Mission d'information sur le suivi des négociations liées au brexit et l'avenir des relations de l'union européenne et de la france avec le royaume-uni

Réunion du jeudi 19 avril 2018 à 14h30

Résumé de la réunion

Les mots clés de cette réunion

  • brexit
  • britannique
  • eaux
  • poisson
  • pêche
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  • étiquetage
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La réunion

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La réunion commence à 14 h 40.

Présidence de M. Jean-Pierre Pont, membre de la mission d'information.

La mission d'information organise une table ronde sur les conséquences du Brexit sur le secteur de la pêche, avec la participation de M. Gérard Romiti, président du comité national des pêches maritimes et des élevages marins (CNPMEM), M. Hubert Carré, directeur général du Comité national des pêches maritimes et des élevages marins (CNPMEM), M. Sylvain Pruvost, président de la Société Centrale des Armements Mousquetaires à la Pêche (SCAPECHE), M. Jean-Pierre le Visage, directeur de la Société Centrale des Armements Mousquetaires à la Pêche (SCAPECHE), M. Frédéric Gueudar-Delahaye, directeur des pêches maritimes et de l'aquaculture et M. Pierre Marie, directeur de projet, au ministère de l'agriculture et de l'alimentation.

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Chers collègues, messieurs, je vous prie d'excuser le retard de notre présidente, Mme Sabine Thillaye, et vous souhaite la bienvenue. Notre première table ronde de ce jour est consacrée aux effets du Brexit sur la pêche. Elle a pour objet de nous éclairer sur les enjeux, les différents scenarii envisageables et les leviers dont nous disposons dans la négociation pour préserver le meilleur accès aux eaux et aux stocks halieutiques britanniques. Nous avons le plaisir d'accueillir plusieurs intervenants, en les personnes de M. Gérard Romiti, président du Comité national des pêches maritimes et des élevages marins (CNPMEM), et M. Hubert Carré, directeur général ; M. Sylvain Pruvost, président de la Société centrale des armements des Mousquetaires à la pêche (Scapêche), et M. Jean-Pierre Le Visage, directeur ; M. Frédéric Gueudar-Delahaye, directeur des pêches maritimes et de l'aquaculture du ministère de l'agriculture et de l'alimentation, accompagné de M. Pierre Marie, directeur de projet.

Le départ du Royaume-Uni aura des répercussions très importantes sur l'organisation de la politique commune de la pêche (PCP). Il pourrait tout d'abord entraîner la remise en cause de l'accès aux zones de pêche sous souveraineté britannique pour les navires de l'Union. Une telle remise en cause serait une véritable catastrophe pour les quelque 400 navires français qui réalisent dans ces zones, parmi les plus poissonneuses d'Europe, environ 30 % de leur pêche, avec des disparités entre régions de la production française en volume, mais aussi pour toute la filière. La négociation sera d'autant plus tendue que les pêcheurs britanniques, qui ont massivement voté pour le Brexit, l'ont fait avec la promesse de retrouver un contrôle exclusif sur leurs zones de pêche et le slogan We want our fish back. Le maintien de la politique commune de la pêche pendant la période de transition a d'ailleurs déjà suscité de très fortes protestations au Royaume-Uni. Néanmoins, les Britanniques sont très dépendants du marché européen pour l'exportation de leurs produits de la mer. Dans ces conditions, comme nous l'a indiqué M. Guy Verhofstadt lors d'un entretien à Bruxelles, ils peuvent peut-être entendre que nous ne mangerons leur poisson que s'ils nous autorisent à le pêcher.

Le Brexit pourrait également avoir une incidence sur les modalités de fixation des quotas de pêche pour les stocks partagés.

Je vous propose, messieurs, de nous exposer à tour de rôle une présentation d'environ dix minutes, avec vos observations et analyses, avant de passer la parole à mes collègues. Je précise que notre table ronde se réunit à huis clos.

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Frédéric Gueudar-Delahaye, directeur des pêches maritimes et de l'aquaculture

Merci, monsieur le président. Je propose de commencer par une présentation du contexte général et de différents éléments factuels, pour permettre ensuite aux représentants professionnels de vous faire part de leur ressenti. Nous avons préparé une cartographie, mais je précise tout de suite que je ne pourrai malheureusement pas vous la laisser, compte tenu des enjeux en matière de négociations. Nous avons des consignes très strictes, au niveau interministériel, sur tous les documents que nous produisons. Ceux-ci sont accessibles via le Secrétariat général pour les affaires européennes, qui a établi un cadre de consultation, mais nous ne pouvons pas les diffuser.

Le Brexit se heurte frontalement aux principes généraux de la PCP créée en 1982, à l'époque où ont été mises en place les zones économiques exclusives (ZEE). Je rappelle qu'elle se fonde sur le principe fondamental de l'égalité d'accès de l'ensemble des eaux et des ressources de l'Union européenne à l'ensemble des navires des États membres. Tel est le principe de base, même si la politique est organisée avec des totaux admissibles de capture (TAC), des quotas ou des systèmes de licence pour préserver la ressource et la place pour chacun des acteurs. L'autre principe fondamental de la PCP mérite aussi d'être rappelé en faisant le parallèle avec d'autres secteurs, notamment celui de l'agriculture, bien connu de notre ministère. Un agriculteur français ne rencontre jamais d'agriculteurs britanniques dans ses pratiques quotidiennes, mis à part sur les marchés lorsqu'il commercialise ses produits. Il n'exerce pas son métier sur le territoire britannique. La pêche, en revanche, est par définition une activité nomade. Les acteurs économiques interviennent donc par principe sur les territoires des différents États côtiers dans lesquels ils sont amenés à pêcher. D'où l'intérêt d'un accès commun au niveau européen, qui permet d'avoir une mer commune. Par contre, dès lors qu'il existe des pays tiers, des enjeux particuliers se posent et il est nécessaire de mettre en place des règles communes. Je citerai également juste pour mémoire, parmi les autres principes généraux de la PCP, la gestion d'un effort par TAC et quotas, des décisions fondées sur des avis scientifiques au titre de la préservation de la ressource, et des mesures de contrôle pour garantir une équité entre les différents acteurs. Autant d'éléments et de principes dont on voit bien qu'ils peuvent fonctionner s'ils sont partagés dans l'Union européenne, mais que leur application devient très compliquée dès que l'un des acteurs sort.

Si l'on illustre avec des cartes le terrain d'activité des pêches communautaires, l'on observe des zones exclusives de l'Union européenne d'une part et du Royaume-Uni d'autre part – qui sont aujourd'hui dans les eaux européennes, mais qui ne le seront plus demain. L'on mesure assez clairement l'enjeu que peut représenter cette sortie, en théorie en tout cas, pour les navires communautaires.

Présidence de Mme Sabine Thillaye, vice-présidente qui rejoint la séance

Une autre carte présente l'enjeu des accès dans la bande dite des six à douze milles nautiques, constituée d'eaux territoriales en application du droit de la mer mais pour laquelle il existe des droits d'accès historiques que les Britanniques veulent également remettre en cause. En l'occurrence, la France fait partie des États membres qui disposent de droits historiques dans les eaux britanniques.

L'enjeu économique du non-accès aux eaux et aux ressources britanniques a été chiffré. Huit États membres sont directement concernés, à des degrés divers. La France est le premier concerné. Certes, en valeur des pêches produites dans les eaux britanniques, notre part est relativement modeste, ou en tout cas beaucoup plus faible que pour beaucoup de nos pays voisins compte tenu de notre géographie. Nous n'avons pris en compte que les eaux atlantiques. Or la pêche dans le golfe de Gascogne étant importante, notre taux de dépendance vis-à-vis du Royaume-Uni n'est que de 19 %. Mais ce sont tout de même près de 20 % de l'activité de l'ensemble des pêches françaises qui sont touchés par le retrait de ce pays. Ce taux peut s'avérer bien plus important pour d'autres pays comme la Belgique.

Nous avons également mesuré l'intensité de la pêche dans les eaux britanniques. Les outils de contrôle dont nous disposons permettent d'identifier zone par zone où pêchent les navires français, ce qu'ils pêchent et quelle est la valeur attachée à cette pêche. Deux zones s'avèrent particulièrement importantes. Au nord, la pêche hauturière est effectuée plutôt par des navires de taille conséquente, même s'ils ne sont pas très nombreux. Cela se traduit par un fort enjeu en termes de chiffre d'affaires. Au sud, dans la Manche, l'enjeu est sensiblement différent compte tenu de la proximité géographique avec la France. Il concerne les flottilles côtières. Il existe aussi le cas particulier, que nous évoquerons peut-être, des mers celtiques au sud de l'Irlande, fréquentées par de nombreux navires de pêche hauturière notamment originaires de Bretagne.

Une autre carte illustre la présence des navires français et les activités de pêche non valorisées en termes de capture. Nous retrouvons les zones que j'évoquais, avec une pêche importante dans le golfe de Gascogne.

Pour nous, les enjeux se résument en trois grands points. D'abord, la possibilité d'accès dans les eaux britanniques. Dans le monde, chaque État définit les conditions d'accès dans ses eaux. Les Britanniques ont donc la possibilité de refuser l'accès à tout navire communautaire. Ensuite, la part de ressources et du partage des stocks entre l'Union européenne et le Royaume-Uni. Dans le domaine de l'accès à la ressource, indépendamment de l'accès à l'espace, les règles sont celles de la stabilité relative. Elles sont immuables depuis la création de la PCP, avec des possibilités de capture réservées fixes par État membre. Demain, les Britanniques seront susceptibles de réclamer des parts plus importantes, puisqu'une partie de ces ressources sont pêchées dans leurs eaux. Ils l'ont déjà annoncé. Enfin, les règles communes. Comment faire en sorte que demain, lorsque les Britanniques seront sortis, une zone d'activité soit créée pour l'ensemble de nos flottilles, dans laquelle les règles soient identiques, qu'elles travaillent dans les eaux communautaires ou dans les eaux britanniques ? À titre anecdotique, on ne saurait imaginer qu'un navire de pêche, lorsqu'il traversera la « frontière » entre les eaux communautaires et les eaux britanniques, doive changer tous ses engins de pêche. Il y aura bien, à un moment ou un autre, la nécessité de maintenir des règles d'exploitation communes ou, en tout cas, aussi proches que possible.

Je propose de laisser la parole aux autres intervenants, avant de revenir sur la négociation elle-même.

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Sylvain Pruvost, président de la Scapêche

La Scapêche est l'armement du groupement Intermarché. Créé il y a vingt-cinq ans, il est composé de vingt-trois bateaux en nom propre et, pour rejoindre ce que disait Monsieur le Directeur, extrêmement touchés par les zones de pêche anglaises. Tous nos bateaux sont sous pavillon français, avec des marins français. L'intégralité de notre débarque, qui fait de nous le premier acteur de pêche fraîche française, se fait sur les criées françaises – en Bretagne Sud, essentiellement à Lorient et au Guilvinec, et à Boulogne-sur-Mer où nous avons mis en place des partenariats avec des pêcheurs artisans. Six bateaux artisans sont en activité ou en cours de construction à Boulogne-sur-Mer et à Lorient.

