pour exporter, remplir des formulaires qu'elles ne remplissent pas aujourd'hui, et cela en dissuadera sans doute certaines. Nous ne connaissons pas encore les contours du grand plan de communication prévu par le ministère des Finances mais nous nous appuierons sur ce qui a déjà été produit par les fédérations professionnelles, pour l'amplifier.

Le Brexit créera de toute évidence des opportunités. Nous récupérons déjà à Paris l'Autorité Bancaire Européenne, agence de régulation bancaire, ainsi que très probablement l'activité d'un certain nombre d'acteurs financiers. Je ne pense toutefois pas qu'il faille communiquer de manière offensive sur les opportunités du Brexit car cette problématique de la sortie du Royaume-Uni, est dans le fonds une mauvaise nouvelle.

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Le sujet des îles anglo-normandes est un peu particulier. La frontière entre Jersey et le reste du territoire n'a jamais été fixée. Or la sortie des Anglais va reposer la question des eaux territoriales françaises autour de Jersey, une zone de pêche importante. La question m'est régulièrement posée par les pêcheurs.

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Sandrine Gaudin, secrétaire générale des affaires européennes

Il existe, par exception à la politique commune de la pêche (PCP), des accords de pêche bilatéraux avec le Royaume-Uni. Nous avons donc demandé à Michel Barnier l'autorisation de négocier en bilatéral, entre la France et le Royaume-Uni, les questions de frontière et de pêche pour cette zone dans les prochains mois, et nous sommes en train de préparer le mandat de négociation. Ce point ne nous a pas échappé.

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Vous n'avez pas répondu à ma question sur l'éventualité d'un changement majeur au Parlement anglais.

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Sandrine Gaudin, secrétaire générale des affaires européennes

Je ne comprends plus grand-chose à la vie politique britannique. Je suis tout de même convaincue que la décision de sortir est irréversible. Si un changement soudain de majorité politique conduisait à un changement d'attitude au Royaume-Uni, cela chamboulerait évidemment la discussion, mais pour l'instant nous faisons avec les personnes que nous avons en face de nous. Nous restons sur le scénario central, à savoir que Mme May sera aux commandes du Gouvernement jusqu'à la fin de la négociation du Brexit.

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Un grand merci, madame la secrétaire générale.

Il faut que le Gouvernement entende qu'il existe une grande inquiétude, en particulier dans les Hauts-de-France mais pas seulement, parmi les citoyens et les entreprises, et qu'il y apporte des réponses. Un plan de communication ne suffira pas. Ce n'est pas seulement la question des négociations sur les taxes douanières, mais aussi celle des infrastructures de demain. Il ne faut pas que les ports français soient laissés de côté suite à ce que font par exemple les ports néerlandais. Une concurrence va s'exercer, des ports en Europe vont peut-être s'équiper davantage que nous. C'est aussi la question du duty free posée par Jean-Louis Bourlanges, qui ne peut être écartée d'un revers de main.

Par ailleurs, je ne considère pas que la Grande-Bretagne soit un pays tiers comme les autres. La France fait partie de la frontière ultime de l'Union européenne avec la Grande-Bretagne. Sans même parler de l'histoire, nos deux pays ont des intérêts convergents et il faut faire attention. Bien sûr, il ne convient pas de tout leur accorder alors qu'ils seront dehors, mais cette réalité doit être prise en compte.

Puis la mission d'information organise une table ronde sur les effets du Brexit sur le secteur des douanes et les questions frontalières, avec la participation de MM. Jean-Michel Thillier, adjoint au directeur général des douanes et droits indirects, M. Bernard Mazuel, délégué général de l'Union des Ports de France accompagné de M. Stéphane Raison, président du Directoire du grand port maritime de Dunkerque et de M. Benoit Rochet, directeur général délégué de la Société d'exploitation des ports du Détroit et M. Olivier Thouard, président du groupe de travail sur le Brexit de TLF Overseas.

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Nous recevons M. Jean-Michel Thillier, directeur général adjoint des douanes et droits indirects, M. Bernard Mazuel, délégué général de l'Union des ports de France, M. Stéphane Raison, président du directoire du grand port maritime de Dunkerque, M. Benoit Rochet, directeur général délégué de la Société d'exploitation des ports du Détroit, et M. Olivier Thouard, président du groupe de travail de TLFTLF Overseas sur le Brexit.

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Jean-Michel Thillier, directeur général adjoint des douanes et droits indirects

Je ferai d'abord une remarque d'ordre terminologique. Quand on entend parler du Brexit, on y associe tout de suite la notion de contrôles mais le Brexit entraînera avant tout des formalités et, dans quelques cas, des contrôles. Ces formalités sont liées au passage de la frontière puisque le Royaume-Uni deviendra un pays tiers. Elles sont administratives au sens large : il y aura des formalités douanières et des formalités phytosanitaires et vétérinaires en lien avec la direction générale de l'agriculture.

J'en viens au cadre et à nos marges d'action. Si les Britanniques seront libres d'organiser le traitement des flux importés sur leur territoire, nous, en revanche, sommes dans le cadre du code des douanes de l'Union européenne. Nous n'avons donc pas une parfaite maîtrise de ce que nous pouvons faire. Nous sommes responsables du respect des formalités, que nous sommes chargés de surveiller, et des contrôles. Nous sommes notamment chargés de faire rentrer les ressources propres. Les autorités budgétaires européennes venant vérifier comment nous travaillons, nos marges de manoeuvre sont limitées. Cependant, le code prévoit des simplifications. L'une d'entre elles est essentielle qui a déjà été demandée par les Britanniques alors que la négociation sur cet aspect n'a pas commencé : l'adhésion à la convention de transit commun. Cette adhésion nous paraît souhaitable, indépendamment de l'évolution de la négociation car c'est la principale mesure de nature à fluidifier le passage de la frontière aux deux points que nous considérons comme les plus sensibles : le port de Calais en liaison avec le port de Douvres et le tunnel sous la Manche – le port de Dunkerque me semblant un peu moins sensible. Un article du code permet aussi à un État membre de demander des simplifications chaque fois qu'une situation particulière nécessite des adaptations, notamment de nature réglementaire mais surtout de nature technologique. La technologie nous permettra de mettre à disposition certaines informations.

