La réunion

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Jeudi 19 avril 2018

La séance est ouverte à dix heures quarante.

Présidence de M. Alexandre Freschi, président de la commission d'enquête

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Mes chers collègues, nous allons procéder à l'audition commune de la Société française de télémédecine (SFT), représentée par son président, M. Thierry Moulin, et du Haut Conseil français de la télésanté représenté par sa présidente Mme Ghislaine Alajouanine, qui est accompagnée du docteur Patrice Cristofini, président du club « e-santé » du Centre d'étude et de prospective stratégique (CEPS), ainsi que du docteur Line Kleinebreil, présidente de l'Université numérique francophone mondiale (UNFM), tous deux également membres du Haut Conseil français de télésanté. Je vous remercie d'avoir bien voulu répondre à notre invitation à participer à cette audition commune.

Je vous informe que nous avons décidé de rendre publiques nos auditions et que, par conséquent, celles-ci sont ouvertes à la presse et rediffusées en direct sur un canal de télévision interne, puis consultables en vidéo sur le site Internet de l'Assemblée nationale.

Je vous rappelle que l'article 6 de l'ordonnance du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires impose aux personnes auditionnées par une commission d'enquête de prêter serment de dire la vérité, toute la vérité, rien que la vérité. Je vous invite donc à lever la main droite et à dire « Je le jure ».

M. Thierry Moulin, Mme Ghislaine Alajouanine, Mme Line Kleinebreil et M. Patrice Cristofini prêtent successivement serment.

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Thierry Moulin, président de la Société française de télémédecine

Je vous remercie pour cette invitation. Je suis docteur en médecine, professeur en neurologie. J'exerce au centre hospitalier universitaire (CHU) de Besançon et je suis actuellement président élu et en exercice de la Société française de télémédecine. Je suis, par ailleurs, doyen de l'unité de formation et de recherche (UFR) de médecine à Besançon. La Société française de télémédecine est une association pluridisciplinaire qui agit au nom des sociétés savantes – dix-neuf à ce jour – de diverses disciplines médicales, paramédicales, maïeutiques, pharmaceutiques, etc. Elle s'intéresse aussi à l'ingénierie des technologies et, surtout, met l'accent sur les sciences humaines, c'est-à-dire les aspects éthiques, philosophiques, sociologiques, juridiques et économiques liés à la pratique de la santé numérique. La santé numérique aura un rôle majeur à jouer pour faire progresser la diffusion des connaissances et la standardisation des pratiques.

Pour nous, Société française de télémédecine, le changement de paradigme est lié non seulement au numérique, mais aussi à la répartition inégalitaire des professionnels de santé sur le territoire national. Aussi s'agit-il de réorganiser l'offre de soins et les organisations professionnelles au service des usagers. Depuis les lois Kouchner, le patient est au centre du dispositif et l'ensemble des éléments doit concourir à cette prise en charge. Notre objectif vise à faire en sorte que le numérique favorise la chaîne de solidarité autour du patient.

Comme l'a souligné la stratégie nationale de santé, il faut également agir sur les préventions – primaire, secondaire, tertiaire et quaternaire – et sur l'aide à nos concitoyens. Il faut le faire là où ils sont et là où ils désirent vivre. Dans ce contexte, il est très important de bien définir les déserts médicaux. Ils se caractérisent à la fois par une mauvaise répartition des professionnels sur le territoire, mais aussi et surtout par la difficulté à répondre à l'immédiateté du besoin, ce qui impose une réponse coordonnée permettant une prise en charge. L'indisponibilité sur le terrain doit être graduée. Il arrive aussi que nous ayons accès à un certain nombre de professionnels de santé, mais pas à une certaine expertise. Il sera important de répondre à ce sentiment de nécessité d'avoir accès à l'expertise.

La santé connectée et la télémédecine, puisque les deux sont liées, doivent nous aider en prévention primaire avec les objets connectés, lesquels doivent favoriser le bien-être. Le législateur doit s'assurer qu'ils répondent à des règles totalement claires quant à la fiabilité et la sécurité des usages. Cela impose un effort de labellisation.

La réponse à l'immédiateté du besoin pourra venir de l'accès au téléconseil, qui a un rôle à jouer dans la prévention primaire, mais aussi de la télésurveillance, avec une organisation professionnelle permettant des transferts de compétences, ou encore de la télé-expertise, qui met en lien les différents types de professionnels – médecins généralistes ou spécialistes. Les groupements hospitaliers de territoire (GHT) en sont le modèle, au niveau hospitalier. Il faut pouvoir le construire avec les maisons de santé pluriprofessionnelles (MSP), voire les officines pharmaceutiques afin de le déployer sur le territoire libéral. Dans ce cadre, en effet, le téléconseil permettra de désengorger l'accès aux urgences. D'autres mesures peuvent aussi être citées, comme le regroupement, le numerus clausus et la meilleure définition d'un parcours de soins, en sortant de la rémunération à l'acte. Des plateformes territoriales de téléconseil pourraient être montées, afin de ne pas relever de la seule responsabilité d'administrateurs privés, au risque d'entraîner une part d'« ubérisation » contre laquelle il faut lutter.

