La réunion

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L'audition débute à neuf heures trente-cinq.

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Mes chers collègues, l'Assemblée nationale a constitué une commission d'enquête afin de tirer les enseignements de l'affaire Lactalis et d'étudier à cet effet deux questions qui regardent l'ensemble de nos concitoyens : les dysfonctionnements des systèmes de contrôle et d'information, de la production à la distribution ; l'effectivité des décisions publiques qui ont été prises.

Nous recevons M. Emmanuel Besnier, président-directeur général de Lactalis, M. Philippe Laborne, directeur industriel du groupe, M. Arnaud Boinard, directeur général de la division Lactalis Nutrition Europe, M. Jean Claudel, directeur de la plateforme Lactalis logistique, M. Michel Nalet, directeur des relations extérieures et de la communication.

Messieurs, je vous remercie d'avoir répondu à notre invitation, mais nous avons d'abord à examiner ensemble une question de principe quant au sens de nos travaux.

Mes chers collègues, par un courrier daté du 26 avril et que nous avons reçu le 4 juin, le cachet de l'Assemblée nationale faisant foi, les conseils de la société Lactalis ont appelé l'attention de la Garde des sceaux sur le déroulement de nos travaux et demandé l'interruption de ceux-ci jusqu'à l'issue des procédures pénales en cours, c'est-à-dire jusqu'aux calendes grecques.

Je rappelle que, interrogée par M. François de Rugy, président de l'Assemblée nationale, selon l'usage, avant la constitution de la commission d'enquête, Mme la Garde des sceaux avait fait savoir qu'une procédure judiciaire était en cours, mais n'avait pas exprimé d'opposition à la création de notre commission d'enquête.

En outre, monsieur le président-directeur général, lorsque le président que je suis et le rapporteur, M. Grégory Besson-Moreau, vous ont fait connaître par courrier, dès le 9 avril, le souhait de vous auditionner, nous avons bien noté que vous ne nous avez présenté aucune objection de fond. Convenez-en, je ne peux donc que m'étonner de cette démarche.

Monsieur le président-directeur général, je l'ai dit en préambule à chaque audition, et je souhaite le souligner de nouveau aujourd'hui, cette commission d'enquête n'a pas pour but de faire le procès de qui que ce soit. Nous ne sommes pas des juges, nous ne voulons pas faire jouer la fibre passionnelle. Nous voulons seulement comprendre ce qui s'est passé. Nous voulons que le rapporteur puisse établir un écrit qui permette que les crises de ce type ne se renouvellent pas.

Nous sommes trop respectueux de l'autorité judiciaire pour songer à empiéter en aucune façon sur les travaux d'un magistrat instructeur qui, à notre connaissance, n'est pas encore désigné. Notre but est de réfléchir à la problématique générale de la sécurité alimentaire. L'enjeu est de vérifier si le système d'alerte et de suivi a été à la hauteur afin de réfléchir aux propositions que l'on peut formuler pour garantir la sécurité et la sérénité des consommateurs.

Le groupe Nouvelle Gauche a utilisé son droit de tirage pour demander la création de cette commission et m'a désigné comme président. Le groupe La République en Marche a désigné M. Grégory Besson-Moreau comme rapporteur. Non seulement nous considérons que nous pouvons créer une commission d'enquête, mais nous pensons que c'est notre devoir de le faire, selon la jurisprudence bien établie sur les affaires mettant en cause des politiques publiques, même lorsque certains faits particuliers sont soumis à la justice.

Conformément à notre démarche, nous avons tenu à entendre toutes les parties prenantes. Il nous semblait légitime de recevoir en premier l'association des victimes. Nous avons ensuite reçu les responsables des administrations compétentes : la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF), la direction générale de la santé (DGS), Santé publique France, l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (ANSES), la direction générale de l'alimentation (DGAL). Nous avons auditionné les responsables des laboratoires, tant publics que privés, les acteurs de la commercialisation – Ordre des pharmaciens, syndicats de pharmaciens, groupes de la grande distribution et entreprises du e-commerce. Je tiens à souligner que chaque enseigne de la grande distribution a été représentée au plus haut niveau, les députés ici présents peuvent en témoigner. Nous avons entendu les représentants des associations de consommateurs, des producteurs et des syndicats agricoles. La semaine prochaine, nous auditionnerons les trois ministres concernés, à savoir M. Bruno Le Maire, Mme Agnès Buzyn et M. Stéphane Travert.

Compte tenu de ces précisions, j'espère que vous comprendrez mieux pourquoi sommes très intéressés par votre éclairage. Nous souhaitons que vous nous aidiez dans notre réflexion, avec l'unique souci d'améliorer la sécurité de nos concitoyens.

Avant de laisser la parole à notre rapporteur, je rappelle que cette audition est ouverte à la presse et retransmise sur le portail vidéo de l'Assemblée nationale.

Comme il s'agit d'une commission d'enquête, conformément aux dispositions de l'article 6 de l'ordonnance du 17 novembre 1958, je vais demander à chacun d'entre vous de prêter le serment de dire la vérité, toute la vérité, rien que la vérité.

MM Emmanuel Besnier, Jean Claudel, Philippe Laborne, Arnaud Boinard et Michel Nalet prêtent successivement serment.

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Monsieur le président-directeur général, messieurs les directeurs, je rejoins les propos liminaires de M. le président Hutin. À mon tour, je m'étonne de la démarche entreprise par vos conseils.

La représentation nationale se préoccupe des problématiques de sécurité alimentaire. C'est – à juste titre – une exigence croissante de notre société : de plus en plus attentifs à la sécurité et à la qualité des aliments, les consommateurs demandent une meilleure information. Je vais d'ailleurs déposer une proposition de loi en ce sens très prochainement.

Comme l'a dit le président, nous ne sommes pas ici pour juger, mais nous avons à coeur de comprendre ce qui s'est réellement passé. Nous ne nous sommes d'ailleurs pas déplacés dans l'usine de Craon, nous n'avons procédé à aucun contrôle, mais nous avons estimé indispensable d'entendre les acteurs qui pouvaient nous éclairer sur les dysfonctionnements qui ont émaillé cette crise.

Le rapport dont j'ai la responsabilité ne sera pas à charge, notre préoccupation est de présenter des propositions, notamment législatives ou réglementaires, afin de remédier aux insuffisances du dispositif d'alerte et de suivi.

D'ailleurs, j'espère que nos propositions pourront aider le groupe Lactalis qui, faut-il le rappeler, est le premier groupe laitier mondial, l'un des fleurons de notre industrie française. Nul n'a intérêt à porter préjudice à ce groupe, nous souhaitons au contraire contribuer à restaurer la confiance des consommateurs.

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Messieurs, nous allons vous poser quelques questions qui peuvent servir de fil conducteur pour vos interventions.

Pour ma part, j'ai deux séries de questions.

La première est relative au dispositif d'alerte. Pouvez-vous nous préciser comment l'industriel doit déclencher l'alerte et comment doit s'appliquer une procédure de retrait-rappel de produits non conformes ? Devez-vous informer les services de l'État au même titre que les distributeurs ? Si c'est le cas, vos interlocuteurs sont-ils les services centraux ou décentralisés ? Pourquoi ne pas avoir d'emblée appliqué un principe de précaution en élargissant le retrait-rappel à tous les produits issus du site de Craon ? Quels facteurs pouvaient vous en empêcher ? Y a-t-il eu, d'après vous, des défauts dans le système d'alerte tel qu'il est conçu actuellement ?

Ma deuxième série de question se rapporte à la pertinence des règles de contrôles. Pensez-vous que le plan de maîtrise des risques du site de Craon était adapté ? Selon quelle procédure avait-il été avalisé ? Comment un industriel choisit-il le laboratoire qui réalise les autocontrôles ? En vertu de quels critères et quelles règles s'effectue ce choix ? Depuis cet épisode, avez-vous un autre laboratoire qu'Eurofins en interne ? Quand des autocontrôles positifs sont décelés dans l'environnement, quelle procédure mettez-vous en place ? Serait-il pertinent de rendre obligatoire la transmission aux autorités administratives des contrôles positifs sur l'environnement ? Quelles en seraient éventuellement les difficultés ?

Je cède la parole à M. le rapporteur qui va vous interroger sur les retraits-rappels.

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Effectivement, j'aurai une série de questions sur les retraits-rappels et des questions diverses. Si vous avez d'autres sujets à aborder, permettant de construire le rapport, n'hésitez pas à nous en faire part.

Pouvez-vous décrire toutes les étapes par lesquelles vous passez lorsque vous procédez à un retrait-rappel de produits, depuis l'information donnée aux distributeurs et aux services de l'État jusqu'à la destruction des produits concernés ? Vos obligations diffèrent-elles lorsque vous n'êtes pas à l'origine du retrait-rappel, comme ce fut le cas avec l'arrêté du 9 décembre ? Y a-t-il des lacunes ou des obstacles dans le dispositif existant actuellement ? Pourquoi a-t-il fallu que le ministre de l'économie prenne, le 9 décembre, un arrêté de retrait-rappel ? Comment peut-on expliquer que des distributeurs aient reçu une livraison de produits incriminés après le 21 décembre, date de rappel de tous les produits ? Qu'est ce qui n'a pas fonctionné dans cette procédure ? Sur ce point, je souhaiterais avoir une réponse assez précise, s'il vous plaît. Dans quel sens allez-vous revoir ou avez-vous revu votre procédure de gestion de crise ?

La presse rapporte la reprise partielle de l'activité de l'usine de Craon, d'où certains questionnements, notamment au sein des associations de victimes. Dans quelles conditions cette reprise a-t-elle lieu ? Quelles ont été les difficultés rencontrées et les mesures prises ? Quels contrôles ont-ils été réalisés ? Par qui l'ont-ils été ? Quels produits sont-ils fabriqués dans cette usine ? Des produits sortant de cette usine sont-ils mis en vente ? Qu'advient-il de la tour no 1 ?

Pourquoi avoir déclaré à un distributeur que le retrait-rappel était motivé par une gastro-entérite ? Qui réalise des prélèvements envoyés à Eurofins ? Vos clients réalisent-ils des audits dans vos usines ?