Nous avons déjà commencé le travail et avons essayé d'évaluer quelles entreprises allaient être concernées par le Brexit. Il y a trois cibles.

Tout d'abord, les gestionnaires de liens logistiques – les ports de Calais et de Dunkerque et le tunnel mais aussi les ports de Ouistreham, de Cherbourg et de Roscoff. Contrairement à tous les autres liens logistiques, le port de Calais et le tunnel ne traitent que des trafics intracommunautaires et ne sont donc pas du tout conçus ni équipés pour traiter des trafics tiers. Le port de Dunkerque, lui, est habitué à ces trafics tiers. Nous essayons de faire passer le message à la Commission européenne que la situation des liens logistiques dans la Manche est particulière, de même que la situation des Belges et des Néerlandais même si le trafic est de bien moindre importance dans leurs ports.

La deuxième catégorie regroupe les entreprises qui sont rompues à l'international. Au nombre de 120 000, elles font régulièrement des opérations de commerce international. Le Royaume-Uni devenant un pays tiers alors qu'il était jusque-là un pays intra-communautaire, ces entreprises seront obligées de revoir complètement les données qu'elles font porter sur leurs déclarations : elles devront passer de prix de transfert à de la valeur en douane. Elles vont aussi devoir revoir l'origine de leurs marchandises. Dans les secteurs de l'aéronautique, de l'automobile, de la chimie, de la pharmacie et de la santé, les fabrications scindées impliquant le Royaume-Uni sont particulièrement importantes. Il faudra donc que les entreprises de ces secteurs, lorsqu'elles exportent leurs produits en dehors de l'Union européenne, vérifient si la marchandise peut continuer à bénéficier d'une origine communautaire. Dans le cadre des accords de libre-échange passés avec les différents pays tiers, elles pourront continuer ou non à bénéficier d'un droit nul ou réduit. Même pour ces entreprises qui sont rompues au grand export, les conséquences du Brexit seront importantes.

Enfin, les entreprises qui n'ont jamais fait que de l'intracommunautaire – notamment avec le Royaume-Uni – devront faire avec lui de l'international. Elles ne sont pas habituées à travailler avec des prestataires tels que les commissionnaires en douane et ne savent pas ce qu'est une formalité douanière en tant que telle. Elles vont donc changer de monde. Du fait du règlement Intrastat sur les statistiques communautaires, nous ne connaissons pas les entreprises qui font moins de 700 000 euros de chiffre d'affaires par an. Il nous est donc difficile de leur faire passer le moindre message. Nous sommes en train de travailler avec la direction générale du Trésor, les chambres de commerce international et le Mouvement des entreprises de France (MEDEF), c'est-à-dire avec tous les acteurs susceptibles de connaître ces entreprises, pour que ces dernières se préparent à cette échéance.

Si j'ai parlé jusqu'ici de la Manche, le Brexit aura un impact sur tout le territoire français, notamment sur tous les aéroports. À Roissy, on peut penser que l'effet sera noyé dans la masse puisque seuls 6 % des passagers passeront du statut de passagers intra-communautaires à celui de passagers tiers. Dans des aéroports plus petits comme celui de Nice, en revanche, 10 % des flux viennent du Royaume-Uni ou y vont. Plusieurs petits aéroports de province sont concernés où le trafic est très saisonnier mais pas uniquement, comme à Bergerac, Carcassonne et Montpellier. À Dinard, le taux de passagers en provenance ou en direction du Royaume-Uni monte jusqu'à 97 %. Ces aéroports devront donc adapter leur circulation et la douane prévoir des services à l'arrivée et au départ des avions pour remplir les formalités douanières.

La douane a anticipé l'impact du Brexit sur sa propre organisation. Des recrutements supplémentaires ont été votés en loi de finances pour 2018, auxquels on a commencé à procéder. Ces recrutements dureront jusqu'en 2020. Nous devons aussi redimensionner notre système informatique puisque le trafic avec le Royaume-Uni représente, en valeur, 8 % du trafic que nous traitons. Le Brexit soulève aussi pour nous des questions immobilières, de ressources humaines et de formation professionnelle. La difficulté, c'est que la négociation n'est pas encore terminée. Nous n'avons donc pas les éléments nécessaires pour déterminer de manière très précise où affecter nos agents pour limiter le plus possible les formalités aux points de passage de la frontière, notamment au tunnel à Calais et à Dunkerque.

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Il faut donc se préparer tout en étant dans l'incertitude, ce qui n'est pas simple.

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Stéphane Raison, directeur général du Grand Port Maritime de Dunkerque

Je donnerai quelques éléments de contexte. Il y a sur la Côte d'Opale, sur 26 kilomètres de distance, le premier ensemble portuaire français avec les ports de Calais et de Dunkerque. Ce sont chaque année plus de 100 millions de tonnes qui transitent dans les ports, davantage que dans la vallée de la Seine. Sur ces 100 millions de tonnes de trafic, 50 millions sont réalisés à Calais : il s'agit essentiellement de trafic roulier c'est-à-dire de véhicules de passagers, d'autobus et de camions à destination du Royaume-Uni. À Dunkerque, le trafic représente plus de 15 millions de tonnes, dont un tiers va à Douvres. Cela signifie plusieurs millions de camions et de 4 millions de passagers. Quand on y ajoute Eurotunnel, on dépasse les 15 millions de passagers. L'enjeu est donc très important. On peut comparer ce modèle économique, lié à la géographie maritime, à ce qui se passe en Europe du Nord, où trois ports assurent du trafic roulier à destination du Royaume-Uni : Zeebruges en Belgique, Amsterdam et Rotterdam aux Pays-Bas font à eux trois 27 millions de tonnes de trafic. Ils suivent un modèle de lignes longues, totalement différent du modèle des ports français : on embarque sur des convois non accompagnés. Les remorques sont mises à bord des bateaux sans leurs chauffeurs et elles sont récupérées au Royaume-Uni dans cinq zones géographiques allant de Thamesport, dans l'estuaire de la Tamise, jusqu'au port de Rosyth en Écosse. Depuis Calais et Dunkerque, en revanche, les temps de trajet ne sont que d'une heure et demie à deux heures. Les opérateurs européens qui prennent un ferry dans l'un de nos deux ports ou qui passent par le tunnel recherchent la rapidité de passage pour aller soit dans la zone de Londres, soit dans les Midlands au nord de Londres.

