Commission d'enquête sur l'égal accès aux soins des français sur l'ensemble du territoire et sur l'efficacité des politiques publiques mises en œuvre pour lutter contre la désertification médicale en milieux rural et urbain

Réunion du mercredi 25 avril 2018 à 14h00

Résumé de la réunion

Les mots clés de cette réunion

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La réunion

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Mercredi 25 avril 2018

La séance est ouverte à quatorze heures dix.

Présidence de M. Alexandre Freschi, président de la commission d'enquête

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La commission d'enquête procède à l'audition des syndicats de jeunes médecins.

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Nous recevons cet après-midi les représentants des syndicats des jeunes médecins, à qui je souhaite la bienvenue et que je remercie de s'être rendus disponibles pour venir témoigner devant cette commission d'enquête qui porte sur un sujet d'avenir ; or, madame et messieurs, vous représentez l'avenir.

Je précise que cette audition est ouverte à la presse et diffusée en direct sur un canal de télévision interne, puis consultable sur le site internet de l'Assemblée nationale.

Conformément aux dispositions de l'article 6 de l'ordonnance du 17 novembre 1958, les personnes entendues déposent sous serment. Je vous demande donc de prêter le serment de dire la vérité, toute la vérité, rien que la vérité.

Les personnes auditionnées prêtent successivement serment.

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Samuel Valero, vice-président de l'Association nationale des étudiants en médecine de France (ANEMF)

Je vous remercie de donner la possibilité aux jeunes médecins de s'exprimer sur ces problématiques, importantes pour l'ensemble de nos concitoyens, et qui rejoignent les débats qui ont cours au sein des syndicats des étudiants.

La problématique de l'accès aux soins est primordiale. S'agissant du ressenti de la population, celui-ci s'aggrave de jour en jour, même si les chiffres de la direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques (DREES) ou de l'Institut de recherche et documentation en économie de la santé (IRDES), dont vous avez reçu les représentants, ne le reflètent pas. Des solutions doivent donc être trouvées pour pallier à la fois ce ressenti négatif et les situations existantes dans certains territoires.

Une grande partie des problèmes concerne l'installation des médecins et, de fait, l'accès aux soins dans l'ensemble du territoire. Cette question peut être résolue, dans un premier temps, par une modification en profondeur de la formation initiale, très hospitalo-centrée, très hospitalo-universitaire, et manquant d'ouverture sur les autres formes d'exercice de la médecine.

La sélection en première année est très scientifique, insuffisamment orientée vers les sciences fondamentales, le numérique et les autres matières indispensables à une bonne pratique de la médecine ; il convient donc de réformer cette première année en profondeur. S'ajoute à cela, toujours en première année, un problème démographique lié aux études communes de santé. Diversifier le profil des médecins permettrait, selon nous, une installation des praticiens dans des territoires plus diversifiés.

Cet hospitalo-centrisme régit toutes les étapes de nos études, qui se déroulent uniquement en centre hospitalier universitaire (CHU). Certains étudiants peuvent, en effet, réaliser la totalité de leur cursus – de neuf à douze années – sans jamais connaître l'exercice libéral, malgré l'obligation légale, depuis 2009, d'y effectuer des stages de médecine générale – une obligation non suivie par l'ensemble des unités de formation et de recherche (UFR).

Le taux de passage en médecine générale est stagnant depuis quelques années. La pénurie de maîtres de stage des universités (MSU) en médecine générale empêche les étudiants de découvrir la médecine générale, de sorte que des fantasmes s'installent à propos de cette spécialité : elle serait compliquée et comporterait un poids administratif trop lourd. Autant d'a priori qu'on ne prend jamais la peine de déconstruire durant nos études.

En outre, nos enseignants nous expliquent, tout au long desdites études, que la seule expérience qui vaille est hospitalo-universitaire et que la médecine générale n'est pas vraiment une spécialité. Tout récemment, quand un membre de mon bureau, qui doit passer ses épreuves classantes nationales (ECN) d'ici à un mois et demi, et donc choisir son poste d'interne, a dit à l'un de ses chefs, pendant une garde, qu'il souhaitait s'orienter vers la médecine générale, ce dernier lui a répondu qu'il avait encore le temps de choisir et qu'il ne s'agissait pas d'une vraie spécialité – une opinion encore bien trop répandue.

Nous formulerons plusieurs propositions sur ce sujet. Il serait tout d'abord nécessaire de mettre en place des stages ambulatoires – en médecine générale comme dans les autres spécialités. Les textes le permettent, mais actuellement, aucun stage de médecine générale ne se fait en médecine libérale – excepté à Bordeaux, me semble-t-il. Ils ne sont effectués qu'en CHU. En outre, très peu de stages sont proposés dans les centres hospitaliers (CH) périphériques, pourtant très formateurs. Des études démontrent pourtant qu'on y trouve un meilleur encadrement et un taux plus élevé de médecins par étudiant.

Toutes ces lacunes empêchent les étudiants de découvrir les territoires. Ils restent dans les villes hébergeant une UFR. Et quand ils se déplacent pour effectuer leur stage, ils sont mal accueillis : manque de logements, pas d'indemnités de déplacement pour des stages pourtant obligatoires. Cela fait qu'ils n'ont pas envie d'y retourner. Nous disposons de nombreux témoignages d'internes qui, dans certains CH périphériques, sont livrés à eux-mêmes pour assurer des missions de soins, alors qu'ils sont toujours étudiants.

Ensuite, une question récurrente se pose durant nos études : comment construire un projet professionnel puisque, jusqu'aux ECN, à la fin de la sixième année, les étudiants ne savent pas où ils iront faire leur internat ? Il nous est en effet impossible, avant les résultats, de nous projeter. Une réforme en profondeur des études du deuxième cycle est donc nécessaire, telle qu'elle est proposée par le rapport de la mission confiée à Quentin Hennion-Imbault, vice-président de l'ANEMF, et au doyen Jean-Luc Dubois-Randé.

S'il était donné suite à ce rapport, ce serait un premier pas vers une possibilité, non seulement pour les étudiants de construire un projet professionnel, mais d'ouvrir les études à la médecine générale et, de fait, d'assurer une meilleure répartition des étudiants sur le territoire.

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Maxence Pithon, président de l'Intersyndicale nationale autonome représentative des internes de médecine générale (ISNAR-IMG)

Un certain nombre de mesures ont déjà été mises en place depuis quelques années, et il nous semble nécessaire aujourd'hui d'évaluer leurs effets à court et long terme, afin de prioriser celles qui fonctionnent et, éventuellement, réaménager celles sur lesquelles nous sommes plus réservés.

Par exemple, le contrat d'engagement de service public (CESP) existe depuis 2011 ou 2012 et arrive à maturité ; il serait temps de mener une étude sur ce dispositif pour en identifier les limites et l'améliorer.

D'autres mesures sont trop récentes pour être évaluées. Je pense aux aides contenues dans la convention de 2016, et notamment celles qui dépendent des zonages des agences régionales de santé (ARS). Ces aides qui n'ont pas encore été mises en place retardent certains projets d'installation.

Les grands axes que nous souhaitons aborder aujourd'hui concernent la découverte des territoires pendant la formation initiale et l'amélioration de leur attractivité. Cela passe par différentes mesures.

D'abord, développer les stages extra-hospitaliers. La réforme du troisième cycle a été mise en place en novembre 2017. Depuis, nous notons déjà une augmentation de 500 maîtres de stage des universités. Cette dynamique doit être poursuivie sans affecter la qualité de notre formation.

Le jeune médecin s'installerait dans l'un des lieux qu'il connaît ou qu'il a découverts pendant ses stages ambulatoires, notamment dans des bassins de vie où l'offre de soins est faible. C'est l'occasion de casser les préjugés des étudiants sur ces zones, de leur faire découvrir une patientèle, un mode d'exercice, une pratique, et de les aider à se projeter dans un avenir professionnel dans un territoire donné. Par ce biais, l'interne apprendrait son futur métier, les spécificités de la médecine générale et le travail en équipe de soins primaires.

Pour développer ces stages en ambulatoire, il convient d'optimiser les conditions d'accueil. Les internes sont de jeunes adultes qui doivent, tous les six mois, changer de lieu de stage, donc de lieu de vie. Pour ce faire, il est primordial que les territoires soient attractifs et que leur accès soit facilité. Cela passe par des aides logistiques, notamment pour trouver un logement. L'internat rural, lieu de vie partagé par des étudiants en santé dans un même territoire, est un format qui fonctionne bien. Il permet de rompre l'isolement social, de commencer à développer un réseau professionnel et de s'ancrer dans un territoire.

C'est un dispositif pour lequel les collectivités locales ont un rôle majeur à jouer. Elles pourraient, par exemple, proposer à l'étudiant des actions lui permettant de s'impliquer dans la vie locale – événements, temps d'accueil, etc.

L'accompagnement des internes et des jeunes diplômés est essentiel. L'exercice libéral ne les attire pas spontanément, n'y étant pas confrontés pendant leurs études, et les démarches administratives s'y rattachant leur paraissent souvent complexes, tandis que le salariat peut leur assurer un revenu régulier et un cadre rassurant, sans démarches particulières à effectuer.

En effet, à aucun moment de nos études, nous ne sommes formés à la gestion d'un cabinet. Et si des cours sur ce sujet sont prévus, ils ne représentent que quelques heures sur les trois ans d'internat de médecine générale. Les associations locales d'internes et les syndicats locaux organisent des événements pour tenter de pallier ce manque de formation. Mais nous pouvons espérer un meilleur investissement de nos universités sur cette question.

L'accompagnement de l'étudiant dans son projet professionnel, à la fin de son cursus, est également nécessaire. Si le département de l'Aveyron est souvent cité en exemple, c'est parce qu'il a mis en place un référent départemental ayant pour mission de suivre les internes en fin de cursus et de les accompagner dans leur projet professionnel en les aidant dans leurs démarches – notamment pour trouver un lieu d'habitation. Il y a moins de dix ans, l'Aveyron était l'un des départements les moins bien dotés en généralistes ; aujourd'hui, le nombre d'inscriptions à l'Ordre des médecins est supérieur au nombre de départs à la retraite. Sous réserve du nouveau zonage, qui devrait rester à peu près stable dans ce département, il ne reste qu'un seul lieu d'exercice éligible au CESP – les autres zones étant considérées comme pourvues.

Il convient, par ailleurs, de favoriser le regroupement des professionnels – le travail en inter-professionnalité – et de développer les nouveaux modes d'exercice. Le développement des maisons de santé pluri professionnelles (MSP) répond à une volonté des jeunes médecins, qui sont prêts à s'installer en zone dite sous-dense, de ne pas exercer seuls.

Cette tendance a été objectivée dans une enquête que nous avons menée à l'ISNAR-IMG, en 2011, et que nous sommes en train de mettre à jour. Mais cette volonté de regroupement doit être portée par les professionnels autour d'un projet de santé qui doit ensuite être soutenu par les collectivités locales.

La MSP n'est pas le seul mode de regroupement possible et il serait intéressant de communiquer sur toutes les possibilités existantes, afin que chaque professionnel puisse facilement trouver la formule qui lui correspond le mieux.

Pour cela, une approche globale est nécessaire. Nous ne devons pas agir uniquement sur un seul levier. C'est vraiment en agissant sur tous les leviers existants, dès le début de notre formation, et jusqu'à notre installation, que nous arriverons à améliorer qualitativement le maillage de l'offre de soins.

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Jean-Baptiste Bonnet, président de l'Intersyndicale nationale des internes (ISNI)

Je vous remercie de nous accueillir pour débattre de ce sujet central, sur lequel nous n'avons pas assez de contacts avec la représentation nationale. Je vous remercie également de nous entendre ensemble, car, comme vous pourrez le constater, il existe un socle commun de pensée entre les différentes organisations présentes, quelles que soient leurs divergences par ailleurs.