Quelle est, d'après vous, la responsabilité personnelle d'un dirigeant, leader d'une industrie française et internationale, comme vous l'êtes, lorsque le groupe est secoué par des affaires de santé publique ? Je pense aux cas de salmonelle détectés en 2005, en 2010 et en décembre 2017, mais aussi à vos ennuis judiciaires futurs : une fromagerie de votre groupe comparaîtra le 25 juin prochain devant le tribunal correctionnel pour pollution de la rivière Isère.

Comment expliquez-vous que le leader de l'industrie laitière, qui nourrit la plus grande partie de nos enfants, n'ait pas instantanément communiqué à la grande distribution les informations concernant le lait contaminé ? Il semble que les distributeurs n'aient reçu ces informations qu'environ dix jours après la découverte des salmonelles dans votre usine. Votre groupe a-t-il conscience des risques qu'il fait prendre à nos jeunes enfants et des répercussions sur nos producteurs de lait qui sont déjà en grande détresse ?

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Emmanuel Besnier, président-directeur général de Lactalis

Monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames et messieurs les députés, si je suis ici parmi vous, c'est pour répondre aux questions légitimes qu'a soulevé l'accident sanitaire survenu dans notre usine de Craon. J'ai moi aussi la volonté de faire toute la lumière sur ce qui s'est passé, d'en tirer les enseignements et de mettre en place les mesures qui s'imposent pour que cela ne se reproduise plus.

Mais avant de commencer, je voudrais renouveler mes excuses, à titre personnel et au nom de tous les collaborateurs du groupe, aux familles des bébés malades et à celles qui se sont inquiétées. Je mesure pleinement la souffrance de ces familles. À ma connaissance, tous les bébés vont bien, et c'est vraiment l'essentiel pour nous. Oui, nous avons failli à notre mission qui est de garantir la mise sur le marché de produits sains. C'est notre contrat de base. Je le dis et je le répète, nous n'aurons jamais assez de mots pour nous excuser.

Je tiens toutefois à préciser que, contrairement aux accusations ou aux insinuations dont nous avons été l'objet, il ne s'agit absolument pas d'une fraude. À aucun moment nous n'avions eu connaissance de la présence de salmonelle dans nos produits finis, et toutes nos analyses sont libératoires. Les produits que nous avons commercialisés étaient donc sains, selon toutes les analyses réalisées. Il est essentiel de le rappeler.

Il est aussi essentiel de rappeler la probité des collaborateurs de l'usine de Craon, qui ont été très touchés professionnellement et personnellement par cette crise. C'est encore une période très douloureuse pour eux et, plus généralement, pour l'ensemble des collaborateurs du groupe. Notre professionnalisme a été mis à mal. Le groupe s'est retrouvé sous les feux des médias et de la critique, voire de propos diffamatoires. Je salue le courage et l'engagement des équipes pendant ces longues semaines.

Je pense qu'il est nécessaire de vous présenter le groupe. Lactalis est une entreprise familiale créée par mon grand-père à Laval, en Mayenne, il y a quatre-vingt-cinq ans. Issu d'une famille de tonneliers, mon grand-père avait eu la bonne idée de se lancer dans la fabrication de fromages. En octobre 1933, il fabriquait ses dix-sept premiers camemberts à la marque Le petit Lavallois. En 1955, quand il est décédé, Lactalis était une petite entreprise locale d'une cinquantaine de salariés. C'est mon père qui, en quarante-cinq ans, en a fait le leader de l'industrie française et européenne.

Je préside le groupe depuis maintenant dix-huit ans, avec pour objectif de poursuivre ce développement, notamment à l'international. Nos troupes sont constituées de 80 000 collaborateurs répartis sur 240 sites de production. Nous sommes une entreprise singulière, 100 % familiale, qui se développe mondialement depuis son siège de Laval, autour d'un seul métier : valoriser le lait sous toutes ses formes.

Notre mission est donc de faire partager au plus grand nombre toute l'excellence, la richesse et la diversité des produits laitiers. Fromagers à l'origine, nous avons la particularité d'être présents sur l'ensemble des catégories laitières : fromage, lait de consommation, beurre, yaourts, ingrédients industriels et poudre infantile.

Notre entreprise est fondamentalement rurale et française. Nous en sommes fiers et nous le revendiquons. Nos laiteries sont au milieu des campagnes : 85 % de nos collaborateurs habitent dans des villes de moins 10 000 habitants ; ils sont en contact direct avec les territoires et le monde agricole dont ils sont souvent issus. Le siège du groupe est à Laval, en Mayenne, et j'en suis fier. Nous sommes Français ; la France est notre moteur et j'ai coutume de dire que c'est le coeur du groupe. C'est notre histoire et l'origine de notre tradition laitière dont nous faisons la promotion dans le monde depuis plus de quarante ans. Même si nous sommes présents dans une centaine de pays, la France reste le marché principal : nous y réalisons environ un quart de notre activité ; nous y employons 15 000 collaborateurs dans soixante-dix usines réparties sur tout le territoire. Nous collectons du lait auprès de 15 000 éleveurs dans soixante-treize départements.

Enfin, notre groupe est discret, je l'assume et c'est largement lié à ma personnalité : j'ai toujours mis en avant l'entreprise et nos produits plus que ma personne. Dans cette discrétion, un certain nombre de rumeurs ou de fausses informations ont circulé. Certains veulent transformer cette discrétion en opacité, c'est une grave erreur. Je reconnais que cette discrétion fait que nous sommes mal connus et que cela alimente la suspicion.

Le groupe Lactalis est heureusement complètement différent de l'image que certains veulent lui attribuer. En termes d'organisation, notre société est composée de plusieurs divisions faisant chacune un métier spécifique. Lactalis Nutrition est la division qui gère la poudre de lait infantile. Elle compte 800 collaborateurs, un site de production à Craon et un siège commercial en Ille-et-Vilaine. Pour ce qui est du site de Craon, il était composé de deux tours de poudre lait infantile. La tour n° 1 était déjà en activité avant notre rachat du groupe Celia en 2007 et la tour n° 2, créée dans un nouveau bâtiment, a été mise en service en 2013.

Je voudrais revenir sur la chronologie des événements tels que nous les avons vécus, ce qui permettra de clarifier certains points et de répondre à quelques-unes de vos interrogations.

Le vendredi 1er décembre 2017 à 19 heures 46, la direction départementale de la cohésion sociale et de la protection des populations de la Mayenne, la DDCSPP 53, nous alerte sur la contamination de vingt jeunes enfants à la salmonelle Agona. C'est un véritable choc. Nous activons immédiatement notre cellule de crise. Dans la nuit, sur la base des premiers éléments transmis et grâce à notre traçabilité, nous identifions les douze lots correspondant aux trois références de produits concernés.

Le samedi 2 décembre, en accord avec les autorités, nous procédons au retrait- rappel de ces douze lots. Dans le même temps, nous mettons en place un numéro vert afin de répondre aux inquiétudes des parents et d'identifier de nouveaux cas potentiels. En parallèle, nous lançons spontanément une série d'investigations complémentaires, en procédant notamment à des analyses dans notre échantillothèque. À partir de cette date, il n'y a plus eu aucun cas nouveau de bébé malade. Tous les cas révélés ultérieurement sont ceux de bébés tombés malades avant le 2 décembre.

Le vendredi 8 décembre, au regard de nos investigations et de nouveaux résultats d'analyse, nous arrêtons la production et nous proposons une extension du retrait-rappel aux autorités. La DGCCRF nous informe vouloir procéder à un retrait plus large et par arrêté ministériel. Nous partageons toutes les informations à notre position pour en fixer les dates. À cet instant, toutes nos investigations convergeaient vers une contamination intervenue début mai 2017 sur les produits de la tour n° 1.

Le samedi 9 décembre, par arrêté préfectoral, l'activité poudre de lait infantile de Craon est officiellement suspendue.

Le dimanche 10 décembre, un arrêté ministériel est pris, prononçant le retrait et le rappel de 620 lots correspondant à l'ensemble des fabrications de la tour n° 1 depuis le 15 février 2017. Nous n'avons jamais contesté cette décision du ministre et, avec le recul, je répète que je pense que c'était la meilleure solution.

Le mardi 12 décembre, à la suite de nouvelles vérifications, nous constatons qu'il manque cinq lots dans la liste des 620 lots concernés par l'arrêté ministériel. Nous informons les autorités et nous étendons immédiatement le retrait-rappel à ces cinq lots. Ceux-ci ne concernaient que notre marque dédiée à la pharmacie et ils n'étaient donc pas commercialisés en grande distribution.

Le jeudi 21 décembre, compte tenu des résultats d'analyses contradictoires reçus entre le 12 et le 20 décembre, nous questionnons la fiabilité du test et nous décidons de procéder au retrait-rappel des 720 lots fabriqués dans la tour n° 2 depuis le 15 février 2017. Aujourd'hui, à la lumière de tous les éléments à notre disposition, nous pouvons dire que ces produits de la tour n° 2 n'étaient pas contaminés.

Le vendredi 12 janvier 2018, constatant les difficultés rencontrées par nos clients pour mettre en oeuvre le retrait-rappel, nous décidons de l'étendre à tous les produits fabriqués à Craon, quelle que soit la date. Au total, nous aurons fait un retrait-rappel de plus de 40 millions de boîtes, dont 12 millions en France.

Le 31 janvier Santé publique France publie un rapport sur l'analyse des cas de salmonellose Agona depuis 2000. Nous découvrons que vingt-cinq cas avaient été identifiés entre 2006 et 2017. Je décide alors la fermeture définitive de la tour n° 1.

Tout au long de ces semaines, nous n'avons eu d'autre préoccupation que d'arrêter les conséquences de cet accident pour éviter qu'il y ait de nouveaux bébés malades, autres que les quarante et un identifiés par Santé publique France.

Je voudrais maintenant répondre à certaines de vos interrogations.

Commençons par celles qui portent sur l'origine de la contamination. Dès que nous l'avons trouvée, nous l'avons communiquée. Des experts indépendants et reconnus ont validé notre explication. Cette contamination a eu lieu au pied de la tour n° 1. Des travaux ont été réalisés dans cette tour au 1er trimestre 2017, dans les espaces pourtant confinés ; des sols et des carrelages ont été cassés, libérant les salmonelles. Des équipements amovibles sur le bas de la tour n° 1, ajoutés uniquement pour produire de petites séries, ont alors été contaminés. La poudre elle-même était contaminée de manière sporadique.