D'autres ports français font du trafic trans-Manche : Dieppe, l'été seulement ; Le Havre, qui a une liaison avec Brittany Ferries à destination de Portsmouth ; les ports normands de Caen-Ouistreham et de Cherbourg ; enfin, les ports de Saint-Malo et de Roscoff. Cela ne représente cependant que quelques millions de tonnes de trafic et que quelques centaines de milliers de passagers ou de voitures. L'enjeu du Brexit se concentre donc sur la zone de 26 kilomètres dont j'ai parlé, où passent 10 000 poids lourds par jour. Un temps de contrôle de trois minutes sur 10 000 poids lourds entraînerait plusieurs dizaines de kilomètres d'embouteillages. On a déjà connu quelques épisodes d'embouteillages de ce type, dont celui de Sea France, par lequel l'ensemble du réseau autoroutier de l'ex-Nord-Pas-de-Calais avait été paralysé.

Nous allons donc être obligés d'adapter nos zones de contrôle à des situations géographiques extrêmement différentes. À Dunkerque, il y a de la place. La circonscription fait 7 000 hectares et a de la disponibilité foncière. Cela étant, stocker 4 000 poids lourds dans la zone de Dunkerque coûterait entre 70 et 100 millions d'euros. Or, le plan d'investissement du port de Dunkerque au cours des cinq dernières années était de 250 millions d'euros. Nous allons donc avoir un problème majeur d'infrastructures. Et encore faut-il avoir la place. Calais est en train de faire un investissement majeur pour le roulier, mais les travaux ne seront pas livrés avant 2021 et au tunnel, il n'y a pas de place pour réaliser ces contrôles. Le problème est donc double : où faire les contrôles et comment les financer ?

Enfin, notre modèle est fondé sur la rapidité et la fluidité. À partir du moment où vous mettez en place des contrôles qui vont durer relativement longtemps, si vous perdez dix heures sur la Côte d'Opale, les camions qui viennent du Benelux, essentiellement des ports d'Anvers et de Rotterdam où se concentre la marchandise, resteront dans la zone du Benelux et prendront des bateaux non accompagnés passant par l'Escaut et allant directement dans les ports anglais. Les 100 millions de tonnes et quelque de trafic que nous traitons sur la Côte d'Opale seront alors perdues. Je rappelle que 300 milliards de livres circulent chaque année dans le tunnel.

Il y a donc pour nous, gestionnaires d'infrastructure, un enjeu de préparation dans l'incertitude – vous l'avez extrêmement bien dit. C'est très anxiogène car nous ne savons que faire ni que préparer.

Je dirai enfin quelques mots de nos effectifs. Le service des douanes nous annonce le recrutement de 700 douaniers supplémentaires, ce qui nous rassure. J'attire néanmoins votre attention sur la question des contrôles vétérinaires et phytosanitaires : 30 % des flux sont le fait de camions frigos. Ce sont des marchandises européennes qui vont être soumises à un contrôle vétérinaire pour aller dans un pays tiers. Or, nous n'avons pas de visibilité quant aux effectifs vétérinaires et phytosanitaires et encore moins de visibilité quant aux effectifs dédiés aux contrôles de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF).

La localisation, les effectifs et les infrastructures : voilà ce qui nous interroge. Nous essayons de nous organiser au maximum mais l'impact du Brexit pourrait être extrêmement douloureux et rapide.

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Benoit Rochet, directeur général délégué de la Société d'exploitation des ports du Détroit. Stéphane Raison

a souligné l'importance de la Côte d'Opale dans le trafic. Un tiers des conteneurs et des remorques qui relient le continent aux îles britanniques passe par le port de Calais, un tiers par Dunkerque et le tunnel et le dernier tiers, par les autres ports de la Manche, en France, et par les ports des Pays-Bas et de la Belgique. Les enjeux de volume sont donc extrêmement importants. Il y a également des enjeux de fluidité et de rapidité : la route courte est empruntée par de très nombreux poids lourds parce qu'elle est rapide. Or, le rétablissement des contrôles pourrait engendrer des queues importantes. Les parkings ne sont pas non plus une solution : si les chauffeurs perdent deux à trois heures sur un parking, ils se détourneront assez rapidement de cette route courte. Il s'agit donc d'assurer un passage rapide et fluide à l'export. À l'import également, les poids lourds qui rentreront sur le territoire de l'Union européenne devront subir des contrôles. Il a été question des contrôles douaniers mais ce n'est pas ce qui nous préoccupe le plus. Il faut que l'administration des douanes soit en mesure de disposer de certaines informations, ce qui soulève une question technologique. Nous avons finalement très peu d'informations aujourd'hui : nous ne savons pas véritablement ce qui transite par le port de Calais. De même, la Société des autoroutes du Mont-Blanc ne sait pas ce qui passe par les autoroutes du Mont-Blanc. Nous le savons quand même un peu plus qu'au Mont-Blanc car, le Royaume-Uni n'étant pas dans la zone Schengen, des contrôles d'identité sont opérés mais il n'y a aucun contrôle sur les marchandises – à part certains contrôles douaniers de sûreté. Aucune déclaration n'est faite a priori par les transporteurs. Les inspections vétérinaires et phytosanitaires sont, plus encore que les contrôles douaniers, un enjeu majeur. Or, si des recrutements ont été opérés au service des douanes, il faut en faire autant au sein du Service d'inspection vétérinaire et phytosanitaire aux frontières (SIVEP). D'autre part, les pratiques de ce service sont un peu différentes de celles des douanes : il faut encore lui présenter des documents papier originaux, ce qui peut fonctionner pour des fruits exotiques ayant traversé l'océan mais pas lorsque le temps d'escale est de quarante minutes et le temps de traversée, d'une heure à une heure trente. Nous avons besoin de documents dématérialisés et d'échanger l'information.