Nous travaillons différents métiers : la sardine de bolinche, le chalut, la senne, le caseyeur, mais aussi la pêche à la langoustine puisque nous avons mis à l'eau un langoustinier la semaine dernière. Nous pêchons également la légine dans les Terres australes et antarctiques françaises (TAAF), où nous avons un bateau disposant d'un quota. L'année dernière, nous avons débarqué seize mille tonnes de poissons et nous représentons dix mille tonnes de poissons sous criée à Lorient – pêchés à 70 % dans les eaux britanniques. Notre dépendance globale est illustrée par le fait que 50 % de cette criée sont constitués de poissons pêchés dans les eaux britanniques. Cette quote-part se retrouve aussi au port du Guilvinec, où près de 50 % des poissons sous criée ont été pêchés dans les eaux britanniques. À Boulogne-sur-Mer, elle est largement supérieure à 60 %. Nous ne parlons ici que des trois premières criées françaises. Les autres armements hauturiers, partenaires français avec lesquels nous travaillons en Bretagne nord ou dans le Pays Bigouden par exemple, ont aussi des taux de dépendance de 50 % aux eaux britanniques.

Nous pêchons dans les zones britanniques avec nos collègues français, mais également nos collègues irlandais, hollandais ou espagnols. Nous sommes donc plusieurs pays dont les bateaux sont concernés par les dispositions du Brexit. Il est difficile de concevoir que tous ces bateaux non-anglais se retrouveront sur des bandes plus au sud, notamment les eaux françaises. Vous imaginez aisément la pression sur la ressource.

En 2015, la Scapêche a mis en place un plan de progrès visant à sortir les vieux navires au profit de bateaux récents, neufs, ergonomiques, ainsi que de nouvelles techniques de pêche. Nous avons été moteurs dans la limitation des pêches à huit cents mètres, puisque nous nous sommes autolimités bien avant tout le monde sur les profondeurs de pêche. Nous sommes partenaires avec des bateaux artisans. Nous aidons ces derniers à renouveler leur flotte de pêche. Nous avons fait de belles opérations à Boulogne-sur-Mer. Mais aujourd'hui, ce plan de progrès est complètement à l'arrêt. En effet, tant que nous n'aurons pas défini avec certitude nos zones de pêche, nous ne pourrons pas renouveler notre flotte de bateaux. Ce plan représente tout de même cinquante millions d'euros sur dix ans. Pour un groupement comme Intermarché, c'est un effort très conséquent.

Voilà pour ce qui est de la photographie de l'armement Scapêche. Je laisse à M. Le Visage le soin d'aborder les aspects techniques.

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Jean-Pierre Le Visage, directeur de la Scapêche

Vous parliez d'activité nomade concernant les bateaux. Pour autant, les flottes trouvent chacune leur équilibre dans tel ou tel endroit, et il n'est pas si aisé d'en changer. Il n'en demeure pas moins que, dans l'hypothèse où les navires français et européens devraient complètement sortir des eaux britanniques, ceux qui travaillent aujourd'hui dans la ZEE britannique disposent presque tous de droits de pêche dans une bonne part des eaux communautaires. La conséquence directe serait bien sûr la sortie des eaux britanniques. La deuxième serait que ces bateaux chercheront une activité ailleurs. Et ils ont tous des droits à le faire. Les zones qui atteignent aujourd'hui l'équilibre, je pense à Ouest-Irlande et Sud-Irlande, ou encore à Ouest-Bretagne où les pêches ont tendance à se régulariser, se verront complètement déstabilisées. En effet, tout ce flux dont vous avez vu l'intensité en mer Celtique et en Ouest-Écosse se retrouvera dans les zones disponibles. De même que les pêcheurs de Boulogne-sur-Mer qui pêchent pour une bonne part dans la partie nord de la Manche ont le droit de travailler dans la partie sud. C'est un droit qu'ils utiliseront nécessairement, déstabilisant d'autant les pêcheries qui y sont déjà. L'hypothèse la pire, dans laquelle nous nous ferions complètement exclure des eaux britanniques, produirait ce premier effet. Un deuxième effet prendra la forme d'une migration des pêcheries qui travaillent dans les eaux britanniques aujourd'hui et une déstabilisation de l'ensemble des autres pêcheries.

Je souhaite également attirer votre attention quant au fait que l'activité des bateaux est largement remontée vers le nord au cours des dernières années. Pour l'armement qui nous concerne, nous l'avons remontée de pratiquement deux degrés. Alors que nous travaillions au droit de l'Écosse, donc à l'est, nous sommes plutôt rendus à travailler au nord. La raison est que nous suivons le poisson. Faut-il y voir l'effet du réchauffement climatique ? Je ne me prononcerai pas sur ce point. En tout cas, je constate que les bateaux retrouvent du poisson plutôt vers le nord. Cela a des conséquences importantes en termes de quotes-parts. M. Gueudar-Delahaye évoquait tout à l'heure la tentation d'ores et déjà affirmée des Britanniques de récupérer pour leur compte les quotes-parts de quotas qui sont dans leurs eaux. Je pense qu'ils iront plus loin et qu'ils feront le constat que la division des quotas en zones ne correspond plus à la réalité de la présence du poisson. Pour citer cet exemple, alors qu'environ 40 % du quota de merlu se trouvent dans le golfe Gasconne, ce poisson représente moins de 10 % des captures. Et pour cause : le merlu se pêche massivement dans les eaux britanniques, précisément dans les eaux écossaises. C'est au nord des Shetland, là où l'on n'en voyait pas un seul il y a encore vingt ans, que l'on fait les plus grosses captures aujourd'hui. C'est la raison pour laquelle, au-delà de ce qu'évoquait le directeur des pêches, je pense que les Britanniques réclameront plus que les quotes-parts attribuées dans ces eaux. C'est une réalité de présence de poissons probablement liée au réchauffement des eaux. Ce n'est pas une vue de l'esprit, puisqu'il s'est passé sensiblement la même chose avec le maquereau voilà quelques années. Les Irlandais et les Féroïens se sont octroyé un quota important de ce poisson au motif qu'il passait à présent dans leurs eaux. Je ne doute pas que les Britanniques seront tentés de faire de même.

En valeur, une part relativement importante des pêches sort des eaux britanniques. Elle est plus importante en valeur qu'en fréquentation, car ce sont de gros bateaux qui y travaillent et qui apportent le volume. Ce sont aussi ces bateaux qui apportent pour l'essentiel le poisson à travailler. Si le poisson côtier est principalement destiné à être vendu entier, sur des circuits relativement courts et à peu de valeur ajoutée, celui qui fait travailler les ateliers de marée dans les différents ports vient essentiellement des bateaux hauturiers. En dehors de la valeur intrinsèque du poisson, c'est le travail sur les ports qui permet la valorisation.

Enfin, vous avez évoqué la relative faiblesse de la part française, qui ne sera touchée qu'à hauteur de 19 % sur la valeur des captures. L'incidence sera bien plus importante sur la chaîne de valeur du poisson.

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Gérard Romiti, président du Comité national des pêches maritimes et des élevages marins (CNPMEM)

Madame la présidente, mesdames et messieurs les députés, je souhaite avant tout vous remercier pour votre initiative de ce jour, mais surtout de l'intérêt que vous portez, certains quotidiennement, pour notre activité. Nous avions déjà eu l'occasion, en novembre 2016, d'exposer nos préoccupations. Je ne m'attarderai pas sur les éléments déjà présentés par mes collègues et par le directeur des pêches, sinon pour vous confirmer la politique du Comité national et le sentiment de crainte voire d'angoisse que génère ce dossier. Nous avions identifié les risques avant le vote des Britanniques. Le Brexit peut réellement provoquer un séisme pour les pêches européennes. D'une manière générale, qu'il s'agisse des professionnels ou de la ressource, nous ne l'avons pas décidé. Actuellement la pêche est un secteur viable, qui se porte bien et qui fait preuve de durabilité dans sa gestion. Nous craignons de voir cette situation s'effondrer, de perdre des zones de pêches, de perdre des quotas et de voir des entreprises fermer, emportant avec elles un tissu économique local très bien structuré. Notre crainte est aussi de voir les ressources affectées par les futures décisions du Royaume-Uni, et de voir certains stocks s'effondrer si les Britanniques décident de s'affranchir des règles et des objectifs fixés par la PCP.

Alors que l'on constate depuis plusieurs années une amélioration de l'état de la ressource grâce à une gestion commune et à des stocks partagés, nous craignons de voir tous les efforts supportés par notre profession mis à mal par les acteurs d'un seul État, accusant la politique commune des pêches de tous ses maux. Les Anglais se trompent de cible. Leur déclin remonte aux années 1950-1970, lorsqu'ils ont perdu l'accès aux eaux islandaises. Par ailleurs, ils ont négligé les négociations d'extension des eaux au niveau des Nations unies juste avant leur accession à l'Union européenne. Ils n'imaginaient pas que, de 12 milles nautiques, celles-ci passeraient à 200 milles. La politique agricole commune ne peut pas être désignée comme seule coupable.

Comment nous sommes-nous organisés pour faire face à ce défi, à l'échelle nationale, au sein du CNPMEM, organisation professionnelle représentant l'intégralité française des pêches ? Les vice-présidents en charge du suivi du dossier Brexit sont épaulés par la commission de travail sur les flottes et les quotas. En outre, un chargé de mission est dédié au suivi et à la coordination des pêcheurs français avec leurs homologues européens. Un lien est également assuré avec les différentes administrations en charge du sujet, et les institutions européennes. L'organisation professionnelle française, forte d'une première expérience de coopération avec ses homologues européens sur le dossier de la pêche en eaux profondes, a très rapidement réactivé son réseau après le vote des Britanniques en faveur du Brexit. Rappelons que la pêche européenne représente près de 116 000 pêcheurs et 115 000 emplois au niveau de l'industrie de la transformation.

Les pêcheurs des neuf États membres les plus touchés par le Brexit se sont rassemblés au sein de l' European Fishing Alliance (EUFA), afin de mettre en commun des moyens humains et financiers pour défendre la pêche européenne. Il s'agit de la France, de l'Espagne, de l'Irlande, de la Belgique, de l'Allemagne, des Pays-Bas, du Danemark, de la Suède et de la Pologne. Cette union a pour objet d'informer et d'expliquer la réalité du terrain tant aux négociateurs qu'aux acteurs de la société civile. Elle est aussi là, en réponse aux démarches britanniques assez agressives sur le sujet, pour témoigner de l'unité des pêcheurs européens et de la force que nous en dégagerons. Elle le restera tout au long du processus. Nous sommes très fiers de cette coalition. Nous nous mettons au service des négociateurs européens afin de les nourrir de notre expertise, de notre connaissance du terrain et du savoir empirique de toute la profession.

Dans ce cadre, nous avons contribué à former un forum au Parlement européen et nous dialoguons avec la Commission européenne – tant avec l'équipe de M. Barnier, dont je tiens à souligner le travail ces derniers temps, qu'avec la direction générale des affaires maritimes et de la pêche (DGMARE) et avec nos ambassadeurs respectifs. Nous avons aussi organisé une rencontre avec les élus de cette coalition, à Saint-Jacques de Compostelle en octobre dernier. Enfin, nous avons rencontré nos collègues norvégiens en novembre.

Voilà un peu notre état d'esprit. Je laisse la parole à mon directeur général pour des aspects plus techniques.