Réviser le cadre réglementaire nous paraît important, en particulier le décret relatif à la télémédecine. Il s'agirait de réécrire ce cinquième acte qu'est le téléconseil, aujourd'hui limité à la régulation médicale du « 15 », mais aussi de libéraliser l'accès des organisations en dehors de contrats sous l'égide des agences régionales de santé (ARS).

Nous ne supprimerons pas les déserts médicaux par le seul recours à des outils, en l'absence de professionnels. Aussi faudra-t-il travailler sur la réorganisation territoriale des professionnels de santé. D'une part, il faudrait agir sur le numerus clausus qui est aujourd'hui obsolète, pour plutôt retenir un numerus apertus. Ce plancher serait ajusté en fonction des besoins et des possibilités territoriales de formation. C'est très important, car si vous ne formez pas localement, vous continuerez à favoriser l'évasion et l'ubérisation. D'autant que la contrainte réglementaire et les incitations financières ont montré leurs limites. D'autre part, il importe de former tous les professionnels. La transversalisation de la formation des professionnels de santé au sein des universités de santé est un enjeu très important, en particulier pour les pratiques avancées.

Pour conclure ce bref exposé, j'indiquerai que nous souhaitons pouvoir favoriser le changement d'organisation que le nouveau paradigme nous impose, en l'étayant par les outils du numérique. Non seulement ceux-ci engloberont les professionnels de santé dédiés tels que nous les connaissons, mais ils favoriseront aussi de nouveaux métiers aux interfaces avec les ingénieries à destination des professionnels de santé. Parce que, finalement, la technique de la télémédecine lie surtout des hommes et des femmes qui ont besoin de rapports humains.

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Ghislaine Alajouanine, présidente du Haut Conseil français de la télésanté

Je préside le Haut Conseil français de la télésanté. J'ai présidé la Fondation pour la recherche médicale et je suis la vice-présidente de la Société française des technologies pour l'autonomie et de gérontechnologie (SFTAG), sorte de société savante de la silver economy. Je suis accompagnée du docteur Line Kleinebreil, médecin et mathématicienne auprès de l'Organisation mondiale de la santé (OMS), présidente de l'Université numérique francophone mondiale (UNFM), et par un autre membre du Haut Conseil, le docteur Patrice Cristofini, médecin hospitalier avec une très grande expérience industrielle.

Je souhaite tout d'abord préciser que nous nous inscrivons pleinement dans la lignée du professeur Thierry Moulin. Nous complèterons donc simplement ses propos par des éléments sur la télésanté.

Une nouvelle ère liant numérique et santé s'ouvre devant nous, avec une formidable accélération, mais aussi une nouvelle société – celle du vieillissement. Depuis fin 2015, un plus grand nombre de personnes entre dans les soixante ans que dans les vingt ans. Un senior naît toutes les trente-sept secondes, un junior toutes les quarante-deux secondes. L'apport des nouvelles technologies implique, avec le changement qu'il induit, une transformation dans l'industrie, mais aussi de nouveaux usages, notamment dans le secteur des services, en particulier les services à la personne. C'est une véritable révolution du soin. J'emploie « révolution » au sens de revolvere, c'est-à-dire « retournement ». D'autres diront « rupture » ou même « disruption ». Je préfère signifier qu'il s'agit d'une mutation, d'une métamorphose.

Ce nouveau paradigme nous oblige, si nous voulons avancer, à nous adapter avec des refontes, une reconstruction structurelle à partir des valeurs fondamentales. Soit une idée centrale, avec une ingénierie globale pour effacer les déserts médicaux et sociaux : osons cette révolution pour nos territoires. Cela requiert d'ouvrir un grand chantier à part entière pour la télésanté, qu'il s'agit de déployer au service d'une santé et d'un parcours de soins équitable pour un mieux-vivre et un bien-vieillir de tous nos concitoyens, avec une mise en oeuvre, une mise en ouvrage et une force d'intervention et d'appui à la télésanté. Fiat ! Il faut faire ! Il faut que cela soit ! L'enjeu est de pouvoir, entre autres, répondre à tous et n'importe où à la question angoissante « Qu'ai-je ? » pour le patient, à la question « Que puis-je faire dans ce cas-là ? » pour le praticien. Il s'agit également de permettre à chacun de rester dans le lieu qu'il a choisi, aussi longtemps et dans d'aussi bonnes conditions que possible.

C'est un choix de société. Notre pays le peut et le mérite, en conjuguant notre excellence médicale, notre bienveillance sociale et notre incomparable capacité d'innovation technologique. Une grande avancée technologie, quand elle s'accompagne d'une forte volonté politique, permet une transformation radicale de société. Rappelez-vous l'électricité, le Concorde, le TGV, le spatial. Et pourquoi pas un égal accès aux soins, en permettant le désenclavement des zones isolées et en abolissant les distances ? Cet effet de rapprochement des hommes accélérera la modernité et permettra un mieux-être. C'est donc un enjeu sociétal et économique qui nous concerne tous et se situe au-dessus des clivages politiques.