La démographie médicale est un sujet important pour nous, comme pour le ministère de la santé. L'année dernière, ce dernier a arrêté de nouveaux critères visant à définir les zones d'attractivité prioritaires, avec un nouveau zonage proposé aux ARS ; ces propositions ont été actées le 13 novembre 2017.

La nouvelle carte de l'Ile-de-France est assez parlante : le jaune représente la zone d'action complémentaire, le rouge, la « catastrophe » c'est-à-dire la zone d'intervention prioritaire , et la zone blanche, la situation normale qui devrait exister partout. Je ne suis pas originaire d'Ile-de-France, mais je sais qu'à Fontainebleau, à Rambouillet, il y a des forêts. Ce qui veut dire que, en dehors des forêts et des arrondissements centraux de Paris, il n'y a que des zones problématiques.

Il s'agit là d'un élément central de notre réflexion, qui est à corréler au numerus clausus des années 1970 à 2002. Il n'y a pas nécessairement une mauvaise répartition des médecins dans le territoire : il existe bel et bien un déficit global en médecins. La preuve en est qu'une mesure coercitive en matière d'installation et de pratique de la médecine a été mise en place : je veux parler de l'internat.

Avec la réforme du troisième cycle, les centres hospitaliers publics se sont rendu compte qu'ils perdaient une énorme « force de frappe » et qu'ils n'avaient pas particulièrement anticipé ce déficit. Nous sommes donc vraiment face à un déficit global et, finalement, habiller Pierre voudra certainement dire déshabiller Paul.

L'ISNI réalise, depuis plusieurs années, un travail sur ce sujet. Nous avons produit deux documents cette année. Le premier, relatif à la carrière hospitalo-universitaire, évoque, sans toutefois le traiter, le problème de la territorialité. Le second est un livre blanc que nous ne manquerons pas de vous transmettre.

Au-delà de ces publications, nous avons dégagé quelques lignes de force. La première concerne le numerus clausus. Nous n'avons pas d'opinion sur le sujet, nous disons simplement que, s'il est augmenté, les capacités d'accueil des universités devront l'être également – les locaux, mais aussi les lieux de stage. S'il est supprimé, il faudra à tout prix en anticiper les répercussions d'ici à dix ans, puisque nous payons aujourd'hui les politiques publiques des années 1980. Nous devons absolument éviter que, en 2030, les médecins paient les politiques publiques de 2018.

La collectivité doit aujourd'hui avoir une vision beaucoup plus en réseau, plus globale pour répondre à une nouvelle donne : le déficit de médecins pour les vingt prochaines années.

Alors, comment assurer l'accès aux soins à tous et de qualité ?

Notre première proposition, que nous partageons avec de nombreuses institutions, est de créer un « CHU hors les murs », ou plutôt une UFR de médecine régionale. La faculté de médecine doit récupérer ses fonctions d'enseignement et de recherche et les partager dans tout le territoire. Cela nécessiterait non seulement des MSU de médecine générale et dans les autres spécialités médicales pour le libéral, mais aussi de confier des fonctions de recherche et d'enseignement aux praticiens libéraux et aux médecins des CH périphériques – notamment pour venir parler de l'attractivité de leur métier.

Il convient, en effet, de casser le format hospitalo-centré, qui attire et bloque les talents comme une sorte d'aspirateur, et qui empêche les internes d'envisager une carrière autre qu'hospitalo-universitaire. La réflexion du vice-président de l'ANEMF est pour moi symptomatique de la réflexion générale.

Notre deuxième proposition vise à redéfinir la distribution de l'argent de l'enseignement de la médecine en fonction des besoins du territoire. Pour cela, il conviendra peut-être de redonner les pleins pouvoirs à l'université pour qu'elle puisse, avec la représentation nationale, déterminer les objectifs de formation – et non pas les réserver aux CHU, comme c'est le cas actuellement, à 90 %.

Une autre de nos propositions, et nous sommes là d'accord avec l'ANEMF et l'ISNAR-IMG, concerne la formation des jeunes médecins à l'ensemble des métiers de la médecine, et ce dès le deuxième cycle. À la médecine générale, bien entendu, puisque c'est le fondement même de leur métier, mais également aux autres spécialités – la représentation nationale devant déterminer des objectifs.

Il n'est pas normal que, dans les internats de dermatologie, de gastroentérologie ou d'endocrinologie, nous n'ayons pas accès au libéral. Actuellement, cela se fait de façon extrêmement ponctuelle dans les différentes facultés de France. Peut-être faut-il fixer des objectifs d'évaluation, d'intéressement ou d'obligation. En tout cas, nous y sommes prêts, nous n'attendons que des validations universitaires. Et si cela ne peut se faire en libéral, pourquoi ne pas ouvrir au privé ?

Enfin, au-delà de la formation, nous avons réfléchi à la pratique de la médecine, à des filières de soins... Y a-t-il besoin, dans certaines zones, d'un endocrinologue diabétologue cinq jours sur sept ? Peut-être pas. En revanche, un jour sur cinq, pourquoi pas ? Ma femme est chef de clinique de néphrologie et réalise des transplantations rénales. Y aura-t-il besoin d'un transplanteur rénal à Millau cinq jours sur sept ? Peut-être pas non plus. En revanche, un jour cinq pour recevoir en consultation des patients greffés, certainement.

L'idée est également de créer un lien entre les médecins généralistes, les néphrologues locaux et le CHU, marqueur de l'innovation et de la performance de cette filière, pour partager leurs connaissances. Fonder des équipes territoriales, inciter les gens à travailler ensemble et à partager leurs connaissances, et fixer des objectifs territoriaux sur une région donnée est aujourd'hui indispensable.

De même, comment faire en sorte que l'ensemble des professionnels paramédicaux puisse être en lien avec les médecins ? Et comment aider les médecins à connaître rapidement les interlocuteurs dont ils ont besoin dans un territoire ? Car si la question du médecin généraliste dans un bassin de population se pose, se pose aussi celle de la sortie de l'hospitalisation – par exemple celle d'une personne âgée qui est en capacité de rester chez elle, mais qui doit être suivie par un certain nombre de professionnels : infirmier, kinésithérapeute, ergothérapeute, etc. Pour cela, il faut un coordinateur de soins hospitalier, mais aussi territorial, avec du temps dédié. Les missions de coordination, assurées par les médecins et autres soignants, devront être encadrées dans le temps et rémunérées correctement.

Par ailleurs, il convient de se doter des outils du XXIe siècle. Notre génération ne comprend pas le retard qui a été pris concernant le dossier médical personnalisé (DMP). Nous sommes nés avec. J'utilise ma carte bancaire tous les jours, partout en France et même ailleurs ; ce qui a été fait pour la banque peut être fait pour la médecine.

Enfin, le sujet de l'interopérabilité, ce que nous appelons les systèmes d'information hospitaliers, à savoir les logiciels hospitaliers, est primordial. Comment faire, quand on reçoit à Montpellier un patient de Millau, pour recevoir l'information médicale ? En termes de sécurité des soins, cette information est absolument cruciale.

En résumé, nous sommes tout à fait conscients que la population française veut l'électricité dans chaque village, mais la question reste la suivante : installons-nous des générateurs ou un réseau électrique ?

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Benoît Blaise, représentant du Syndicat national des jeunes médecins généralistes (SNJMG)

Je serai bref, mes collègues ayant déjà à peu près tout dit. Et notre syndicat est entièrement d'accord avec les propos et les propositions qui viennent d'être formulés.

Au-delà de la question du nombre de médecins et du numerus clausus, nous ne pouvons plus raisonner avec les mêmes chiffres qu'autrefois ni avec la crainte de former trop de médecins, étant donné l'évolution de la médecine générale. Il s'agit d'une filière qui s'« universitarise », qui se transforme, et qui développe une pensée particulière autour de la complexité et de compétences spécifiques, avec, en outre, des impératifs de formation continue et de réseau qui ne sont pas les mêmes qu'auparavant.

Il est probable, dans ces conditions, que ce développement qualitatif ait un impact sur le fonctionnement quantitatif, c'est-à-dire sur le nombre d'actes réalisés par les médecins généralistes, ainsi que sur le temps qu'ils sont prêts à consacrer aux consultations par rapport à leurs autres activités, dont celles de réseau et de formation continue. Si le nombre de médecins augmente, cela permettra de diversifier leurs pratiques, et en particulier de renforcer leur rôle de prévention et d'éducation à la santé.

Au-delà de la question du nombre de médecins, qui est primordiale, se posera celle du temps non médical : la délégation des tâches et des pratiques avancées à d'autres professionnels de santé, qui est en cours d'expérimentation et qu'il me semble essentiel de poursuivre. Le dispositif ASALEE – acronyme d'« action de santé libérale en équipe » – fonctionne plutôt bien et semble avoir vocation à se pérenniser ; d'autres sont en train d'être créés, mais ne sont pas encore formalisés.

S'agissant des outils informatiques, il est primordial de les développer et de les généraliser, tout en gardant à l'esprit la nécessaire vigilance quant à la gestion et à l'exploitation de ces données.

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Vanessa Fortané, vice-présidente du Regroupement autonome des généralistes jeunes installés et remplaçants (ReAGJIR)

Mon discours sera quasiment le même que celui de mes collègues. Les jeunes médecins s'installent dans les territoires qu'ils connaissent, mais, étant donné les modifications des conditions d'exercice de notre métier, ils ont besoin d'accompagnement. Si le projet professionnel était préparé au cours de l'internat, cela simplifierait certainement les choses.

Je veux parler, notamment, d'équipes de soins primaires, de MSP, de communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS)… Personnellement, je fais partie d'une MSP et nous tentons de créer une CPTS, mais nous ne disposons d'aucune formation ni information pour cela – j'ai terminé mon internat il y a dix ans, ce n'était pas au programme de mes études.

Une mobilisation des collectivités locales et des professionnels est évidemment nécessaire, car dans les territoires en tension démographique, comme celui où j'exerce, les médecins se demandent quand ils auront le temps de dormir ! Nous avons besoin d'une information globale, claire et simple, pour que les professionnels puissent accorder du temps médical aux médecins, du temps de pratique aux infirmiers et aux kinésithérapeutes, afin que nous puissions enfin travailler ensemble en bonne intelligence.

Les pratiques avancées doivent être développées et, s'agissant des cabinets secondaires, si effectivement nous n'avons pas besoin d'un cardiologue cinq jours sur sept, nos patients doivent pouvoir bénéficier d'une consultation cardiologique une à deux fois par mois – ce qui changera, en outre, la vie des généralistes.

Dans la région où j'exerce, l'hôpital local nous délègue des consultations. Les chirurgiens ont une consultation au cabinet deux fois par mois, de sorte que plus aucun patient, par exemple, ne cherche un chirurgien orthopédique. Alors effectivement, le jour de l'opération, ils doivent se rendre à l'hôpital qui se situe à 20 ou 25 kilomètres de chez eux, mais pour la consultation, ils n'en font que trois. Si toutes les spécialités participaient à un tel dispositif, les territoires peu denses deviendraient plus attractifs pour les médecins généralistes.

