Commission d'enquête sur l'égal accès aux soins des français sur l'ensemble du territoire et sur l'efficacité des politiques publiques mises en œuvre pour lutter contre la désertification médicale en milieux rural et urbain

Réunion du mercredi 25 avril 2018 à 11h30

Résumé de la réunion

Les mots clés de cette réunion

  • SOS
  • appel
  • chez
  • médecin
  • médecine
  • patient
  • plateforme
  • soins
  • sos médecins

La réunion

Source

Mercredi 25 avril 2018

La séance est ouverte à onze heures quarante.

Présidence de M. Alexandre Freschi, président de la commission d'enquête

————

La commission d'enquête procède à l'audition du Dr Pierre Henry Juan, président de la Fédération SOS Médecins France, et du Dr Serge Smadja, secrétaire général.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Mes chers collègues, nous auditionnons ce matin la fédération SOS Médecins, représentée par son président, M. Pierre Henry Juan, et son secrétaire général, M. Serge Smadja.

Nous avons décidé de rendre publiques nos auditions. Elles sont ouvertes à la presse et diffusées en direct sur le site internet de l'Assemblée nationale.

L'article 6 de l'ordonnance du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires impose aux personnes auditionnées par une commission d'enquête de prêter serment de dire la vérité, toute la vérité, rien que la vérité. Je vous invite donc à lever la main droite et à dire : « Je le jure ».

MM. Pierre Henry Juan et Serge Smadja prêtent successivement serment.

Permalien
Pierre Henry Juan, président de la fédération de SOS médecins France

SOS Médecins a été créé en 1966 et a donc plus de cinquante ans. Premier réseau libéral d'urgence et de permanence de soins en France, nous prenons en charge plus de 6 millions d'appels qui aboutissent à l'ouverture de 4 millions de dossiers médicaux, ensuite répartis en 2,5 millions de visites, 900 000 consultations et 700 000 conseils téléphoniques. Soixante pour cent des actes sont réalisés en permanence de soins, la nuit, le week-end ou les jours fériés. La fédération et l'ensemble de ses associations couvrent plus de 90 % des grandes agglomérations et plus de 60 % de la population française, métropolitaine et ultramarine : nous avons une antenne à la Martinique.

SOS Médecins est devenu un chaînon incontournable de l'organisation des soins. C'est un service libéral qui assure également beaucoup de missions de service public et permet un accès aux soins pour tous. Certaines associations SOS Médecins ont jusqu'à plus de 40 % de patients bénéficiaires de la couverture maladie universelle (CMU) ou de l'aide au paiement d'une complémentaire santé (ACS). Nous contribuons aussi au maintien à domicile des patients en mettant à disposition un médecin à leur chevet, ce qui évite des coûts d'hospitalisation, et en aidant les personnes âgées qui ont des pathologies chroniques et qui ont du mal à se déplacer. Nous intervenons également dans les maisons de retraite et les établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD).

La continuité des soins ayant, depuis une dizaine d'années, augmenté de plus de 30 % entre 8 heures et 20 heures, nous avons été amenés à adapter nos modes de fonctionnement pour répondre aux besoins du système là où notre complémentarité était nécessaire. La permanence de soins ambulatoires représente 60 % de notre activité. C'est une activité bien régulée. Nous avons des standards interconnectés qui permettent d'optimiser la prise en charge des appels. Le service rendu associe conseils téléphoniques, visites à domicile et consultations dans nos points fixes. Enfin, nous effectuons des actes médico-administratifs : beaucoup d'associations assurent la visite des personnes placées en garde à vue, la découverte de cadavres, les constats de décès, les interventions dans les prisons et les hospitalisations sous contrainte – essentiellement psychiatrique. Nous participons aussi à la surveillance sanitaire. Depuis plus de dix ans, nous sommes le plus gros réseau libéral de fournisseurs de données de veille sanitaire à Santé publique France.