Vous avez aussi posé des questions sur nos autocontrôles. Notre groupe met, tous les jours, des millions de produits sur le marché. La sécurité de nos consommateurs est notre obsession quotidienne. Des bactéries pathogènes comme les salmonelles se trouvent partout dans la nature. Notre objectif est donc de prendre toutes les mesures d'hygiène pour permettre qu'elles n'entrent pas dans l'usine.

Nous réalisons des millions d'analyses et de contrôles. À titre d'exemple, sur le seul site de Craon, nous faisons plus de 200 000 analyses par an dont 40 000 sur les agents pathogènes. À Craon, neuf techniciens de laboratoire sont formés et dédiés aux autocontrôles. Ils sont aussi en charge des prélèvements et des analyses, en application du plan de maîtrise sanitaire validé par les autorités. Nous effectuons quatre niveaux d'analyse : sur l'environnement par des prélèvements aléatoires à différents endroits du site, réalisés avec des lingettes ; en sortie de tour par des prélèvements en continu, automatisés, systématiques et représentatifs de l'ensemble de la production ; sur les ingrédients ; sur les produits finis par des prélèvements automatiques de boîtes envoyées fermées au laboratoire externe.

Ces contrôles servent de sonnette d'alarme. Si nous avons un contrôle positif, nous lançons immédiatement tout un plan d'analyses complémentaires, des actions de nettoyage et de désinfection. Ce n'est ni banal ni exceptionnel d'avoir des environnements positifs dans une usine. Ce qui est primordial, c'est le bon calibrage du nombre d'autocontrôles et le plan d'action qui suit. Nous avons un engagement de résultat et nos autocontrôles existent pour qu'il soit respecté.

L'ensemble des résultats de ces autocontrôles est consigné dans un registre dédié et consultable à tout moment par les autorités lors de leurs contrôles. Jusqu'à présent, la loi ne prévoit la transmission aux autorités que des seules analyses positives de produits finis mis sur le marché, pas de celles concernant l'environnement. Les responsables de la DGAL l'ont d'ailleurs confirmé devant vous. À ma connaissance, aucune entreprise ne transmettait ses analyses de manière volontaire. On a voulu faire apparaître la non-transmission de nos analyses en environnement comme un comportement inhabituel et lié à la non-transparence de Lactalis. Or c'est la règle générale dans l'industrie. Si la réglementation devait évoluer, nous nous y conformerions bien évidemment. Plus que la transmission aux autorités de contrôles positifs, c'est le plan de maîtrise sanitaire de chaque usine qui est primordial. Les autorités de l'État pourraient se concentrer sur l'existence d'un plan d'analyse minimum.

Toutes les analyses du groupe sont confiées à des laboratoires externes certifiés. Je réfute donc toute ingérence dans le travail de ces laboratoires. Nous nous interrogeons toujours, comme je l'ai dit, sur les résultats des analyses confiées au laboratoire externe. Nous ne comprenons pas comment plus de 15 000 analyses, effectuées en 2017 avant le 1er décembre, n'ont révélé aucun résultat positif sur nos produits. À la suite de l'accident, entre le 1er et le 31 décembre 2017, nous avons lancé une série de contre-analyses sur les mêmes lots de produits finis. Sur les 3 600 analyses réalisées, soixante-deux étaient positives. Il est évident que si un résultat positif avait été communiqué avant le 1er décembre, aucun produit n'aurait été mis sur le marché. La crise aurait pu ainsi être évitée.

Je voudrais aussi évoquer l'impact de cet accident sur les salariés du groupe et les producteurs de lait. À mes yeux, il s'agit d'un point crucial auquel j'ai toujours porté la plus grande attention. Notre volonté a toujours été de limiter autant que possible l'impact de cet accident sur nos collaborateurs. C'est pourquoi nous nous sommes très rapidement engagés dans une démarche de mobilité afin d'offrir à chaque salarié une proposition d'emploi au sein du groupe dans un autre site ou une autre division. Ce ne fut pas chose aisée, et je salue ici la responsabilité de nos organisations représentatives du personnel et celle de nos collaborateurs. Malheureusement, en dépit de tous ces efforts, nous ne pourrons peut-être pas apporter de solution recevable pour certaines des 800 personnes concernées. S'agissant des producteurs de lait, je répète ici que la crise n'aura pas d'impact sur eux. Le lait est envoyé dans d'autres sites du groupe. Nous assumons bien évidemment les conséquences financières de cet accident. C'est une force pour cette activité d'appartenir à un grand groupe. Sans le soutien de Lactalis, cette filiale serait en faillite totale, ce qui entraînerait des répercussions sur 800 salariés et plus de 500 producteurs de lait.

Pour conclure, je voudrais vous faire part des mesures que nous avons mises en place, à la suite de cette crise. Nous devions tirer les leçons de cet accident pour les familles, pour nos consommateurs, pour nos collaborateurs et pour tous ceux qui travaillent à nos côtés. Aujourd'hui, nous relevons encore d'un niveau notre exigence en termes de qualité sanitaire et de contrôle pour assurer une sécurité toujours plus forte.

Je vais vous en donner trois exemples clairs dans le cadre du redémarrage de la tour n° 2 : la refonte du zoning, des sas et des protections associées, ainsi que des règles d'hygiène sur le site ; le renforcement des plans d'analyse ; le recours à plusieurs laboratoires d'analyses. Toutes ces mesures ont été présentées et partagées avec les autorités. C'est dans ce cadre que ces dernières nous ont autorisé, la semaine dernière, à faire des tests sur de la poudre pour adulte.

Monsieur le président, cette commission d'enquête a aussi pour objectif de faire des propositions pour que cela ne se reproduise pas. Si vous le permettez, je voudrais vous livrer quelques pistes de réflexion sur les enseignements à tirer de cette crise.

Tout d'abord, nous devons travailler avec la distribution sur l'évolution du code-barres actuel, voire sur son remplacement à terme par un système permettant une meilleure identification des lots, car la procédure de retrait ou de rappel ne peut que rester au niveau des lots.

Il me semble important, comme cela a été évoqué par d'autres, de mettre en place une plateforme unique et officielle récapitulant l'ensemble des rappels sur le territoire français, afin de mieux informer le consommateur.

Pour la poudre infantile premier âge, vu la fragilité des bébés de moins d'un an, ne serait-il pas opportun d'abaisser le seuil d'alerte par les autorités sanitaires ? Actuellement, l'alerte est déclenchée quand huit malades ont été détectés au cours d'une même semaine. Ne pourrait-on pas avertir le fabricant à chaque cas pour qu'il puisse effectuer des investigations en profondeur ?

Nous avons décidé de répartir nos autocontrôles sur au minimum deux laboratoires différents pour les ateliers qui fabriquent du lait infantile et cette mesure pourrait être généralisée.

Mesdames et messieurs les députés, j'espère avoir répondu à vos questions. Je voudrais vous réaffirmer que nous tirons les leçons de cet accident, que mes équipes et moi-même sommes décidés à retrouver le chemin de la confiance.

Je cède maintenant la parole à M. Boinard qui va vous expliquer les procédures de retrait-rappel.

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Arnaud Boinard, directeur général de Lactalis Nutrition Europe

Monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames et messieurs les députés, au nom de toutes les équipes en charge de l'activité nutrition, je tiens également à vous présenter toutes nos excuses, ainsi qu'à toutes les familles et à tous nos clients.

Le schéma directeur des procédures de retrait-rappel s'articule en quatre phases. La première étape consiste à établir la traçabilité des produits faisant l'objet du retrait-rappel, à savoir : récupérer le nom du produit, le ou les numéros de lots concernés, la ou les dates limite d'utilisation et la liste des clients livrés. Pour réaliser cette opération de traçabilité, il nous faut d'abord recenser toutes les informations relatives aux données de production de l'usine. Cela consiste à établir la liste des lots de poudre de lait qui ont été séchés pendant la période identifiée comme suspecte, puis, pour chaque lot de séchage, à faire le lien avec les produits conditionnés. Je précise ici qu'un même lot de séchage est décliné en plusieurs lots de conditionnement selon les formats de boîte, par exemple. Puis, pour chaque lot de produits conditionnés, il faut identifier tous les clients vers lesquels le lot a été commercialisé. Un même lot de produits conditionnés est livré à plusieurs clients ou type de clients, comme c'est le cas pour les entrepôts des clients des distributeurs, des grossistes-répartiteurs ou des quelque 8 000 pharmacies que nous approvisionnons en direct.

Lors de la deuxième étape, nous procédons au blocage des marchandises dans nos entrepôts. En parallèle, nous préparons pour chaque client l'ensemble des lots qui leur ont été livrés et les regroupons en un même fichier de traçabilité.

La troisième étape vise, dans le cadre d'un rappel, à préparer une information consommateur destinée à être affichée sur le point de vente. Cet affichage est établi en relation étroite avec les services de l'État. Autrement dit, aucune transmission n'est réalisée vers les clients sans validation de chaque affichage. De plus, un communiqué de presse est rédigé pour que les médias relaient l'information. Enfin, un numéro vert à destination des consommateurs est activé et intégré dans les affichages et communiqués de presse.

La dernière étape vise à informer chaque client en lui transmettant le fichier de traçabilité des lots concernés ainsi que l'affichage consommateurs dédié. Cette information se matérialise par un envoi de mails, de fax ou de courriers, pouvant être complété par des appels téléphoniques. C'est lors de cette dernière étape que nous envoyons le communiqué de presse à destination des médias.

C'est pleinement consciente des enjeux sanitaires et de la sensibilité de nos produits que notre cellule de crise, mise en place dès le vendredi 1er décembre au soir, a suivi cette procédure structurée en quatre étapes et ce, pour chacun des retraits-rappels.

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Pardonnez-moi, monsieur, mais je vois certains de mes collègues commencer à s'énerver. Je veux bien que vous lisiez ces déclarations, mais il faut aussi dire avec sincérité comment les choses se sont passées.

Nous vous avons posé un certain nombre de questions. La première portait sur la démarche que vous avez entreprise. Nous vous remercions d'être présents aujourd'hui, mais nous sommes extrêmement contrariés par le fait que vous essayiez dans le même temps de torpiller, par tous les moyens possibles, la commission d'enquête. Pourquoi ? Est-ce une erreur ? Allez-vous cesser ? C'est une question importante.