Enfin, certains produits donnent lieu à un contrôle systématique. Si les douanes contrôlent entre 0,5 % et 1,5 % des marchandises, les produits d'origine animale ou végétale peuvent donner lieu à un arrêt systématique et donc entraîner une perte de temps. Les douanes seront présentes vingt-quatre heures sur vingt-quatre mais aucun SIVEP n'est ouvert sept jours sur sept vingt-quatre heures sur vingt-quatre alors qu'on en a tout prix besoin. Étant donné la nature du trafic, nous ne pouvons pas dire à nos clients de prendre rendez-vous et, s'il n'y a pas de place, de passer la nuit sur le parking en attendant le lendemain.

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Olivier Thouard, président du groupe de travail de TLF TLF Overseas sur le Brexit

TLF Overseas est un syndicat professionnel affilié à l'Union des transports logistiques de France, représenté tant au niveau français que via d'autres organisations européennes ou internationales comme le Comité de liaison européen des commissionnaires et auxiliaires de transport (CLECAT). Nous comptons parmi nos adhérents huit syndicats et associations portuaires et avons cinq antennes en métropole. Nous avons aussi des adhérents outre-mer, mais pas d'antenne. Nous avons trois commissions métiers et trois commissions transverses – l'une travaillant sur le Brexit, une autre sur le digital et une troisième sur le social. Nous avons créé un groupe de travail sur le Brexit il y a un an dont je suis le président. Ce groupe de travail est multi-activités : on y trouve des transporteurs routiers, des PME et de grandes entreprises. Le groupe couvre l'ensemble de la chaîne d'approvisionnement. Les représentants en douane en France constituent 85 % des déclarations en douane, ce qui illustre l'enjeu du Brexit pour notre métier.

Dans le cadre du CLECAT, nous avons eu une réunion le 25 mai dernier avec la douane britannique. Nous avons reçu cette dernière à Paris en grande délégation : huit personnes représentaient l'ensemble des métiers de l'administration des douanes, de la fiscalité et des ports. La délégation nous a demandé de discuter à huis clos de certains sujets sur lesquels elle souhaitait d'abord que les politiques se prononcent. Elle m'a néanmoins autorisé à en parler. Ce que la délégation britannique souhaite, et que nous voulons absolument qu'elle obtienne, c'est que le Royaume-Uni rejoigne la Convention sur le transit commun – facteur indispensable à la fluidité du trafic. Cette convention permettra de passer les frontières sans s'arrêter si ce n'est en cas de formalités vétérinaires et phytosanitaires. Considérant que les ports ne seront pas prêts au moment du Brexit, les Britanniques ont aussi lancé l'idée d'anticiper en mer les dédouanements à l'import vers le Royaume-Uni. Les déclarants feront leur déclaration en mer, les services des douanes britanniques y prendront leur décision de contrôle et dès l'arrivée du bateau, ils donneront leurs consignes de déchargement. Comme le disait M. Thillier, nous devons, de notre côté, appliquer les règles européennes. Nous ne ferons donc pas ce que nous voulons. Quoi qu'il en soit, les Britanniques ont comme nous dans l'idée de simplifier au maximum les formalités pour que la marchandise puisse quitter les ports le plus vite possible et ne soit qu'en transit routier.

Les autres pays européens sont en train de se préparer. Les Pays-Bas ont prévu l'embauche de 960 douaniers et de 100 postes de douaniers chargés des produits agricoles. Il faut néanmoins relativiser ces chiffres car les Néerlandais accusaient jusqu'ici un retard dans le recrutement de douaniers. On ne sait donc pas quelle est la part de recrutements dus au rattrapage de ce retard et celle qui est liée au Brexit. Cela dit, en recrutant 100 douaniers chargés des produits agricoles, les Néerlandais vont réduire fortement le temps attente dans leurs ports. La concurrence entre les ports du Nord et les nôtres pourrait être renforcée s'ils font passer les marchandises agricoles beaucoup plus vite que nous. La Belgique, elle, a prévu de recruter 141 douaniers supplémentaires cet automne.

La question des zones franches avait été soulevée. On n'entend pas parler de zones franches pour le moment, mais ce pourrait être un sujet à l'avenir. La question est plutôt celle des droits de douane et des origines. Quand on parle d'origine douanière, on pense souvent à l'origine des produits entre l'Union européenne et le Royaume-Uni, mais en fait le problème va bien au-delà. Quand une entreprise française achète des marchandises dans un pays tiers, elle peut les transformer sur le sol français avant de les réexpédier vers le Royaume-Uni. Ce processus est aujourd'hui totalement transparent. L'entreprise fait une déclaration fiscale « Intrastat ». Demain, les produits seront taxés à l'arrivée en France, puis à nouveau taxés quand ils repasseront la frontière franco-britannique, selon le même schéma qu'entre la France et la Suisse aujourd'hui. Il existe des schémas permettant d'éviter cette double taxation – tels que le perfectionnement actif – mais ils sont complexes à appliquer, notamment pour les PME. Une autre solution, envisagée par certains acteurs que j'ai rencontrés, consiste en un transfert de production. S'il devient trop compliqué pour des sociétés françaises de gérer leur production en France alors que leur marché est au Royaume-Uni, elles seront obligées d'aller produire au Royaume-Uni, c'est-à-dire là où elles vendent. Inversement, les Britanniques devront venir chez nous pour produire et vendre. S'il devait y avoir rétablissement des droits de douane au taux standard, cela aurait un impact très important sur de nombreuses entreprises et remettrait en cause certains contrats, notamment dans le secteur automobile où le taux de marge est peu élevé. Le rétablissement des droits de douane n'est pas un sujet technique, car nous savons comment faire – il nous suffit d'augmenter nos cautions bancaires – et l'administration aussi. C'est plutôt un sujet économique : quelle va être la réaction des entreprises concernées ? Vont-elles continuer à pouvoir produire et à vendre comme avant ou pas ?