Je suis MSU, j'entends donc régulièrement les internes – ainsi que les externes d'ailleurs – s'étonner du fait que la profession de médecin généraliste n'est pas aussi compliquée que cela ! ReAGJIR a dû créer un blog pour expliquer aux jeunes médecins que notre métier était intéressant et qu'on pouvait s'y épanouir. C'est un peu lassant ! En fait, au bout de dix ans d'études, on fait le bilan qu'on est content d'avoir fait dix ans d'études. Mais de tels propos, nous n'en entendons jamais ; on ne parle de notre métier que pour le dénigrer et expliquer que nous sommes sous-payés… Un travail de communication est donc nécessaire pour rendre ce métier plus attractif. Et le nombre de MSU doit être augmenté pour que les étudiants puissent découvrir les territoires sous-dotés – il faut motiver les médecins installés à devenir maîtres de stage.

Par ailleurs, et cela a été dit, les médecins ne sont pas formés à la gestion d'entreprise. Le développement professionnel continu (DPC), à savoir la formation médicale continue, ne doit pas concerner uniquement le médical, car l'exercice en libéral requiert des connaissances en matière de gestion d'entreprise.

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En vous écoutant, je suis rassuré pour la médecine de demain et l'organisation des soins sur le territoire, car vous êtes tous porteurs d'initiatives extrêmement intéressantes.

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Je vous remercie de votre présence et de vos propos totalement cohérents les uns avec les autres.

Vous avez choisi la médecine, un métier formidable, puisque, par définition, vous allez soigner les gens. Il appartient aux pouvoirs publics et aux futurs professionnels de définir les bons dispositifs pour que nous puissions offrir un accès aux soins à tous et partout.

J'aimerais que nous dégagions quelques points de consensus. Vous avez tous dit qu'il conviendrait d'augmenter le nombre de médecins. Vos aînés, eux, disent le contraire, mais nous sommes plutôt d'accord avec vous : il faut plus de médecins, ne serait-ce que parce que la population a augmenté depuis trente ans et que nous sommes 15 millions de plus, sans même parler de l'évolution des pratiques. Nous ne pouvons que comprendre votre souhait d'exercer la médecine de façon différente de vos aînés.

S'agissant du numerus clausus, j'ai bien compris que vous étiez favorables à l'ouverture des vannes, à condition que les facultés aient la capacité d'accueillir les nouveaux étudiants. C'est un point sur lequel nous ne pouvons qu'être d'accord.

Ensuite, j'ai pu lire dans les documents que vous nous avez communiqués que vous étiez favorables à la suppression des ECN, une sélection qui intervient à la fin de la sixième année et à laquelle tous les étudiants sont suspendus avant de commencer à construire un projet de vie. Revenir à l'internat tel que nous le connaissions à une époque et instaurer un diplôme d'études spécialisées (DES), est-ce une piste pour vous ? Par ailleurs, si les ECN sont supprimées, comment réguler les spécialités médicales ?

J'ai bien aimé la notion d'« hospitalo-centrisme » et la volonté de sortir les étudiants des murs de la faculté. Nous en avons parlé au président de la Conférence des doyens des facultés de médecine, qui était plutôt favorable à cette idée. Avec l'idée complémentaire de ne pas envoyer les étudiants en ville au début de l'internat afin qu'ils n'oublient pas, en fin d'études, ce qu'est la médecine générale ou une spécialité pratiquée en ville.

Je suis très intéressé par votre proposition d'évaluer les besoins, région par région. Que pensez-vous de la proposition visant à régionaliser la répartition ? Avec, éventuellement, une possibilité de bouger dans plusieurs régions de France, selon les choix et les désirs de chacun ?

S'agissant des stages, sans doute serons-nous d'accord avec l'idée selon laquelle, sur 36 mois de stage, la moitié devrait être effectuée en dehors des murs du CHU : en MSP, CTPS, dans les centres hospitaliers, les cliniques privées. Le président de la Conférence des doyens nous a indiqué que certains stages effectués dans le privé allaient devenir qualifiants.

En ce qui concerne le dossier médical partagé (DMP), nous avons reçu ce matin les représentants de SOS Médecins, qui, eux non plus, n'ont pas accès au DMP, alors que celui-ci était censé être la pierre angulaire de la réforme qu'il conviendrait de réaliser.

Enfin, l'idée d'établir une maison médicale de garde (MMG) dans une structure hospitalière, de manière à bénéficier du réseau – je sais, madame Fortané, que vous êtes attachée à cette notion de médecine en réseau –, est-ce là aussi une piste qui vous satisferait ?

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Samuel Valero, vice-président de l'Association nationale des étudiants en médecine de France (ANEMF)

Les étudiants ne sont pas opposés à une ouverture plus large du numerus clausus, dès lors que la qualité de la formation n'est pas touchée. Or actuellement, aucune faculté de médecine n'est en capacité d'accueillir davantage d'étudiants.

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Ce n'est pas ce qui nous a été dit par le président de la Conférence des doyens.

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Samuel Valero, vice-président de l'Association nationale des étudiants en médecine de France (ANEMF)

C'est le retour que nous font les étudiants, qui nous expliquent qu'il n'y a même plus la place d'ajouter des chaises dans les salles d'enseignement dirigé (ED). Alors, effectivement, on peut continuer à faire de la pédagogie en amphithéâtre comme le font actuellement les professeurs des universités praticiens hospitaliers (PUPH) – un enseignement cependant décrié par l'ensemble du monde pédagogique.

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Samuel Valero, vice-président de l'Association nationale des étudiants en médecine de France (ANEMF)

L'enseignement numérique, à distance, est une avancée pour certains cours théoriques – en particulier pour les informations que nous pouvons trouver dans les livres –, mais le contact avec les professeurs, notamment s'agissant des ED, reste primordial. Ils nous enseignent un certain nombre de pratiques qui sont actuellement mal transmises – le relationnel, les sciences humaines, etc. Des enseignements qui ne font plus partie de nos études.

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J'entends ce que vous dites, mais pour certains cours très théoriques, l'enseignement à distance reste une possibilité. Je pense là aussi à une optimisation de la gestion des bâtiments et des équipements.

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Samuel Valero, vice-président de l'Association nationale des étudiants en médecine de France (ANEMF)

J'étais présent, en début d'année, à la réunion de l'Observatoire national de la démographie des professions de santé (ONDPS) lorsqu'a été annoncé le numerus clausus pour l'ensemble des subdivisions. Les représentants des facultés étaient présents pour dire combien d'étudiants supplémentaires ils pouvaient accueillir ; or les chiffres ne correspondaient pas à ceux qui nous ont été fournis par les étudiants. Le seul représentant qui ait été honnête est celui de la faculté de Clermont-Ferrand, qui a dit qu'il ne pouvait accueillir aucun étudiant supplémentaire, que sa bibliothèque était saturée et qu'il n'y avait plus de place au restaurant universitaire.

Nous souhaitons que la future génération de médecins soit de même qualité que les générations précédentes. Nous ne sommes pas opposés à une augmentation du numerus clausus si les moyens adéquats sont débloqués et la qualité pédagogique assurée. Mais peut-être est-il temps d'envisager un autre moyen de régulation ?

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Samuel Valero, vice-président de l'Association nationale des étudiants en médecine de France (ANEMF)

Non, nous n'avons pas d'idée pertinente à formuler sur le mode de régulation. Mais cela passera indéniablement par une réforme en profondeur de nos études.

S'agissant des ECN, je vous invite à vous rapprocher de Jean-Luc Dubois-Randé et de la mission « deuxième cycle des études de médecine », qui, dans son rapport, propose une ventilation sur le territoire national, qui reposerait sur trois critères : connaissances, compétences, parcours-initiatives. Ainsi serait supprimé le classement de 1 à 8 000, délétère pour le bien-être des étudiants qui sont, selon des chiffres officiels, anxieux pour 67 % et souffrant de syndromes dépressifs pour 29 % – un nombre important ayant même des pensées suicidaires. Les étudiants de médecine vont mal et les ECN sont l'une des causes de ce mal-être.

En revanche, nous sommes attachés à la ventilation nationale, les ECN régionaux ayant démontré de nombreuses dérives – inégalité dans la préparation au concours entre les régions, difficulté dans l'accès aux spécialités, etc.

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Que voulez-vous dire par « inégalité dans la préparation » ?

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Samuel Valero, vice-président de l'Association nationale des étudiants en médecine de France (ANEMF)

Un étudiant parisien aura plus de chances de réussir l'ECN de Paris qu'un étudiant préparé à Tours.

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Selon vous, comment se passeraient les concours si nous établissions des ECN par région, selon les besoins ? Comment adapter la formation aux besoins des régions ?

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Samuel Valero, vice-président de l'Association nationale des étudiants en médecine de France (ANEMF)

Nous sommes opposés à une régulation régionalisée. En revanche, il conviendrait de mieux définir les capacités de formation des postes d'interne en fonction des territoires, sachant que les internes s'installent, pour une grande majorité, là où ils ont fait leur troisième cycle.

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Cela se fait déjà. Mais nous constatons, si je prends l'exemple de Tours, qui est dans ma région, que les postes d'internes en médecine générale sont vacants.

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Samuel Valero, vice-président de l'Association nationale des étudiants en médecine de France (ANEMF)

Il en est de même à Paris.

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Mais le problème est plus important à Tours qu'à Paris.

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Maxence Pithon, président de l'Intersyndicale nationale autonome représentative des internes de médecine générale (ISNAR-IMG)

Je compléterai les propos de Samuel Valero concernant les ECN régionaux. Nous n'y sommes pas favorables, car nous ne pensons pas qu'ils seront efficaces, et ce pour plusieurs raisons.

D'abord, l'échelle de la région est beaucoup trop grande. La région Auvergne-Rhône-Alpes, par exemple, abrite quatre facultés de médecine, et les disparités de répartition des médecins sont les mêmes que dans toutes les autres régions. Par ailleurs, fixer les étudiants dans la région où ils ont suivi leur deuxième cycle ne réglera pas le problème de la répartition des médecins au sein de la région. Au mieux, ils resteront dans la faculté où ils ont été formés.

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Vous nous avez dit que vous ne pouviez pas construire de projet de vie avant les résultats des ECN, à la fin de la sixième année, ce que je comprends parfaitement. Avec cette solution, vous pourriez le bâtir bien plus en amont, puisque vous pourriez choisir trois régions.

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Maxence Pithon, président de l'Intersyndicale nationale autonome représentative des internes de médecine générale (ISNAR-IMG)

Certes, mais une partie des étudiants bouge par choix. Même quand ils ne veulent pas se former à une spécialité parce qu'elle est trop demandée, la mobilité se fait par choix. Empêcher un étudiant de bouger, c'est lui couper son projet de vie.

En outre, passer un examen dans plusieurs régions augmente les coûts, les frais de déplacement, etc. C'est compliquer les choses pour un bénéfice très modeste. Et puis, il existe déjà une régulation par région, puisque le nombre de postes aux ECN est défini en fonction des capacités d'accueil et des besoins des régions.

Il conviendrait plutôt d'optimiser ce système. Les recommandations des comités régionaux de l'ONDPS ne sont peut-être pas forcément bien suivies au niveau national, mais il serait plus intéressant de développer cet axe que de s'orienter vers une régionalisation des ECN.

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Jean-Baptiste Bonnet, président de l'Intersyndicale nationale des internes (ISNI)

À titre personnel, je suis également opposé aux ECN régionaux. En effet, soit on tente plusieurs internats régionaux et, dans ce cas, nous sommes confrontés à la même problématique des concours d'infirmiers pour lesquels 2 000 candidats se présentent pour 2 places ; c'est donc aléatoire. Par ailleurs, de quel droit les pouvoirs publics décideraient-ils qu'un étudiant de 18 ans – âge de la première année – devra rester dans une région donnée pour le restant de sa vie ?