Nous offrons un service différent de celui des médecins installés en cabinet mais sommes un chaînon essentiel de la médecine ambulatoire et intervenons en complémentarité avec ces médecins. Nous allons dans le sens de la politique actuelle qui prône un retour à la médecine ambulatoire et un maintien à domicile des patients – maintien dont le médecin, aidé par les assistantes sociales et les infirmières, est la clef de voûte. Notre système est regardé à l'étranger et nous avons régulièrement des demandes en provenance d'autres pays – pas plus tard qu'hier encore. Les médecins de SOS Médecins exercent en secteur 1 et leurs revenus leur reviennent, pour l'essentiel. Nous ne sommes pas une société capitalistique mais une association de médecins libéraux dans un groupement de type société civile de moyens (SCM). Les médecins assument donc les charges de fonctionnement de l'association. SOS Médecins France ne demande pas de tarification privilégiée mais un traitement équitable des cotations, par rapport aux autres professionnels.

Cette audition est pour nous l'occasion de souligner l'échec de l'hospitalocentrisme et la nécessité absolue d'optimiser la complémentarité entre tous les acteurs médicaux. Cet échec s'est en effet traduit par une crise tant du secteur hospitalier que du secteur libéral. Nous voudrions également souligner le grand danger de l'excès de forfaitisation qui conduit à une déresponsabilisation et porte atteinte à un des grands principes de la médecine libérale : le paiement à l'acte. Il faut relancer l'attractivité de la médecine libérale et pour cela, discuter de la réévaluation des rémunérations et de la diminution des charges. Il convient par ailleurs de ne pas détricoter le système de la permanence des soins qui fonctionne bien. En conclusion, nous ne pouvons pas toujours tout faire partout mais nous sommes force de proposition.

Permalien
Serge Smadja, secrétaire général de la fédération de SOS Médecins France

Si le problème de l'accès aux soins dure depuis plusieurs années, on ne peut envisager de le résoudre que si l'ensemble de la profession travaille en toute complémentarité. La médecine libérale vit une crise sans précédent car elle n'est plus attractive. On a beaucoup parlé du numerus clausus mais ce n'est plus tellement la question. Le problème, aujourd'hui, est que les médecins qui sortent des facultés ne sont pas du tout attirés par la médecine libérale. Il faut donc susciter les vocations d'emblée, lors des études médicales, et ne pas faire de l'hôpital la seule référence au cours de la formation de plus en plus longue des médecins. On envoie en effet inconsciemment et involontairement le message aux médecins qu'il y aurait une vraie médecine, la médecine hospitalière, et que la médecine libérale serait un peu secondaire. Il faut que davantage de médecins libéraux enseignent dans les facultés pour bien montrer à la profession que la médecine générale libérale est une discipline comme les autres. Une telle réforme est fondamentale non seulement sur le plan symbolique mais aussi sur le plan pratico-pratique. Il convient aussi de ne pas empêcher les structures de SOS Médecins d'être des terrains de stage pour les médecins car on rencontre souvent des médecins qui ont été bien formés à l'hôpital mais qui, faute d'expérience libérale de ville, ne se sentent pas bien armés pour participer à la permanence des soins et à la prise en charge des soins non programmés. Enfin, les médecins, avant de s'installer, se renseignent souvent pour savoir comment est organisée la prise en charge de la permanence des soins dans leur futur secteur d'exercice. La bonne organisation de cette permanence des soins est en effet pour eux un facteur d'attractivité, notamment dans les grandes villes.

S'agissant de la continuité des soins, si nous connaissons depuis des années des difficultés de prise en charge des soins quand les cabinets médicaux sont fermés, nous en rencontrons désormais même quand les cabinets médicaux sont ouverts, du fait de l'insuffisance de la démographie médicale. Comme les médecins traitants de cabinet sont débordés, ils peuvent difficilement s'organiser pour sortir ou prendre en charge dans leur cabinet des soins urgents en dehors de leurs rendez-vous. Si on veut trouver des solutions de prise en charge des soins dans la journée, il faut veiller à ne pas désorganiser la permanence de soins qui ne fonctionne pas partout parfaitement mais pour laquelle on a trouvé des solutions dans bien des endroits. Il ne faudrait pas détricoter un système qui se consolide à peine.