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Hubert Carré, directeur général du CNPMEM

Madame la présidente, mesdames et messieurs les députés, les pêcheurs européens sont soucieux de ne pas laisser la pêche devenir une variable d'ajustement alors que le Brexit emporte des intérêts plus importants. Comme l'a indiqué mon président, nous sommes rapidement passés à l'échelon européen pour faire entendre nos intérêts. Nous avons été relativement proactifs. Nous sommes assez satisfaits du travail porté par la Commission européenne.

Il est important que notre activité soit reconnue, et qu'elle ne soit pas marginalisée. Cela impose d'intégrer le secteur de la pêche dans les enjeux globaux, sociaux et économiques de toutes les filières. Nous sommes assez satisfaits de la rédaction du projet d'accord de retrait par la Commission. Et, surtout, nous avons été assez agréablement surpris par le fait que Mme Theresa May l'ait globalement accepté et ne l'ait pas remis en cause – ce qui a déclenché quelques réactions de la part des pêcheurs britanniques, fort mécontents de la tournure des événements puisqu'ils étaient absolument persuadés que dès le lendemain du Brexit, ils pourraient pêcher à volonté dans leurs eaux et avoir la force d'éloigner les intérêts des pêcheurs étrangers.

Nous sommes dans une période de statu quo jusqu'en décembre 2020. Celui-ci permettra à la PCP telle que nous la connaissons de continuer à s'appliquer. C'est important, puisque les entreprises de pêche ont besoin de stabilité. On ne remet pas en cause en quelques mois une politique créée en 1982. Bien entendu, nous serons extrêmement vigilants sur la suite des événements. Nous souhaitons que le contenu de la déclaration politique qui sera annexée à l'accord de retrait porte un certain nombre de dispositions de nature à garantir les intérêts des pêcheurs français et européens. Là aussi, nous pouvons nous féliciter d'avoir su construire et maintenir un front commun. Ce front a peut-être permis à M. Barnier de mieux défendre nos intérêts car nous ne sommes pas arrivés en ordre dispersé.

Les principes généraux que nous souhaitons voir figurer dans le projet d'accord de libre-échange pour servir de base à la négociation d'un futur accord de texte sont les suivants. Tout d'abord, avoir un accès réciproque aux eaux et aux ressources, sans ambiguïté, c'est-à-dire l'accès à la ZEE du Royaume-Uni en intégrant la zone dite des 6 à 12 milles, qui fait l'objet d'une réglementation plus particulière. Ensuite, nous attendons un engagement clair de parties prenantes de ce futur accord en faveur d'une gestion commune s'appuyant sur la science et la gestion durable des stocks, en ne perdant pas de vue le rendement maximum durable (RMD). Bien entendu, nous souhaitons aussi une collaboration scientifique entre l'Union européenne et le Royaume-Uni. Les poissons n'ont pas voté pour le Brexit et ils passent alternativement d'une zone à l'autre. Il est donc important de maintenir une expertise partagée, pour éviter des ponctions trop importantes par l'une des deux parties. Les pêcheurs britanniques ont d'ailleurs largement voté en faveur du Brexit car on leur avait affirmé qu'il n'y aurait plus de PCP, qu'ils ne se verraient plus imposer ni quotas, ni TAC, ni mesures techniques, et qu'ils pourraient donc pêcher à volonté. Nous appelons également de nos vœux un engagement fort en faveur d'un instrument juridique qui établisse des liens à long terme, incluant des dispositions tel qu'un mécanisme de consultation obligatoire. Ainsi, à chaque fois qu'il y aurait une évolution – changement climatique ou autre –, il faudrait trouver un mécanisme qui permette de travailler sur le même pas de temps. Nous attendons aussi un engagement à protéger les principes de la liberté d'établissement. Vous savez que les pêcheurs britanniques non seulement ne voulaient plus de navires étrangers dans leur ZEE, mais ne souhaitaient pas non plus qu'il y ait des intérêts étrangers économiques sur leur sol via une industrie de transformation. Pourtant, la liberté d'établissement est un principe important. J'ajoute que nous attendons un engagement à négocier un accord d'investissement réciproque. Nous avons tous besoin de lisibilité économique. Enfin, s'il n'y avait pas d'accord au-delà de 2020, il faudrait qu'un mécanisme permette de prévoir un certain statu quo en faveur des pêcheurs.

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Je vous remercie de ces précisions fort utiles pour se forger une vision de ce qui nous attend peut-être. Vos propos montrent, une fois encore, combien nous sommes interdépendants.

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Merci pour vos exposés successifs, qui nous procurent une vision précise de la situation dans laquelle nous nous trouvons, avec un peu d'espoir – ce qui a été négocié au mois de mars, et malgré tout encore de nombreuses inquiétudes. Une question importante, que vous avez évoquée mais dont on ne parle jamais, est celle de la liberté d'établissement et celle de la capacité que les Français et les Européens auront encore à investir dans des entreprises en relation avec la pêche en Grande-Bretagne. Peut-être voudrez-vous préciser votre pensée sur ce point, ou nous fournir des exemples précis afin que nous comprenions mieux les enjeux ?

En ce qui concerne les TAC et quotas, nous avons arrêté le principe que nos marins-pêcheurs pourront continuer à pêcher dans les eaux britanniques, et c'est essentiel. En tant que député de la Côte d'Opale, je suis très concerné, à l'instar de Jean-Pierre Pont. Comme vous l'avez dit, Boulogne-sur-Mer est très touchée. Je peine à comprendre comment le système pourra fonctionner, demain. Certes, il peut y avoir une coordination scientifique. L'Europe arrêtera des TAC et quotas de son côté, que nous imposerons aux marins-pêcheurs britanniques qui viendront pêcher chez nous. Cela signifie qu'ils en définiront eux-mêmes de leur côté, qu'ils répartiront entre les différents États membres. Nous connaissons déjà un peu ce schéma avec la Norvège. Pouvez-vous toutefois revenir sur ce point ? Comment envisagez-vous les choses à ce sujet ?

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Frédéric Gueudar-Delahaye, directeur des pêches maritimes et de l'aquaculture

Il convient de distinguer le droit d'accès du droit de pêche. L'on peut avoir accès à une zone, sans nécessairement avoir le droit d'y pêcher, ou dans des quantités dérisoires. L'on parle beaucoup du droit d'accès car c'est le plus visible et le plus matérialisable. Mais en fait, le principal enjeu porte sur les droits de pêche, c'est-à-dire sur les quotas et sur les quantités que les flottes françaises et européennes en général seront autorisées à pêcher dans les eaux britanniques. Le principe général, au sein de l'Union européenne comme dans les partenariats et les accords avec les pays tiers, est le suivant. L'on se met d'abord d'accord sur le TAC, c'est-à-dire le volume global qui peut être pêché dans une zone donnée, pour une espèce donnée. Ce TAC est ensuite réparti en quotas, selon des clés proportionnelles, par état de pavillon. Au sein de l'union européenne, cette clé est fixe, en vertu du principe de la stabilité relative. Elle a été définie selon l'historique des captures dans les années 1980 et est invariable. Il faut reconnaître que la France est relativement bien dotée, puisqu'à l'époque nous avions une pêche importante au regard de nombre de nos partenaires européennes, en particulier espagnols, qui n'avaient pas accès à la plupart des eaux communautaires. La clé est donc assez confortable, avec des parts importantes. Demain, les Britanniques voudront la revoir et demandons à pouvoir récupérer 50 %, 80 % ou 90 % en 2019 si toutes les captures se font dans les eaux actuellement communautaires qui redeviendront britanniques. J'identifie donc deux enjeux. Le premier concerne la négociation. Il s'agira de faire en sorte que ce pourcentage soit le plus proche possible de ce qu'il est aujourd'hui. Le second enjeu, dans le temps, lorsque nous discuterons du volume global, indépendamment de la clé de répartition, consistera à trouver les mêmes approches et les mêmes analyses entre l'Union européenne et les Britanniques.

En résumé, nous sommes face à un enjeu de court terme dans la négociation, sur la clé de répartition, et un enjeu dans le long terme, de discussion sur la façon de fixer le volume global qu'il sera possible de pêcher chaque année. C'est exactement le cas de figure que nous connaissons avec la Norvège. Tous les ans, nous discutons pour d'abord définir le volume global et ensuite établir des clés de répartition, aussi fixes que possible mais laissant toujours la possibilité que le partenaire pays tiers y revienne s'il estime que les conditions ont changé. C'est ce que nous voulons éviter. Ce sera l'un des enjeux de la négociation. Il s'agit de graver cette position dans l'acte de négociation, le plus tôt et le plus durement possible d'un point de vue juridique.

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Hubert Carré, directeur général du CNPMEM

Pour revenir à la liberté d'entreprise, il faut savoir qu'un certain nombre d'entreprises françaises et hollandaises débarquent en base avancée. L'accès à terre sera-t-il possible ? Par ailleurs, les Britanniques pêchent beaucoup mais consomment peu ce qu'ils pêchent. Ils exportent, principalement, via le secteur de la transformation, lequel est sous capitaux non-britanniques. Il existe donc une incertitude. Outre le secteur de la pêche, celui de la transformation est en attente des décisions qui seront prises par le gouvernement britannique. Si les capitaux doivent être britanniques dans un certain nombre d'entreprises à terre, cela risque de poser beaucoup de problèmes.

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Bonjour messieurs, et merci pour vos interventions. Je poserai deux questions spécifiques et particulières. La première concerne les accords de la baie de Granville. Seront-ils remis en question ? Sera-ce l'occasion d'assurer un tracé réel de la frontière entre la France et la Grande-Bretagne dans cette partie des eaux ? Ma deuxième question vise à savoir si le fait que la Grande-Bretagne sorte de l'Europe remettra en cause l'interdiction récente de la pêche électrique. Quelle est la position de ce pays en la matière ?

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Frédéric Gueudar-Delahaye, directeur des pêches maritimes et de l'aquaculture

En toute rigueur juridique, les accords de la baie de Granville, qui sont des accords réciproques de pêche entre la France l'île anglo-normande de Jersey, étant entendu qu'il existe une configuration du même type pour Guernesey, ne sont pas touchés par le Brexit puisqu'ils concernent des territoires hors de l'Union européenne. Mais, dans les faits, trois éléments vont changer. J'évacue d'emblée la troisième, qui concerne le comportement politique du Royaume-Uni vis-à-vis de la France et des îles anglo-normandes compte tenu de leur statut particulier. C'est encore l'inconnu. En revanche, nous avons d'ores et déjà identifié une évolution sur deux autres points. D'une part, les discussions que la France et le Royaume-Uni tiennent aujourd'hui comme États membres de l'Union européen seront, demain, des discussions entre un État membre, la France, et un pays tiers, le Royaume-Uni. Or la PCP et les discussions avec les pays tiers sont de la compétence exclusive de l'Union européenne. C'est un sujet dont nous devons discuter avec la Commission. Nous ne pourrons plus organiser ces discussions de façon bilatérale, mais serons obligés de passer par la Commission européenne, qui seule a compétence pour discuter avec un pays tiers. L'autre sujet est une incidente non pas du Brexit lui-même mais des dispositions prises par le Royaume-Uni dans le cadre de sa préparation. En l'occurrence, ce pays a dénoncé la convention de Londres de 1964 régissant l'accès dans les eaux de six à douze milles. Pour les eaux britanniques, ces dispositions avaient été reprises dans le cadre de la PCP. C'est donc un point que nous négocierons dans le cadre du Brexit. En revanche, un élément de cette convention n'avait pas été repris – l'accès des navires français dans les eaux de 6 à 12 milles de Guernesey. Nous devrons négocier cette conséquence induite du Brexit avec Guernesey, pour maintenir les accès.