Je profite que cette audition soit publique pour le dire, une commission d'enquête à l'Assemblée nationale n'est pas ce qu'imaginent nos concitoyens. Il ne s'agit pas d'auditions à l'américaine, où l'on voit des parlementaires auditionner le patron du FBI entouré de trente avocats. Ici, la commission d'enquête se résume très simplement à un président, un rapporteur, quelques députés courageux qui viennent alors que la séance a levé à trois heures du matin, et trois administratrices. Nos moyens sont extrêmement modestes – peut-être faudrait-il réfléchir à cette question dans le cadre de la réforme constitutionnelle ? Avec l'épée de Damoclès que représente l'exécutif et la démarche que vos conseils ont entreprise afin de torpiller cette commission, il faut avoir les épaules solides, croyez-moi. Je réitère ma question : essaierez-vous encore, avec vos conseils, de torpiller cette commission ?

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Monsieur le président-directeur-général, je veux commencer par vous remercier pour la lecture de vos notes, extrêmement intéressante. Mais nos questions étaient ciblées, dirigées ; nous souhaitons qu'il leur soit répondu de façon concrète et directe, sans qu'il soit nécessaire de lire des notes établies en amont.

J'ai une très lourde responsabilité, celle d'écrire un rapport qui débouchera sur une proposition de loi. Pour cela, j'ai besoin de comprendre vos dysfonctionnements. Je pose donc des questions dirigées et souhaiterais entendre des réponses concrètes. Je ne doute pas que les députés ici présents poseront aussi des questions très directes. Les réponses que vous apporterez me permettront de rédiger au mieux ce rapport.

Je vous demande donc à nouveau pourquoi les distributeurs ont reçu une livraison de produits contaminés après le 21 décembre, date de rappel de tous les produits ?

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Monsieur le président-directeur-général, il est insupportable de vous entendre ! Dans une entreprise, beaucoup d'éléments peuvent faire que des choses se passent différemment.

Le dirigeant imprime sa patte sur l'entreprise, et je m'inquiète lorsque vous vous réfugiez derrière la discrétion pour répondre aux accusations de non-transparence. Vous avez dit : « Je n'ai pas assez de mots pour m'excuser auprès des familles », mais nous savons que vous n'avez pas reçu l'association des victimes malgré ses multiples courriers ! Alors n'allez pas faire croire aux représentants de la nation que vous avez de la compassion. Il y a un décalage entre votre discrétion et ce que tout chef d'une grande entreprise française aurait fait : rencontrer les victimes. Vous commencez l'audition par de belles phrases, vous dites, avec M. Boinard, votre compassion pour les victimes, mais comment vous croire puisque vous ne les avez même pas reçues ?

Je suis prêt à vous croire lorsque vous dites que votre groupe n'a pas la non-transparence dans son ADN, que cela n'influe pas sur vos équipes et la façon de communiquer. Mais votre discrétion, finalement, fait que l'on ne communique pas, tant que l'on ne rencontre pas de problèmes dans l'usine. J'espère que le processus n'a pas été influencé par cette non-transparence.

Je veux savoir si vous, l'un des capitaines de l'industrie française, vous recevrez les victimes.

Les représentants de la grande distribution sont venus, et nous avons dialogué, même lorsque nous n'étions pas d'accord. Ce qui est insupportable, c'est que vous lisiez des notes rédigées par des juristes et des communicants, qui ne répondent quasiment pas aux questions directes posées par le rapporteur et le président.

Nous savons que Lactalis, vous nous l'avez bien expliqué, est une grande entreprise, avec des salariés. J'ai du respect pour vos salariés ! Mais abandonnez votre froideur, regardez-nous droit dans les yeux, monsieur Besnier, en tant qu'humain, et répondez à nos questions !

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Un peu de calme, monsieur Ramos. Il n'est pas nécessaire de crier dans le micro.

La parole est à M. Besnier, pour répondre aux questions qui ont été posées.

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Emmanuel Besnier, président-directeur général de Lactalis

J'étais très réservé quant aux répercussions que cette commission pouvait avoir sur l'enquête judiciaire. Le 26 avril, nous avons demandé à nos conseils de demander par courrier à Mme la Garde des sceaux si cette commission était conforme à l'ordonnance, qui stipule qu'une commission d'enquête sur des faits ayant donné lieu à des poursuites judiciaires ne peut être créée. La réponse vous est parvenue tardivement. Entre-temps, je vous ai répondu que je viendrai. Mais en avril, j'étais réservé sur le fait qu'une enquête parlementaire puisse être menée en même temps qu'une enquête judiciaire.

S'agissant de la livraison intervenue après le 21 décembre, nous n'avons livré aucun produit retiré ou rappelé. La seule erreur est la suivante : un produit qui était parti avant le 14 décembre – avant le retrait donc – a été refusé par le client ; le produit est resté chez le prestataire, qui l'a livré à nouveau. C'est le seul cas, lié à un aller-retour de la marchandise, refusée puis rappelée.

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M. Ramos s'est exprimé avec sincérité. Permettez-moi de dire à mon tour que les éléments de langage que vous avez lus sur la procédure de retrait-rappel ont été mis à mal par les auditions des présidents des grands groupes de distribution. Le 30 mai, le représentant d'Intermarché a déclaré : « On n'a jamais connu, de mémoire, de retrait aussi chaotique. » Pour sa part, le patron de Carrefour a expliqué que « la qualité de la communication pendant la crise a été très médiocre ».

Je souhaite plus précisément vous interroger sur vos rapports avec les laboratoires, car je pense que c'est là que se situe le noeud du problème. Monsieur le président, quelles sont les raisons qui vous ont amené à externaliser les auto-contrôles auprès de laboratoires privés ? Vous l'avez rappelé, Lactalis est un grand groupe qui peut se vanter de réunir en interne de grandes compétences ; il est donc à même d'effectuer ces auto-contrôles. Pourtant, vous avez fait le choix de les externaliser. Pourquoi ? S'agit-il de transférer la responsabilité à un tiers, un laboratoire ? Est-ce une question de coût ? Est-ce une question de technicité ?

Pour quelles raisons avez-vous choisi ce prestataire ? Vous n'êtes évidemment pas tenu de nous informer du cahier des charges qui lie votre groupe au laboratoire, mais pouvez-vous préciser pourquoi vous avez retenu ce laboratoire et quelles sont vos exigences à son égard ? Comment vous assurez-vous que les analyses que vous externalisez sont bien faites ? Ce laboratoire travaille-t-il avec d'autres laboratoires ? Enfin, est-ce votre personnel qui assure les prélèvements ou est-ce le laboratoire qui s'en charge ?

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Monsieur le président-directeur-général, voulez-vous bien répondre à notre collègue ainsi qu'à la question posée par M. Ramos : avez-vous l'intention de recevoir les associations de victimes ?

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Emmanuel Besnier, président-directeur général de Lactalis

Monsieur Ramos, nous avons effectivement reçu un courrier de l'association. Celle-ci nous a attaqués en justice dès le début et nous sommes en procès. Il est assez difficile d'en rencontrer les représentants tout en étant dans une procédure judiciaire. Nous n'avons donc pas pu les rencontrer dans ce cadre. Nos conseils ont demandé à les rencontrer, en vain. Avec une enquête et une procédure judiciaire en cours, comprenez qu'il soit assez difficile de les rencontrer.

Par ailleurs, le secret médical fait que nous ne connaissons pas l'identité des victimes ; seul le ministère de la santé dispose de ces informations.

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Mais humainement, monsieur Besnier, vous pouvez les rencontrer !

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Emmanuel Besnier, président-directeur général de Lactalis

Monsieur Ramos, c'est l'association qui demande à nous rencontrer, ce ne sont pas les victimes. Et c'est la même association qui, après avoir déposé plainte, est en procédure judiciaire contre nous. C'est la raison pour laquelle nous avons demandé à nos conseils de les rencontrer.

Monsieur Le Gac, nous externalisons simplement les analyses concernant les agents pathogènes. Nous avons pris la décision il y a une vingtaine d'années de ne pas les effectuer en usine pour éviter d'y cultiver les agents pathogènes. Toutes les autres analyses sont réalisées dans nos laboratoires. Les prélèvements sont pratiqués par le personnel de nos laboratoires, donc par les salariés du groupe Lactalis.

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Philippe Laborne, directeur industriel du groupe Lactalis

Nous avons 70 usines en France. Nous ne pouvons pas entreprendre dans ces 70 usines des analyses d'agents pathogènes, qui sont assez compliquées et demandent un fort niveau de compétence. Nous avons donc préféré, pour cet élément important de notre plan de maîtrise sanitaire, confier ces recherches à des laboratoires extérieurs. Il s'agit de deux grands laboratoires internationaux.

Pour la production de poudre de lait infantile, nous avions limité nos relations à un laboratoire : en raison du nombre important d'analyses à effectuer, le laboratoire doit être parfaitement équipé pour réaliser les analyses dans un délai suffisamment court, et nous permettre, en cas de difficulté, de mener les actions correctives.

Ce laboratoire, qui est certifié, réalise des analyses normées. Il est régulièrement visité par nos collaborateurs, qui s'assurent que toutes les procédures sont respectées. Nous envisageons, dorénavant, de travailler avec plusieurs laboratoires.

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Monsieur Besnier, nous sommes très heureux de vous entendre. Vous n'avez pas souhaité vous déplacer au Sénat et vous avez déclaré sur RTL que vous vouliez que la communication de votre groupe évolue vers plus de transparence. C'est très heureux, car ce n'est pas l'impression que nous avions jusqu'à maintenant.

Le lait infantile est un produit spécifique en termes de pathogénie. Fait-il l'objet de procédures différentes ? Dans la mesure où le risque est plus grand et que le produit est consommé par des nourrissons, pensez-vous améliorer ces procédures ?

Pouvez-vous donner plus de précisions sur la série de rappels ? Il est incompréhensible qu'il y ait eu cinq vagues de rappels successives.

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Emmanuel Besnier, président-directeur général de Lactalis

Pour nous, il y a eu trois rappels. Le premier rappel est survenu le 2 décembre, après l'alerte donnée par les autorités. Nous avons identifié tout de suite les douze lots qui étaient concernés. Le deuxième rappel a été effectué le 10 décembre. Il concernait les lots produits dans la tour n° 1 à partir du 15 février. Effectivement, une erreur s'est produite et nous avons dû ajouter cinq lots au rappel du 10 décembre. Le dernier rappel a eu lieu le 21 décembre et concernait les produits provenant de la tour n° 2 à partir du 15 février.