Il n'est pas complètement aberrant de dire qu'en fin de sixième année un citoyen français peut bouger pour exercer ses activités. Dans d'autres disciplines, un thésard peut changer de lieu de vie s'il trouve un directeur de thèse. Personnellement, je suis resté dans ma ville d'origine parce que je me suis marié dans cette même ville, mais je comprendrais qu'un étudiant qui rencontre une personne vivant à l'autre bout de la France veuille partir y vivre. Et c'est possible avec l'internat, malgré tous ses défauts.

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Jean-Baptiste Bonnet, président de l'Intersyndicale nationale des internes (ISNI)

Cassons les ECN. La question du contingentement est difficile et posera toujours un problème, même avec des ECN régionaux. Régler la question par une régionalisation des ECN en fonction de l'origine des étudiants est selon moi une soviétisation qui n'amènera qu'à des drames.

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J'entends ce que vous dites, mais si un étudiant rencontre son futur conjoint en quatrième année, le problème sera le même.

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Jean-Baptiste Bonnet, président de l'Intersyndicale nationale des internes (ISNI)

Non, car il peut se déclasser.

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Il sacrifiera alors une partie de sa vie professionnelle.

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Jean-Baptiste Bonnet, président de l'Intersyndicale nationale des internes (ISNI)

Oui, mais ce sera son choix.

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Madame Fortané, le rapporteur a posé une question concernant la maison médicale de garde. Quel est votre avis ?

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Vanessa Fortané, vice-présidente du Regroupement autonome des généralistes jeunes installés et remplaçants (ReAGJIR)

Je suis bien entendu favorable à l'installation d'une MMG dans les hôpitaux, à condition qu'il y ait des hôpitaux ! Il ne sert à rien d'en établir une si la majorité des citoyens d'un territoire doit parcourir 40 ou 50 kilomètres pour y accéder. Il convient donc d'en créer également en dehors des hôpitaux. Elles doivent, par ailleurs, être adaptées au territoire et être à échelle humaine. Par exemple, les patients qui vivent à la frontière de deux départements doivent être en mesure d'accéder au CPTS la plus proche, quel que soit le territoire dans lequel ils vivent. Une telle organisation doit être réfléchie par de véritables professionnels.

Que faire pour les patients qui habitent loin des hôpitaux locaux ? Soulager les urgences en créant un service de médecine générale de garde, oui, mais ouvrir un second service d'urgence à 80 kilomètres de tout pour aller voir le médecin généraliste de garde, non.

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Samuel Valero, vice-président de l'Association nationale des étudiants en médecine de France (ANEMF)

Selon les retours que nous avons pu avoir d'urgentistes exerçant près d'une MMG, ce qui fonctionne, ce sont les circuits courts. La MMG doit être située à proximité des urgences qui, ainsi, peuvent y orienter les patients.

Mais il convient de réfléchir à une incitation financière, car nous ne pouvons négliger le problème de la tarification de l'activité ; un patient qui va aux urgences rapporte de l'argent à ce service, ou en tout cas justifie son maintien.

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Jean-Baptiste Bonnet, président de l'Intersyndicale nationale des internes (ISNI)

Je voudrais appuyer les propos de Samuel Valero, s'agissant du nombre de médecins : nous ne sommes pas défavorables à l'augmentation du numerus clausus, à condition d'augmenter aussi les capacités d'accueil des UFR. J'ai écouté l'audition de M. le doyen Sibilia, avec qui nous discutons par ailleurs, et je ne suis pas d'accord avec lui sur cette question.

Par ailleurs, le contact humain, avec le professeur et les patients, est essentiel en médecine. Et la simulation est un facteur indispensable et stratégique pour la formation de la médecine et des soins en France. Or la simulation se fait en présentiel et demande des crédits importants. Nous sommes donc inquiets quant au financement des plateaux de simulation dans les facultés.

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Je suis entièrement d'accord avec vous : si nous voulons augmenter le numerus clausus, il faudra s'en donner les moyens, et notamment augmenter la capacité des amphithéâtres. Vous l'avez dit, vous avez la chance, en ED, d'avoir des assistants qui vous accompagnent, ce qui est indispensable pour les relations humaines ; il n'est donc pas question de tout dématérialiser. Les réseaux sociaux, c'est bien, mais ils sont parfois antisociaux.

S'agissant des simulateurs, j'entends votre cri d'alarme. Nous en avons débattu au cours d'une audition précédente et j'avais cité l'exemple de l'aéronautique qui dispose de simulateurs extrêmement performants dans toutes les écoles.

Vous avez parlé tout à l'heure d'une pratique mixte public-privé. Une pratique intéressante qui est déjà en place dans les écoles de commerce, où des chefs d'entreprise viennent donner des cours dans les écoles. Que des médecins libéraux aillent donner des cours à la faculté est une proposition intéressante. Il convient effectivement de casser la forteresse des CHU.

Par ailleurs, avez-vous réfléchi à la question de la rémunération ? Un spécialiste libéral qui travaille cinq jours sur sept ne sacrifiera peut-être pas une journée à l'hôpital pour toucher cinq fois moins que dans son cabinet. Il faut parler franchement de ces choses. J'ai bien entendu l'exemple de Millau, mais quand on connaît le niveau de la rémunération hospitalière, on peut être inquiet ; une pratique mixte ne tirera peut-être pas vers le haut le montant de la rémunération à laquelle vous pouvez prétendre. Et je dis cela pour vous soutenir, car aucun de vous n'a abordé le sujet de l'attractivité financière. Est-ce sciemment ? Avez-vous des revendications particulières sur cette question ?

Concernant le CESP, que pensez-vous de la proposition suivante : rémunérer dès leur deuxième année les étudiants en médecine, et ce durant toute la durée de leurs études, dans la spécialité de leur choix et dans le territoire où ils sont formés, contre quelques années d'exercice dans le service public – comme certaines professions, dont celles des infirmières.

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Jean-Baptiste Bonnet, président de l'Intersyndicale nationale des internes (ISNI)

S'agissant de l'attractivité de la rémunération des étudiants et des libéraux qui délivreraient des cours en faculté, la réponse est simple : la représentation nationale est ordonnatrice du budget, il lui appartient donc de demander des montants convenables et engageants pour exercer ce métier et remplir les missions de service public.

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Monsieur Bonnet, si les députés votent le budget, l'article 40 de la Constitution dispose que « les propositions et amendements formulés par les membres du Parlement ne sont pas recevables lorsque leur adoption aurait pour conséquence, soit une diminution des ressources publiques, soit la création ou l'aggravation d'une charge publique ». Nous n'avons donc pas la capacité de décider de la dépense engagée. Nous ne pouvons que la suggérer.

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Jean-Baptiste Bonnet, président de l'Intersyndicale nationale des internes (ISNI)

L'ISNI ne levant pas d'impôt, il est difficile pour nous de déterminer les sources de financement. Mais je veux bien en lever, car cela voudrait dire que notre association est riche !

S'agissant de votre proposition relative au CESP, personnellement je la refuserai, la visibilité n'étant pas assurée quant aux lieux d'exercice et le nombre de spécialités étant trop réduit au moment de la signature du contrat.

Par ailleurs, si un grand nombre d'étudiants de deuxième année souhaite exercer la médecine générale, ils sont beaucoup moins nombreux en sixième année. C'est la raison pour laquelle le choix doit rester libre, et les étudiants garder la possibilité de changer d'avis pendant leurs études. Nous ne devons pas mettre en place un cadre trop rigide qui ferait fuir un certain nombre de talents ou réduirait les opportunités personnelles.

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Maxence Pithon, président de l'Intersyndicale nationale autonome représentative des internes de médecine générale (ISNAR-IMG)

Le CESP est un dispositif que l'ISNAR-IMG a soutenu depuis sa mise en place. Il serait cependant intéressant, aujourd'hui, de l'évaluer – de cibler les problématiques rencontrées par les étudiants – avant de décider de le généraliser ou de le modifier.

Voici des chiffres du Centre national de gestion des praticiens hospitaliers et des personnels de direction de la fonction publique hospitalière (CNG) : entre 2010 et 2015, 35 contrats ont été rompus, dont un bon tiers au moment de la sixième année, avant les ECN, pour des questions de choix de la spécialité. Les étudiants avaient choisi en deuxième année une spécialité dans laquelle, au moment de leur arrivée en sixième année, aucun poste n'était ouvert, de sorte qu'ils ont décidé de rompre leur contrat. Ce problème d'orientation est pour nous un échec du dispositif, d'autant qu'il y a plus de demandes que de contrats signés ; il aurait donc été utile de bien informer et orienter les étudiants, afin que d'autres puissent en profiter.

Entre 2010 et 2015, 1 509 CESP ont été signés, or 229 médecins ne sont pas encore installés. Si la grande majorité d'entre eux n'ont pas fini leur thèse, 26 internes sont concernés par un report de leur installation – ils attendent les zonages ARS. Ils ne peuvent donc s'engager sur un projet professionnel tant qu'ils ne sauront pas quelles zones feront partie de la liste.

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Je suis un élu rural, mais le problème est le même en milieu urbain : la situation est grave, bien plus que d'aucuns ne le pensent.

J'ai beaucoup apprécié vos différentes interventions qui, toutes, ont fait allusion à la notion de territoire et au rôle des collectivités locales. Les députés ont un rôle d'information à jouer auprès des autres élus. Vous savez d'ailleurs que les élus s'engagent beaucoup en faveur des MSP, et autres dispositifs, pour inciter les médecins à s'installer dans les territoires peu denses.

Qu'attendez-vous des collectivités locales en général ?

Par ailleurs, quel est votre avis sur les médecins étrangers qui exercent en France sans être inscrits à l'Ordre des médecins ?

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Samuel Valero, vice-président de l'Association nationale des étudiants en médecine de France (ANEMF)

Je voudrais d'abord revenir sur la question de l'augmentation du numerus clausus. Nous avons besoin de mesures urgentes pour pallier le déficit de médecins et l'accès aux soins. Or l'augmentation du numerus clausus ne fera effet que dans quinze ans.

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Votre organisation du travail – que je respecte – prévoit des semaines de 35 heures alors que la démographie et les besoins en soins continuent d'augmenter.

Vous avez par ailleurs cité un point sur lequel je voudrais revenir : la prévention. Nous sommes très en retard sur cette question en France, et j'ai regretté, dans le budget 2018, la diminution des crédits de prévention – que je dénonce chaque année.

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Samuel Valero, vice-président de l'Association nationale des étudiants en médecine de France (ANEMF)

La nouvelle organisation des métiers de la santé, avec, par exemple, les pratiques avancées et les autres modes de regroupement, ne va pas dans le sens d'une augmentation du temps médical. Selon les chiffres de la DREES de 2016, la diminution continuera jusqu'en 2024, avant que la tendance ne s'inverse grâce à l'apport de 1 500 médecins étrangers, dont le nombre a presque triplé en dix ans.

La question de la pertinence d'augmenter le numerus clausus doit donc être débattue, puisqu'il s'agit d'un levier qui prendra effet dans quinze ans, soit une augmentation du nombre de médecins en 2032.

S'agissant du CESP, votre question portait bien sur le versement d'une rémunération convenable dès la deuxième année, avec une obligation de rendre quelques années à l'État…

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Oui, mais avec un salaire décent. Je considère qu'un interne payé 1 500 euros est exploité. Et ce n'est pas nouveau, cela dure depuis quarante ans : les services de médecine, dans les CHU et les CH, ne tiennent que grâce à des forçats, des internes qui sont payés au lance-pierres.

C'est la raison pour laquelle je parle d'attractivité financière. N'est-ce pas le moment pour avancer sur cette question ? Car sans vous, les services ne tournent plus.