En revanche, la question des frontières entre Guernesey et la France est totalement indépendante du Brexit, puisqu'elle n'est pas liée au statut communautaire ou non du Royaume-Uni mais relève de relations bilatérales. De la même façon, nous pouvons avoir des questions de frontières maritimes avec l'Espagne ou l'Italie, que nous réglons de manière bilatérale.

Concernant la pêche électrique, je tiens à préciser que, pour l'instant, elle n'est pas interdite. Le Parlement européen a pris position en faveur de cette interdiction, le Conseil en faveur du maintien de la situation actuelle et la Commission pour son autorisation et une conception large cette notion. Les discussions se poursuivent donc, au niveau communautaire. Le Royaume-Uni n'est pas partie prenante dans ce débat. Il ne pratique pas la pêche électrique et s'est montré très prudent dans les positions qu'il a prises. Je pense donc que le Brexit n'aura pas d'incidence dans ce débat.

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J'ai entendu dans vos propos tout à l'heure que les Britanniques exportent beaucoup plus de poisson qu'ils n'en consomment, notamment vers l'Union européenne je crois. N'est-ce pas là un atout formidable ou solide pour négocier avec eux un futur accord ?

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Gérard Romiti, président du Comité national des pêches maritimes et des élevages marins (CNPMEM)

C'est un élément important, bien sûr. Les Britanniques exportent leur pêche vers un marché de 560 millions de consommateurs. Chaque jour, 1 200 camions transitent sur leur territoire, toute marchandise confondue. Mais il importe aussi de savoir ce que devient notre marchandise qui est débarquée dans les ports britanniques. Nous appartient-elle toujours ? Est-elle britannique ? Cette interrogation est liée à la question de la ressource. Depuis Boulogne-sur-Mer, vingt minutes de navigation suffisent pour se retrouver chez les Anglais. La marge de manœuvre est donc étroite.

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Frédéric Gueudar-Delahaye, directeur des pêches maritimes et de l'aquaculture

C'est un atout, effectivement, mais il n'est pas formidable et nous avons le sentiment qu'il ne sera sans doute pas suffisant si l'on se limite aux produits de la mer. Dans ce secteur, nous sommes très dépendants. C'est d'ailleurs l'un des seuls points sur lesquels les Britanniques ont à gagner – et ils ne se sont pas privés de le mettre en avant lors de la campagne sur le Brexit. En revanche, ils ont à perdre en matière de commerce. Or nous avons un doute sur l'équilibre entre les deux. Nous pensons qu'ils ont moins à perdre en matière de commerce des produits de la mer qu'ils n'ont à gagner ou qu'ils n'estiment avoir à gagner en matière de gestion des pêches. En tout cas, nous avons moins à gagner à leur refuser l'accès aux produits de la mer sur notre marché que nous n'avons à perdre sur les questions de ressource.

Il est fondamental de prendre conscience que nous ne pouvons pas nous permettre d'avoir une négociation séparée sur la pêche, dans ses aspects de production comme de marché. Cet enjeu a été bien pris en compte au niveau interministériel et par le Gouvernement. Nous savons que nous sommes en faiblesse. En revanche, dans tous les autres volets de la négociation sur le Brexit, ce sont plutôt les Britanniques qui sont en situation de faiblesse, avec parfois d'énormes risques pour leur économie. Il s'agira donc de raccrocher la négociation sur la pêche à d'autres enjeux. C'est ce qui s'est passé dans les discussions pour obtenir la période de transition. Si les négociateurs ont pu balayer l'ensemble des revendications britanniques sur la sortie immédiate de la PCP et la récupération immédiates de leurs prérogatives, c'est bien parce que les autres enjeux étaient beaucoup plus importants. Les Britanniques n'ont pas hésité à faire ce que craignent les pêcheurs français, à savoir sacrifier la pêche par rapport aux autres enjeux. Dit de façon très égoïste, notre intérêt est de faire en sorte de placer la pêche le plus haut possible dans nos enjeux, afin que les Britanniques ne puissent pas suivre dans leurs revendications dans ce domaine.

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Merci pour vos interventions. J'aurais souhaité revenir sur la question de l'industrie de transformation. La réduction de la quantité de poissons pêchés aura pour effet d'amoindrir aussi la ressource pour cette industrie. Avez-vous évalué ce risque ? Les acteurs économiques se préparent-ils à une telle éventualité ?

Par ailleurs, la sortie du Royaume-Uni se traduira peut-être aussi par la baisse du Fonds européen pour les affaires maritimes et la pêche (FEAMP), avec une conséquence sur l'ensemble de la filière. Comment ce risque est-il étudié et envisagé par la profession et par le ministère ? Comment peut-il être pris en compte dans le cadre de la négociation du budget européen, notamment du cadre financier pluriannuel ?

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Jean-Pierre Le Visage, directeur de la Scapêche

La grande partie du poisson transformé provient des eaux britanniques. Nous importons beaucoup de matière première poissons entiers du Royaume-Uni pour la transformer en France. Les conséquences sur l'industrie de la transformation seront donc beaucoup plus importantes que sur la seule pêche.

Je voudrais revenir sur le Royaume-Uni comme exportateur de poisson. De fait, ce pays exporte beaucoup plus qu'il ne consomme de poisson. Il exporte pratiquement toute sa pêche vers l'Europe du Sud. Toutefois, ne perdez pas de vue qu'il est aussi fortement importateur de produits de la mer finis. Je vous mets donc en garde contre la fausse bonne idée qui consisterait à bloquer les importations des produits du Royaume-Uni. Des relations commerciales se nouent depuis déjà au moins deux ans entre ce pays et la Norvège, pour des intérêts bien compris de l'un et de l'autre – les uns voyant qu'ils risquent de manquer de débouchés pour leurs produits en Europe, les autres manquant de produits pour leur marché à l'exportation. L'on peut fermer la frontière qui sépare la France du Royaume-Uni, mais le poisson transitera par la Norvège, d'où l'on importe les plus grosses quantités. Aujourd'hui, le saumon et le cabillaud, qui constituent les deux poids lourds de la consommation de poisson en France, viennent essentiellement de ce pays, qui est quasiment mono-produit puisqu'elle exporte de l'aiglefin et du cabillaud pour les produits de la pêche et du saumon pour l'aquaculture. Je caricature à dessein. Elle cherche d'ailleurs à élargir sa gamme et, pour ce faire, a noué des relations économiques assez importantes avec l'industrie de la pêche en Angleterre. Vous voyez bien l'intérêt commun de l'un et de l'autre. Nous pourrions bloquer d'un côté, mais cela passerait de l'autre côté.

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Sylvain Pruvost, président de la Scapêche

Nous avons deux usines de transformation de poisson, à Boulogne-sur-Mer et à Lorient. Il convient de scinder l'activité d'élevage, notamment norvégienne, et le travail effectué sur le saumon par notre usine de Boulogne-sur-Mer.

Par ailleurs, comme la plupart de nos collègues, nous travaillons en nord Écosse sur des bases embarquées. Cela présent l'intérêt de pouvoir travailler du poisson frais en France. En effet, pour gagner du temps, il revient par la route et non par la mer. Nous avons besoin de savoir si nous pourrons continuer à travailler en base avancée en Écosse. Nous sommes une société française, sans aucun actionnaire britannique. Quelles seront, demain, nos capacités à continuer à débarquer ? Aujourd'hui, nous débarquons essentiellement à Lochinver, et la première pesée de nos débarques se fait en France. Il s'agit donc de poisson français, débarqué et pesé en France et subissant la taxation des criées françaises. Si nous ne pouvons plus travailler ainsi, nous rencontrerons un important problème de qualité et de fraîcheur. Cela intéresse directement les grosses places de transformation de poisson. Boulogne-sur-Mer représente 5 000 emplois directs et indirects. Lorient et Guilvinec en représentent 3 000 chacun.

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Ainsi que l'a confirmé Mme la ministre chargée des affaires européennes, la pêche sera prioritaire dans les discussions. Vous disiez qu'il n'y aurait pas d'accord possible autre qu'entre l'Union européenne et la Grande-Bretagne. Les États membres ne pourront pas négocier individuellement avec ce pays. Nous savons que certains voisins proches ont quand même beaucoup d'appétit et ont la capacité d'armement nécessaire pour pêcher. Certes, les Britanniques sont exportateurs de poisson. Mais ils ont un déficit d'armement. Nous savons que les Néerlandais ont de larges possibilités et pourraient vouloir passer des accords spéciaux. Confirmez qu'il n'existe pas de possibilité d'accord entre un État membre et la Grande-Bretagne ?

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Frédéric Gueudar-Delahaye, directeur des pêches maritimes et de l'aquaculture

En matière de pêche, les négociations sont de la compétence exclusive de la Commission européenne. Il n'y a pas de possibilité de négociation bilatérale. En témoigne l'exemple des accords de la baie de Granville. Tant que le Royaume-Uni est au sein de l'Union européenne, nous pouvons discuter directement avec lui. Mais ce ne sera plus le cas demain, même si nos deux pays sont les seuls concernés.

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Quelles seront les incidences du Brexit sur le FEAMP ?

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Frédéric Gueudar-Delahaye, directeur des pêches maritimes et de l'aquaculture

À ce stade, nous ne sommes pas en mesure d'identifier, donc a fortiori de quantifier de difficulté particulière. Et ce, pour deux raisons. Certes, en quittant l'Union européenne, les Britanniques ne contribueront plus au FEAMP. Mais ils ne percevront plus d'aides de ce fonds non plus. En outre, la taille de ce fonds et son volume financier sont extrêmement modestes au regard des autres fonds structurels. L'équilibre financier devra être rediscuté, mais l'ajustement se fera vraisemblablement indépendamment des conséquences sur le FEAMP.

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Le scénario d'un no deal n'est souhaité par personne, mais il pourrait se produire. Comment vous préparez-vous à ce scénario du pire ?

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Gérard Romiti, président du Comité national des pêches maritimes et des élevages marins (CNPMEM)

Nous avons presque tout envisagé. Nous avons aussi misé sur l'association de neuf États membres dans l'EUFA. Le Portugal n'est pas entré parce qu'il n'en avait pas les moyens et sans doute moins d'intérêt. L'Italie n'y avait pas non plus d'intérêt. Cette union, difficile à consolider, nous a permis de comprendre que la tentation de la sortie n'était pas saine. Tous les pêcheurs n'étant pas des Européens convaincus. Et force est de reconnaître qu'à une époque, nous étions nous aussi opposés aux quotas. Mais nous y sommes venus. Cette union que nous avons créée est très importante. Elle nous permet de négocier. J'ignore si les autres filières ont fait de même. Nous comptons beaucoup sur elle. D'autant que M. Barnier ne représente pas que les intérêts français. Il nous l'a bien fait comprendre il y a six mois. Sachez que la profession des pêcheurs, que nous représentons, avait écrit au président Hollande deux mois avant le Brexit en lui suggérant de nommer des « représentants Brexit » dans les quatre régions touchées.