Il faut aussi répondre à la troisième dimension du développement durable, celle du social, du sociétal. Santé, solidarité, sécurité : ces règles claires correspondent à une démarche de haute sécurité santé (HS2). La labellisation doit être centrée sur la personne. Sortons du « tout hôpital ». Revenons à la personne. Essayons de résoudre ses problèmes, afin de protéger son capital santé. Les dernières politiques publiques sont insuffisantes, mais elles vont dans le bon sens, avec le dispositif d'appui à la coordination et les plateformes territoriales d'appui (PTA). Les statistiques sont connues. La cartographie des déserts médicaux et sociaux est parfaitement identifiée par l'Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE). Ce sont d'ailleurs les mêmes que les déserts de patients, avec le cas particulier des zones urbaines sensibles. Depuis des années, de nombreux rapports font ressortir les préconisations nécessaires et les outils qui permettraient d'améliorer cette situation désastreuse. La Cour des comptes s'est même prononcée sur le sujet. Elle cite notamment « des initiatives hétérogènes aboutissant à des résultats modestes ». Le Conseil économique, social et environnemental (CESE), qui a auditionné de nombreux experts, a adopté l'ensemble du projet d'avis sur les déserts médicaux en décembre 2017, par 131 voix sur 167. Il y a donc consensus. La maison brûle !

La boîte à outils est presque complète, avec le pacte territoire santé, les contrats d'engagement de service public (CESP), les praticiens territoriaux de médecine générale (PTMG), les stages autonomes en soins primaires ambulatoires supervisés (SASPAS) ou encore les médecins correspondants du service d'aide médicale urgente (SAMU). La note que je vous ai transmise les détaille. Mais aucune situation n'est semblable. Aucun endroit ne se ressemble. C'est une mosaïque. Il faut une coordination globale, une couverture numérique minimale, de la continuité et de l'efficience des réseaux, de l'interopérabilité, une base de la protection des données, un cadre tarifaire valable, une constante adaptabilité et de l'évaluation. L'enjeu est dans la mise en oeuvre : qui, quand, comment, pourquoi.

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Je vous propose de conclure votre intervention, car nous avons beaucoup de questions à vous poser.

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Ghislaine Alajouanine, présidente du Haut Conseil français de la télésanté

La télésanté n'est pas la panacée. Rien ne remplacera l'examen clinique, l'empathie. Mais elle deviendra indispensable. La télémédecine-télésanté en in, d'hôpitaux à hôpitaux, est en voie de généralisation. En revanche, la télémédecine-télésanté en out dans les foyers, le dernier kilomètre, le rural et les zones sensibles est en stagnation, et depuis des années. À vous de jouer !

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Je vous remercie tous les deux pour votre vision et votre engagement. Vous avez prononcé des mots forts : « santé », « sécurité », « solidarité ». Vous avez insisté sur la notion d'égal accès aux soins sur tout le territoire. C'est un enjeu qui nous anime. Je serai très synthétique. Vous l'avez indiqué, il faut une forte volonté politique. Nous savons qu'une nomenclature est en négociation. Je crois qu'il faut éclairer la représentation nationale sur les actes qui peuvent être accomplis en télémédecine et ceux qui ne le peuvent pas encore, sur la desserte numérique et sur la coordination. Il ne s'agit pas de voir fleurir des initiatives non coordonnées, qui deviendraient facteurs d'hétérogénéité et d'inégalité de prise en charge. Je vous invite à répondre à ces points.

C'est à ce même bureau qu'en 2010, le premier amendement sur la télémédecine est passé. C'est une proposition de loi que j'avais déposée à l'époque. Je suis ravi que nous puissions avancer. Je vous félicite de le faire avec autant de professionnalisme.

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Thierry Moulin, président de la Société française de télémédecine

J'ajouterai le mot-clé de « formation ».

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Ghislaine Alajouanine, présidente du Haut Conseil français de la télésanté

Et la notion de transfert des tâches. Il faut un plan quinquennal en H2S, avec une structuration, un chantier, en sachant où l'on va et avec un calendrier clair. Cela impose une ingénierie globale. Il ne s'agit pas de changer les institutions, mais d'en monter des parallèles. D'où ce que j'avais proposé en 2009, puis en 2013 lors d'une audition au Sénat. J'ai ressorti le schéma d'une force d'intervention étatique pour la santé. Il faut y aller, maintenant ! Il faut du temps, un plan quinquennal avec des tâches, un calendrier et une évaluation. L'objectif est de répondre, sur le terrain, aux questions posées par ceux qui y vivent.

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Qui pilote ce plan national ? Les ARS font des appels à expérimentation. Mais c'est très hétérogène. Dans ma région, par exemple, le plan de télémédecine sera lancé à Tours, là où il y a le moins de désertification médicale. Cela n'a pas de sens.

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Ghislaine Alajouanine, présidente du Haut Conseil français de la télésanté

Vous avez parfaitement raison. Il faut qu'il y ait une agence, un haut-commissaire, c'est-à-dire une mission dans un bref délai, pour stimuler la mise en oeuvre. C'est le cas dans tous les autres pays. Je ferai le parallèle avec la parité : il arrive un moment où il faut des lois pour que les choses avancent plus vite. Nous sommes à peu près dans la même situation, avec les déserts médicaux.