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Samuel Valero, vice-président de l'Association nationale des étudiants en médecine de France (ANEMF)

Les internes rendent déjà à la collectivité, puisqu'ils travaillent un temps nettement supérieur à ce qu'ils devraient. Par ailleurs, leurs droits à la formation ne sont pas respectés, puisque les deux demi-journées obligatoires par semaine ne sont jamais accordées.

J'ai assisté à une réunion, il y a quelques jours, du comité de suivi sur la mise en place de la réforme du troisième cycle. Une coordinatrice nationale a tranquillement expliqué que les demi-journées de formation n'étaient jamais données car on travaillait de 8 heures à 20 heures et que la formation s'apprenait sur le tas. C'est un gros problème, surtout quand on connaît l'état de mal-être d'un grand nombre d'étudiants.

Alors qu'attendent les étudiants des collectivités ? Qu'elles créent un lien avec les étudiants. Actuellement, ces derniers sont envoyés dans les CH périphériques – quand il y en a un –, loin de leur UFR, souvent sans indemnités de déplacement – les CHU ne veulent pas les leur accorder alors qu'elles sont inscrites dans la loi –, sans indemnités de logement, etc. Telles sont les aides que pourraient nous apporter les collectivités, même s'il ne leur appartient pas d'assumer seules ce poids. Sachant que, quand ils sont été exploités en CH ou CHU, les étudiants ne veulent pas retourner y exercer – 30 % des postes, à l'échelle nationale, ne sont pas pourvus.

S'agissant des médecins étrangers, dès lors qu'ils sont inscrits à l'Ordre des médecins et que la qualité de leur formation est suffisante, il n'y a aucune raison qu'ils ne puissent pas exercer en France.

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Nous avons pris une initiative, avec mes collègues de Dordogne : nous avons pris rendez-vous avec les doyens de la faculté de médecine de Limoges et de Bordeaux afin de créer des liens. Par exemple, pour qu'ils nous invitent en sixième année, ou avant, à venir parler de nos territoires aux étudiants. Il est vrai que nous n'avons que très peu de rapports avec les universités.

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Maxence Pithon, président de l'Intersyndicale nationale autonome représentative des internes de médecine générale (ISNAR-IMG)

S'agissant des collectivités locales, nous attendons effectivement qu'elles accompagnent les étudiants et qu'elles leur donnent la possibilité de découvrir les territoires.

J'ai cité, dans mes propos liminaires, les internats ruraux – appellation qui n'est d'ailleurs pas adaptée. L'objectif, à terme, est que l'ensemble des stages extrahospitaliers puissent bénéficier d'un internat et d'un lieu de vie spécifiques.

Un interne est amené à se déplacer tous les six mois. Lorsque nous sommes dans un CH, nous sommes à l'internat, du coup il y a du lien et du réseau : nous ne sommes pas en situation d'isolement. En revanche, pour les stages ambulatoires, nous sommes seuls sur un ou deux cabinets de médecine générale, et nous avons une réelle sensation d'isolement.

Ces stages sont mal vécus par l'interne qui est loin de ses attaches. Il n'aura donc pas envie, ensuite, d'aller y exercer. L'objectif de ces internats est de regrouper les étudiants qui sont en stage dans le même territoire, de créer du réseau et du lien afin de lutter contre l'isolement, et transformer ainsi ces stages en expérience positive.

Nous attendons donc des collectivités qu'elles organisent des réunions d'accueil, qu'elles nous impliquent dans les événements locaux. Des actions qui ne coûtent pas cher et qui permettent de fédérer les étudiants.

S'agissant de l'attractivité financière, nous n'en avons pas parlé car, aujourd'hui, ce n'est pas la priorité. La priorité, c'est l'accompagnement des étudiants et de leur projet de vie.

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Je suis en zone d'aide à finalité régionale (AFR) : cela veut dire que, quand un médecin s'y installe, il touche un chèque de 50 000 euros. Malheureusement, certaines actions sont hors zone – il s'en faut parfois de deux kilomètres seulement –, ce qui met à mal le dispositif. Dans mon territoire, deux internes sont en train de partir sur les AFR, ce qui donne une mauvaise image de la profession. Je suis donc surpris que vous n'ayez pas de revendication financière.

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Jean-Baptiste Bonnet, président de l'Intersyndicale nationale des internes (ISNI)

Deux sujets doivent être différenciés. D'abord, celui du mode de rémunération des médecins, actuellement payés à l'activité avec un tarif de consultation fixe. Ensuite, l'attractivité du bassin de population.

Je précise par ailleurs que le temps de travail légal des internes est de 48 heures et non de 35 heures.

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Jean-Baptiste Bonnet, président de l'Intersyndicale nationale des internes (ISNI)

Pour les internes, c'est 48 heures, alors qu'ils en font 65 en moyenne, et que les heures supplémentaires ne sont pas payées. Donc, commençons par payer les plages additionnelles – au-delà de la 48e heure – comme cela est défini par l'Union européenne. N'hésitez pas à valider cette proposition au niveau de la représentation nationale, nous en serions très heureux.

S'agissant de l'attractivité financière, cela a été dit, nous préférons être accompagnés : indemnités de transport, de logement, conditions de travail et d'installation correctes, défiscalisation de la permanence. Ce genre de leviers paraissent, selon nous, prioritaires car ils induiront une certaine reconnaissance par la collectivité du travail réalisé par les internes au quotidien.

Le rôle des collectivités locales est central. Il est d'abord d'inciter les médecins à devenir MSU. On ne peut pas prétendre, en tant qu'élus, avoir des médecins dans des territoires sans qu'ils y aient appris la médecine.

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Je vous entends, mais, d'une part, il conviendra de les rémunérer, et, d'autre part, il est difficile pour un médecin d'aller se rendre quatre demi-journées à une faculté située à 150 kilomètres de chez lui. C'est là que l'enseignement à distance est intéressant.

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Jean-Baptiste Bonnet, président de l'Intersyndicale nationale des internes (ISNI)

Le focus doit effectivement être mis sur cette question, d'autant qu'il s'agit d'un défi pour la médecine générale.

Pour nous projeter dans une carrière, nous avons besoin, en tant qu'internes, d'avoir une meilleure visibilité de ce qui se passe dans un territoire. C'est la raison pour laquelle, nous attendons des collectivités la création d'organisations dans un bassin de population : qui est où et qui fait quoi – sans entrer dans du coercitif. C'est ainsi que moi, médecin, quand je m'installe dans un territoire, je sais à qui adresser mes patients – infirmière, kinésithérapeute, etc.

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Jean-Baptiste Bonnet, président de l'Intersyndicale nationale des internes (ISNI)

C'est une partie de la réponse.

Concernant les médecins étrangers, tout médecin inscrit à l'Ordre des médecins doit pouvoir exercer. Les mêmes règles doivent être appliquées à tout le monde. Le travail qui est mené actuellement sur la certification est intéressant.

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L'accompagnement des internes, qui est une proposition intéressante, ne répond pas à l'urgence de la situation : que devons-nous faire, aujourd'hui, pour pallier l'insuffisance de l'offre de soins dans le territoire ? L'apport de médecins formés à l'étranger, plutôt francophones, plus ou moins exploités dans les CH et pas forcément reconnus par l'Ordre, est-il – à compétences équivalentes, naturellement – une solution répondant à l'urgence de la situation ?

Par ailleurs, l'âge moyen d'installation des jeunes médecins est de 37 ans environ. Comment expliquez-vous cela ?

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Vanessa Fortané, vice-présidente du Regroupement autonome des généralistes jeunes installés et remplaçants (ReAGJIR)

Une fois que nous avons fini notre internat, nous attendons des collectivités locales une aide logistique, mais les internes ne sont pas les seuls concernés. Il existe une autre espèce, dont on parle peu, qui s'appelle les remplaçants ! Il est très important de permettre aux médecins installés de prendre du temps pour eux.

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Vanessa Fortané, vice-présidente du Regroupement autonome des généralistes jeunes installés et remplaçants (ReAGJIR)

Oui, et il faut les loger. C'est une occasion pour eux de découvrir les territoires. Et c'est la raison pour laquelle nous mettons du temps à nous fixer. Nous prenons le temps de tout tester en effectuant des remplacements : l'exercice solitaire, l'exercice en groupe, l'exercice en MSP, avec secrétariat, sans secrétariat, avec vacances, sans vacances, etc. Et cela prend du temps, car si nous savons en général ce que nous ne voulons pas faire, nous ne savons pas forcément ce que nous voulons faire. On ne peut pas avoir l'idée de venir s'installer dans un « désert médical » sans y avoir exercé auparavant. Il est donc important de loger les remplaçants, tout comme les internes.

S'il est important de motiver les médecins remplaçants à venir dans certains territoires, il est aussi important de convaincre les médecins de se faire remplacer. Je connais des collègues qui ont arrêté de chercher des remplaçants. Les collectivités locales peuvent donc nous aider pour la logistique et la communication.

Ce n'est pas forcément d'argent que nous avons besoin : nous en gagnons quand même et plus que la moyenne des gens. Ce qui nous intéresse, c'est de prendre des vacances pour dépenser l'argent que nous gagnons. Et si, en plus, nos patients, à qui nous tenons, sont pris en charge pendant notre absence, nous profitons mieux de nos vacances.

La qualité de vie est donc très importante. La différence avec les anciennes générations est là : il y a trente ans, la concurrence entre les médecins était forte. Ils voulaient être seuls dans un village. Personnellement, s'il y en a un qui s'installe en face de la MSP dans laquelle je travaille, je lui paye le champagne !

Même si vous me proposez 5 000 euros de plus pour faire des gardes supplémentaires, je les refuserai. Je recherche une qualité de vie. Je veux que les 45 heures de consultations que je réalise par semaine soient efficientes et de qualité. Je veux pouvoir déléguer certaines tâches. Actuellement, j'ai la chance de travailler avec une infirmière ASALEE qui s'occupe de mes diabétiques. Il faut sortir de la croyance que les médecins – français ou étrangers – ont des super pouvoirs et peuvent tout faire seuls. Ce n'est pas vrai. Il faut sortir de l'ultra-monopole. Un patient est mieux pris en charge si trois personnes s'occupent de lui.

Il faut par ailleurs motiver les gens à faire ce qu'ils ont envie de faire. Ce n'est pas en leur imposant les choses que cela marchera. Rappelez-vous que nous sommes français et médecins : deux raisons pour râler. (Sourires.)

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Nous n'avons jamais parlé de coercition.

Nous avons reçu ce matin un représentant de l'IRDES qui nous faisait part de son incapacité à évaluer l'impact, positif ou négatif, de cette politique incitative.

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Vanessa Fortané, vice-présidente du Regroupement autonome des généralistes jeunes installés et remplaçants (ReAGJIR)

ReAGJIR a mené des études sur l'installation et le remplacement ; a priori, les aides ne font que conforter les personnes dans leur choix de s'installer dans tel ou tel territoire.

Par ailleurs, il est vrai que le retard du nouveau zonage est agaçant. Un médecin de ma MSP attend de connaître ce nouveau zonage pour s'installer avec nous. Il souhaite exercer en tant qu'échographiste et a besoin de ces 50 000 euros pour acheter son matériel.

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Jean-Baptiste Bonnet, président de l'Intersyndicale nationale des internes (ISNI)

Je voudrais rebondir sur cette question. Je ne suis pas surpris que le représentant de l'IRDES se dise dans l'incapacité d'évaluer cette politique. Concernant la question de l'internat régional, il faut savoir que, actuellement, l'organisme compétent pour déterminer le numerus clausus par spécialité et par subdivision est l'ONDPS, qui emploie 2,5 et 2,6 équivalents temps plein (ETP) : un organisme composé, donc, de gens compétents, mais pas assez nombreux.