Nous savons que demain, la Bretagne et la Normandie seront touchées à 42 %, et les Hauts-de-France peut-être même à 60 %. Je vous ai précisé que la transformation représentait 115 000 emplois directs. La France compte 29 criées et 48 000 entreprises dans ce secteur. Même dans un scénario catastrophe, nous envisageons de ne pas complètement couper les ponts avec nos collègues britanniques. Nous sommes de toute façon en contact permanent, puisque nous sommes à vingt minutes de navigation les uns des autres.

Le principal risque serait de devoir reporter cette flotte, qui a besoin d'exister, sur les autres façades maritimes. Cela mettrait en péril le système socio-économique en place, qui se porte mieux et qui investit. Nous avons baptisé plus de bateaux ces trois dernières années qu'au cours des dix dernières années. C'est un signe. Et je tiens à vous dire que même avec un prix du gazole à la hauteur d'il y a dix ou quinze ans, lorsque nous manifestions, nous parvenons à faire face. La profession s'est organisée.

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Frédéric Gueudar-Delahaye, directeur des pêches maritimes et de l'aquaculture

En cas de no deal, plus aucun bateau français ou européen ne pourra aller dans les eaux britanniques jusqu'à ce qu'un nouvel accord soit négocié. Cela signifie que l'activité effectuée dans les eaux britanniques devra être soit reportée, soit arrêtée, et qu'il faudra se partager le gâteau qui reste, au risque de mettre en péril ceux qui pêchent aujourd'hui ailleurs. Qui plus est, pour ceux qui pêchent plus au nord, le lieu noir, le cabillaud et le maquereau ne se trouvent pas ailleurs. Cela impliquerait donc d'arrêter des bateaux. Certes, nous disposons d'outils. Le FEAMP, notamment, permet des arrêts temporaires ou des sorties de flotte. Nous avons déjà engagé des plans de sortie de flotte par le passé. Mais cela entraîne la disparition d'une activité, avec des conséquences sur les communautés portuaires et sur tout le travail induit en matière de traitement des poissons. Même si elle s'exerce en eaux britanniques, la pêche fait aussi vivre des familles à terre, des ports et des régions.

Malheureusement, le scénario d'un no deal est à la fois assez simple et assez catastrophique. C'est la raison pour laquelle nous n'en parlons pas beaucoup, et nous nous battons plutôt pour essayer d'obtenir un accord satisfaisant. Dans d'autres secteurs, un non-accord conduira à des solutions alternatives. Dans le nôtre, il n'y en a quasiment pas, en tout cas pour ce qui concerne l'activité de pêche elle-même.

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S'il n'y avait pas d'accord immédiat, j'ai cru comprendre qu'une étude du Parlement européen visait à proposer des mesures transitoires pour arriver à un accord à terme. Avez-vous envisagé ce scénario ?

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Frédéric Gueudar-Delahaye, directeur des pêches maritimes et de l'aquaculture

Les mesures transitoires seraient celles que j'évoquais, comme l'arrêt temporaire de navires et l'indemnisation de non-activité. Elles ne sont valables qu'un temps, lequel doit être aussi court que possible. Il n'est pas possible d'arrêter des navires trop longtemps. Les armateurs seraient plus précis que moi sur ce point. Au-delà d'un certain temps, maintenir des navires à terre n'a plus de sens. Les marins partiraient faire autre chose. Nous avons des outils, mais la situation serait très douloureuse. Par ailleurs, s'il n'y a pas d'accord immédiat, que négocier après ? L'intérêt du secteur de la pêche est d'être englobé dans un accord global sur le Brexit. Il importe de conduire une négociation globale avec les Britanniques, sur une porte de sortie équilibrée. L'absence d'accord signifierait que nous n'aurons pas réussi et qu'il faudra reprendre une négociation sectorielle. Il serait alors très difficile d'obtenir une porte de sortie satisfaisante, malheureusement. En effet, les Britanniques auraient le droit pour eux.

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Il faut donc viser un accord de libre-échange globalisé ?

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Frédéric Gueudar-Delahaye, directeur des pêches maritimes et de l'aquaculture

En effet. Deux éléments importent, dans la négociation telle que nous l'imaginons. D'une part, la négociation proprement dite, c'est-à-dire la façon dont seront agglomérés les différents intérêts, offensifs et défensifs, tous secteurs confondus, pour obtenir le meilleur résultat possible. D'autre part, la façon dont on écrira et dont on scellera cette négociation, c'est-à-dire l'accord qui sera signé. Notre objectif est de trouver un accord durable. Il ne faudrait pas que, dans cinq ans, une fois que chaque secteur se sera stabilisé et organisé, les Britanniques puissent dénoncer le volet spécifique sur la pêche et renégocier autre chose. C'est un des risques que nous avons identifié dans la négociation et la formalisation d'un accord. C'est la raison pour laquelle nous pouvons nous féliciter que le Conseil ait retenu cette perspective dans ses orientations de négociation. Il est très important que les éléments d'accès à la ressource et aux eaux soient associés, dans un accord global, à d'autres éléments – en particulier un accord de libre-échange que le Royaume-Uni aurait du mal à dénoncer pour récupérer l'accès à ses eaux. C'est en tout cas le pari que nous faisons.

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Merci beaucoup, messieurs, d'avoir pris sur votre temps pour nous éclairer. Chers collègues, nous allons poursuivre cette séance en abordant les effets du Brexit sur le secteur de l'agriculture.

La table ronde s'achève à 15 heures 55.

La mission d'information organise ensuite la table ronde sur les conséquences du Brexit sur le secteur de l'agriculture, avec la participation de M. Dominique Langlois, président de l'Interprofession bétail et viande (INTERBEV), M. Guy Hermouet, président d'INTERVEB Bovins, M. Nicolas Ozanam, délégué général de la Fédération des exportateurs de vins et spiritueux de France (FEVS), M. Bruno Hot, président du syndicat national des fabricants de sucre (SNFS) et M. Frédéric Michel, sous-directeur Europe de la DGPE au ministère de l'agriculture et de l'alimentation.

La seconde table ronde commence à 16 heures.

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Chers collègues, la seconde table ronde de ce jour est consacrée aux conséquences du Brexit sur le secteur de l'agriculture. Pour évoquer ce sujet, nous avons le plaisir d'accueillir M. Dominique Langlois, président de l'Interprofession bétail et viande (INTERBEV), M. Didier Delzescaux, directeur de l'Interprofession nationale porcine (INAPORC), M. Nicolas Ozanam, délégué général de la Fédération des exportateurs de vins et spiritueux de France (FEVS), M. Bruno Hot, président du Syndicat national des fabricants de sucre (SNFS), et M. Frédéric Michel, sous-directeur Europe au ministère de l'agriculture et de l'alimentation.

Le Brexit inquiète le secteur de l'agriculture. Dans ma circonscription, j'en entends largement parler au titre des différents sujets de préoccupation des agriculteurs. Le Royaume-Uni est en effet un partenaire commercial très important pour la France, qui dégage un excédent de trois milliards d'euros par an. D'une part, il est capital de conserver l'accès au marché britannique en évitant les barrières tarifaires – droits de douane – et non tarifaires – normes sanitaires et phytosanitaires, règles d'étiquetage, etc. D'autre part, il faut anticiper la conclusion par le Royaume-Uni d'accords de libre-échange avec d'autres partenaires, comme les États-Unis, la Nouvelle-Zélande ou l'Australie, qui sont aussi de redoutables concurrents de la France et de l'Union européenne. Si nous n'y prêtons pas attention, le Royaume-Uni pourrait devenir leur cheval de Troie. Un tel scénario pourrait entraîner des pertes de marché outre-Manche, un reflux de produits britanniques vers l'Union européenne, mais aussi la réexpédition vers l'Union de produits dédouanés ou ne respectant pas les normes européennes, issus des nouveaux partenaires commerciaux du Royaume-Uni.

J'ajoute à ces incertitudes l'hypothèque que le départ de ce pays fait peser sur le futur financement de la politique agricole commune (PAC).

Je vous propose, Messieurs, de nous exposer à tour de rôle dans une présentation d'une dizaine de minutes vos observations et analyses, avant de passer la parole à mes collègues.

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Frédéric Michel, sous-directeur Europe au ministère de l'agriculture et de l'alimentation

Je propose de présenter un point d'étape des discussions européennes. Comme vous le savez, une task force a été mise en œuvre, qui réunit les vingt-sept États membres qui demeureront dans l'Union européenne. Un projet d'accord de retrait a été adopté à l'occasion du Conseil du 20 mars 2018. Ce projet comporte, dans sa partie 4, un accord sur la période de transition. Il importe également de savoir qu'il contient de nombreux éléments déjà agréés entre l'Union européenne et le partenaire britannique. Concernant le futur accord qui organisera la relation entre l'Union européenne et la Grande-Bretagne, des lignes directrices et des orientations ont été adoptées le 23 mars dernier. Nous avons déjà obtenu de nombreuses indications sur la façon dont cet accord commercial sera négocié.

Je commencerai par la partie budgétaire. Il ne vous aura pas échappé que, normalement, la Grande-Bretagne sortira de l'Union européenne alors que la programmation du cadre financier ne sera pas terminée. Or ce pays est un contributeur net au budget de l'Union européenne. En moyenne, entre dix et treize milliards d'euros manqueront. Cela pourrait se traduire pour la PAC, poste budgétaire très important, par une perte évaluée entre quatre cents et six cents millions d'euros pour la France. C'est très significatif. Dans l'accord de retrait tel qu'il a été agréé avec le Royaume-Uni, celui-ci s'engage à payer ce qu'il doit jusqu'à la fin de la période de transition, donc jusqu'à la fin de la période de programmation. C'est une bonne nouvelle. Mais la diminution du cadre financier pluriannuel se produira ensuite. Elle dépendra de l'effort que seront prêts à faire les gouvernements pour compenser le départ du Royaume-Uni. Il faut aussi prendre en compte la montée en puissance des autres politiques. Concernant la future PAC, qui nous intéresse au premier chef, le commissaire au budget Günther Oettinger évoque entre 5 % et 10 % de pertes.

L'autre grand enjeu est la partie commerciale. Le Royaume-Uni est un marché essentiel pour les produits français et européens de façon générale. Je laisserai les autres intervenants l'expliquer en détail. Vous le savez également, la politique commerciale est une compétence exclusive de l'Union européenne. Les sujets commerciaux seront donc traités à l'Organisation mondiale du commerce (OMC) et dans les accords de libre-échange. Le Royaume-Uni sera alors un partenaire pays tiers. Mme Theresa May avait indiqué qu'elle ne souhaitait pas que son pays fasse partie de l'union douanière. Le vote qui s'est tenu avant-hier à la Chambre des Lords laisse cette possibilité ouverte. Dans nos réflexions, nous partons du principe que le Royaume-Uni sera un pays tiers à part entière, qui devra s'inscrire dans le paysage « OMC-accords de libre-échange ». Comment nous partagerons-nous l'existant ? Nous avons négocié des accords de libre-échange à vingt-huit, mais nous les mettrons en œuvre à vingt-sept. Comment ferons-nous ? La question est de taille. Par ailleurs, quelle sera relation directe entre l'Union européenne et le Royaume-Uni ? Étant entendu que, de notre point de vue, il importe de conserver un level playing field, c'est-à-dire des règles de concurrence loyale entre nous. Certains éléments sont déjà « crantés » dans le mandat qui sera donné à la Commission, laquelle négociera au titre de l'Union européenne. Il conviendra notamment de gérer la distorsion de concurrence. Il ne faudra accepter un accord qu'à condition qu'il soit mutuellement satisfaisant et qu'il donne des garanties robustes sur le level playing field. Nous mentionnons également la question des aides d'État. En effet, il ne faudrait pas que les agriculteurs britanniques ne soient pas davantage aidés qu'aujourd'hui dans le marché unique. Dès à présent, ce problème est bien en vue dans les orientations du futur accord.