Le paiement à l'acte étant l'âme de la médecine libérale et un de ses principes fondamentaux, il doit être maintenu et nous vous mettons en garde contre l'excès de forfaitisation. Pour la prise en charge des soins non programmés, il conviendrait peut-être de mettre en place une lettre-clef type, comme cela a déjà été proposé par le passé dans divers rapports, notamment celui de Jean-Yves Grall de juillet 2015 et, plus récemment, dans le rapport d'information sénatorial sur la situation des urgences hospitalières de juillet 2017. Ce dernier a proposé qu'on étende les horaires de la permanence de soins au samedi matin. C'est une petite mesure mais c'est grâce à un ensemble de petites choses qu'on fera évoluer le système. Déjà qu'on a donné des horaires arbitraires à la permanence de soins mais il est un peu surprenant de considérer le samedi matin comme n'étant pas une période de week-end. Enfin, si le 3624 est le numéro national de la permanence de soins, à côté du 15, il ne faut pas trop multiplier les numéros. Il faut que les numéros qui sont bien connus de la population soient maintenus, ce que prévoit d'ailleurs l'article 75 de la loi de modernisation de notre système de santé.

La complémentarité des acteurs étant très importante, SOS Médecins doit pouvoir accéder au dossier médical partagé. Notre spécificité étant l'urgence et les soins non programmés, il faudrait que nous puissions, comme les SAMU (services d'aide médicale urgente) centres 15, avoir accès au dossier du patient en cas d'urgence. Tous les éléments qui peuvent concourir à une meilleure complémentarité et à un meilleur travail en réseau avec l'ensemble des acteurs hospitaliers, avec le SAMU et les médecins installés sont de nature à améliorer la prise en charge des patients, notamment notre diagnostic au chevet de ces derniers. Il faut tout faire pour éviter l'engorgement des urgences hospitalières, donc améliorer l'amont en faisant en sorte que les médecins qui voient les gens chez eux, à leur chevet, aient le meilleur équipement et puissent faire le meilleur tri possible entre un patient qu'on peut laisser à domicile et un patient qui doit être hospitalisé. Beaucoup de structures SOS commencent à faire de l'échoscopie en urgence , à s'équiper et à se former dans ce but, mais cet acte est fait gracieusement puisqu'il n'y a pas de cotation pour le médecin libéral au chevet du patient.

Le maintien à domicile et le virage ambulatoire sont des sujets fondamentaux. Si on veut maintenir les gens à domicile et éviter le recours aux urgences, il faut inciter les médecins à se déplacer et à aller voir les patients. Or, la tarification conventionnelle du déplacement à domicile est quasiment indécente et n'est pas du tout incitative. Je ne parlerai pas ici des difficultés de circulation et de stationnement, que ce soit dans les grandes villes ou en milieu rural.

Du fait de notre expertise, SOS Médecins prend complètement en charge le patient dès qu'il appelle. Nous avons nos propres centres d'appel, nos propres assistants de régulation médicale (ARM) et nos propres standardistes. Nous avons un médecin régulateur pour hiérarchiser les urgences, apporter la meilleure réponse possible et donner des conseils médicaux. Nous pourrions donc être une structure qui fédère, rassemble et travaille avec d'autres intervenants extérieurs à SOS Médecins, tels que des médecins installés qui pourraient venir dans nos structures pour participer à un grand tour de garde local.

Nous évoquerons d'autres points lors de notre échange, notamment la question des infirmières de pratiques avancées et la télémédecine.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

J'ai bien noté que vous étiez prêts à accueillir de jeunes internes en stage. Êtes-vous favorable à la création d'une plateforme unique, réunissant le 15, SOS Médecins et la télémédecine dans chaque département ? Êtes-vous prêt à lancer des expérimentations de création d'unités de SOS Médecins dans certains départements ? Quel financement public souhaiteriez-vous obtenir pour les créer ? Pour renforcer l'attractivité de la médecine libérale, vous proposez une tarification particulière pour les soins non programmés et une nouvelle tarification pour les déplacements dans le cadre des visites à domicile : pourriez-vous nous en dire davantage ?