Or l'analyse des besoins de santé d'un territoire et des capacités de formation dans les UFR est un exercice très difficile, effectué par des gens de bonne volonté, mais qui n'ont pas la possibilité de faire autre chose que du « doigt mouillé » pour les trois quarts des cas.

S'agissant des médecins étrangers, il est délicat pour nous de se prononcer sur cette question. En tant que médecin et futur adhérent au Conseil de l'Ordre, nous avons un devoir de réserve et de confraternité à respecter. Nous pouvons simplement dire que les mêmes règles doivent être appliquées à tous. Et vous rappeler que, quelle que soit la direction que vous prendrez, elle devra être centrée sur la qualité ; la formation médicale en France est de très bonne qualité.

Enfin, je n'ai aucun doute sur le fait que beaucoup de médecins étrangers disposent du même niveau de compétence que les médecins français ; j'en suis même convaincu, j'en ai croisé.

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Je suis une élue de la ruralité profonde. Or j'ai bien entendu que, pour inciter un médecin à venir s'installer dans ces territoires, nous devons avoir une approche globale, donner au jeune médecin la possibilité de découvrir les territoires et lui offrir un accompagnement.

Cependant, j'ai pu constater, dans ma région, que les médecins remplaçants ne souhaitaient pas rester, au motif, par exemple, qu'il n'y a pas d'activités culturelles. Et quand ils sont plus âgés, le problème est encore différent : le conjoint n'a pas de travail et il n'y a pas d'écoles pour les études des enfants.

Je n'ai pas de solution. En avez-vous une à proposer ? Faut-il que les médecins se marient avant de venir ? Devons-nous organiser une foire aux célibataires ?

Par ailleurs, que pensez-vous de l'idée selon laquelle il conviendrait de faire sortir les spécialistes des hôpitaux pour leur faire rejoindre les MSP ? Vous, futurs spécialistes en médecine générale, êtes-vous prêts à vous installer dans les territoires ruraux pour exercer en MSP ? À Chalabre, par exemple, un gastro-entérologue de Montpellier assure une consultation une fois par semaine.

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Jean-Baptiste Bonnet, président de l'Intersyndicale nationale des internes (ISNI)

Personnellement, je suis prêt à venir.

Aujourd'hui, il y a un grand « boom » des assistanats partagés financé par les ARS : les assistants ont désormais un poste dans deux endroits différents – dans 99 % des cas, en CHU et CH. Et des réflexions sont menées pour faire du CH libéral, du CH privé, etc. Mais tant que ces assistants n'auront pas la possibilité réelle de devenir chefs de clinique, il y aura toujours un système de hiérarchie : chez les spécialistes, ce sont toujours ceux qui ne sont pas chefs de clinique qui seront dans ce dispositif-là. D'où deux effets pervers : d'abord, ce n'est pas attractif et, d'autre part, un nivellement par spécialité est généralement créé dans les réseaux de soins.

Cela reste une piste intéressante, car la présence d'un spécialiste n'est pas utile cinq jours sur sept. Mais il n'existe pas de solution miracle. Il est important de vérifier, par exemple, que les médecins sur place soient des MSU et que les conditions d'accueil soient attractives. Il convient d'analyser, territoire par territoire, comment ils se sont construits et organisés.

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Vanessa Fortané, vice-présidente du Regroupement autonome des généralistes jeunes installés et remplaçants (ReAGJIR)

Madame Robert, connaissez-vous, dans votre territoire, des bacheliers qui souhaitent faire médecine ?

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Vanessa Fortané, vice-présidente du Regroupement autonome des généralistes jeunes installés et remplaçants (ReAGJIR)

Et ceux-là, les chouchoutez-vous ? Car ce sont eux qui sont de la région et qui souhaiteront revenir s'y installer.

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Ceux que je connais et qui ont fini leurs études se sont installés à Toulouse et ne souhaitent pas revenir.

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Samuel Valero, vice-président de l'Association nationale des étudiants en médecine de France (ANEMF)

L'ONDPS, dont Jean-Baptiste Bonnet a rappelé le manque d'effectif, fonde toute sa recherche relative aux capacités de formation à partir d'une directive du doyen et d'une autre de l'union régionale des professionnels de santé (URPS). Ce qui n'est pas suffisant pour établir des estimations à long terme, s'agissant de l'ouverture du numerus clausus.

L'Observatoire a tout de même établi des premiers tableaux d'analyse des bassins de population et de réussite des bacheliers en première année commune aux études de santé (PACES). Et l'une de leurs propositions visait à diversifier l'origine géographique des différents étudiants qui réussissent la PACES pour tenter de diversifier les zones dans lesquelles, a posteriori, ils retourneront. Car, pour le moment, nous ne connaissons toujours pas les raisons pour lesquelles des jeunes médecins s'installent dans des zones rurales ou périurbaines qui ne sont pas celles de leur formation. Y retournent-ils pour raisons familiales ? Pour construire un projet professionnel particulier ? Ou parce qu'ils y ont rencontré des personnes ?

S'agissant des consultations avancées, avez-vous reçu M. Ortiz, qui réalise des consultations dans les montagnes, comme il aime à le dire, pour aller visiter les populations âgées et éloignées de tout ? Il s'agit d'une initiative qu'il convient de soutenir et d'encourager. Or un médecin qui exerce dans une zone n'a pas le droit d'en sortir, ce qui entraîne, entre autres, des problèmes d'inscription à l'Ordre – même si, nous devons le reconnaître, la mentalité de l'Ordre a changé. En effet, en 2013, par exemple, il parlait de « médecine foraine » qu'il fallait selon lui interdire totalement. Aujourd'hui, il projette de faire assurer des soins dans les territoires désertés, notamment par des spécialistes pour qui cela est particulièrement pertinent – plus que pour la médecine générale.

S'agissant des consultations mixtes, il conviendrait d'encourager les médecins hospitaliers à exercer en libéral et les libéraux à exercer dans certains CH périphériques. Il est malheureusement très compliqué de revenir en hospitalier quand on a fait du libéral, et de quitter le milieu hospitalier lorsqu'on y exerce depuis longtemps – pour des questions de retraite notamment.

En ce qui concerne l'incitation financière à venir enseigner dans les universités, la question sous-jacente est celle du statut hospitalo-universitaire qui régit un grand nombre de sujets : le nivellement, la notion de hiérarchie dans les hôpitaux, etc. Le statut hospitalo-universitaire est un gros problème, car il concentre énormément de missions dont certaines ne sont pas assurées ; je pense notamment à l'encadrement du troisième cycle. Une répartition plus homogène des « crédits d'enseignement, de recherche, de référence et d'innovation (MERRI) », par exemple, serait nécessaire.

Le coût de nos études intègre la recherche, alors que nous n'en faisons pas. Et nos études ne coûtent pas si cher que cela, comparé au statut hospitalo-universitaire.

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J'entends vos propos, mais l'autre volet est le suivant : un professionnel de santé libéral qui va délivrer des cours à la faculté doit être correctement rémunéré. La rémunération doit au moins compenser sa perte d'activité dans son cabinet, ce qui n'est pas si simple.

Je voudrais revenir à la question des médecins étrangers. Tous, ici, vous êtes attachés à la qualité de la formation ; et c'est tout à votre honneur. Un grand nombre de médecins étrangers ont passé leur diplôme dans un pays étranger, membre ou non de l'Union européenne, et 22 000 médecins sont en situation irrégulière en France et ne sont pas enregistrés au Conseil national de l'Ordre. Or les médecins français doivent être inscrits au Conseil de l'Ordre avant d'accrocher leur plaque en ville – contrairement aux médecins hospitaliers.

Par ailleurs, les médecins hospitaliers étrangers négocient pour venir travailler dans nos hôpitaux – jusqu'à 1 400 euros la garde de 24 heures. Ce que vous gagnez en un mois, ils le gagnent en une journée avec un diplôme inférieur au vôtre. Telle est la situation en France.

Et nous n'avons pas pu, dans la loi de financement de la sécurité sociale – alors que je dépose le même amendement depuis six ans – imposer à ces médecins étrangers de s'inscrire au Conseil de l'Ordre. Si ces médecins travaillaient à diplôme égal, cela ne me gênerait pas, mais ce n'est pas le cas.

Il y a une telle désertification médicale en France – y compris dans les centres hospitaliers parisiens et à l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP) – que nous sommes obligés de faire appel à des mercenaires qui pratiquent des tarifications élevées avec une compétence qui n'est pas toujours au rendez-vous. Et pendant ce temps, vous faites tourner la maison. Je ne comprends pas, en tant que syndicalistes, que vous n'ayez pas une réaction plus forte, alors que la qualité de la médecine est en cause.

Aidez-nous en nous présentant un kit du bon accueil des internes français. Dans l'hôpital de ma région, deux logements sont à disposition des internes pour 100 euros par mois – et si nous devons appliquer la gratuité, nous le ferons. Concernant les logements, je pense donc que les collectivités locales vous donneront satisfaction, en revanche, elles ne sont pas en capacité de vous verser des indemnités de transport. Peut-être conviendrait-il de l'intégrer à votre rémunération ?

Enfin, Mme Fortané a évoqué le cas des médecins remplaçants. Effectivement, nous ne parlons jamais des remplaçants, des médecins adjoints, de cette période charnière où un médecin a fini ses études mais ne peut encore s'installer. Il y a là un vrai problème de statut et de couverture sociale. Devons-nous créer un nouveau statut pour le médecin qui a fini ses études, qu'il soit « thésé » ou non, et qui est disponible immédiatement, en attendant qu'il s'installe ? Vous l'avez dit, madame, il est obligé de « tester » un certain nombre de situations avant de se décider. Le président a cité le chiffre de 46 000 médecins en attente d'installation.

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Samuel Valero, vice-président de l'Association nationale des étudiants en médecine de France (ANEMF)

S'agissant des médecins intérimaires – avant de parler des médecins étrangers –, certains d'entre eux ont créé un syndicat dans le Grand Ouest et ont exercé, il y a trois semaines, un chantage sur tous les CH de la zone pour que ces derniers augmentent leur rémunération de manière globale. Cette pratique existe, certains médecins sont intéressés par l'argent, comme dans toutes les professions.

Nous pointons-là du doigt la question de l'attractivité hospitalière : selon la Fédération hospitalière de France (FHF), 30 % des postes ne sont pas pourvus. Faut-il revoir le statut ? Le mode d'organisation ? Le salaire ? Nous ne détenons pas toutes les réponses.

Revoir les modes d'organisation et de management est peut-être nécessaire, cette formation étant très demandée par les syndicats séniors. La réforme du financement des hôpitaux qui est en cours améliorera peut-être les choses.

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Je dis cela pour vous aider. Il y a 3 milliards d'euros de déficit dans les hôpitaux, ce n'est pas nouveau.

Êtes-vous favorables à l'inscription de tous les médecins – français et étrangers – au Conseil national de l'Ordre ?

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Samuel Valero, vice-président de l'Association nationale des étudiants en médecine de France (ANEMF)

Oui.

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Jean-Baptiste Bonnet, président de l'Intersyndicale nationale des internes (ISNI)

Oui.

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C'est important pour nous de le savoir.

S'agissant de la qualité des diplômes, dans les CH, 40 % des médecins ont suivi une formation à l'étranger – et je ne parle pas là des 600 étudiants français qui paient des frais de scolarité absolument déments pour aller se former en Roumanie parce qu'ils n'ont pas été reçus à la PACES. Il s'agit d'ailleurs souvent d'enfants de médecins – j'en connais quatre dans mon environnement proche –, leurs familles ont les moyens. Alors on parle d'ascenseur social, de mixité…

Quel est votre avis, madame Fortané ?