J'évoquerai maintenant nos adhérents, qui sont logisticiens et déclarants en douane. Une enquête réalisée l'été dernier auprès d'eux nous a permis de nous rendre compte que très peu d'entre eux étaient vraiment conscients du Brexit. Pour eux, le Brexit représenterait entre 15 % et 20 % du nombre de déclarations annuelles au niveau national, mais comme ce chiffre a plutôt une dimension macro-économique, nous avons demandé à tous nos adhérents de faire une étude approfondie de leur organisation et de leurs flux. À l'issue de cette étude, la plupart des entreprises ont réévalué l'impact du Brexit : la sortie du Royaume-Uni pourrait entraîner une augmentation de 50 % du nombre de déclarations en douane. Il suffit de travailler dans les secteurs pharmaceutique ou automobile pour être très fortement affecté par ces augmentations. Pour obtenir ces chiffres, nous ne nous sommes pas fondés sur les déclarations « Intrastat » mais sur le nombre de lots en circulation. On sait très bien que ce chiffre ne restera pas de 50 %, car les entreprises vont se réorganiser et augmenter la taille des lots en circulation. Les entreprises ne feront pas une déclaration en douane par palette.

Pour nos déclarants, peu importe que l'augmentation soit de 40 % ou de 50 % : il n'y a pas aujourd'hui de personnel ayant la compétence de déclarant en douane. Il faut une année scolaire pour les former : donc, s'il y a un Brexit dur en mars prochain, nous n'aurons pas les effectifs pour y faire face. Et nous n'embaucherons pas tant que nous n'aurons pas de visibilité politique. Nous ne pouvons pas embaucher cinquante personnes sans savoir si nous en aurons besoin en 2019 ou en 2021, nous avons besoin de clarifications.

Nous travaillons avec des centres de formation, notamment AFTRAL – « Apprendre et former en transport et logistique » –, nous saurons réagir, mais nous avons besoin de temps. AFTRAL est capable de mettre en place de grandes classes de formation qui pourront alimenter la profession, mais nous avons besoin d'un peu de temps.

Nous préconisons que les opérations de dédouanement ne soient pas faites en zone portuaire, mais le plus tôt possible. Par exemple, à l'export, elles pourraient être faites dès le départ de l'entrepôt des clients, ou sur la route. Cela imposera des agréments en douane, et de diffuser des informations et des compétences en logistique internationale dans l'ensemble de notre réseau, dans nos agences, chez nos clients. De même à l'import, nous allons chercher la fluidité maximale pour un transit au départ de Grande-Bretagne, en passant le port et en allant jusqu'à destination, en évitant les zones de parking si l'on peut, ce n'est dans l'intérêt de personne.

Nos clients commencent à envisager des zones de stockage du côté français et du côté anglais, pour deux, trois ou quatre jours de stockage. L'automobile travaille en just in time, or il ne sera plus possible de travailler en flux tendus. Il faudra trouver des surfaces, mais je pense que cela ne va pas durer, parce qu'une fois que la fluidité va se mettre en place, ces besoins de surface vont diminuer. Mais au départ, tout le monde voudra préstocker des marchandises.

Je rejoins tout à fait M. Raison sur la question des ports. Dans nos métiers, lorsqu'un client nous demande de transporter une marchandise de Paris à Londres, nous allons essayer de passer là où c'est possible. Nous ne nous engageons pas sur un mode de transport, nous prenons le camion et nous l'emmenons à Londres. Si nous savons qu'il y a un blocage à Calais et qu'il faut trois jours pour passer, nous irons dans un autre port, ou dans un autre pays. Et cela se fera de manière automatique et directe, c'est notre métier. Nous ne sommes pas payés pour attendre trois jours, nous ne pourrons pas. Donc il est clair que la fluidification est essentielle.

Les attentes de nos adhérents concernent en priorité les opérateurs économiques agréés. Il faudrait accentuer le développement de ces certifications pour permettre à la douane de travailler plus efficacement sur les contrôles, car certains opérateurs seront certifiés et d'autres ne le seront pas. Il faudra simplifier au maximum la gestion portuaire, alléger les contrôles de sûreté et de sécurité pour les entreprises certifiées, automatiser tout ce qui pourra l'être. Nous savons faire de l'échange de données informatisé (EDI), de l'informatisation, il nous faut un peu de temps mais nous savons nous interfacer avec les ports et faire beaucoup de choses, mais il faut mettre en place des systèmes automatisés et permettre les dédouanements de nuit, ce qui n'est pas le cas aujourd'hui.

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Jean-Michel Thillier, directeur général adjoint des douanes et droits indirects

Le système fonctionne 24 heures sur 24.

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Olivier Thouard, président du groupe de travail de TLF TLF Overseas sur le Brexit

À Roissy, mais aussi sur les ports ?

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Jean-Michel Thillier, directeur général adjoint des douanes et droits indirects

Oui, le système fonctionne 24 heures sur 24.

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Olivier Thouard, président du groupe de travail de TLF TLF Overseas sur le Brexit

Le système, mais pas les douaniers… Or les bateaux et les camions circulent de jour comme de nuit.

Aujourd'hui, les entreprises ont lancé des études, elles commencent à identifier les risques, mais elles attendent toutes la prise de décision politique, et d'avoir une date. Tant qu'il n'y aura pas de date, ce sera compliqué. Si nous devons gérer un Brexit en 2019, très peu d'entreprises seront prêtes. Les PME comptent sur nous, mais ce sera compliqué pour nous, même si nous ferons tout ce que nous pourrons.

Il est urgent de clarifier les positions, les organisations, le système informatique. Nous serons capables d'accompagner l'administration, les douanes et les ports, de faire des réunions, d'activer nos réseaux et de communiquer, mais nous le ferons le jour où nous saurons ce qui va se passer.

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Vous parliez de besoins informatiques, de systèmes de radio-identification (RFID) ; il semble que le moment soit venu de mettre en place les dernières innovations logistiques, qui sont nombreuses. De nombreuses réflexions sont en cours, nous avons parlé de la blockchain, c'est le moment d'innover et d'investir dans les nouvelles technologies qui permettront d'être fiables et rapides et d'économiser des ressources. Où en êtes-vous sur ces questions, et qu'est-ce qui peut vous aider à aller dans cette direction ?