Permalien
Pierre Henry Juan, président de la fédération de SOS médecins France

En ce qui concerne la tarification, en journée de semaine, la consultation est à 25 euros contre 35 euros pour une visite à domicile – 51,50 euros contre 55 euros le dimanche. Il n'y a donc qu'entre 3,50 et 10 euros d'écart entre une consultation et une visite à domicile. Une tarification dédiée à la visite semble d'actualité car la dernière réévaluation doit dater d'il y a plus de onze ans. Nous proposons également la création d'un acte dédié aux soins non programmés – nous avons aussi été auditionnés par M. Thomas Mesnier dans le cadre de la mission qui lui a été confiée à ce propos. Je crois donc qu'une double réflexion sera menée sur ce point.

En ce qui concerne les plateformes d'interconnexion, les standards de SOS Médecins sont complets : nous avons la capacité de réguler les demandes, de faire venir un médecin sur nos points fixes et d'envoyer un médecin effecteur chez un patient. Ce n'est pas toujours le cas des SAMU centres 15. Mutualiser les plateformes n'est pas parmi nos idées et ne serait pas forcément faisable sur le plan logistique.

Permalien
Serge Smadja, secrétaire général de la fédération de SOS Médecins France

On parle de relancer l'attractivité du milieu libéral. Autant la complémentarité avec le service public est absolument fondamentale et est notre réalité, tous les SAMU centres 15 étant interconnectés avec les plateformes de SOS Médecins, autant fondre nos plateformes au sein d'une structure unique n'enverrait pas un bon message au monde libéral. Il faut éviter de substituer le libéral au public.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

J'entends bien mais la médecine libérale et la médecine publique ne peuvent pas courir dans deux couloirs distincts. Cela a totalement échoué puisqu'on manque de médecins en ville et que les urgences hospitalières sont encombrées. Nous allons donc notamment demander que les généralistes aillent dans les maisons de garde des hôpitaux plutôt que de leur faire faire des gardes chez eux, isolés. Les médecins nous disent tous qu'ils veulent travailler en équipe. D'où l'idée d'une plateforme de régulation réunissant des urgentistes, des gens de SOS Médecins et la télémédecine, pour éviter que les patients reçoivent trois avis différents. Nous voulons pour cela mobiliser des moyens informatiques et numériques et assurer une complémentarité entre urgentistes et généralistes – fussent-ils de SOS Médecins. Il faut que nous proposions des mesures d'urgence car aucune de celles qui ont été prises depuis quelques années n'a endigué la fuite qui s'aggrave.

Permalien
Pierre Henry Juan, président de la fédération de SOS médecins France

Quant à ouvrir de nouvelles associations, nous en avons déjà discuté. Dans un bassin de population, il faut un certain volume de patients pour qu'une association existe de façon autonome, et il faut qu'un certain nombre de médecins soient prêts à créer cette association. Nous pourrions venir en appui logistique de trois ou quatre médecins dans une zone située à proximité d'une ville moyenne où il y a une association SOS Médecins : cette association pourrait gérer leurs appels de garde et, éventuellement, fournir un ou deux médecins pour assurer quelques jours de garde lorsqu'ils ne sont pas libres. Nous pourrions aussi faire tourner ces médecins dans nos associations pour qu'ils gardent une attractivité dans le cadre des visites à domicile et de la présence auprès des populations. En somme, nous pourrions fournir une aide logistique et technique aux médecins qui auraient peur de se retrouver tout seuls en s'installant dans certaines communes. En revanche, créer par principe des associations – sans respecter nos cahiers des charges ni nos règlements – alors que ce n'est pas faisable serait une erreur. Il est illusoire de penser qu'on peut monter une association dans des endroits reculés. En revanche, on peut apporter un soutien logistique, via deux associations SOS Médecins situées aux deux bouts d'un département. Cela rassurerait les médecins qui hésitent à s'installer dans ces endroits.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Comment devient-on médecin chez SOS Médecins ?