Se pose ensuite la question du rôle du Royaume-Uni en tant que hub ou que swap aux portes de l'Union européenne. Il ne faudrait pas qu'il exporte ses produits vers l'Union et compense sur son marché propre par des importations à faible coût. Pas plus qu'il ne faudrait, à travers d'une distorsion de règle d'origine, qu'il importe des produits qui seraient ensuite transformés et réexportés vers l'Union européenne. Sachant que l'objectif vise, bien entendu, à conserver la fluidité de nos échanges avec le Royaume-Uni, compte tenu de l'importance de ce marché pour nous.

Il importe d'avoir en tête un autre aspect : la question de la divergence réglementaire. Cette situation est inédite pour nous. Aujourd'hui, nous appliquons la même réglementation, en matière agricole, des deux côtés de la Manche. Demain, pour passer des accords avec des pays tiers, le Royaume-Uni pourrait être tenté de modifier ces règles, par exemple en retenant des règles moins-disantes. Telle n'est pas son intention affichée, mais cela pourrait arriver, ce qui lui procurerait un avantage comparatif. Aussi convient-il de réfléchir à la façon de limiter cette divergence réglementaire, pour faire en sorte que les conditions qui s'appliqueront aux agriculteurs de part et d'autre de la Manche soient les plus proches possible. C'est d'ores et déjà prévu dans le mandat que nous donnerons à la Commission européenne. Nous ignorons si elle parviendra à tenir cette position tout au long de la négociation, mais nous avons réussi à convaincre tous nos partenaires de l'importance de ce sujet.

Pour finir sur les enjeux commerciaux, il importe de continuer à défendre l'absence d'approche sectorielle. Il ne faut pas que la Grande-Bretagne puisse faire du cherry picking, c'est-à-dire prendre ce qui lui plaît le mieux, et que nous nous retrouvions désavantagés. Nos collègues de la pêche vous en ont certainement parlé. Au contraire, nous avons tout intérêt à porter une vision globale de l'ensemble de l'accord afin de ne pas devoir sacrifier la pêche sur l'autel d'un autre secteur. Cela vaut également pour la recherche et pour l'enseignement. Dans les négociations, nous ne parlerons donc pas uniquement d'échanges commerciaux mais aussi de coopération en matière de recherche et de flux d'étudiants et d'enseignants-chercheurs. Ce sont des éléments que nous entendons préserver dans la future relation.

Nous avons tenté de réunir régulièrement les professionnels, au cours de séminaires qui se sont tenus au ministère de l'agriculture, d'intervenir au sein des conseils spécialisés de FranceAgriMer et d'organiser des consultations pour identifier les problèmes potentiels. Même si nous faisons tout pour qu'il y ait un accord in fine, nous devons nous préparer au pire, en l'occurrence une absence d'accord. C'est indispensable pour prendre toute la mesure de ce qui nous attend.

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Bruno Hot, président du Syndicat national des fabricants de sucre (SNFS)

Je préside le syndicat du sucre et celui des alcools. J'évoquerai donc ces deux secteurs, concernés par la même problématique. La nécessité de maintenir des échanges importants et relativement fluides avec les Britanniques est essentielle. Pour citer cet exemple, les exportations de sucre représentent environ 6 % de la production française et plus de 14 % de la production d'éthanol, qui va soit dans les carburants, soit dans les alcools traditionnels. Notre objectif vise donc à ne pas perdre ces marchés. Dans ces deux secteurs, il existe des échanges croisés entre l'Union européenne et le Royaume-Uni. Mais c'est nous qui fournissons à plus de 50 % l'approvisionnement des Britanniques, tandis que les exportations britanniques vont très peu chez nous. Notre bénéfice net d'exportation par rapport aux importations britanniques est très élevé. Nous sommes donc très enclins à maintenir cette fluidité. Cela étant, je me réjouis que le terme swap ait été employé dans les questions que vous nous avez envoyées. Je me suis évertué à défendre ce point de vue dans les différentes commissions de suivi dirigées par les secrétaires d'État successifs. C'était une notion nouvelle, et je me réjouis que l'Assemblée nationale la reprenne. C'est là qu'existe sans doute un risque important.

Dans le secteur du sucre, nous avons une réglementation spécifique. Nous avons fait l'objet d'une importante restructuration. Les quotas ont été supprimés au 1er octobre 2017, mais nous avons toujours un droit résiduel de 98 euros vis-à-vis du Brésil, premier exportateur au monde de sucre, avec des coûts de production extrêmement bas et des aides qui ne nous placent pas sur un pied d'égalité de concurrence loyale. Nous tenons beaucoup au maintien de ce droit. Demain, si les Britanniques sortent du dispositif européen, ce qui est annoncé, et du régime douanier commun, ce qui est assez probable, ils reprendront évidemment leur liberté de déterminer le niveau des droits des produits qui entreront chez eux. Le potentiel de capacité de production est constitué pour moitié du sucre de betterave britannique et pour moitié de sucre brut importé du Brésil, à travers la société Tate and Lyle qui peut alimenter l'autre moitié. Grâce à ce niveau de droits, l'importation de ces sucres bruts de canne qui doivent être raffinés pour être blancs dépasse difficilement 600 000 tonnes. Si cette protection tombe, nous subirons une première peine en perdant le marché que nous avons au Royaume-Uni, puisque celui-ci préférera s'alimenter sur le marché mondial sans acquitter quatre-vingt-dix-huit euros de droit. Deuxième peine : si nous avons mis en place un dispositif de libre-accès réciproque entre le Royaume-Uni et l'Union européenne, les exportations qui arriveront sur le marché britannique y resteront et ce sont les produits britanniques qui viendront sur le marché européen. Les règles strictes d'origine ne suffiront donc pas. Il faut aller au-delà. C'est ce mécanisme que l'on appelle le swap. Le risque de double peine est fort quand on sait que le négociateur en chef britannique, David Davis, a fait une partie de sa carrière dans l'entreprise Tate and Lyle. Il connaît donc parfaitement le sujet. Nous devons attirer l'attention de notre négociateur européen sur ce point. Il a en face de lui un spécialiste des questions sucrières, ce qui nous inquiète un peu, il faut le reconnaître, même si nous avons toute confiance, bien entendu, en Michel Barnier pour défendre nos intérêts. Concernant l'éthanol, la problématique est la même. Les Américains pourraient exporter leur éthanol sur le marché britannique avec un droit nul, tandis que nous avons un droit résiduel. De la même façon, cet éthanol se substituerait aux productions d'alcool britannique, lequel viendrait sur le marché européen. Là encore, je pense qu'il faut aller au-delà des règles strictes d'origine.

Nous pourrions mettre en place des clauses, notamment celles dites d'exportateur net. Il faut que nous ayons en face de nous un producteur qui produise pour exporter, et qui ne fasse pas de la substitution d'exportation par de l'importation sur son marché. Nous serons peut-être également obligés de mettre en place des systèmes de contingent tarifaire. En l'occurrence, nous sommes plus inquiets des orientations prises fin mars par les chefs d'État et de gouvernement pour le futur accord. Celles-ci vont dans le sens de l'absence de quota, de droit et de contingent, mais il est également indiqué qu'il ne faut pas de distorsion de concurrence ou de distorsion réglementaire. Or c'en serait une, puisque nous conserverions un droit de 98 euros tandis que les Britanniques partiraient avec un droit zéro. Nous espérons que nous pourrons revenir à la nécessité de mettre en place des contingents tarifaires, avec des niveaux arrêtés en fonction des volumes actuellement échangés. Cela permettrait au moins de garantir la fluidité, dans le cadre de ces contingents, avec un droit zéro et des volumes plafonnés. Au-delà, nous serions protégés contre les effets de swap – qui ne pourraient pas être maîtrisés autrement.

Dès la négociation de l'accord commercial bilatéral qu'il conviendra de trouver entre le Royaume-Uni et l'Union à vingt-sept, il faudra affirmer, si nous partons sur la ligne « pas de droit, pas de contingent », que nous pourrons revenir dessus s'il apparaît que la divergence réglementaire est suffisamment forte pour créer des distorsions de concurrence. C'est indispensable. J'ai connu ces négociations dans mon passé, pendant plus de trente ans. Lorsque vous négociez à l'international, si vous faites une concession, vous ne revenez jamais dessus. Si vous ne prévenez pas d'entrée de jeu que telle concession est éventuellement sous conditions futures, vous n'obtiendrez jamais satisfaction.

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Nicolas Ozanam, délégué général de la Fédération des exportateurs de vins et spiritueux de France (FEVS)

Je vous remercie de nous accueillir aujourd'hui. Le marché britannique est un marché important pour les exportations françaises de vins et spiritueux. C'est notre deuxième client. Nous exportons plus de 1,300 milliard d'euros de marchandises vers le Royaume-Uni, d'où nous importons près de 650 millions d'euros, principalement du whisky écossais. Je précise qu'un certain nombre d'entreprises ont des intérêts des deux côtés. Une partie de la valeur de ce qui est importé l'est au profit d'entreprises françaises ou européennes. C'est important, dans cette notion d'échanges.

Nous ne nourrissons globalement pas trop de craintes, dans un secteur tel que le nôtre, quant aux problématiques de dépassement de marché. En effet, s'agissant du vin, les règles d'origine reposent sur celle de l'entièrement obtenu. Des règles de portée équivalente existent aussi pour les spiritueux. Ainsi, le transit par le Royaume-Uni ne nationalise pas le produit et, à l'arrivée, ne modifie pas véritablement le tarif imposé sur le marché communautaire. Qui plus est, dans le domaine des spiritueux, nous avons totalement démantelé les droits de douane à l'importation sur le marché de l'Union européenne depuis plus d'une vingtaine d'années. Globalement, que l'on vienne d'un pays de l'Union, d'un pays qui a un accord avec elle ou d'ailleurs, l'on entre à droit zéro. Nous ne craignons donc pas fondamentalement de changement profond dans les flux avec à la sortie du Royaume-Uni.

Nos principales appréhensions viennent d'autres éléments, liés à la définition des produits et à l'environnement réglementaire. Il peut ne pas y avoir de problème le jour J, mais une divergence peut s'installer, et avec elle, un cortège de difficultés dans les échanges. Nous ressentons également des craintes assez fortes en matière de propriété intellectuelle, bien évidemment, sur la question des indications géographiques car les régimes juridiques sont très différents entre le Royaume-Uni et la France. Le fait que ce pays sorte de l'Union européenne peut changer complètement sa façon d'aborder les indications géographiques. Heureusement, quelques produits comme le whisky écossais sont très attachés à cette protection. Ils sont, d'une certaine façon, nos meilleurs avocats de l'autre côté de la Manche. Quoi qu'il en soit, la plus grande vigilance est de mise. Un autre point nous préoccupe, en l'occurrence le sort des marques. Dans le cadre de l'Union européenne, un certain nombre de dépôts de marques se sont faits sous le vocable de « marque européenne » auprès de l'Office des marques d'Alicante. Avec la sortie du Royaume-Uni et le passage d'une Union à vingt-sept, la question de leur devenir se pose, avec des risques pour les détenteurs de droits.