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Pouvez-vous répondre à la question sur la nomenclature ?

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Thierry Moulin, président de la Société française de télémédecine

Il faut, aux deux bouts de la chaîne, un pilote et des effecteurs.

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Les communautés professionnelles territoriales de santé peuvent-elles être un relais territorial ? Elles présentent l'avantage de réunir l'ensemble des professionnels de santé, les pratiques, la formation, la prise en charge, l'accès aux soins. Je rappelle qu'elles conventionnent avec les ARS. La mise en oeuvre ne peut-elle se faire avec elles ?

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Thierry Moulin, président de la Société française de télémédecine

Il faudra inscrire les actes dans les fondements mêmes de l'assurance maladie, afin qu'ils soient identifiés. Aujourd'hui, l'on considère que c'est en routine dans les hôpitaux. Mais ce n'est pas le cas. Aucune évaluation ne permet d'indiquer qu'un groupement homogène de séjour (GHS), par exemple, a été fait avec l'aide de la télémédecine. Dès lors que cet indicateur de qualité n'existe pas, les professionnels ne s'en saisissent pas et les directeurs d'hôpitaux non plus. Il importe que les usagers disposent des pièces du puzzle pour pouvoir identifier les actes concernés. Sans une organisation qui permette de tracer, de compter et d'évaluer, cette mécanique ne se mettra pas en place.

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Ma question concernera la formation et les glissements de tâches que vous avez évoqués. La télémédecine apportera quelque chose de nouveau et permettra de faire barrage aux difficultés que nous rencontrons en raison du manque de médecins. Les opérateurs qui utiliseront la télémédecine pourront exercer différents métiers de la santé, mais ils devront tous avoir une formation adaptée. Je pense qu'il y aura des possibilités de glissement de tâches. Vous l'avez d'ailleurs évoqué. Quelle est votre proposition dans ce domaine, en termes de formation ?

Par ailleurs, l'intelligence artificielle (IA), qui monte en puissance, est-elle abordée dans la télémédecine ?

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Thierry Moulin, président de la Société française de télémédecine

Il faut inscrire la formation dans les bonnes pratiques cliniques (BPC), avec une action forte. Tous les professionnels doivent en bénéficier. Il s'agit d'investir des masses financières qui soient en conséquence. Une réserve, toutefois : il importe que les organismes formateurs soient certifiés. Nous voyons fleurir des officines qui font de la télémédecine depuis quinze ans, sans aucun background. Il faut y faire attention. L'un des moyens consiste à contractualiser avec les universités et à mettre en place des organisations avec des liens. C'est ce que nous avons fait à la SFT, puisque nous avons contractualisé avec sept universités.

L'intelligence artificielle, en l'occurrence algorithmique, apportera certainement une aide dans le cadre de l'association avec la télémédecine. En effet, elle permettra de faire des traitements semi-automatiques qui faciliteront le diagnostic. J'identifie, toutefois, un point de vigilance : les données sont une valeur, comme le sang ou les organes. Le don des données que font les usagers de la santé, que nous faisons tous, a une valeur. Il faut donc se montrer extrêmement attentif à leur sécurisation et vérifier qu'elles restent sur le territoire national et sont exploitées au service de nos usagers.

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Ghislaine Alajouanine, présidente du Haut Conseil français de la télésanté

Nous préconisons une démarche en haute sécurité santé, c'est-à-dire une démarche de développement durable – santé, solidarité, sécurité – avec une certification par un tiers de confiance de type APAVE.

Pour ce qui est de l'IA, si vous le voulez bien, je propose de céder la parole au docteur Cristofini.

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Patrice Cristofini, président du club « e-santé » du CEPS

Je partage ce qui vient d'être dit sur la formation. Une première proposition concrète viserait à prévoir un minimum d'heures d'enseignement dans toutes les professions de santé. Pour réussir la télésanté, nous devons marier l'usage et les technologies. La deuxième proposition est très concrète elle aussi. Les étudiants en médecine effectuent des stages d'internat. La French Tech santé est enviée dans le monde entier. Je peux en témoigner car j'ai une expérience à l'international. Pourquoi ne pas créer un stage de six mois dans les French Tech pour les professionnels de santé ? Il s'agit d'allier usage du numérique sur des applications avec le métier.

Concernant l'IA, j'identifie trois grands enjeux. Première condition de réussite, pointée par le rapport Villani, il faut des super-calculateurs. Il existe un acteur en Europe mais pour le reste, le marché est dominé par les Américains et les Chinois. Deuxième condition de succès, il faut des bases de données avec des données utilisables. Malheureusement, les grandes bases de données sont américaines ou chinoises. En France, nous en avons, mais elles ne communiquent pas entre elles et elles sont fragmentées. La troisième condition concerne les développeurs d'algorithmes. En l'occurrence, si la France n'a pas de GAFA ni de BATX – Baidu, Alibaba, Tencent et Xiaomi –, nos développeurs sont enviés dans le monde entier pour leurs connaissances mathématiques.