Le quatrième rappel, le 12 janvier, était destiné à aider les distributeurs, lorsque l'on a constaté que les rappels précédents se passaient mal. Il s'agit d'un rappel technique, qui s'est étendu à l'ensemble des produits issus du site de Craon, même s'ils n'étaient pas concernés par les problèmes sanitaires. On peut donc parler de trois rappels, auxquels il convient d'ajouter un rappel visant à simplifier la procédure pour les distributeurs.

Le plan de maîtrise sanitaire est propre à chaque usine et adapté aux produits qui y sont fabriqués. Bien évidemment, le plan de maîtrise sanitaire prévoit des analyses en nombre bien supérieur pour la poudre de lait infantile. Il existe notamment un prélèvement automatique en bas de tour : des échantillons de poudre sont prélevés toutes les 50 secondes.

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Béotien et non expert, je pensais que les phases de déshydratation du lait permettaient d'éliminer au maximum le risque de contamination sanitaire. Je voudrais savoir si vous aviez le même a priori et si vous avez été surpris par l'événement, ou si vos équipes avaient anticipé cette crise, dans sa survenue et son ampleur. Cet événement a-t-il un caractère très exceptionnel à vos yeux de spécialistes ou aviez-vous imaginé qu'il pourrait arriver ?

Vous avez dit avoir apporté un certain nombre de modifications dans la production de lait infantile. Avez-vous également modifié les process sur d'autres productions, dans d'autres sites, afin de resserrer l'étau et réduire encore la possibilité de tels événements ?

J'ai compris qu'une enquête interne était en cours à Lactalis, dans vos équipes et auprès de vos prestataires. Afin que nous puissions savoir où vous placez le niveau de responsabilité, pourriez-vous livrer certains éléments de cette enquête ? Quel échelon a été défaillant ? Qu'est-ce qui n'a pas fonctionné comme prévu ?

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Ce sont des questions que j'ai moi-même posées et auxquelles je n'ai pas encore obtenu de réponse.

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Emmanuel Besnier, président-directeur général de Lactalis

Bien sûr, nous n'avions pas anticipé la crise, monsieur Viala. Je pense que vous faites allusion à la pasteurisation du lait dans le process industriel, mais la contamination n'est pas liée au process, il s'agit d'une recontamination par contact.

Des pièces amovibles qui servent à la fabrication ont été contaminées après la perturbation des défenses de l'usine. Lorsque la poudre, sur de petites séries, est passée à travers ces pièces amovibles, elle a été contaminée. Si le retrait est d'une grande ampleur, la contamination s'avère très sporadique.

À la suite de cette crise, nous avons bien évidemment revu l'ensemble des plans de maîtrise sanitaire des autres sites et nous avons passé en revue l'ensemble des process pour voir s'il était nécessaire d'apporter des améliorations.

Enfin, c'est un accident. Il n'y a de responsabilité de personne à l'intérieur de l'usine. C'est vraiment un accident.

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Bien évidemment, je ne vous demandais pas de donner les noms des personnes éventuellement responsables. Je souhaite savoir si les investigations conduites dans vos services, sur le site de Craon et auprès des prestataires qui interviennent dans le processus industriel, vous ont permis d'identifier le maillon, le moment, qui a conduit à l'accident. Vous dites que c'est un accident, mais il y a toujours une ou plusieurs causes à un accident.

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C'était ma troisième question. Qu'est-ce qui n'a pas fonctionné ?

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Emmanuel Besnier, président-directeur général de Lactalis

C'est ce que je vous expliquais dans la note dont je me suis servi pour être plus précis. Au premier trimestre 2017, nous avons réalisé des travaux dans l'environnement de la tour n° 1. On effectue des travaux en permanence dans les usines pour les rendre plus performantes, plus sûres, et améliorer les process. Ces travaux, au pied de la tour n° 1, ont conduit à détruire des carrelages, ce qui a libéré la salmonelle qui se trouvait à l'intérieur des bâtiments. Nous avons découvert l'origine de la contamination au milieu du mois de janvier.

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Je pense que vous n'êtes pas le seul industriel à faire des travaux dans son usine. Je pense que des milliers d'industriels de l'agro-alimentaire font des travaux dans leurs usines. Je comprends que ces travaux soient à vos yeux la cause de la contamination par des salmonelles ainsi libérées, mais la question est de savoir pourquoi cela n'a pas été contrôlé, ou vu tout de suite.

J'ai cru comprendre que vous accusiez directement les laboratoires. Si la salmonelle n'a pas été repérée dans les auto-contrôles réalisés suite aux travaux effectués dans votre usine, est-ce la faute des laboratoires ? Si oui, doit-on axer nos propositions sur l'amélioration de la qualité des contrôles effectués par les laboratoires ?

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La bactérie Salmonella agona a persisté sur le site de Craon pendant treize ans. Pensez-vous que les investigations ont été suffisantes après que des analyses de prélèvements réalisés dans l'environnement se sont révélées positives ? Vous avez dit que vous alliez revoir votre process. Or on sait que la salmonelle est facilement présente dans l'environnement, avec plus de 2 000 sérotypes, et que la poudre de lait est un produit sensible. Les investigations ont-elles été suffisantes ?

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Emmanuel Besnier, président-directeur général de Lactalis

Nous ne cherchons pas à rejeter la faute sur les laboratoires. Nous nous interrogeons sur le fait que nous n'avons pas eu d'alerte sur les produits finis et que les analyses dont nous disposons sont libératoires. À aucun moment elles n'ont été positives. Pourtant, en procédant à de nouveaux tests dans l'échantillothèque, nous nous sommes rendu compte que quelques produits étaient positifs. Nous nous posons donc des questions. Une enquête est en cours. Notre responsabilité est de mettre sur le marché des produits sains : nous ne voulons pas nous défausser sur une autre partie.

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Michel Nalet, directeur des relations extérieures et de la communication du groupe Lactalis

L'une des décisions que nous avons prises consiste à partager les analyses du site de Craon entre deux laboratoires.

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Vous nous dites, monsieur le président-directeur général, que l'enquête est en cours. Mais la production a redémarré la semaine dernière, alors que l'enquête n'a pas encore livré ses conclusions.

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Si j'en crois les messages que nous recevons, cet échange doit participer à l'effort nécessaire pour rassurer la population, vos clients, vos salariés et les producteurs de lait. Le fonctionnement de l'usine reprend progressivement. J'imagine que vous avez pris un certain nombre de mesures, dont certaines sont imposées par la loi et la réglementation. Compte tenu de votre expérience et des conséquences de cette crise sur votre activité, pensez-vous qu'il soit nécessaire de compléter les dispositifs qui vous sont imposés ?

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Emmanuel Besnier, président-directeur général de Lactalis

Nous avons pris la décision importante de fermer définitivement la tour n° 1, qui est maintenant démantelée. C'est elle qui est à l'origine de toute la contamination. La tour n° 2 n' a pas eu de problème.

En concertation avec les autorités, nous avons réalisé d'importants travaux et nous avons revu le plan de maîtrise sanitaire et les analyses. Dans le cadre du redémarrage, les analyses seront bien plus importantes qu'auparavant, et seront réparties sur deux laboratoires. Tout a été encadré et nous avons tout partagé avec les autorités pour faire en sorte que ce redémarrage puisse avoir lieu sans aucun problème.

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Philippe Laborne, directeur industriel du groupe Lactalis

Concernant le redémarrage, nous travaillons depuis plusieurs mois à l'amélioration de notre process de production. Le plan d'action a été présenté aux autorités, en l'occurrence à la DDCSPP de la Mayenne, au travers de plusieurs réunions, en février, avril et mai. Toutes les phases de propositions d'amélioration ont été validées. Aujourd'hui, on arrive au terme de toutes les actions qu'on devait entreprendre. C'est pourquoi il est important de pouvoir redémarrer cet équipement, faire des tests pour vérifier si le plan d'action élaboré porte ses fruits, et permettre à nos collaborateurs de s'approprier un nouvel équipement, puisque nous avons réalisé des modifications assez importantes, notamment sur la circulation, les flux. Il est important de tester à nouveau avant de pouvoir prétendre à une production de produits infantiles.

Tout cela se fait en toute transparence avec les autorités de l'État qui nous suivent pas à pas, étape par étape, sachant que pour passer à l'étape suivante il faut que la première étape soit validée.

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Monsieur Besnier, vous avez commencé votre propos par évoquer un accident sanitaire et vous avez présenté vos excuses auprès des familles des bébés malades. Ces excuses réitérées sont les bienvenues. Cela peut paraître banal et anodin, mais il est très important que le grand dirigeant d'une entreprise française, européenne et mondiale, qui est censée être de référence, présente ses excuses. Il ne faut pas hésiter à marteler ce message parce que l'opinion publique a été marquée par cet accident, par cette crise.

Monsieur Besnier, vous êtes l'héritier, et ce mot n'est pas péjoratif dans ma bouche, d'une belle entreprise, d'une belle histoire familiale. Vous avez évoqué votre grand-père puis votre père qui vous ont transmis un témoin. Vous voici à la tête d'un empire dans le domaine de l'industrie agroalimentaire et de la valorisation de la transformation du lait.

Ma première question est toute simple : comment une aussi grande entreprise, comment une telle citadelle peut-elle être confrontée au flottement qui a été constaté lorsque cette crise est survenue ? C'est grâce à l'arrêté de retrait-rappel du ministre de l'économie, le 9 décembre, que l'on tape du poing sur la table. Comment une entreprise comme la vôtre en est-elle arrivée là, alors qu'elle a un organigramme décisionnel, qu'elle a des compétences à tous les étages, à commencer par les producteurs de lait qui vous apportent la matière première, puis toutes celles et ceux qui sont vos collaborateurs sur les différents sites de transformation, bref toute cette intelligence qui vous entoure ? On a bien senti un flottement et il a fallu que le ministre de l'économie prenne une décision ferme.