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Vanessa Fortané, vice-présidente du Regroupement autonome des généralistes jeunes installés et remplaçants (ReAGJIR)

Tout le monde est le bienvenu en médecine. Dès lors qu'ils ont reçu un diplôme, tous les médecins qui exercent en France, qu'ils soient français ou étrangers, devraient être inscrits à l'Ordre et exercer sur des postes de médecins. Je connais des cardiologues roumains employés en tant que « faisant fonction d'internes » qui sont payés moins qu'un interne. C'est inadmissible, car ce sont eux qui assurent les gardes et font tourner l'hôpital. Et il ne s'agit pas d'un problème de qualité. Ils sont médecins, ils ont leur diplôme, mais ils sont roumains. Leurs diplômes ne sont pas reconnus, ils font donc office de vache à lait de l'hôpital. Là, je ne suis pas d'accord.

Alors, si je suis favorable à ce qu'ils soient inscrits à l'Ordre, je suis également favorable à ce que leur diplôme, leur travail et leur compétence soient reconnus – et qu'ils soient rémunérés en conséquence. En revanche, si le professionnel n'est pas médecin, la question ne se pose même pas.

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Maxence Pithon, président de l'Intersyndicale nationale autonome représentative des internes de médecine générale (ISNAR-IMG)

S'agissant du kit du bon accueil, nous venons d'élaborer un document, initialement à la demande de l'Association des maires ruraux de France (AMRF), que nous vous enverrons, et dans lequel nous formulons des propositions visant à améliorer l'accessibilité des stages ambulatoires.

En ce qui concerne le transport et le logement, il existe actuellement une indemnité de transport pour les stages ambulatoires, lorsque ceux-ci sont effectués à une certaine distance de notre résidence principale. Par ailleurs, un texte visant à accorder une indemnité de logement est en cours d'élaboration. Nous pourrions débattre longuement pour savoir si le montant est adapté ou pas, mais le principe devrait bientôt être appliqué.

Enfin, concernant le principe des consultations avancées, notamment pour les spécialistes de second recours, il s'agit d'un réel apport pour certaines populations. Or, il n'est pas encouragé. Je pourrais vous citer plusieurs exemples de MSP qui avaient organisé des consultations avancées, notamment post-opératoires, avec des spécialistes de l'hôpital le plus proche. Ces derniers ont été contraints d'arrêter après un an d'exercice parce qu'ils payaient deux fois la cotisation foncière des entreprises (CFE) et que les charges pour assurer ces consultations leur coûtaient deux fois plus cher que ce qu'elles leur rapportaient.

Il est donc important de faciliter la réglementation des cabinets secondaires, en supprimant notamment cette double taxation, ou au moins en faisant en sorte que cela ne coûte rien au médecin qui fait l'effort de se déplacer.

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Le plan relatif à l'accès territorial, présenté par M. le Premier ministre, évoque cette question du transport et de l'amélioration de l'accueil. Je conviens, cela dit, que la somme de 200 euros bruts qui est proposée est une somme symbolique.

Je vous repose la question : quelles mesures pouvons-nous mettre en place aujourd'hui pour répondre à l'urgence de la situation – sachant qu'il est hors de question, bien entendu, de prendre des mesures coercitives ? Que pensez-vous du conventionnement sélectif et du déconventionnement, en termes d'outils de régulation pour une occupation territoriale organisée ?

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Jean-Baptiste Bonnet, président de l'Intersyndicale nationale des internes (ISNI)

Je voudrais tout d'abord appuyer le propos de Maxence Pithon s'agissant du kit d'accueil, notamment par rapport à un travail en commun que nous menons sur les internats ruraux. Ce n'est pas tout de payer un logement à un stagiaire qui va être seul dans un endroit où il ne connaît personne. Une colocation avec, par exemple, un infirmer, un kinésithérapeute, un externe et un autre interne, quitte à faire un peu plus de route, lui permettra de passer un meilleur moment ; or il est important que les étudiants effectuent leur stage dans une bonne ambiance.

En fin d'année 2017, la question du conventionnement sélectif a été posée. Personnellement, si j'exerçais au centre de Paris et que l'on me menaçait de me déconventionner si je ne m'installais pas ailleurs, je serais extrêmement contrarié – sachant que dans certains endroits la consultation est à 75 euros.

Selon moi, une telle mesure entraînerait une explosion du secteur 3, à savoir le secteur déconventionné. Il existe toute une série de pratiques médicales pour laquelle il y a de la place actuellement pour pratiquer le déconventionnement ainsi que pour une certaine clientèle - j'emploie ce mot à dessein –, et ce dans les hôpitaux privés comme publics. Vous ne gagnerez rien à adopter une telle mesure, sauf de la défiance de notre part.

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Vous constatez tout de même avec nous que de moins en moins de médecins s'installent en secteur 1. Dans mon territoire, la consultation d'un ophtalmologiste est à 135 euros. C'est ça ou attendre dix-huit mois. Que font les gens ? Eh bien ils paient, même les personnes à faible revenu. Et le reste à charge augmente, tous les chiffres de l'assurance maladie le prouvent.

Alors que faisons-nous ? Nous parlons d'égalité de traitement dans l'ensemble du territoire, mais à Paris, à 200 mètres de l'Assemblée nationale, la consultation de certains phlébologues est à 500 euros. Même à Orléans, des spécialistes tarifient leur consultation de 180 à 250 euros ! Ce phénomène existe depuis longtemps et s'est même amplifié.

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Jean-Baptiste Bonnet, président de l'Intersyndicale nationale des internes (ISNI)

Je n'ai pas de chiffres à donner, mais quelques réalités peuvent être présentées au régulateur public qu'est la sécurité sociale. Typiquement, pour la chirurgie, il n'y a pas eu de revalorisation des actes – même des actes de base – depuis une éternité. De nombreux chirurgiens effectuent des assistanats et des « clinicats » pour avoir accès au secteur 2. Le remboursement de l'appendicectomie, par exemple, est de 130 euros environ. Et le matériel pour les prothèses de genou coûte bien plus cher que le remboursement de l'acte. Alors, certes, beaucoup de chirurgiens se mettent en secteur 2, mais c'est aussi parce que c'est le seul moyen pour eux d'être rentables.

Globalement, il n'est pas difficile de trouver des généralistes en secteur 1.

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Je voudrais revenir sur le CESP pour vous dire que le Conseil de l'Ordre des dentistes a demandé à récupérer les CESP de médecine qui ne sont pas pourvus.

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Jean-Baptiste Bonnet, président de l'Intersyndicale nationale des internes (ISNI)

Si les commissions CESP ne les attribuent pas tous…

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Ce que je vous demande, c'est si vous avez eu vent du fait que les étudiants en orthodontie seraient plus intéressés par les CESP que les étudiants en médecine ?

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Jean-Baptiste Bonnet, président de l'Intersyndicale nationale des internes (ISNI)

Pour l'instant, il ne s'agit que d'une demande, nous ne connaissons pas la réalité de terrain.

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Vous n'avez pas répondu à la question portant sur la création d'un nouveau statut des médecins non encore installés. Madame, avez-vous un avis sur cette question ? N'oubliez pas que nous avons à formuler des propositions pour le court terme !

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Vanessa Fortané, vice-présidente du Regroupement autonome des généralistes jeunes installés et remplaçants (ReAGJIR)

Quand le jeune médecin termine son salariat – l'internat est bien du salariat –, la question de la protection sociale est essentielle. Par exemple, accorder un congé de maternité à une femme médecin de plus de cinquante ans, biologiquement, cela ne sert à rien. En revanche, sécuriser l'exercice libéral et le début d'exercice des remplaçants en leur accordant un congé de maternité est essentiel. Il est anormal également que la couverture des accidents du travail soit optionnelle et que l'on subisse un délai de carence de 90 jours. Améliorer la protection sociale du jeune médecin est indispensable.

On peut évidemment salarier tous les médecins pour que tout le monde bénéficie de la même protection sociale, mais il ne faut pas sanctionner ceux qui prennent le risque d'exercer en libéral. Il suffit d'une jambe cassée pour que le jeune médecin ne puisse travailler, abandonnant une patientèle entière du jour au lendemain…

Peut-être conviendrait-il de mettre en place un pool de médecins salariés, qui s'engageraient à se déplacer dans tout le territoire, à la disposition des médecins ? ReAGJIR a produit un document sur ce sujet. Je pense qu'il convient, non pas de créer un nouveau statut, mais d'améliorer le statut actuel.

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La création d'un nouveau statut est nécessaire pour les médecins qui n'ont pas fini leur thèse et qui, de fait, n'ont pas le statut de médecin adjoint. La ministre Marisol Touraine avait accordé une dérogation dans un département, mais aujourd'hui de nouvelles dispositions fiscales sont en train de vous contraindre, puisque les services fiscaux n'ont rien trouvé de mieux que d'essayer de vous assujettir à la TVA, au motif que le médecin adjoint l'acquitte – nous sommes en train de régler ce problème. C'est tout Bercy ! Quand nous trouvons une solution, ils trouvent une nouvelle complexité.

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Vanessa Fortané, vice-présidente du Regroupement autonome des généralistes jeunes installés et remplaçants (ReAGJIR)

Je voudrais revenir sur le rôle des collectivités – je suis loin de la problématique du centre-ville de Paris – pour dire que leur intérêt est de mettre à la disposition des médecins des locaux à loyer raisonnable ; cela encouragera le secteur 1. Je parle des médecins généralistes, je ne maîtrise pas les frais des autres spécialistes.

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Toutes les collectivités sont prêtes à le faire.

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Vanessa Fortané, vice-présidente du Regroupement autonome des généralistes jeunes installés et remplaçants (ReAGJIR)

Qu'elles n'hésitent pas à communiquer sur ce sujet !

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Cela fait plusieurs fois que l'on nous parle de la protection sociale. Vous pourriez tenir le même discours pour le chef de clinique d'un hôpital, qui perd 30 % de son salaire quand il est en arrêt de maladie.

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Samuel Valero, vice-président de l'Association nationale des étudiants en médecine de France (ANEMF)

À l'hôpital, la problématique est encore différente, car il nous est carrément demandé, quand nous postulons pour le poste de chef de clinique, si nous souhaitons faire des enfants. Bien entendu, il vaut mieux répondre non…

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Samuel Valero, vice-président de l'Association nationale des étudiants en médecine de France (ANEMF)

Oui, mais elle existe dans tous les hôpitaux. Et si nous crions à la discrimination, notre carrière est entachée.

S'il est vrai que l'on constate une augmentation de la proportion de médecins en secteur 2 selon le rapport du Sénat – ou de la Cour des comptes, je ne sais plus –, les dépenses ne se sont pas accrues, malgré l'augmentation du nombre d'actes.

En ce qui concerne le déconventionnement, les médecins qui se déconventionneront continueront à pratiquer les mêmes tarifs, mais les patients seront remboursés de 3 euros seulement. Il s'agira alors d'une réelle rupture du contrat social entre la médecine libérale et la population, ce que ni vous ni nous ne souhaitons.

Concernant le statut et la protection sociale, il reste en effet beaucoup à faire. La profession se féminise, les risques augmentent et les protections sociales sont très archaïques.

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Il en va de même pour toutes les professions libérales. Cette question concerne la refonte des systèmes de retraite pour laquelle nous devons accepter des règles communes. D'ailleurs, si nous fusionnons les caisses des professions libérales, nous ferons de sérieuses économies de gestion – j'ai déjà publié ce type de propos et je pourrais vous fournir quelques informations en la matière.

Je reviens sur mon interrogation : que faire à court terme ?