Un autre élément est matériellement préoccupant : comment gérerons-nous le flux ? Une chose est de fixer les conditions réglementaires pour qu'il soit aussi fluide que possible, avec le moins d'à-coups. Mais force est de constater que les mouvements de marchandises sont tout à fait considérables. Ils ne connaissaient jusqu'ici aucune contrainte particulière au moment du passage de la frontière, mais cette situation changera du jour au lendemain. Se pose donc un véritable problème pratique. Comment faire face à des flux de marchandises qui n'auront rien à voir, en termes de statut, avec ce qu'ils étaient auparavant ?

Le deuxième point qui touchera les opérateurs communautaires vient du fait que jusqu'à présent, vous expédiez au Royaume-Uni quasiment dans les mêmes conditions qu'à Lille. Mais, d'un seul coup, vous exporterez désormais vers un pays tiers, avec des savoir-faire qui ne sont pas nécessairement acquis par des entreprises qui commercent avec le Royaume-Uni. C'est un changement profond. Dans un secteur comme le nôtre, nous y sommes d'autant plus attentifs que nos exportations sont principalement le fait de petites et moyennes entreprises (PME) qui ne se sont pas toujours dotées d'infrastructures ou de moyens économiques et humains pour y faire face. Ce changement pourrait avoir une réelle incidence sur la relation commerciale entre les opérateurs, quelle que soit la bonne volonté réglementaire. Pour le moment, nous sommes un peu comme une poule devant un couteau... Nous avons identifié le sujet, mais nous ne savons vraiment pas comment y répondre. D'autant que globalement, le goulot d'étranglement est plus important pour les marchandises d'Europe continentale qui iront vers le Royaume-Uni. Et pour cause, elles n'auront qu'un seul point d'entrée tandis que les marchandises en provenance de ce pays en auront plusieurs.

Enfin, nous n'exportons pas en Irlande. Nous exportons au Royaume-Uni et, généralement, c'est l'importateur britannique qui couvre le marché irlandais. Cela changera du tout au tout, puisque notre importateur distributeur sur le marché irlandais devra désormais le faire depuis un pays tiers. Cette situation sera extrêmement complexe, et changera à la fois les contrats et la logistique. Pour le dire clairement, nous n'avons pas l'ombre d'une idée de la façon dont fonctionnera la frontière entre l'Irlande et le Royaume-Uni.

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Dominique Langlois, président de l'Interprofession bétail et viande (INTERBEV)

INTERBEV représente les filières bovine, ovine, équine et caprine. Je m'en tiendrai aujourd'hui aux deux premières. Dans votre propos introductif, vous avez très bien résumé les préoccupations qui sont les nôtres. Je souhaite revenir sur quelques chiffres illustrant la situation générale des relations entre le Royaume-Uni et l'Union européenne. Celui-là importe environ un tiers de sa consommation de viande bovine, soit 400 000 tonnes, dont 90 % depuis l'Europe. Son principal fournisseur est l'Irlande, qui y exporte actuellement 200 000 à 250 000 tonnes. En revanche, le Royaume-Uni exporte 100 000 tonnes de viande bovine piécée à très haute valeur ajoutée, à 90 % vers l'Union européenne – principalement vers l'Irlande, les Pays-Bas et la France. Pour la filière ovine, la situation est différente. Le Royaume-Uni réalise des exportations à forte valeur ajoutée de sa production, et des importations de viande à faible valeur, principalement congelée, destinée à sa consommation nationale. Il importe un tiers de sa consommation de viande ovine, soit 100 000 tonnes, dont 85 % d'Océanie, et en exporte cent mille tonnes, pour près de 60 % vers la France.

Pour sa part, la filière bovine française entretient peu de relations avec le Royaume-Uni, puisque les importations depuis ce pays représentent 8 000 tonnes et nos exportations n'y représentent que 5 000 tonnes, par rapport aux 1,4million de tonnes produites en France. C'est très marginal. En revanche, pour la filière ovine, nous sommes dépendants du Royaume-Uni à hauteur de 25 %, sur un total d'importation de 500 000 tonnes. Le reste vient de Nouvelle-Zélande et d'Irlande Nous importons essentiellement des carcasses, dans les périodes creuses de production nationale, à la fin de l'été et à l'automne, ce qui nous permet d'éviter d'avoir à importer de Nouvelle-Zélande et d'Australie des viandes piécées de qualité inférieure.

Pour nous les risques sont très clairs. Le premier est la question des contingents issus de l'accord général sur les tarifs douaniers et le commerce (GATT), de l'OMC et des accords bilatéraux conclus avec l'Union européenne. Les volumes ont été établis à vingt-huit. Quid de leur répartition à vingt-sept, demain ? Pour la filière ovine, ils représentent 97 000 des 176 000 tonnes importées en Europe, et en viande bovine un peu plus de 40 000 tonnes hors préparations de viande. Une question très importante vient d'être soulevée par mon collègue des vins, celle de l'évolution des relations entre le Royaume-Uni et l'Irlande, la seconde étant un exportateur très important vers le premier. Pour la filière ovine, le risque existe de voir se réduire la disponibilité de la production, donc des approvisionnements sur le territoire français, avec pour conséquence la une baisse de consommation – la production et la consommation de viande ovine étant déjà en régression. Vous avez également évoqué le risque indirect de voir le Royaume-Uni devenir un hub d'importation et de réexportation. D'où l'importance d'établir des règles strictes d'origine – né, élevé, abattu et transformé – et de mettre en place de contingents sur la base des volumes historiques.

Nous avons résumé notre position en cinq points. Premièrement, nous demandons le classement des viandes bovines et ovines comme produits sensibles dans le cadre des négociations à venir. C'est un point très important. Deuxièmement, nous souhaitons que soient déconsolidés les volumes issus des contingents historiques : GATT, OMC et accords bilatéraux. Nous ne pouvons pas faire l'impasse sur cette analyse et la suite qui y sera donnée. Troisièmement, nous voulons assurer les volumes. Il s'agit de faire en sorte que l'Irlande continue à être l'exportateur le plus important vers le Royaume-Uni. Car il est très clair que si elle perdait tout ou partie de ce marché, son pays cible deviendrait la France, sachant que la qualité de ses productions correspond à nos standards nationaux. Quatrièmement, nous entendons que soient fixées des règles d'origine très strictes et étendues, avec un étiquetage du « né, élevé, abattu, transformé », à la fois pour faciliter l'identification par le consommateur et pour éviter l'effet de swap que vous avez évoqué. Cinquièmement, nous souhaitons que soient respectées les règles sanitaires de production et d'utilisation de substances interdites en Europe, qui seraient potentiellement rendues possibles par l'importation par le Royaume-Uni de viandes en provenance de pays qui ne respectent pas les règles européennes.

Pour la filière ovine, la préoccupation est de taille. Pour la filière bovine, elle est peut-être moindre, mais il existe un risque majeur de voir s'y étendre ce qui se produira pour la viande ovine.

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Didier Delzescaux, directeur de l'Interprofession nationale porcine (INAPORC)

Je tiens à excuser M. Guillaume Roué, président d'INAPORC, qui ne peut pas être présent aujourd'hui. Le marché britannique est très important pour la filière porcine européenne, puisque le Royaume-Uni importe quasiment un milliard de tonnes de viande de porc, pour 2,7 milliards d'euros, contre 1,5 million pour la Chine. C'est colossal.

Par le passé, les Britanniques ont suivi une stratégie de montée en gamme de leur production et ont baissé leur taux d'auto-approvisionnement, qui représente aujourd'hui près de 50 %. Ils achètent désormais de façon massive auprès des principales filières européennes, à commencer par l'Allemagne, l'Espagne, les Pays-Bas et le Danemark. Sur le court terme, nous aurions donc tendance à ne pas durcir la négociation, au risque de nous couper d'un marché d'un million de tonnes pour les filières. Je rappelle que la fermeture des frontières russes a coûté très cher aux filières porcines européennes. Avant 2014, nous y exportions 700 000 tonnes. Sur le court terme, le marché britannique est donc très important.

L'autre crainte concerne l'évolution dans le temps. En France, 70 % des produits porcins sont des produits charcuterie, donc transformés. Ils sont fabriqués pour partie avec de la viande française, mais aussi à partir de viande importée d'autres pays. La part des produits de charcuterie est importante dans la plupart des pays européens, puisqu'elle représente plus de la moitié des produits porcins. Or plus les produits sont transformés, plus la garantie d'origine est importante. En France, une expérimentation est en cours jusqu'à fin 2018, pour garantir l'étiquetage de l'origine. Mais nous sentons une opposition de la Commission européenne à inscrire dans la législation l'obligation d'étiquetage de l'origine de la viande servant à la fabrication des produits transformés. Notre crainte est qu'à terme, si nous avons des accords très souples de libre-échange avec le Royaume-Uni, celui-ci ne devienne une plateforme pour les pays comme les États-Unis ou le Canada, très intéressés par le marché européen. Dans le cadre de l'accord économique et commercial global (CETA) avec le Canada, un accord de libre-échange de 80 000 tonnes a été signé pour les filières porcines. Il n'y en a pas avec les États-Unis. Mais le risque existe de voir se constituer, à moyen ou à long terme, un flux inversé du Royaume-Uni vers l'Europe.

Il faudra donc renégocier les contingents des accords de libre-échange historiques, CETA en tête, puis une interdépendance. Dans l'idéal, il faudrait que nous ayons une position souple vis-à-vis du Royaume-Uni sur le court terme. En revanche, si celui-ci signe des accords de libre-échange avec des pays tiers, qui plus est fortement producteurs de porcs – États-Unis, Canada, pays du MERCOSUR –, il faudrait prévoir des clauses de renégociation. En effet, si le Royaume-Uni devenait une plateforme de produits nord ou sud-américains, la donne en matière d'équilibre des flux commerciaux pourrait être totalement modifiée.

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Merci beaucoup, messieurs, pour ces interventions. Nous en venons aux questions de nos collègues.

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Concernant la filière bovine, je n'ai pas bien compris quels morceaux nous avons besoin d'importer de Nouvelle-Zélande selon les périodes. Pouvez-vous nous expliquer davantage ce point ?

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Dominique Langlois, président de l'Interprofession bétail et viande (INTERBEV)

Je me suis peut-être mal exprimé. Cela concerne la filière ovine, pas bovine.

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Cela me paraît plus logique. Par ailleurs, concernant la filière ovine, je n'ai pas bien compris la relation entre le manque d'importation et la baisse de la consommation, et son incidence pour vous ?

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Dominique Langlois, président de l'Interprofession bétail et viande (INTERBEV)

Dans la filière ovine, nous sommes dépendants des importations puisque notre production française représente à peu près 50 % de nos besoins en termes de consommation. Nous importons 60 000 tonnes de viande ovine du Royaume-Uni, avec un effet dit de swap : nous achetons des viandes produites au Royaume-Uni, qui importe lui-même des viandes – principalement congelées – de Nouvelle-Zélande ou d'Australie. Aussi nous interrogeons-nous sur l'avenir de ces flux. Si une évolution se faisait jour, pour des raisons de prix, notamment, nous pourrions être coupés du marché du Royaume-Uni, qui fournit des viandes de qualité tandis que celles de Nouvelle-Zélande et d'Australie ne sont pas du tout de niveau comparable.