Il est certain que la nouvelle révolution digitale passera par l'IA. Il y aura donc de nouveaux métiers et des transferts de tâches. D'où l'importance de la formation.

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Ghislaine Alajouanine, présidente du Haut Conseil français de la télésanté

Si vous le voulez bien, je vous propose aussi d'entendre le docteur Line Kleinebreil, qui travaille auprès de l'OMS et de l'Union internationale des télécommunications (UIT).

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Line Kleinebreil, présidente de l'Université numérique francophone mondiale

Je vous remercie de me donner la parole. Je serai brève. L'excellence française n'est pas suffisamment présente et valorisée dans les instances internationales. Les Nations unies ont donné mandat à deux de leurs agences : l'OMS et l'UIT. Ces deux agences ont pour mission de travailler ensemble et depuis quatre ans, elles ont lancé le chantier d'un programme intitulé Be Healthy, Be Mobile, qui consiste à utiliser le numérique dans certains pays pilotes, à grande échelle, pour combattre et contenir les maladies chroniques – qu'elles soient issues de pays développés ou de pays en développement. Parmi les pays pilotes qui bénéficient de cette expertise et de cet accompagnement figurent aussi bien la Norvège, confrontée au problème du vieillissement et à celui des déserts médicaux liés aux distances, que l'Inde, qui ne manque pas de technologies. Le seul pays francophone sur les neuf concernés est le Sénégal, que j'accompagne. Ces deux agences aident les pays à développer leur plan stratégique du numérique. Je voudrais vraiment faire passer le message selon lequel il y a une place pour nos autorités françaises, qui pourraient rejoindre ce programme au titre de la quarantaine de pays observateurs qui participent aux commissions et donnent leur avis. Il faut absolument que la France y entre.

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Vous évoquiez, professeur Moulin, le risque d'ubérisation de la santé avec la télémédecine. Comment ne pas la redouter, en effet ? Comment ne pas redouter une monétisation de la télémédecine lorsque nous sommes confrontés aux assurances complémentaires ou aux mutuelles qui lancent des plateformes en ligne ? Qu'en pensez-vous ?

Ma deuxième question s'adresse à Mme Alajouanine et a trait aux secteurs ruraux où de nombreuses personnes vivent isolées. Dans le dernier kilomètre, comment rassurer les patients qui ont des problèmes cardiaques importants, ou les femmes avec des grossesses à risque ? À un moment donné, la télémédecine et le télé-conseil trouvent leurs limites. Quel est votre avis sur ce sujet, auquel vous avez nécessairement déjà pensé ?

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Thierry Moulin, président de la Société française de télémédecine

Concernant l'ubérisation, le problème n'est pas vraiment celui des plateformes privées et assurantielles, puisque la prise en charge du cinquième risque peut être pour partie privée et pour partie publique. Il concerne davantage la répartition de ces quotités, que la définition de ce qui est fait. Actuellement, par exemple, il arrive que du télé-conseil soit présenté comme de la téléconsultation. Nous avons besoin, réglementairement, d'ajuster les choses pour permettre que chaque usage soit parfaitement défini et que chaque financement soit déclaré. Le « 15 », qui est une plateforme de téléconseil et d'urgence, est financé par l'assurance maladie. Je n'ai pas de dogme sur les modalités de financement. Il faut voir ce que nous sommes en mesure de financer. Mais il ne faut pas se tromper d'usage, il faut vérifier les diplômes et contrôler les lieux d'implantation des plateformes.

Je voudrais juste ajouter un point sur la formation.Depuis 2012, il faut former les professionnels par la simulation. La télémédecine a tout à fait sa place dans ce cadre. Mais les facultés de médecine, les facultés de santé et les UFR de santé n'ont pas les moyens d'organiser des plateaux de simulation corrects. Je connais très bien le sujet, et je puis vous dire que sur le territoire national, il existe une très grande hétérogénéité. Une action très concrète doit être menée dans ce domaine.

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Ghislaine Alajouanine, présidente du Haut Conseil français de la télésanté

Je suis née dans la Creuse et ma vocation en télémédecine et en télésanté est venue du fait que nous étions isolés. Nous étions loin de tout. Hier, j'ai appelé la cadre de santé de l'établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) de Chambon-sur-Voueize, où je suis née, pour lui demander où elle en était avec la télémédecine. Elle m'a répondu que l'installation d'un chariot avait permis d'économiser, pour son établissement de 82 lits, au moins une vingtaine de grosses hospitalisations en dermatologie, en cardiologie et en angiologie, soit l'équivalent de 100 000 euros. Je crois que c'est cela, la réponse. Outre le gain économique, extraordinaire, la HS2 permet aux personnes de rester chez elles le plus longtemps possible, dans les meilleures conditions possible. Sachez qu'en télé-prévention, un investissement de dix mille euros pour équiper un logement en adéquation avec la perte d'autonomie permet aux personnes de rester cinq ans de plus chez elles en moyenne. Là encore, le gain économique est réel, doublé d'un gain lié à la proximité.

Le problème n'est plus la technologie mais celui de la ressource humaine. Il s'agit aussi de problèmes d'ingénierie globale : transport, territoire, énergie. C'est un tout. C'est la raison pour laquelle nous appelons un grand chantier d'ingénierie globale. Vingt-sept ministères sont concernés.