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Maxence Pithon, président de l'Intersyndicale nationale autonome représentative des internes de médecine générale (ISNAR-IMG)

Malheureusement, il n'existe pas de solutions à court terme.

Cela été dit en propos liminaire, nous payons les politiques des années 1980. Nous devons donc bien faire attention à ce que les politiques que nous allons mettre en place ne soient pas délétères pour la future génération – médecins et patients.

Je souhaiterais revenir sur le conventionnement sélectif. Vous nous dites que vous ne prendrez pas de mesures coercitives. Pour moi, le conventionnement sélectif en est une. À partir du moment où l'on empêche un professionnel de s'installer dans le territoire de son choix…

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Non, ne souhaitons pas empêcher qui que ce soit de s'installer où il veut. Nous disons simplement que si certains médecins s'installent dans certains territoires, ils ne seront pas conventionnés.

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Maxence Pithon, président de l'Intersyndicale nationale autonome représentative des internes de médecine générale (ISNAR-IMG)

Un médecin pourra donc s'installer là où il le désire, mais ses patients ne seront remboursés que de 3 euros. C'est bien cela ?

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Cet entretien est intéressant, car il est sincère.

Toutes les autres professions médicales ont accepté des règles de conventionnement ainsi que des modifications de ces règles, et c'est heureux. Madame, vous l'avez dit, sans infirmières, kinésithérapeutes et autres, les médecins généralistes seraient encore plus en difficulté.

Vous avez raison quand vous dites que les mesures prises aujourd'hui toucheront la prochaine génération, mais nous devrons être également capables d'évoluer en fonction de la situation.

J'ai été impressionné par la faiblesse des propos du directeur de l'IRDES. Quand je lui ai demandé ce matin si l'Institut avait interrogé les ARS, il n'a pas été capable de me répondre. Ce n'est quand même pas compliqué, en 2018, de savoir qui s'installe et où dans un département !

Quel serait, selon vous, le système le plus intelligent et le moins coercitif à mettre en place ? Cette question dépasse les étiquettes politiques, car tout le monde souhaite le bien commun. Et vous, vous représentez l'avenir de la médecine française, qui est l'un des marqueurs de ce pays. C'est pourquoi je vous le dis avec franchise : quand je vois les médecins étrangers exercer en France alors qu'ils n'ont pas votre qualité de formation, je suis effondré. Je suis également effondré de constater que 60 % des médicaments génériques sont fabriqués en Inde et que 70 % des prothèses le sont dans des pays low cost. Enfin, alors que la France était leader en nanotechnologies et en biotechnologies, elle est en train de régresser !

Je vous parle avec un peu d'engagement, car je souhaiterais vraiment trouver une solution à la question de la désertification médicale. Or si vous êtes engagés, c'est bien parce que vous avez réalisé que des bêtises ont été commises par vos aînés et que vous ne souhaitez pas que l'on récidive. Je rappelle que la motivation du numerus clausus, décidé par des énarques, était le suivant : moins de médecins, moins de prescriptions. Voilà d'où on vient ! Et cela sans s'adapter aux gens, à la féminisation du métier, aux parcours de vie, à l'évolution des soins et des pratiques médicales.

Il y a trente ans, on craignait la concurrence. Aujourd'hui, le problème n'est pas le même : les clientèles ne valent plus rien. Nous sommes au fond du trou, nous avons besoin de vous.

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Maxence Pithon, président de l'Intersyndicale nationale autonome représentative des internes de médecine générale (ISNAR-IMG)

Je n'avais pas terminé mon propos concernant le conventionnement sélectif. Les raisons qui ont été évoquées nous confortent dans l'idée de la dangerosité de la mesure et de son inefficacité.

Vous avez évoqué les autres professions de santé. Dans le rapport publié par la DREES en mai 2016, il est indiqué que la répartition d'une profession régulée est la même que celle d'une profession non régulée – pharmaciens et médecins généralistes. Cela démontre que la médecine générale s'autorégule très bien.

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Maxence Pithon, président de l'Intersyndicale nationale autonome représentative des internes de médecine générale (ISNAR-IMG)

La cartographie des pharmacies d'officine et celle des cabinets de médecine générale sont superposables.

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Les cartes ne peuvent pas se superposer, puisque vous savez bien qu'une pharmacie ne peut être ouverte n'importe où – et les critères ont encore changé. Et, depuis trois ans, une pharmacie fait faillite chaque jour. Pourquoi ? Parce que le prix du médicament a beaucoup baissé.

D'ailleurs, nous avons auditionné le Conseil national de l'Ordre des pharmaciens concernant la délégation de tâches. Les pharmaciens sont en train de se lancer dans l'ouverture de cabinets de télémédecine – sujet que nous n'avons pas abordé aujourd'hui. En effet, ils savent prendre la tension, savent doser avec une bandelette le taux de sucre et d'albumine chez la femme enceinte, etc.

Pour les pharmaciens, la régulation est là, et je ne porte pas de jugement de valeur. Même à Paris, des pharmacies ont fermé pour des raisons de rentabilité.

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Maxence Pithon, président de l'Intersyndicale nationale autonome représentative des internes de médecine générale (ISNAR-IMG)

J'ai le rapport sous les yeux : les difficultés des pharmaciens sont superposables à celle des cabinets de médecine générale – à 2 % près. Ce qui démontre que la profession médicale s'autorégule très bien.

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Jean-Baptiste Bonnet, président de l'Intersyndicale nationale des internes (ISNI)

Je reste persuadé que vous pouvez obtenir des résultats en cinq ans, et ce sans aucune régulation. La régulation ne répondra pas, de toute façon, au manque de médecins.

Pour pallier le déficit, il faudra s'attaquer à de gros dossiers qui n'ont pas été ouverts depuis soixante ans, tels que les ordonnances Debré sur le CHU. C'est un préalable.

Il conviendra aussi de créer des statuts pour les coordonnateurs de soins – médecins ou soignants – qui parcourront les territoires pour relever tout ce qui s'y passe, pour déterminer qui est installé où, etc. – et ainsi, filière par filière, organiser les soins.

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Dans mon territoire, nous venons de signer un CPTS avec l'ARS après quatorze mois de pourparlers. C'est un travail que nous avons mené bénévolement, le soir, avec des professionnels ; un travail peu complexe au demeurant, mais qui demande de la disponibilité et du bénévolat.

Il est vrai que nous ne sommes pas assistés par les ARS, alors qu'assurer l'accès aux soins pour tous fait partie de leur mission. Elles ne sont pas capables, par exemple, d'inciter les médecins de CH à venir effectuer des consultations dans des sous-préfectures.

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Jean-Baptiste Bonnet, président de l'Intersyndicale nationale des internes (ISNI)

Vous parlez de bénévolat, mais si nous voulons une vraie coordination des soins, nous devrons payer des professionnels – qui ont une activité de soignants – pour qu'ils organisent le territoire, filière par filière – diabète, rhumatoïde, cancer de tel ou tel type. Les patients seront ainsi pris en charge dès la sortie d'hôpital grâce à cette organisation. C'est de cette façon que nous aurons une réponse : peut-être pas un médecin dans chaque village, donc, mais des soins pour tous.

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Je suis d'accord. Mais vous savez bien que, pour un tel projet, les professionnels doivent être impliqués dans des groupes de travail ; sinon, les décisions seront prises à leur insu.

C'est ce que nous avons réalisé dans mon territoire ; nous avons créé sept groupes et ensuite une personne rémunérée par la Mutualité sociale agricole (MSA) a fait le lien. Mais, pour arriver à un résultat, les bénévoles ont dû sacrifier un certain nombre de leurs soirées. Le coordinateur ne pourra pas faire le travail à la place des médecins, des infirmières ou des kinésithérapeutes.

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Jean-Baptiste Bonnet, président de l'Intersyndicale nationale des internes (ISNI)

Il est donc important qu'un médecin libéral dégage du temps pour cette mission – qui fait d'ailleurs partie de son travail.

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Mais il a besoin d'un remplaçant ; donc, comment faire ? C'est le chien qui se mord la queue ! On retarde la mise en place des CPTS parce qu'on n'arrive pas à dégager pour les médecins le temps dont ils sont besoin.

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Jean-Baptiste Bonnet, président de l'Intersyndicale nationale des internes (ISNI)

Je ne suis pas convaincu que l'on ne puisse pas dégager quelques heures pour un médecin, toute question de rémunération mise à part.

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Benoît Blaise, représentant du Syndicat national des jeunes médecins généralistes (SNJMG)

Une étude, de 2009 me semble-t-il, démontrait que, grâce aux assistants médicaux, il était possible de dégager, sur une semaine de 55 heures d'un médecin généraliste, 6,4 heures.

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Oui, mais quand le DMP sera complet et que toutes les numérisations et transmissions existeront.

Par ailleurs, nous avons encore un problème de puissance publique – mais qui ne vous concerne pas : nous nous battons pour installer la fibre dans tout le territoire.

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Samuel Valero, vice-président de l'Association nationale des étudiants en médecine de France (ANEMF)

Je voudrais revenir sur vos propos et sur l'échec des ARS à envoyer un médecin d'un CHU vers un CH périphérique. Si ces médecins n'appartiennent pas au même groupement hospitalier de territoire (GHT), ils ne participent pas au même compte, de sorte qu'ils se livrent une concurrence. Même si vous obligez un médecin de CHU à donner des consultations en CH, le directeur du CHU refusera de le détacher, puisqu'il ne produira pas d'activité pour lui.

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Et à l'intérieur d'un même GHT, certains médecins refusent de se déplacer au motif qu'ils sont fonctionnaires et que ce n'est pas prévu dans leur statut.

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Jean-Baptiste Bonnet, président de l'Intersyndicale nationale des internes (ISNI)

Et du coup, on l'impose aux jeunes.

Nous avons abordé cette discussion avec les syndicats séniors de praticiens hospitaliers qui souhaitent que le détachement soit instauré sur la base du volontariat. Je leur ai répondu que la notion de volontariat n'existait pas pour les jeunes médecins.

Je ne sais pas s'il faut taper du poing sur la table ou si les praticiens hospitaliers attendent simplement des garanties.

Je viens d'un territoire où nous avons la chance d'avoir deux CHU, dont l'un - Nîmes – est pourvu d'un service d'endocrinologie qui a réalisé ce travail-là. Tous les praticiens vont, une journée par semaine ou tous les quinze jours, consulter dans les CH périphériques. Le fait est que cela marche. Un véritable réseau de soins a été créé et les gens se connaissent. De sorte que, j'avais l'impression de faire partie d'une équipe départementale.

Par ailleurs, être interne dans un tel service de CHU est une grande chance : les médecins nous envoient les plus beaux cas, les CH peuvent se décharger quand ils ne contrôlent plus la situation et nous, nous pouvons renvoyer le patient quand le problème est réglé.

Cet exemple démontre bien que cela marche, simplement tous les acteurs doivent s'investir. Mais c'est peut-être le défi d'aujourd'hui.

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Je vous remercie de votre contribution. Je terminerai en disant à M. Pithon qu'il m'est impossible d'écrire dans le rapport que la profession médicale « s'autorégule bien » !

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Madame, messieurs, nous vous remercions.

L'audition se termine à seize heures trente.

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Membres présents ou excusés

Réunion du mercredi 25 avril 2018 à 14 h 00

Présents. – M. Jean-Pierre Cubertafon, M. Alexandre Feschi, Mme Mireille Robert, M. Philippe Vigier.

Excusés. – Mme Gisèle Biémouret, Mme Jacqueline Dubois, M. Jean-Paul Dufrègne, Mme Emmanuelle Fontaine-Domeizel, M. Jean-Michel Jacques, M. Bernard Perrut, Mme Stéphanie Rist, M. Jean-Louis Touraine