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J'ai beaucoup appris, et je suis de plus en plus perplexe, plus qu'interrogatif…

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Nous avions déjà échangé dans un autre contexte, vous avez tous les deux évoqué les besoins en matière de renforcement de vos équipes. En matière de recrutement, allez-vous rencontrer des difficultés, des formations spécifiques sont-elles prévues pour fournir le personnel dont vous allez avoir rapidement besoin ?

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Tous les contrôles sanitaires se faisaient à l'entrée des pays tiers. Désormais, nous considérerons que, pour tout ce qui passe par l'Angleterre, l'entrée se fera en France. Dans l'accord que nous trouverons avec les Britanniques, est-il possible d'anticiper les points sur lesquels nous leur garderons notre confiance, car il semble difficile de considérer du jour au lendemain que l'entrée des pays tiers et tous les contrôles se feront en France ?

Le contrôle se fait à l'entrée du territoire, mais aussi, de manière générale, au départ de l'entreprise. Quelles sont les solutions, notamment pour le respect de la chaîne du froid ? À l'époque des États généraux de l'alimentation, face à la peur croissante des consommateurs, et alors que beaucoup de marchandises passent par l'Angleterre, comment prévoir une forme de confiance ? Autrement, cela va faire peur.

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Je suis député de Meurthe-et-Moselle, d'une circonscription qui jouxte les frontières belge et luxembourgeoise. Sur le sujet des zones franches, pourriez-vous être plus explicites ?

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Jean-Michel Thillier, directeur général adjoint des douanes et droits indirects

Les deux points les plus sensibles pour moi sont Calais et le tunnel, où nous partons de zéro. Ces deux liens logistiques n'ont même pas de cargo community system (CCS). Ce système informatique permet de récupérer des informations de différents acteurs et de les répartir en respectant la propriété de l'information, pour que les différents acteurs tels que la douane ou les services vétérinaires fassent les contrôles. Le dispositif est mis au point par des entreprises privées, et sert à savoir ce qui entre et ce qui sort d'un port. Il permet de gérer l'arrivée du bateau, la descente des conteneurs ou des remorques, de savoir ce qu'il y a, commercialement parlant, dans les remorques. Il est relié au système de dédouanement et permet, une fois que la déclaration en douane est faite, de dire à celui qui stocke le conteneur ou le camion qu'il peut sortir. C'est un système d'échange d'informations entre différents acteurs.

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Jean-Michel Thillier, directeur général adjoint des douanes et droits indirects

Le scanner est un système de contrôle. Le CCS est un partage d'informations, protégé. C'est l'outil premier sur lequel nous devons nous appuyer pour faire le lien entre un camion qui arrive, une plaque d'immatriculation, un chauffeur qui va faire l'objet de formalités d'immigration – il ne faut pas les oublier – et une cargaison dans le camion. Et cette cargaison peut faire l'objet d'une seule ou de cent déclarations en douane. Il faudra faire le lien entre tous ces éléments pour dire à l'acteur qui va faire la déclaration que le camion est arrivé et qu'il peut lancer les déclarations aux douanes. Ensuite, nous allons les récupérer, les traiter, et donner le feu vert pour que le camion puisse sortir le plus rapidement possible.

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Combien de temps faut-il pour s'en équiper, et pour quel coût ?

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Stéphane Raison, directeur général du Grand Port Maritime de Dunkerque

En France, il y a un cargo community system qui s'appelle AP+. Deux éditeurs le développent. Aujourd'hui, les ports qui font de la marchandise de tout type utilisent le plus souvent ces systèmes, qui ont d'abord été développés pour les conteneurs. Un seul endroit en France utilise le CCS pour de l'échange de marchandises sur du roulier venant de tous pays, c'est le port de Toulon, car il y a une liaison entre la Turquie et Toulon, et que nous sommes obligés de dédouaner les camions qui arrivent de Turquie et partent en Angleterre. Nous avons donc un exemple de mode de fonctionnement, et nous savons le faire.

Ce qui va changer, c'est qu'au port du Havre il faut dédouaner et traiter 2,9 millions de conteneurs par an, à Dunkerque 400 000, à Marseille 1,4 million. Imaginez qu'en très peu de temps, sur la Côte d'Opale, nous allons devoir dédouaner l'équivalent de 4 millions de camions par an. Et en dehors de Dunkerque, nous partons de zéro : on ne fait rien au tunnel ni à Calais car il n'y a pas de CCS. Nous allons passer de 400 000 à 4,5 millions. L'outil informatique existe pour mettre tous les acteurs en liaison et les interfacer au logiciel de dédouanement, mais il va falloir monter en puissance d'un seul coup.

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Le système dont vous parlez n'existe pas pour le port de Calais ou pour le tunnel ?

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Jean-Michel Thillier, directeur général adjoint des douanes et droits indirects

Dans le tunnel, il n'y en a pas besoin. Et le CCS de Dunkerque n'est pas utilisé sur le roulier.

En termes de technologie, c'est la première couche, qui est indispensable. La deuxième, c'est la RFID qui permet de savoir ce qui entre dans le tunnel, ce qui n'est pas le cas aujourd'hui. Il s'agit de petites puces placées sur les camions ou les conteneurs, qui transmettent une information lorsqu'elles passent devant un capteur. Nous aurons besoin de ce genre d'outil, et il faudra étudier si la blockchain peut servir à échanger de l'information de manière certaine. Mais nous serons obligés de recourir à la technologie.

Les recrutements sont en cours pour nous, et la formation professionnelle est assurée car nous avons une école, nous avons donc adapté notre outil pédagogique pour former en priorité les personnes qui seront recrutées en vue du Brexit. Nous n'avons donc pas de problèmes de formation professionnelle.