Ma deuxième question concerne, comme celle de M. Ramos, la dimension humaine. Je suis votre voisin puisque je suis député depuis dix ans de la circonscription de Fougères, en Ille-et-Vilaine. Je connais peu, je connais mal le groupe Lactalis, et il arrive malheureusement dans mon esprit à chaque fois qu'il y a des crises. Alors qu'à titre personnel, le mot Lactalis évoque pour moi l'excellence agroalimentaire française. en tant que député ce sont les situations de crise qui m'amènent à vous ou à proximité de vos coéquipiers.

Vous avez parlé de votre nature, de votre personnalité ; on ne se refait pas. Ainsi va la vie… J'ai dit, lors de l'une des premières réunions de la commission d'enquête, que c'était un trait de caractère des gens de l'Ouest. Moi je suis Breton, vous vous êtes des Pays-de-la-Loire : dans l'Ouest, on a une forme de réserve – je ne sais pas si c'est la tradition agricole et rurale –, on n'est ni extravagant, ni exubérant. Les problèmes de relations avec l'association des familles de victimes ont été évoqués tout à l'heure. Je voudrais aussi profiter de cette commission d'enquête pour parler de ce que je considère comme des difficultés relationnelles et de dialogue avec les organisations de producteurs, parce que vous êtes l'entreprise qui, en France, « donne le la » du prix du litre de lait. Si Lactalis s'explique le contexte mondial et a un dialogue nourri avec ses producteurs, les choses ont plutôt tendance à s'apaiser en matière de production laitière française. Si le contexte est tendu chez vous, il l'est partout en France pour les producteurs. Cette difficulté de dialogue avec les producteurs est sûrement l'une des causes des problèmes que l'on rencontre aujourd'hui.

Je m'étonne aussi qu'au cours de la dernière législature le ministre de l'agriculture de l'époque qui était votre voisin – il est de la Sarthe – n'ait pas eu la possibilité de vous contacter directement. Pourtant, il suffit parfois de décrocher son téléphone pour essayer de régler les problèmes. Il aurait été souhaitable que vous ayez pu contacter les dirigeants politiques. Malgré cette crise, il faut rappeler que la France est quand même le pays de la sécurité sanitaire alimentaire. Il faut aussi, monsieur le président, monsieur le rapporteur, que cette commission d'enquête soit l'occasion d'expliquer que nous avons les meilleurs agriculteurs du monde et que depuis cinquante ans les industriels ont fait les efforts nécessaires pour produire de la quantité, de la qualité et de la sécurité sanitaire alimentaire.

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Je termine, monsieur le président.

Lors des débats des Etats généraux de l'alimentation, nous avons vu que la question d'une l'alimentation saine et durable préoccupait beaucoup l'opinion publique. Quels enseignements votre grand groupe tire-t-il de cette crise sanitaire ? Que peut-il faire pour rassurer le consommateur ?

Enfin, pouvez-vous nous garantir à ce jour qu'aucun plan social ne sera mis en oeuvre dans aucun des sites de production ? Je pense plus particulièrement à la division Lactalis Nutrition.

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Monsieur Benoît, j'ai aimé quand vous avez commencé votre intervention en disant que, chez vous, on n'était pas bavard ! (Sourires.)

Monsieur le président-directeur général, un certain nombre de questions précises vous ont été posées, et je crois comprendre que Mme Bannier n'est pas tout à fait satisfaite de la réponse qui a été donnée sur le typage de la salmonelle.

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S'agissant de la persistance de la bactérie, certaines analyses dans l'environnement n'étaient pas positives. Pensez-vous que les investigations faites à ce moment-là ont été suffisantes ?

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Nous souhaitons une réponse précise à la question de Mme Bannier, ainsi qu'à l'ensemble des questions de M. Benoit.

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Philippe Laborne, directeur industriel du groupe Lactalis

Nous réalisons sur le site 5 000 prélèvements par an pour vérifier l'hygiène de nos environnements. Nous n'avons rien retrouvé pendant plusieurs années. Cela veut dire que les plans que nous avons élaborés dans le passé ont bien fonctionné. La bactérie était présente dans une partie de l'atelier de la tour n° 1, et c'est au travers des travaux qu'elle est réapparue. Jusqu'alors elle était restée dans cette zone-là et toutes les opérations de nettoyage et de désinfection qui sont définies dans notre plan de maîtrise sanitaire ont fait leur effet ; il n'y avait pas de contamination. D'ailleurs l'effet de surprise a été réel le 2 décembre lorsque nous avons appris que des bébés étaient malades après avoir consommé des produits fabriqués chez nous. Sur la période précédente, nous n'avons eu aucun résultat de contrôle qui pouvait nous mettre en éveil.

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Je veux juste compléter ma question. Peut-être y répondrez-vous finalement…

J'entends ce que vous dites, monsieur le directeur, mais je veux rebondir sur le propos de ma collègue. Vous nous dites avoir fait 5 000 tests, et qu'au final comme vous n'aviez rien vu, cela signifiait que votre plan était bon. Pour ma part, je me dis que c'est peut-être parce que vous n'avez fait que 5 000 tests. L'industrie alimentaire doit donc peut-être revoir sa position. Toutefois, vous avez quand même eu des auto-contrôles positifs en 2011, en 2012, en 2013, des problèmes en 2005 et en 2013. Ne me dites pas que c'est satisfaisant, qu'avec 5 000 tests vous ne trouvez rien. Peut-être faut-il prendre le problème en sens inverse et se dire que vous n'avez peut-être pas fait le travail et que l'industrie agroalimentaire doit revoir complètement ses procédures de sécurité pour répondre à cette problématique. Les auditions que nous avons faites ont montré que beaucoup d'auto-contrôles ont été positifs.

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Philippe Laborne, directeur industriel du groupe Lactalis

Les contrôles qui étaient positifs sur les périodes antérieures concernaient principalement l'environnement. Nous n'avons jamais eu de contrôles positifs sur des produits finis. Je répète que notre plan de maîtrise sanitaire à l'époque a fonctionné. Avoir des résultats positifs sur l'environnement n'est pas un élément exceptionnel en soi : cela peut arriver. Cela veut dire que notre système de contrôles et de prélèvements fonctionne. D'ailleurs, il nous a permis d'améliorer tout au long de ces années notre façon de travailler, puisqu'en 2016 et 2017 nous n'avons eu aucun résultat positif. Les deux résultats positifs que nous avons eus en août et novembre portaient sur un balai et un seul à l'intérieur du site pour lequel nous avons arrêté l'installation, procédé au nettoyage et désinfection des environnements et recontrôlé les environnements par la suite. Cela n'a pas généré de contact direct avec les produits.

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J'entends ce que vous dites, que les résultats positifs ont porté sur un manche à balai, sur des carreaux à cause de travaux, et que c'est un peu la faute à pas de chance. En 2005, il y a eu un scandale sur le lait infantile parce qu'il a été contaminé. Et vous avez encore eu des cas de salmonelles en 2011, 2012 et 2013 à l'extérieur. Je sais bien que l'on peut retrouver des salmonelles sur les pneus des camions ou sur des chaussures, mais déjà en 2005, plus d'une centaine d'enfants avaient été contaminés. Je ne peux pas laisser un industriel dire qu'au final les salmonelles n'étaient présentes qu'à l'extérieur et que ses tests fonctionnent bien. C'est pourquoi je vous pose à nouveau la question suivante : l'industrie agroalimentaire doit-elle revoir dans sa globalité ses procédures de sécurité ?

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Emmanuel Besnier, président-directeur général de Lactalis

Comme nous avons racheté la société en 2007, nous n'avons pas géré la crise de 2005 et nous n'avons pas tous les éléments sur cette crise-là. Quand nous sommes arrivés, l'entreprise fonctionnait, son plan de maîtrise sanitaire était validé par les autorités. À notre connaissance, il n'y avait donc aucun problème. Nous avons appris les vingt-cinq cas de salmonellose intervenus entre 2005 et 2017 seulement le 31 janvier 2018, à la suite du rapport de l'ANSES. Pour nous, l'entreprise n'avait pas de problème. Tous nos produits et toutes nos analyses étaient conformes.

Les questions de M. Benoit, qui étaient nombreuses, ne portaient pas toutes sur cette crise.

S'agissant de la décision prise par le ministre, comme je vous l'ai dit, nous avons été avertis de la possible contamination de bébés le 1er décembre. Dès le 2 décembre, nous avons procédé à un premier retrait sur la base des éléments qui nous avaient été communiqués et on a mis en place toute une batterie de tests et d'analyses pour comprendre ce qui se passait. Et le 8 décembre, on a préconisé un nouveau retrait. La DGCCRF a voulu le faire par arrêté ministériel. Lors de cet échange, ils nous ont indiqué qu'ils allaient faire un retrait le 10 décembre. Tout a été très vite, tout a été fait de manière qu'il n'y ait aucun danger pour les bébés, et effectivement aucun bébé n'a été malade à partir du 2 décembre et du premier retrait. Tout a été contenu. Le retrait s'est fait en trois épisodes de manière assez rapide afin de garantir le maximum de sécurité aux consommateurs.

Comme vous l'avez dit monsieur Benoit, nous ne communiquons pas beaucoup et nous sommes assez discrets. Aussi les médias ne parlent-ils de nous qu'en cas de crise. Lactalis est une entreprise qui n'a pas de problématique particulière.

Quant aux relations avec les producteurs, c'est un débat assez long. Il faut comprendre comment est fixé le prix du lait. C'est assez compliqué. Actuellement, 50 % du lait produit par les producteurs de lait est soit exporté sur les produits de grande consommation, soit sur les produits industriels. Ces produits étant soumis à la concurrence internationale, leur prix ne peut pas être identique à celui des produits de grande consommation. Certaines entreprises ne produisent que des produits de grande consommation et achètent uniquement ce qu'elles vendent en France. Lactalis, comme d'autres entreprises et les coopératives, gère les excédents des producteurs de lait. Nous sommes soumis au marché sur les excédents laitiers et nous avons un prix moyen du lait qui est à la fois un prix du lait valorisé sur les produits de grande consommation et des produits moins bien valorisés sur les marchés internationaux. Lactalis est en général mieux disant que les entreprises qui font le même métier que nous. Nous sommes sur un prix du lait plus élevé, en 2016, 2017 et au premier semestre 2018, que les entreprises qui font le même métier que nous. On ne peut pas comparer le prix du lait de Lactalis au prix du lait d'entreprises qui ne collectent que pour le marché français.