Permalien
Pierre Henry Juan, président de la fédération de SOS médecins France

Très souvent, on vient pour voir car on a envie d'avoir un complément d'expérience professionnelle avant de savoir ce qu'on va faire dans sa carrière et la plupart du temps, on reste chez SOS Médecins car c'est une médecine changeante. Il faut évidemment avoir pratiqué dans des services d'urgence ou dans des SAMU. Certains de nos médecins y travaillent d'ailleurs encore. Les médecins qui viennent chez nous ont souvent la volonté d'aller découvrir une activité qui leur semble un peu atypique et très variée, allant de la médecine classique à la médecine médico-administrative en passant par la médecine d'urgence.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Avez-vous une formation spécifique, d'urgentiste notamment ? Renvoyez-vous certains patients vers le 15 quand vous les avez au téléphone si vous sentez qu'ils ne relèvent pas de vos services ?

Permalien
Serge Smadja, secrétaire général de la fédération de SOS Médecins France

C'est exactement comme cela que nous fonctionnons. Nous sommes des spécialistes de médecine générale mais sommes tous formés aux urgences, comme l'a dit Pierre Henry Juan, soit que nous soyons passés par des services d'urgences ou par le SAMU, soit que nous continuions à y travailler. Évidemment, nous travaillons en complémentarité avec les SAMU centres 15. C'est pourquoi je pense qu'un système de complémentarité est la bonne voie. Quand nous estimons qu'un appel relève de la détresse vitale, il est transféré au SAMU. De la même manière, lorsque le SAMU reçoit un appel qui ne concerne pas une situation de détresse vitale mais qui nécessite l'intervention rapide d'un médecin, notamment en cas de douleur très aiguë ou atypique, il fait appel à nous.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Vous êtes très présents en milieu urbain mais venant pour ma part d'un département rural, je me demandais si vous étiez en permanence médecins pour SOS Médecins ou si vous ne pourriez pas ne relever de SOS Médecins que pour assurer la permanence des soins.

Permalien
Pierre Henry Juan, président de la fédération de SOS médecins France

Tout le monde nous pose ce type de question car la pertinence de notre structure est évidente pour tous les partenaires sociaux et tous les acteurs politiques et administratifs. Cependant, nous sommes attachés au fait d'exercer notre activité 24 heures sur 24 chez SOS Médecins. Créer des structures dégradées nous semble dangereux. Non seulement nous pourrions y perdre notre âme mais on risque aussi de déshabiller Pierre pour habiller Paul. Le fait que SOS Médecins fonctionne 24 heures sur 24 implique des contraintes, notamment de travailler la nuit et le week-end. Si vous créez des structures de type SOS Médecins qui ne font pas ce type d'activités, l'attractivité de nos associations actuelles ne risque-t-elle pas d'être remise en cause du fait des contraintes horaires qu'elles impliquent ? Une solution alternative a été offerte par des associations qui proposent, en Lorraine notamment, des points fixes de consultation en périphérie des zones d'activité voire en grande périphérie ou dans des secteurs non pourvus. C'est un moyen d'éviter le déplacement de personnes en offrant un accès aux soins dans une zone déficitaire en offre de soins ou qualifiée de désert médical. En revanche, nous ne sommes pas favorables à un SOS Médecins à demi-volume.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

À Sens, dans l'Yonne, SOS Médecins a adopté le statut de structure collective traitante par dérogation. Cette dérogation autorise les médecins intervenant dans le cadre de cette association à prendre en charge les personnes âgées n'ayant pas de médecin traitant. Quel bilan tirez-vous de cette initiative ? Le dispositif pourrait-il être diffusé ?