S'agissant des contrôles vétérinaires et phytosanitaires, je vais répondre à la place du ministère de l'agriculture, car ce ne sont pas les douanes qui les font. Les formalités vétérinaires et phytosanitaires sont préalables au dédouanement. Le principe est que le contrôle vétérinaire est fait dans le pays de départ, en général au lieu de départ. Les documents ne sont pas dématérialisés, c'est donc l'original délivré par l'autorité sanitaire du pays de départ qui est contrôlé par le pays d'arrivée, à son entrée. C'est pour cela que nous avons un problème pour les flux d'importations, mais pas pour les exportations. Le contrôle documentaire est assez souvent suivi d'un contrôle physique, ce qui veut dire que si la situation reste en l'état, il faudra organiser des lieux de contrôle et éventuellement des lieux de stockage conformes aux règles très particulières qui s'appliquent à ce type de produits, qui ne doivent pas être mélangés entre eux, donc des compartiments étanches avec des zones frigorifiques. Une forme de reconnaissance mutuelle existe avec certains pays tiers, comme la Suisse. La difficulté pour faire de même avec les Anglais sera de nature politique, suite au précédent de la vache folle. La réglementation phytosanitaire est de la compétence de l'Union européenne, qui sera peut-être dure avec les Britanniques sur ce point.

Il y a toujours la possibilité de faire des zones franches, mais c'est assez lourd, il faut les déclarer auprès de la Commission européenne. Le code des douanes permet de mettre en place des dispositifs qui marchent aussi bien en étant bien moins lourds : les installations de stockage temporaire, qui permettent de répondre à l'objectif recherché par les zones franches, sans la lourdeur qu'implique la déclaration préalable à la Commission.

S'agissant des recrutements, 250 sont prévus en 2018, 300 en 2019, et la dernière centaine en 2020. Nous avons un appareil de formation, avec deux écoles, qui nous permet de prendre en charge ces recrutements supplémentaires au titre du Brexit. Nous n'aurons pas de problème pour organiser le recrutement, former les agents et les affecter.

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Vous avez plusieurs fois évoqué les questions de stockage, les risques d'embouteillages, j'imagine que vous avez déjà des contacts avec les élus locaux. Comment allez-vous trouver des zones d'aménagement ?

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Jean-Michel Thillier, directeur général adjoint des douanes et droits indirects

Nous avons bien sûr des contacts avec les élus locaux, mais surtout avec les gestionnaires de lien logistique. Je vois très souvent MM. Rochet et Mazuel, puisque la question principale se pose chez eux, et pour le tunnel. Il faut essayer, dans le cadre de la négociation, de sortir le plus de formalités possibles de la frontière. Le dédouanement pourra se faire en amont, il faudra que les entreprises s'organisent pour déposer leur déclaration en douane dans des bureaux sur le territoire, et pas à la frontière, pour éviter la pression du flux. En revanche, pour les contrôles vétérinaires ou phytosanitaires, ce ne sera pas possible, selon la décision politique sur ce point. Mais sur le plan douanier, nous pourrons sortir de la zone frontière une bonne partie des formalités et des contrôles.

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Je vous ai posé des questions sur les problématiques phytosanitaires, ce qui était un peu vicieux de ma part car je pense que les entrées aux frontières françaises inspirent confiance, alors que tout le monde sait que si l'on veut faire entre quelque chose qui n'est pas conforme, il faut passer par Amsterdam ou ailleurs. C'est peut-être une fable, mais c'est ce qui se dit.

J'aimerais savoir, selon vous, qui peut offrir mieux que nous ? Vous avez dit que des marchandises rentraient de Turquie par Toulon. On ne les imagine pas passer au travers du lac Léman pour aller jusqu'en Belgique, il y a des réalités logistiques et l'on continuera à faire Paris-Lyon-Marseille. À l'heure actuelle, qui est en état de remplir les missions de douane ? Quel pays ? Économiquement, est-ce que le risque existe véritablement ?

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Étant donné qu'en plus des contrôles documentaires il y a des contrôles physiques à faire, notamment dans le domaine phytosanitaire, n'y a-t-il pas de possibilités de faire ces contrôles physiques pendant la traversée ? C'est un moment où un véhicule est immobilisé, et on peut le contrôler sans perdre de temps. Certes, la mer n'est pas un élément très stable, mais est-il possible de faire quelque chose pour utiliser ce temps mort ?

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Jean-Michel Thillier, directeur général adjoint des douanes et droits indirects

Aujourd'hui, le cadre réglementaire vétérinaire et phytosanitaire ne le permet pas. Il faut être sur le territoire communautaire pour le faire.

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Jean-Michel Thillier, directeur général adjoint des douanes et droits indirects

Oui, mais il n'y a pas que cela. Pour certaines marchandises, notamment dans le domaine phytosanitaire, qui peut entraîner des contaminations, la configuration des lieux où le contrôle est effectué est particulière. Cela ne peut pas être organisé sur un bateau.

D'autant qu'une navette qui passe sous le tunnel, ce sont trente-deux camions qui sortent d'un coup de la navette. Et il n'est pas possible de faire le contrôle dans le tunnel. Le nombre de contrôles est sensiblement le même sur le port de Calais. Donc, de toute façon, nous ne pourrions pas le faire pour le tunnel.

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Stéphane Raison, directeur général du Grand Port Maritime de Dunkerque

Le pavillon est un autre élément. La question pourrait se poser pour les navires sous pavillon français, mais un certain nombre de compagnies battent pavillon anglais. La question s'est posée pour des questions migratoires ou de sûreté, et la préfecture maritime ne peut pas faire de contrôles de sûreté sur des navires battant pavillon anglais. C'est une partie de la difficulté, d'autant que les dossiers d'agrément des SIVEP remontent à l'Union européenne, après être passés par le ministère de l'agriculture.

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Et quels sont les points d'entrée les plus faciles vers le Royaume-Uni ?

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Stéphane Raison, directeur général du Grand Port Maritime de Dunkerque

Le risque est très clair. Les ports anversois représentent 6,5 millions de mètres carrés d'entrepôts. Pour vous donner quelques exemples, il y a 14 millions de mètres carrés d'entrepôts autour de la zone parisienne, et 1,4 million de mètres carrés au Havre. S'il y a des problèmes de temps, la marchandise se concentrera à l'endroit où l'on peut faire partir les bateaux en « non accompagné ». Et il est clair que les ports d'Anvers et de Rotterdam s'y préparent. Ils voient les 100 millions de tonnes de trafic réalisé en France. C'est une valeur ajoutée énorme.