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Très bien. Je vous demanderai de faire des réponses un peu plus courtes, s'il vous plaît.

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Je dirai un mot rapide des sujets scientifiques, pour en venir à la question des usages. L'Assemblée nationale est particulièrement sensible aux sujets scientifiques, en particulier celui des objets connectés. J'ai eu la chance de rédiger la première note sur les objets connectés, avec Cédric Villani. Nous avons pris l'exemple de la télémédecine à travers les cabines de santé. La conclusion est similaire à celle que vous venez d'évoquer. Tout d'abord, il faudrait déjà qu'il y ait un accès numérique partout. À défaut, la télémédecine, qui requiert des débits élevés, ne fonctionne pas. Ensuite, il s'agit d'assurer la protection des données. Je voudrais nous inviter collectivement à ne pas « réinventer le fil à couper le beurre ». Un laboratoire de l'École nationale de la statistique et de l'administration économique (ENSAE), le centre de recherche en économie et statistique (CREST), fournit déjà des boîtiers sécurisés pour toutes les analyses de politiques publiques en France et en Europe. Nous savons donc comme faire pour sécuriser les données avec ces fameux boîtiers. Des choses existent. Vous l'avez dit, le problème n'est pas celui de la technologie, mais celui des usages, de manière générale. J'entends votre proposition sur l'adaptation des logements, qui permettront d'économiser. Mais en matière de télémédecine, quel est le niveau d'acceptabilité des Français ? Ce sujet est compliqué.

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Thierry Moulin, président de la Société française de télémédecine

Plus vous coconstruisez le programme avec les organisations professionnelles, programme dans lequel les usagers sont partie prenante, plus l'adhésion est au rendez-vous. La question est de savoir comment nous parviendrons à changer l'organisation des pratiques et à modifier le rendu auprès des patients. Cela passe toujours par la formation, la transparence et la sécurisation. La pédagogie de la répétition a toute son importance, de même que la simplification des outils. Affirmer « il y a un outil, utilisez-le » est la voie de l'échec. Il importe de demander aux usagers quels sont leurs besoins. La télémédecine ne remplace pas le face-à-face, mais s'y intègre. Il importera donc de proposer l'usage de la télémédecine dans ce cadre.

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Ghislaine Alajouanine, présidente du Haut Conseil français de la télésanté

Enlevez la télémédecine, vous constaterez le mécontentement !

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Dans le cas des cabines de santé, qui peuvent être une solution dans certains territoires, il s'agira probablement de rassurer les populations en précisant que l'interface sera assurée par une personne – le pharmacien, un assistant médical, etc. Ne laissons pas penser qu'une cabine de santé fonctionnera toute seule. Il y aura nécessairement une interface humaine.

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Thierry Moulin, président de la Société française de télémédecine

C'est le rôle du pharmacien, en effet.

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Profitons du maillage des pharmacies d'officine sur notre territoire.

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Ghislaine Alajouanine, présidente du Haut Conseil français de la télésanté

Absolument. Aujourd'hui, une personne sur dix doit faire face à la dépendance d'un de ses proches. C'est un véritable problème. Là aussi, la maison brûle. Il faut trouver des solutions qui ne coûtent pas cher. Une cabine, c'est cher. Maintenant, il existe des chariots dont le coût est inférieur à cinq mille euros. Il existe aussi des tablettes. Même dans les situations de précarité, nous pourrons amener la télémédecine.

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Vendredi dernier, je me suis rendu dans le Périgord vert, dans un établissement d'hébergement avec un service de télémédecine. La directrice m'a parlé d'une dame de cent deux ans qui souffrait d'importants problèmes dermatologiques dont elle aurait pu mourir, et qui refusait d'aller voir un spécialiste. Grâce à la télémédecine, elle a aujourd'hui cent quatre ans. La télémédecine lui a permis d'être soignée.

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Ainsi que vous l'avez mentionné les uns et les autres, il faut que nous disposions d'une sorte de modèle standard de plateforme, pour que la qualité soit au rendez-vous. Nous pensons à l'urgence de la situation et à l'amélioration de la prise en charge de nos compatriotes. Serions-nous capables, au nom d'une stratégie nationale à cinq ans, d'affirmer qu'au 1er janvier 2019, dix ou quinze plateformes seront susceptibles de fonctionner ? Cela exige de disposer d'une liste des actes, d'une nomenclature appropriée, et d'hommes et de femmes en capacité de bien faire ce travail. Sommes-nous capables d'arrêter rapidement un programme pluriannuel avec ces critères ?

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Thierry Moulin, président de la Société française de télémédecine

Oui.

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Ghislaine Alajouanine, présidente du Haut Conseil français de la télésanté

Oui, s'il y a un pilote dans l'avion.

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Il faudrait que vous transmettiez à la commission d'enquête la liste des actes et la nomenclature attendue. J'ai entendu parler d'actes de radiologie dédiés dont l'interprétation était facturée entre douze et quinze euros, sur une plateforme de Bordeaux. J'ignore si des radiologues accepteront de lire des images de radiologie fine. Il faudrait éclairer nos collègues, puis les ministères, sur ce qui peut être fait. Il ne faut pas que nous restions dans une nébuleuse, mais que nous agissions de façon scientifique.