Permalien
Pierre Henry Juan, président de la fédération de SOS médecins France

C'est un dossier que je connais bien, ayant signé ce partenariat avec le directeur du centre communal d'action sociale (CCAS) en présence de la direction de l'Union nationale des caisses de sécurité sociale (UNCASS). Ce partenariat a permis la prise en charge d'une centaine de patients n'ayant plus de médecin traitant mais il illustre l'impasse dans laquelle nous sommes. Ces patients n'ayant plus de médecin traitant, il faut que les médecins de SOS Médecins renouvellent des traitements d'affection de longue durée sans être médecins traitants, ce qu'ils ont le droit de faire, mais ils ne peuvent pas, en revanche, renouveler les demandes de traitement d'affection de longue durée. Le député, le directeur du CCAS, le maire et l'Agence régionale de santé (ARS) sont intervenus mais la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) refuse d'accorder cette faculté aux médecins de SOS Médecins. Or, le médecin traitant de certains patients est décédé. La CPAM continue de prendre en charge à 100 % les traitements prescrits par nos médecins, même lorsque le dossier de renouvellement de ces traitements n'est pas fait. Bref, nous avons optimisé la prise en charge de ces patients qui ont plus de quatre-vingts ans et huit pathologies en moyenne et dont il faut s'occuper pendant une heure et quart. SOS Médecins Sens apportant ses compétences, il demande une chose : c'est que la structure soit considérée comme structure traitante, sachant que le CCAS exerce un filtre entre les patients. Nous avons repris cette demande parmi les propositions que nous vous avons transmises.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Il faut aussi que vous ayez accès au dossier médical personnel (DMP). Quant à la notion de médecin traitant, elle a été inventée à un moment donné pour faire de ce médecin le pivot de l'entrée dans le parcours de soins coordonné mais on s'aperçoit qu'elle crée des obstacles.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Nous avons bien compris que SOS Médecins n'allait pas s'installer dans les déserts médicaux. Malgré tout, serait-il possible de créer dans les zones rurales un dispositif comparable à celui de Sens ?

Permalien
Pierre Henry Juan, président de la fédération de SOS médecins France

Il y a deux possibilités. D'une part, le médecin peut se déplacer physiquement. Dans ce cas, le CCAS local sélectionne des personnes âgées et le médecin va leur rendre visite et peut même se rendre hors des zones couvertes par les gardes. D'autre part, on peut installer un point fixe délocalisé qui soit optimisé – c'est-à-dire équipé d'un échoscope, d'un électrocardiogramme et de tout le matériel nécessaire. Ce point fixe permettrait déjà d'assurer beaucoup d'actes médicaux, à tout le moins pour les patients qui peuvent se déplacer.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

On pourrait installer ces points fixes dans les EHPAD.

Pour reprendre ma question de tout à l'heure, seriez-vous prêts à mener des expérimentations pour créer des antennes de SOS Médecins, non seulement à la campagne mais dans certaines villes désertées ? Le mode particulier d'exercice de la médecine qui caractérise SOS Médecins peut en effet séduire les jeunes générations. Cette solution me paraîtrait préférable au recours à des remplaçants toujours plus nombreux – puisqu'ils sont 46 000 en France. Ces derniers forment un vivier considérable qui pourrait éventuellement vous rejoindre. Si ces médecins remplaçants ne viennent pas chez vous, est-ce dû à vos contraintes horaires ou à des problèmes de rémunération ?

Permalien
Pierre Henry Juan, président de la fédération de SOS médecins France

On assiste non seulement à une évolution de la démographie des patients, avec une population qui vieillit, mais aussi de nombreux jeunes enfants, mais également à une évolution sociétale et à une évolution de la démographie médicale. Les jeunes médecins ne travaillent plus comme il y a quarante-cinq ans et s'y reprennent à deux fois avant de venir chez nous. Cependant, nous continuons à être attractifs.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Vous m'accorderez que les mêmes jeunes médecins qui terminent leur internat n'hésiteront pas à parcourir 200 kilomètres s'ils sont payés 1 200 euros. Les médecins qui vous disent qu'ils veulent travailler trente-cinq heures, avoir leur mercredi libre et être libres en semaine après dix-sept heures peuvent aussi avoir des besoins financiers ou souhaiter travailler dix jours par mois pour avoir quinze jours de libres. C'est pourquoi je crois en la création d'une plateforme, avec le soutien financier de la puissance publique.

Quant aux CPAM, elles ne sont pas là pour édicter les règles mais pour les appliquer. Si le paritarisme ne sert pas la noble cause pour laquelle il a été créé, il faut le réformer.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Êtes-vous rappelés par des patients souhaitant revoir le même médecin ?