Nous avons toujours été en contact avec le ministère de l'agriculture qui est notre ministère de tutelle. Je n'ai jamais eu de problème pour rencontrer le ministre. Nos équipes collaborent avec les équipes du cabinet ministériel. Effectivement, M. Le Foll n'a jamais cherché à nous rencontrer et à me téléphoner, mais c'est la seule fois qu'un ministre n'arrive pas contacter Lactalis. Cela ne s'est jamais produit depuis quelques années. Le groupe Lactalis ne refuse pas de dialoguer avec les autorités. Mais on n'a pas forcément non plus besoin d'avertir les médias quand on compte discuter avec les autorités.

L'alimentation française est certainement l'une des plus sûres et des meilleures d'Europe. Je crois qu'on fait la promotion de cette agriculture et de ces produits dans le monde entier. Nous sommes particulièrement attachés à un certain nombre de créneaux comme les produits AOC et bio. Nous avons été à l'origine du développement du lait bio en France et nous sommes le premier transformateur de lait bio en France. Tous ces volumes sont bien sûr très bien valorisés pour les éleveurs. Nous participons au développement de cette alimentation saine et durable.

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Vous n'avez pas répondu à la question de M. Benoit sur l'emploi.

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Emmanuel Besnier, président-directeur général de Lactalis

Il y avait environ 250 personnes sur le site de Craon. Depuis le mois de janvier, nous avons réussi à trouver une solution pour une centaine de personnes : elles ont été réemployées dans les sept sites qui sont à une cinquantaine de kilomètres de Craon. Aujourd'hui, sur le site de Craon, 140 personnes assurent le redémarrage. Des discussions sont encore en cours sur le siège social de Lactalis Nutrition qui est à Torcé, en Ille-et-Vilaine. Quelques personnes n'ont pas de solution à ce jour.

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Les représentants de Lactalis ayant juré de dire la vérité, il faut dire que les relations entre Stéphane Le Foll et vous – je le sais pour avoir été un observateur privilégié dans mes fonctions précédentes – ont été compliquées. À chaque fois qu'il vous était possible de vous défiler sur un certain nombre de questions du Gouvernement, vous le faisiez. Les problèmes de transparence qui ont été évoqués ici par certains parlementaires à propos de cette crise sanitaire auraient pu trouver des exemples s'agissant de la publication de vos comptes ou des prix d'achat au moment de la crise du lait.

Je voulais rétablir la vérité, puisque nous y sommes obligés les uns et les autres.

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Monsieur le président-directeur général, je suis pharmacien de profession et, comme M. Benoit, je souhaitais vous interroger sur le fait que ce soit le ministère de l'économie qui vous a intimé l'ordre de retirer les produits. Je crois que les pharmaciens ont fait montre d'une organisation plutôt assez exemplaire, même si elle n'a pas été parfaite sur les retraits des boîtes de laits infantiles.

Vous avez un réseau de commerciaux qui viennent régulièrement dans les officines nous vendre des produits. Pourquoi, sur une crise aussi importante, ne les avez-vous pas mobilisés, d'abord en termes d'informations, de relations, ainsi que pour « vérifier » de façon amicale et dans une relation commerciale future et à conserver que nous avions bien les bonnes informations pour pouvoir répondre aux parents et les rassurer ? Pourquoi n'avez-vous pas utilisé ce réseau, dont vous savez bien vous servir quand il s'agit de vendre vos produits ?

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Monsieur le rapporteur, souhaitez-vous dire un mot puisque nous avons auditionné le Conseil de l'Ordre des pharmaciens et les syndicats des pharmaciens ?

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Je veux rebondir sur les propos de ma collègue. Tout à l'heure, je vous ai posé une question à laquelle je n'ai pas obtenu de réponse. Les représentants d'Intermarché nous ont dit que vous les auriez informés sur le fait que le retrait-rappel concernait uniquement des questions de gastro-entérite. Qu'en pensez-vous ? Je vous rappelle que lorsque l'on prend la parole devant la représentation nationale, on est obligé de dire la vérité. Je pense, ou du moins j'espère, que le PDG d'Intermarché a aussi dit la vérité quand il a été auditionné.

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Emmanuel Besnier, président-directeur général de Lactalis

Non seulement nos visiteurs médicaux sont allés visiter les pharmacies, mais nous avons mobilisé l'ensemble des forces de vente du groupe pour faire un certain nombre de visites dans tous les magasins de la grande et moyenne distribution. Nous avons effectué 13 000 visites en décembre et janvier pour aller voir nos clients, les pharmacies et les grandes et moyennes surfaces et nous avons mobilisé tous les commerciaux de l'ensemble des réseaux du groupe. Nous avons fait tous les efforts nécessaires sur ce point.

La première affichette qui a été communiquée aux consommateurs dans les rayons avait été validée avec les autorités.

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Arnaud Boinard, directeur général de Lactalis Nutrition Europe

L'affichette que vous évoquez concerne le retrait-rappel du 2 décembre. Comme je l'ai dit dans mon propos liminaire, l'ensemble des procédures de retrait-rappel sont structurées puisque l'ensemble des informations sont rédigées, transmises à l'administration avec des amendements, des corrections, et ce n'est qu'après validation finale par les autorités que l'affichette peut être transmise à nos clients. Effectivement, compte tenu de la survenue inattendue de cette crise et de la nécessité de la gérer au plus vite, l'affichette indiquait la mention « gastro-entérite » lors de l'envoi du 2 décembre. Bien évidemment, une correction a ensuite été faite, et toutes les affichettes qui ont suivi faisaient état de salmonelles et de salmonellose.

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Michel Nalet, directeur des relations extérieures et de la communication du groupe Lactalis

Je tiens à votre disposition le communiqué de presse du 2 décembre de la DGS et de la DGCCRF, qui explique clairement qu'il s'agit d'un « retrait et rappel de laits infantiles en raison d'une possible contamination par Salmonella agona ». Il n'y a donc pas de doute par rapport à l'information qui a été donnée.

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Je souhaiterais que vous me donniez la copie de l'affichette et la copie du document que vous venez de lire.

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Michel Nalet, directeur des relations extérieures et de la communication du groupe Lactalis

Tout à fait.

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Depuis quand externalisez-vous les autocontrôles ? D'autre part, quels contrôles sont exercés sur ces autocontrôles, puisqu'ils peuvent être mis en question ?

Autre question : comment avez-vous rassuré les producteurs de lait qui travaillent pour Lactalis – je suis élue d'Ille-et-Vilaine où nombre d'entre eux vivent de leurs contrats avec cette société – pour rétablir la confiance, mais aussi quant au fait qu'ils pourront continuer de vous livrer leur lait ?

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Emmanuel Besnier, président-directeur général de Lactalis

Ce sont nos équipes qui procèdent aux prélèvements et envoient les échantillons à des laboratoires externes, lesquels analysent ensuite les pathogènes. Ces analyses sont donc externalisées depuis vingt ans au moins.

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Qu'en est-il des contrôles des autocontrôles ? À quel cahier des charges répondent-ils ? Quelles sont les certifications utilisées ? En clair, existe-t-il un contrôle des autocontrôles qui garantirait leur indépendance à l'égard de Lactalis ?

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Précisons que cette question sera au coeur de notre rapport.

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Philippe Laborne, directeur industriel du groupe Lactalis

Notre premier objectif est la sécurité sanitaire de nos produits. Pour la garantir, nous devons vérifier l'intégralité des environnements et des process de production, conformément au plan de maîtrise sanitaire. Ce plan comprend une analyse des risques (HACCP) de contamination bactérienne, chimique ou par des corps étrangers. Ces différents volets du plan sont élaborés de manière réfléchie en lien avec les collaborateurs des usines, et le plan est soumis à l'autorité de tutelle, à savoir la direction départementale de la cohésion sociale et de la protection des populations (DDCSPP) de chaque département. C'est elle qui nous autorise, par des agréments sanitaires, sur la base des analyses que nous lui fournissons, à entamer la production. Autrement dit, tout le processus d'autocontrôle est bien vérifié et validé ; rien n'est fait au hasard. S'y ajoute un plan de formation établi à l'échelle du groupe : chaque jour, plus de 150 collaborateurs passent dans chacune des 70 usines du groupe pour prélever des échantillons ou des condensats.

Toute cette démarche vise à traquer les agents pathogènes. Sans les traquer, il nous est impossible de les trouver et, par conséquent, de définir un plan d'action. Ces plans sont déployés usine par usine, process par process, car les niveaux de risque sont différents d'un site à l'autre. Comme a dû vous le dire Mme Deflesselle, il est très difficile de confier à un opérateur externe le contrôle et la maîtrise de nos process. Nous effectuons des contrôles sur l'ensemble de notre procédure de production mais les prélèvements en tant que tels sont effectués par nos propres collaborateurs.

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Emmanuel Besnier, président-directeur général de Lactalis

Quant aux producteurs de lait, nous les avons informés assez rapidement, dès le début de la crise, soit par une note destinée à l'ensemble des producteurs soit lors des rencontres avec nos équipes locales, pour leur confirmer que la crise n'entraînerait aucun problème pour eux.

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Je précise qu'une grande partie du rapport portera sur les autocontrôles – y compris environnementaux. Il va de soi qu'il n'est pas question d'externaliser tous les contrôles, car cela reviendrait à déresponsabiliser les industriels, ce qui serait absurde. En revanche, il faut revoir les moyens de l'État, qui ont nettement diminué. Songez que sept personnes travaillent dans ce domaine en Mayenne ! En l'occurrence, tous les services de l'État ont été mobilisés pour parer à cette crise ; si une deuxième crise s'était produite en même temps, la situation aurait tourné à la catastrophe. Les services de l'État sont à la limite de leurs capacités ; nous réfléchirons donc collectivement, avec le rapporteur, à la manière de proposer leur augmentation dans le rapport.

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Vous avez évoqué, monsieur Besnier, les efforts consentis par votre groupe dans le cadre de ses engagements. Quelques mois après cet accident, étant donné la perte de confiance et les incidences sur la santé publique, vous avez dressé un état des lieux et mesuré la manière dont l'opinion publique s'était saisie de cette situation, et vous avez tenu compte du malaise qui en découle. Ma question est simple : si vous pouviez inverser le cours du temps jusqu'à vous retrouver avant la crise, que feriez-vous différemment pour gérer la crise ? Réagiriez-vous différemment sur tel ou tel point ? Il est important pour nous de le savoir, car une autre crise pourrait se reproduire demain.