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Thierry Moulin, président de la Société française de télémédecine

Concernant l'acte de radiologie, c'est assez simple. En télémédecine, l'acte technique est fait sur site et l'acte intellectuel peut être fait à distance. Les outils existent déjà, dans la nomenclature. Lorsqu'ils n'existent pas, notamment lorsqu'il y a une organisation graduée entre établissements, aucun GHS ne mentionne qu'il été réalisé ou fiabilisé avec la télémédecine. La lettre clé du « T » de télémédecine n'existe pas pour fiabiliser les organisations. À chaque fois qu'un acte technique pourra être distingué d'un acte intellectuel, cela fonctionnera. Il est inutile de réinventer la roue. En revanche, il faut qu'un pilote vérifie et que les ARS puissent influer un certain nombre de paramètres.

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Dans ma région, la personne en charge du développement numérique est totalement incompétente. C'est la raison pour laquelle je revenais tout à l'heure à cette question simple : quelle modélisation ? Il faut un standard. Vous avez parlé d'un simulateur. C'est une excellente idée. Comment cela se passe-t-il dans l'aéronautique ? Comment forme-t-on les pilotes ?

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Ghislaine Alajouanine, présidente du Haut Conseil français de la télésanté

Vous avez parfaitement raison, il faut de la formation. Et il faut aussi une agence en charge de son organisation..

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Patrice Cristofini, président du club « e-santé » du CEPS

Si la maîtrise d'ouvrage des projets n'est pas claire, si elle ne colle pas au processus de soin, la maîtrise d'oeuvre ne peut pas délivrer.

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Vous avez bien éclairé nos collègues quant à la nécessité d'un cadre fonctionnel opérationnel, reposant tant sur les actes que sur une nomenclature et sur des ressources. Avez-vous évalué les ressources potentielles interprofessionnelles ou multidisciplinaires ? Un adossement au Centre 15 est-il possible ? Est-il souhaitable ?

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Ghislaine Alajouanine, présidente du Haut Conseil français de la télésanté

Il est temps de monter une institution parallèle.

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Thierry Moulin, président de la Société française de télémédecine

Il faut de la coordination.

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Quelle est l'instance qui délivre le label HS2 ?

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Ghislaine Alajouanine, présidente du Haut Conseil français de la télésanté

C'est l'APAVE.

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L'APAVE est en charge de la certification, mais quelle est l'instance qui délivre le HS2 ?

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Ghislaine Alajouanine, présidente du Haut Conseil français de la télésanté

Tout comme il existe l'association Haute Qualité environnementale (HQE), il existe une association HS2. Celle-ci disposera de tout le référentiel nécessaire. Mais un référentiel ne suffit pas, il faut aussi un tiers de confiance qui labellise. Et derrière tout cela, il faut de la certification de compétences et de l'évaluation.

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Thierry Moulin, président de la Société française de télémédecine

Nous sommes d'accord sur le fait qu'il faut un pilote ou une centrale, mais il faut surtout jouer avec les effecteurs. J'entends ici qu'une ARS ne joue pas son rôle. Or il existe des critères d'évaluation d'une ARS : nombre de projets déployés, nombre de patients pris en charge, nombre d'actes. S'ils ne sont pas respectés, vous pouvez changer le pilote local. Pour connaître un tout petit peu votre région, pour y être allé à trois reprises animer des réunions, j'observe qu'il existe une difficulté conceptuelle sur l'état de pensée d'un certain nombre de professionnels.

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Thierry Moulin, président de la Société française de télémédecine

Les professionnels ne sont pas nécessairement incités à travailler les uns avec les autres. Ils n'y sont pas forcés. Prenons le cas de l'hôpital. Pourquoi un hôpital X qui n'est pas obligé de travailler avec Y le ferait-il ?

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Vous avez parfaitement raison. Nous arrivons au sujet des difficultés de mise en place des GHT. À l'heure actuelle, les ARS n'ont aucun pouvoir de faire en sorte que tout le monde travaille ensemble. Pour vous dire très clairement ce que je pense, madame Alajouanine, je ne suis pas très favorable à la création d'une agence complémentaire. En France, quand cela ne va pas, on crée une commission ou une agence. Or à force de créer trop d'agences, plus rien ne se passe et tout est cloisonné.

Lundi matin, j'ai assisté à la pose de la première pierre d'une maison médicale. La directrice de l'ARS a tenu ce propos : « Je laisse la parole à l'État ». Elle considère donc qu'elle n'est même plus l'État. En supprimant la responsabilité sanitaire des préfets, on a créé des préfets sanitaires sans que les uns ne rendent compte aux autres. Vous avez raison d'insister sur le besoin de coopération des professionnels de santé. Mais, vous l'avez exprimé tous les deux, c'est un nouveau métier. L'arrivée du numérique, de ses données et de l'intelligence artificielle ouvre des potentialités extraordinaires. Il me semble que pour la jeunesse, ces métiers peuvent s'avérer extrêmement captivants et attractifs. Comment standardiser la télémédecine de façon bien organisée ? Telle est notre préoccupation.