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Stéphane Raison, directeur général du Grand Port Maritime de Dunkerque

Nous nous y préparons en essayant d'adapter nos installations pour ne pas perdre notre trafic. Pour nous, l'enjeu est là.

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Olivier Thouard, président du groupe de travail de TLF TLF Overseas sur le Brexit

Nous transportons beaucoup de voitures entre la France et la Grande-Bretagne, et il n'y a pas les capacités, en France, pour les traiter. Nous sommes obligés de les faire remonter jusqu'à Zeebruges pour les faire traverser. Si la capacité existait en France, nous les ferions passer en France, nous ne cherchons pas à remonter. Donc, si demain les ports français bloquent, nous allons naturellement remonter.

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Quel est le coût depuis Zeebruges, et quel serait-il de France ?

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Olivier Thouard, président du groupe de travail de TLF TLF Overseas sur le Brexit

Il faut considérer le coût global, combien coûte un chauffeur immobilisé avec son camion ? Ce n'est pas forcément le coût au kilomètre qui compte.

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Aujourd'hui, quelles raisons vous font choisir Zeebruges ? La durée de l'arrêt ?

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Olivier Thouard, président du groupe de travail de TLF TLF Overseas sur le Brexit

Aujourd'hui, c'est un problème de capacité. Nous n'avons même pas le choix.

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Jean-Michel Thillier, directeur général adjoint des douanes et droits indirects

Nous avons l'avantage de la fréquence, que n'ont pas les ports anversois et Zeebruges, et celui du temps de traversée. Nous sommes inattaquables sur ces points. Demain, malheureusement, les données changeront un petit peu. Ils auront des difficultés en termes de capacité, attirer les marchandises est une chose, mais il faut ensuite les transporter.

Le temps de traversée est de 35 minutes par le tunnel, d'une heure et demie à Calais et de beaucoup plus, avec des fréquences moindres, depuis Zeebruges.

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Stéphane Raison, directeur général du Grand Port Maritime de Dunkerque

La traversée la plus courte à partir de Zeebruges en ligne longue dure sept heures, contre deux heures, dans le pire des cas, depuis la France. Et cela se ressent sur le tarif.

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Il est très intéressant de vous entendre, cela nous montre les difficultés auxquelles nous faisons face. Le devoir de notre mission est de retranscrire tout cela et de proposer des solutions. Nous sommes allés sur le terrain, nous avons visité le port de Calais, et cette audition confirme qu'il faut une prise de conscience au plus haut niveau de l'exécutif et du Gouvernement ; il faut adapter et anticiper en matière d'infrastructures. Nous n'allons pas attendre le dernier moment pour les infrastructures, ce devrait être une obsession pour le Gouvernement. Il faut un plan d'action et de soutien, et réfléchir à toutes les nouvelles technologies. Il est évident que si nous réinstallons les douanes demain, ce ne seront pas les douanes d'hier, mais d'autres types de douanes et d'autres types de contrôle. Ce ne sera peut-être pas zéro douane et zéro contrôle, comme les Britanniques l'imaginent, mais nous devons nous servir des avancées technologiques. Et même dans l'incertitude dans laquelle nous sommes, nous devons porter l'exigence d'un plan d'action et d'accompagnement de nos ports pour ne pas sombrer face à la concurrence, car les autres n'attendent pas. Il va falloir que la France soit au rendez-vous de cette concurrence avec les ports de l'Europe du Nord, qui vont de l'avant. Il va falloir que le Gouvernement prenne un certain nombre de décisions d'accompagnement, en particulier en matière d'investissements pour les infrastructures.

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Jean-Michel Thillier, directeur général adjoint des douanes et droits indirects

Nous n'avons pas beaucoup évoqué le traitement des voyageurs. Dans le tunnel, il y a quatre flux : des trains de marchandises, des navettes de camions, des Eurostar et des navettes avec des voitures particulières. C'est vrai aussi à Calais. L'enjeu est d'arriver à traiter tous les flux. Dans le tunnel, il passe une rame de train toutes les trois minutes. Il ne suffit pas de traiter les camions, dont nous avons beaucoup parlé aujourd'hui, il faut aussi revoir la façon dont on gère les flux de voyageurs, à l'entrée comme à la sortie. Cela veut dire pour les douanes qu'il faut travailler avec le ministère de l'agriculture pour les contrôles vétérinaires et phytosanitaires, et avec le ministère de l'intérieur et la direction centrale de la police aux frontières (PAF) pour les contrôles migratoires.

L'Europe sera aussi une source de financements pour les infrastructures.

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J'étais ce week-end avec des Irlandais, qui demandaient comment ils allaient faire s'ils devraient sortir du territoire européen pour y rentrer à nouveau ?

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Ils passeront directement de l'Irlande à chez nous. Et peut-être qu'un jour, il y aura des poursuites de nos ports en Irlande. Je conseille à nos ports de regarder de ce côté, il y a des choses à faire.

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Bernard Mazuel, délégué général de l'Union des ports de France

Nous avons rendez-vous le mois prochain en Irlande pour discuter avec nos homologues irlandais de la possibilité de créer des liens.

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Dépêchez-vous avant que les autres ports d'Europe du Nord ne le fassent.

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Bernard Mazuel, délégué général de l'Union des ports de France

Vous parliez d'incertitudes, à ce propos, les Néerlandais disent : « Puisque nous ne savons pas à quoi nous préparer, préparons-nous au pire. »

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Ils ont bien raison. Merci beaucoup, il a été très utile de vous entendre aujourd'hui.

La séance est levée à 16 h 44.

Membres présents ou excusés

Présents. - M. Jean-Louis Bourlanges, M. Bertrand Bouyx, M. Daniel Fasquelle, M. Fabien Gouttefarde, Mme Christine Hennion, M. Alexandre Holroyd, Mme Marie Lebec, Mme Martine Leguille-Balloy, M. Xavier Paluszkiewicz, Mme Marielle de Sarnez, Mme Sabine Thillaye

Excusés. - M. Paul Christophe, M. Sébastien Jumel, Mme Marietta Karamanli, M. Jacques Marilossian, M. Christophe Naegelen, M. Vincent Rolland, Mme Liliana Tanguy