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En tant que rapporteur spécial de la commission des finances sur le budget de la sécurité alimentaire, il m'importe de restaurer la confiance. Pensez-vous que les procédures internes de conduite de la crise sont suffisantes ? Cette crise a-t-elle fait apparaître des points à améliorer ?

Ma deuxième question porte sur vos rapports avec les services de l'État. Les compétences publiques en matière de sécurité alimentaire constituent une sorte de millefeuille : trois ministères interviennent. Vos rapports avec eux sont-ils suffisants, efficaces, rapides, continus ? Que faut-il améliorer en matière de suivi ?

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Emmanuel Besnier, président-directeur général de Lactalis

Il est difficile, madame la députée, de dire ce que nous aurions pu faire différemment, car nous agissons toujours en fonction des éléments dont nous disposons. En réalité, la crise s'est déroulée en deux temps : le premier a concerné la gestion des retraits en décembre, sur laquelle nous avons abondamment communiqué auprès du public et de nos clients, puis le second a eu lieu à la mi-janvier, lorsqu'il s'est avéré qu'il se trouvait encore des produits dans les magasins malgré les rappels – c'est d'ailleurs à ce moment-là que la crise a pris toute son ampleur médiatique. Il me semble qu'en ce qui concerne la gestion de la crise et les retraits, nous avons toujours pris les mesures nécessaires pour faire en sorte qu'aucun bébé ne tombe malade en raison de nos produits.

Les relations avec les autorités se sont bien passées. Dès la nuit du 1er décembre, nous avons travaillé en permanence avec elles. Certes, trois ministères sont concernés mais nous avons eu des échanges constants avec eux.

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Permettez-moi de rebondir sur les questions de mes collègues et sur la réponse assez vague que vous y apportez. Vous nous dites que vous conduisez des tests depuis quinze ans et que depuis quinze ans, vous avez des problèmes. Certes, les enfants concernés sont tombés malades, pas davantage – fort heureusement – mais des décès sont survenus dans d'autres secteurs agro-alimentaires. Je m'interroge sur la responsabilité personnelle – pénale et financière – de certains dirigeants ou directeurs d'industries agro-alimentaires. Je n'accepte pas d'entendre ces industriels affirmer, en cas de problème, qu'ils ont effectué leurs tests et qu'ils sont hors de cause, qu'il faudrait interroger les laboratoires et que les services de l'État n'auraient pas fait leur travail. Vous fabriquez des produits ! Ce sont vos produits et vous en êtes responsables ! Je me demande donc s'il ne faut pas vous responsabiliser davantage encore en prévoyant des sanctions pénales et financières lourdes. Qu'en pensez-vous ?

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Emmanuel Besnier, président-directeur général de Lactalis

Conformément au cadre légal, nous sommes responsables de la mise sur le marché de produits sains. C'est dans ce cadre légal que nous agissons ; si la loi évolue, il évoluera aussi. Je n'ai pas d'autre réponse particulière à apporter que de répéter que nous sommes en effet responsables de nos produits.

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Revenons aux relations que votre groupe entretient avec les laboratoires. Vous envisagez de travailler avec deux laboratoires plutôt qu'un seul, notamment sur le site de Craon. Cela changera-t-il quoi que ce soit ? D'une part, les prélèvements continueront d'être effectués par vos salariés, en interne, avant leur transmission aux laboratoires, qu'il n'y en ait qu'un ou plusieurs. D'autre part, comme nous l'a confirmé Eurofins, vous resterez le donneur d'ordre, quel que soit le nombre de laboratoires sollicités. J'appelle à cet égard l'attention de la commission d'enquête sur les liens qui existent entre votre groupe et le laboratoire : dans la mesure où vous le payez, vous êtes le donneur d'ordre et le client, ce qui ne me semble pas très sain. En cas de résultat positif, les laboratoires vous remettent les analyses, et c'est à vous de décider de ce que vous en ferez. C'est à vous, en effet, de déterminer si vous effectuerez des analyses complémentaires – le nombre de laboratoires ne change rien de ce point de vue – et le cas échéant, si les analyses complémentaires se révèlent positives, Eurofins nous a également confirmé que c'est à vous qu'il appartient d'informer les services de l'État. Le laboratoire, quant à lui, n'a pas d'obligation de transmettre l'information aux autorités publiques, sauf cas très grave de virus, par exemple. Autrement, c'est au client de s'en charger.

Que penseriez-vous de la solution consistant à confier les prélèvements à un organisme public et les analyses à un laboratoire public ? Ne ricanez pas, monsieur Nalet : l'Union européenne prévoit cette solution, ainsi que celle d'une redevance imposée à l'ensemble des entreprises agro-alimentaires.

Nous ne sommes pas ici dans un tribunal qui vous viserait particulièrement ; il s'agit simplement d'essayer de comprendre. Quoi qu'il en soit, la relation entre un industriel et le laboratoire qu'il paye ne me semble pas saine.

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Emmanuel Besnier, président-directeur général de Lactalis

Nous procédons précisément à des recherches et à des analyses incessantes pour garantir le caractère sain de nos produits. C'est tout de même à l'industriel qu'il appartient de mettre en oeuvre un plan d'analyses et de déterminer à quelles analyses il faut procéder, puisque c'est lui qui est responsable de la mise sur le marché des produits. Le laboratoire, quant à lui, assure une prestation concernant les échantillons que nous lui fournissons – de la même manière qu'il effectuerait une analyse de sang d'un patient. C'est à lui de détecter la présence éventuelle d'un pathogène dans le produit et de nous transmettre les résultats – positifs ou négatifs – des analyses, mais c'est l'industriel qui est le demandeur et qui, en fonction de son plan d'analyses, garantit la qualité des produits. Ce n'est pas au laboratoire de décider quels types de contrôles et d'analyses doivent être effectués dans les usines.

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Arnaud Boinard, directeur général de Lactalis Nutrition Europe

Au-delà de la question du recours à un ou à plusieurs laboratoires, monsieur Le Gac, vous avez évoqué la question des laboratoires publics, que vous avez auditionnés. Je vous confirme que lors du redémarrage du site de Craon, nous ferons également appel aux laboratoires publics. C'est déjà le cas des premières analyses confiées aux laboratoires départementaux d'analyses de la Mayenne et de la Dordogne.

Ajoutons au recours à plusieurs laboratoires le fait que nous renforçons nos plans de contrôle pour garantir la mise sur le marché de produits sains. Il me semble essentiel d'évoquer l'ensemble de ce dispositif – recours à plusieurs laboratoires, dont des laboratoires publics, et renforcement du plan de contrôle – pour avoir la vision la plus éclairée qui soit.

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Pouvez-vous nous garantir, monsieur Besnier, que pas un kilogramme de poudre de lait contaminé n'a été distribué à ce jour, en France comme à l'étranger, en l'état ou pour l'alimentation animale ? Pouvez-vous également nous garantir que vous êtes en mesure de nous fournir l'ensemble des bons de destruction ainsi que l'ensemble, kilogramme par kilogramme, des stocks en attente de destruction et des lieux de stockage ?

Lactalis est un grand groupe industriel. Il est normal que vous assuriez votre protection juridique mais, si cette commission d'enquête peut servir à quelque chose, ce serait à ce que vous fassiez en matière de communication un geste humain en rencontrant l'association des victimes. Ce serait une nouveauté pour cette grande industrie qui est la vôtre.

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Emmanuel Besnier, président-directeur général de Lactalis

Tous les produits rappelés et retirés du marché seront détruits. La traçabilité est totale : les destructions ont commencé depuis quelques semaines en accord avec les autorités, selon un processus complexe de destruction – nous allons détruire l'équivalent de vingt millions de boîtes.

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Je vous remercie. Vous l'avez compris : cette crise aurait pu être encore plus grave, mais il est compréhensible que les parents ayant nourri leurs enfants avec un aliment potentiellement dangereux s'en soient inquiétés. De telles situations ne doivent pas se reproduire.

Tout provient des contrôles à effectuer dans les usines, y compris les autocontrôles. Il faut, comme le rapporteur l'a déjà beaucoup fait, réfléchir aux moyens que l'État consacre aux contrôles réglementaires dans les laboratoires départementaux.

Autre problème : celui des retraits-rappels. Il est inadmissible qu'à l'issue d'un deuxième contrôle, effectué par de courageux agents de l'État malgré leurs moyens contraints, il se trouve encore dans la distribution des lots de lait contaminé.

Le troisième problème concerne la communication, y compris avec la chaîne de commandement des services de l'État. Suffit-il de réunir tous les services de santé tous les mercredis ? N'est-ce pas au contraire une armée mexicaine ?

La commission se penchera sur tous ces sujets. Vous comprenez, monsieur Besnier, qu'il ne s'agit pas de faire le procès d'une entreprise française que nous respectons et dont nous sommes fiers, mais qu'il est nécessaire d'éclairer nos concitoyens. D'autre part, je ne verrai aucun inconvénient à ce que vous nous fassiez l'amitié de ne plus essayer de saborder la commission d'enquête, en demandant à vos avocats de cesser.

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Emmanuel Besnier, président-directeur général de Lactalis

C'est déjà fait.

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Soit. Je conclurai ainsi : un de mes amis, me voyant faire de la politique, me disait toujours que je force ma nature – ce qui est exact. Vous êtes une personne secrète et tranquille, monsieur Besnier : forcez donc votre nature de temps en temps en matière de communication, par exemple pour rencontrer les victimes.

L'audition s'achève à onze heures vingt-cinq.

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Membres présents ou excusés

Réunion du jeudi 7 juin 2018 à 9 h 30

Présents. - Mme Géraldine Bannier, M. Thierry Benoit, M. Grégory Besson-Moreau, Mme Agnès Firmin Le Bodo, M. Christian Hutin, M. Michel Lauzzana, M. Didier Le Gac, Mme Laurence Maillart-Méhaignerie, M. Richard Ramos, M. Jacques Savatier, M. Boris Vallaud, M. Arnaud Viala

Excusés. - Mme Séverine Gipson, M. Sébastien Jumel

Assistait également à la réunion. - Mme Véronique Louwagie