Le déploiement du numérique n'est pas du tout homogène dans notre pays, pour la bonne raison que l'on a laissé faire les départements et qu'il n'y a pas eu de coordination. La situation est donc profondément inégalitaire. Comme vous, je pense que la télémédecine dans les EHPAD est une bonne solution, d'autant plus qu'ils ne comptent quasiment plus de médecins. La domotique aussi, peut constituer un moyen formidable pour aider. Mais l'hétérogénéité des situations que nous vivons est malheureusement liée à d'autres facteurs extérieurs. D'où l'importance de la notion de tuyaux : l'on ne peut pas déconnecter la télémédecine d'un déploiement de tuyaux sécurisés.

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La télémédecine est l'un des leviers de la lutte contre les déserts médicaux. Vous savez que le ministère s'y emploie. Nous envisageons jusqu'à 500 000 actes d'ici à 2019, et nous allons vers une téléconsultation et une télé-expertise. Actuellement, le déploiement est conditionné à la tarification des actes et à une couverture numérique qui devrait arriver d'ici 2020. Dans l'Aisne, nous devrions avoir une 4G associée avec l'ensemble des départements alentour. Je pense donc que cette barrière sera levée.

Je pense qu'il faut aussi développer des normes et des certifications pour aller vers un standard obligatoire, avec la généralisation – enfin ! – du dossier médical partagé (DMP), qui favorise l'efficience du parcours de soins. Vous me direz quel est votre sentiment sur ce point.

Pour revenir à l'intelligence artificielle, un travail sur la dimension éthique est nécessaire. Nous y travaillons au Comité consultatif national d'éthique (CCNE), dont je suis membre titulaire. Quant à l'aide au diagnostic et la prise de décision, l'anticipation et la prévention des pathologies est recommandée, de manière personnalisée. Cédric Villani a effectué un excellent travail sur ce sujet.

Comment valoriser la télémédecine dans nos territoires ?

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Thierry Moulin, président de la Société française de télémédecine

Par le forfait. Sortons du paiement à l'acte. Deux systèmes s'opposent. D'un côté, il existe un système rémunéré à la performance. Les hôpitaux sont payés à la performance, mais pas encore assez car nous n'allons pas suffisamment loin dans les critères de qualité. La télémédecine peut en être un supplémentaire. De l'autre côté, il existe un système rémunéré uniquement à l'acte. Pourtant, pour les maladies chroniques, il faudrait prévoir un système de forfait pour décloisonner le parcours. Cessons d'opposer la ville et l'hôpital. Le patient se promène un peu partout. Dans certains endroits, le spécialiste d'hôpital est le dernier spécialiste qui reste, et qui donne un avis à l'ensemble du territoire. Décloisonnons par le forfait, et arrêtons de tarifer deux euros la minute.

Je vous rejoins concernant l'aspect éthique de l'intelligence artificielle. Je réitère mes propos : les données sont des valeurs, économiques mais surtout humaines. Envisageons le don de ces données dans l'esprit retenu pour la mise en place de l'Établissement français du sang (EFS) ou l'Agence de biomédecine.

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Patrice Cristofini, président du club « e-santé » du CEPS

Il est certain qu'il faut arriver à trouver un modèle économique. La télésanté et la télé-expertise auront un modèle économique intégrant le coût de l'équipement de l'infrastructure, du réseau et celui de l'usage. Nous devons y arriver. Les solutions existent. C'est ce modèle qui se fera, et les industriels y sont prêts. Cela requiert de l'ingénierie, car nous n'avons plus les moyens de racheter des équipements et de refaire les réseaux. Les budgets sont très élevés.

Concernant l'intelligence artificielle, avoir des bases de données est une chose, il faut de grosses quantités de données – mais il faut des données de qualité. Le rapport Villani insiste sur la nécessité de surveiller la qualité de la programmation. En matière de diagnostic, la prudence est de mise.

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J'ai le regret de vous dire que nous devons conclure cette audition. Je vous remercie de nous avoir éclairés, mesdames et messieurs, sur la télémédecine et la télésanté. Nous vous ferons peut-être parvenir quelques questions supplémentaires par écrit.

L'audition se termine à onze heures trente-cinq.

Membres présents ou excusés

Réunion du jeudi 19 avril 2018 à 10 h 30

Présents. – M. Didier Baichère, Mme Gisèle Biémouret, M. Jean-Pierre Cubertafon, M. Marc Delatte, Mme Jacqueline Dubois, Mme Agnès Firmin Le Bodo, Mme Emmanuelle Fontaine-Domeizel, Mme Pascale Fontenel-Personne, M. Alexandre Freschi, M. Jean-Carles Grelier, M. Cyrille Isaac-Sibille, M. Jean-Michel Jacques, M. Christophe Lejeune, M. Thomas Mesnier, Mme Monica Michel, Mme Stéphanie Rist, Mme Mireille Robert, M. Vincent Rolland, Mme Nicole Trisse, M. Philippe Vigier.

Excusé. – M. Jean-Louis Touraine