Permalien
Serge Smadja, secrétaire général de la fédération de SOS Médecins France

Qu'on veuille nous revoir nous honore mais en principe, les gens qui s'adressent à SOS Médecins font appel à une structure. Comme notre cahier des charges prévoit que nous puissions répondre aux patients 24 heures sur 24 dans des délais raisonnables, nous ne pouvons que très rarement répondre aux demandes des patients qui souhaitent voir le docteur untel. Cela peut néanmoins arriver fortuitement.

Pour en revenir à la question de la mise à disposition de la plateforme de SOS Médecins, si la création de structures SOS Médecins en milieu rural où la densité de population est plus faible et où les distances sont importantes ne correspond pas à notre modèle, peut-être notre plateforme pourrait-elle servir de centre d'appel pour recueillir et réguler les demandes et envoyer aux patients des effecteurs qui ne soient pas nécessairement membres de SOS Médecins.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Seriez-vous prêts à mener des expérimentations ?

Permalien
Pierre Henry Juan, président de la fédération de SOS médecins France

Si elles visent à une communauté de moyens entre du paramédical, de la logistique technique et de l'expertise médicale, nous y sommes tout à fait prêts, oui.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Nous ferions un appel à projet auprès de jeunes ou de remplaçants pour lancer de nouvelles unités de SOS Médecins dans cinq à dix endroits en France.

Permalien
Serge Smadja, secrétaire général de la fédération de SOS Médecins France

On peut toujours essayer à titre expérimental et dans le cadre que nous venons de décrire.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Pourrions-nous disposer du modèle économique et financier de vos antennes SOS Médecins pour identifier les besoins de soutien financier qu'impliqueraient ces expérimentations ?

Permalien
Serge Smadja, secrétaire général de la fédération de SOS Médecins France

Notre modèle économique est celui d'un cabinet de groupe : des médecins libéraux se regroupent et partagent les frais de fonctionnement de leur structure. Si nous ne nous sommes pas étendus aux endroits où la densité de population est plus faible ou bien où les distances à parcourir sont plus longues, c'est parce que cela ne correspond pas à notre modèle. Cependant, nous pourrions à titre expérimental mettre à disposition notre plateforme en échange d'incitations financières.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

On donne 50 000 euros aux médecins pour qu'ils aillent s'installer seuls dans une zone désertifiée, en ville ou à la campagne. Les ARS donnent aux maisons de santé pluridisciplinaires jusqu'à 50 000 euros également. Les communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS) qui sont en train de se créer reçoivent quant à elles des financements versés soit par l'assurance maladie soit par les régions. Si je vous interroge sur votre modèle économique, c'est que nous souhaitons proposer dans notre rapport des expérimentations pour attirer des jeunes et des remplaçants dans certaines zones.

Permalien
Pierre Henry Juan, président de la fédération de SOS médecins France

Peut-être percevez-vous chez nous une forme de retenue car notre philosophie a toujours été de nous autofinancer et de ne dépendre de personne. Les seules gratifications financières que nous touchons sont celles qui sont légalement obligatoires : astreintes de garde perçues par les médecins de permanence et défiscalisation en zone déficitaire. Nous n'avons jamais voulu constituer de structures telles que les unités de proximité d'accueil, de traitement et d'orientation des urgences (UPATOU) qui bénéficient d'aides financières des ARS. En revanche, nous pourrions très bien mener des expérimentations pour mutualiser des moyens et, éventuellement créer, un réseau non seulement avec des remplaçants mais aussi avec des infirmiers, des aides-soignants, des aides à domicile et des pharmaciens. Nous pourrions d'ailleurs être intégrés aux CPTS.

L'audition s'achève à douze heures vingt-cinq.

————

Membres présents ou excusés

Réunion du mercredi 25 avril 2018 à 11 h 30

Présents. – M. Jean-Pierre Cubertafon, M. Alexandre Feschi, Mme Mireille Robert, M. Philippe Vigier.

Excusé. – Mme Gisèle Biémouret, Mme Jacqueline Dubois, M. Jean-Paul Dufrègne, Mme Emmanuelle Fontaine-Domeizel, M. Jean-Michel Jacques, M. Bernard Perrut, Mme Stéphanie Rist, M. Jean-Louis Touraine