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Nourrissez-vous les mêmes craintes pour le bovin ?

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Dominique Langlois, président de l'Interprofession bétail et viande (INTERBEV)

Pour le bovin, la crainte est un peu différente. Aujourd'hui, en effet, nous importons moins de 10 000 tonnes. En revanche, notre appréhension porte sur le devenir des relations entre l'Irlande et le Royaume-Uni. Si celui-ci se mettait à acheter fortement au Canada, aux États-Unis, voire dans le Mercosur, dans un cadre totalement sorti des négociations actuelles et des accords de libre-échange, l'effet de swap pourrait jouer pleinement. Nous pourrions alors retrouver sur le territoire français avec des viandes issues de pays qui ne respectent pas les réglementations, en particulier sur l'usage des antibiotiques comme activateurs de croissance et des farines animales comme nourriture ? Tout ce que nous combattons aujourd'hui pourrait revenir indirectement via le Royaume-Uni si nous ne mettons pas de barrières en place, notamment en termes d'étiquetage et de garanties.

En outre, si l'importation de viandes irlandaises diminuait, le premier pays cible de l'Irlande serait la France, étant donné que la qualité des productions irlandaises correspond à nos standards.

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Vous dites que l'on manque d'importation d'ovins, et que nous importons aussi des bovins. Ne pourrions-nous pas envisager de les élever chez nous ?

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Dominique Langlois, président de l'Interprofession bétail et viande (INTERBEV)

Vous posez une question très importante, qui est au cœur des plans de filière. Je rappellerais que nous produisons 1,4 million de tonnes de viande bovine et que nous en exportons 300 000 tonnes.

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Pourquoi ? Je suppose que c'est toujours pour les avants et les arrières ?

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Dominique Langlois, président de l'Interprofession bétail et viande (INTERBEV)

Non. Nous produisons 1,4 million de tonnes et nous exportons 300 000 tonnes de viande principalement issue de jeunes bovins, qui sont très peu consommés en France. Nous importons l'équivalent de nos exportations : 280 000 tonnes en 2017. Il s'agit principalement de viandes de réformes laitières, destinées à couvrir les besoins de la restauration hors domicile.

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Dominique Langlois, président de l'Interprofession bétail et viande (INTERBEV)

Un peu de bifteck haché surgelé qui n'est pas vendu en grandes et moyennes surfaces (GMS), mais qui se retrouve dans les circuits de la restauration collective, notamment publique. D'où l'importance de reprendre l'objectif des États généraux de l'alimentation dans le plan de la filière bovine, qui vise à monter à 50 % de viande produite localement, dont 20 % de bio et 30 % sous signe de qualité à l'horizon de 2022 ou 2023. Aujourd'hui, la viande qui se retrouve dans les assiettes des hôpitaux et des écoles provient à 65 % de l'étranger.

Nous importons ce que nous ne produisons pas suffisamment, à des prix inférieurs aux nôtres, et nous exportons ce que nous ne consommons pas.

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Dominique Langlois, président de l'Interprofession bétail et viande (INTERBEV)

Certes, étant toutefois entendu que la loi est actuellement débattue à l'Assemblée nationale et que nous sommes très inquiets. Nous avons essayé de faire aboutir des amendements visant à traduire les plans de filière dans la réalité. Mais les débats en cours nous laissent très dubitatifs et un peu dans la crainte.

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Puisque je fais partie de la commission Agriculture, je vais vous répondre. Il est certain que les plans de filière sont pris en compte. En outre, une demande de renforcement de l'étiquetage est portée dans la partie 2, relative aux craintes des consommateurs. Elle devrait être un avantage, puisqu'elle évitera des importations. En effet, un resserrement des règles d'importation sera demandé, avec des étiquetages et des quotas. J'entends ce que vous dites pour la viande bovine et la viande ovine. J'entends aussi vos craintes sur le CETA. Elles me semblent d'ailleurs totalement normales. Mais là, j'ai le sentiment que la combinaison des États généraux de l'alimentation et du renforcement des règles est plutôt une opportunité pour la France, même si c'est une crainte pour vous.

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Dominique Langlois, président de l'Interprofession bétail et viande (INTERBEV)

Non, pas du tout. Ce n'est pas une opportunité. Nous avons déposé des amendements déposés dans le cadre du titre deux de la loi en discussion. Nous sommes tout à fait d'accord sur le renforcement des contrôles, notamment du statut de lanceur d'alerte. En revanche, la création d'étiquetages franco-français signifiera qu'il n'y aura aucune obligation d'étiqueter des viandes non-produites en France.

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Dominique Langlois, président de l'Interprofession bétail et viande (INTERBEV)

D'un côté, il y aura des viandes étiquetées, élevées sans farines animales et sans antibiotiques. De l'autre côté, l'on pourrait imaginer des viandes issues de pays dans lesquelles elles sont produites avec ces éléments.

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Dominique Langlois, président de l'Interprofession bétail et viande (INTERBEV)

Ce serait un peu incohérent.

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Je vous suis sur ce sujet, mais je vous ai entendu dire que nous ne produisions pas assez d'ovins en France. Je garde votre intervention dans un coin de mon esprit, car c'est quand même une très bonne nouvelle.

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Dominique Langlois, président de l'Interprofession bétail et viande (INTERBEV)

Le plan de la filière ovine traduit la volonté de relancer la consommation de viande ovine. Cela passe en particulier par la restauration collective, notamment dans les écoles où l'on ne met pas de levain, mais des réformes laitières – brebis. Donner cette viande à des enfants ne leur donnera pas envie d'en manger plus tard. Ce n'est pas de la viande ovine, mais de la réforme de viande ovine. Ce n'est pas du tout pareil.

Présidence de Mme Marielle de Sarnez, vice-présidente de la mission d'information.

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Vous avez également indiqué que nous importions de la viande pour faire du bifteck haché pour la restauration collective. Les règles qui seront fixées vous intéresseront peut-être. Dans cette expectative, des règles supplémentaires font que les rentrées d'Irlande ou d'ailleurs ne seront pas un risque.

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Chère collègue, je propose que nos invités répondent. Ensuite, j'ai une demande de parole de la part de Jean-Louis Bourlanges. Voulez-vous ajouter un mot ?

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Didier Delzescaux, directeur de l'Interprofession nationale porcine (INAPORC)

Je ne ferai pas un plaidoyer contre la montée en gamme, mais je reprendrai l'exemple britannique, lorsque les GMS ont demandé cette évolution dans les années 1990, notamment au regard du bien-être animal dans les élevages de porcs. À l'époque, le Royaume-Uni affichait un taux d'autosuffisance de 90 %. Depuis, ce taux est descendu à 40 % et ce pays achète danois. La montée en gamme est une thématique sur laquelle nous nous sommes engagés. Mais il existe aussi des réalités économiques à ne pas perdre de vue.

Pour finir, j'observe que nous parlons beaucoup de la restauration collective. Pourtant, pour la partie viande, la part importée y est la plus importante.

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Nous sommes d'accord pour le porc. Par ailleurs, vous parlez d'avancées qui n'existent pas en Angleterre. La France est très en avance en bien-être animal. Je crois qu'à la Cooperl, nous avons des « renifleurs ». Je ne pense pas que le Royaume-Uni avance beaucoup plus que cela, de ce côté-là.

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Didier Delzescaux, directeur de l'Interprofession nationale porcine (INAPORC)

Je parlais de l'équilibre économique de la filière britannique, qui était à 90 % d'autosuffisance en 1995, qui a pris des orientations de montée en gammes – justifiées et que je ne remets pas en cause, et qui mâche aujourd'hui danois parce que ce pays a été plus pertinent, d'un point de vue économique, pour occuper ce marché.

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Ils demandent la montée en gamme en France, mais vous êtes déjà très avancés. Ils ne peuvent pas non plus demander n'importe quoi.

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Didier Delzescaux, directeur de l'Interprofession nationale porcine (INAPORC)

Cela peut aller vite.

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Merci beaucoup, ma chère collègue. Vous pourrez y revenir dans quelques minutes. Nous voyons la passion vendéenne qu'est la vôtre ! La parole est à Jean-Louis Bourlanges.

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Je suis beaucoup moins compétent. Je voudrais d'abord vous remercier de nous aider à dissiper une idée que je crois fausse mais qui est très répandue, selon laquelle le Brexit ne serait une mauvaise affaire que pour les Britanniques. En réalité, vous montrez que c'est un jeu à somme négative et que nous serons perturbés en profondeur dans des circuits commerciaux éprouvés de longue date. Notre capacité de prévision est assez limitée. Quels que soient les efforts fournis par les professionnels ou les pouvoirs publics, nous constatons que de nombreuses inconnues nous échappent. Je crois qu'il faut le dire, car nous avons une bonne conscience un peu facile. Les Britanniques ont certainement fait une grave erreur en s'engageant dans cette voie, mais nous connaîtrons des perturbations que vous analysez très bien.

J'ai notamment le sentiment que nous serons confrontés à des problèmes de flux de produits, avec des risques à la fois de dumping, de substitution de produits de fausse exportation -importés à bas prix sur le marché mondial et réintroduits chez nous –, de contrôle de normes – pour le poulet chloré, etc. – ou encore de juge -nous ne savons pas quel juge sera compétent. Tout cela implique, me semble-t-il, une administration des entrées/sorties entre le Royaume-Uni et l'Union européenne incroyablement difficile. Nous ne savons vraiment pas ce que pourraient être les contrôles sur le territoire irlandais, qui ne devrait pas être une frontière mais qui devraient quand même exister entre l'Irlande du Nord et l'Angleterre. À l'opposé, Calais rencontre des problèmes d'infrastructure routière et de files d'attente, sur un fond extrêmement tendu sur le plan humain avec les questions migratoires. Nous avons le sentiment que nous nous heurterons à des problèmes physiques. Réglementairement, nous devons faire des contrôles sérieux, si nous voulons surveiller les poulets chlorés pour reprendre cet exemple. Il ne suffira pas d'apposer un tampon. Réfléchissez-vous, dans vos professions, aux mécanismes qui pourraient être les plus efficaces et les moins polluants en termes de circulation ? Le risque d'une extraordinaire viscosité des échanges est évident, indépendamment du reste. ! Nous connaîtrons des problèmes de frontières que nous n'appréhendons pas vraiment. Il faut réfléchir à des techniques de contrôle et de surveillance en amont et en aval, qui soient aussi légères que possible pour les professionnels, du transport notamment, mais qui soient dans le même temps efficaces.

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Dominique Langlois, président de l'Interprofession bétail et viande (INTERBEV)

Je me permettrai de répondre pour la filière bovine/ovine, amis peut-être aussi porcine. L'un des premiers points essentiels, qui ne dépend pas que de nous mais de l'Europe, est l'étiquetage. Aujourd'hui, la règle du « né, élevé, abattu et transformé » ne concerne que les viandes produites sur le territoire national. Didier Delzescaux a rappelé que nous étions dans un système de dérogation accordé par la Commission jusqu'en décembre 2018. Il faut impérativement que ce « transformé » soit scellé dans le marbre des règles d'étiquetage européennes. Il faut aussi que nous imposions l'étiquetage des viandes qui entrent sur notre territoire. À défaut, nous ne pourrons pas faire la différence entre une viande produite sur le territoire britannique et une viande importée sur le territoire britannique puis réexporté sur notre territoire national. Ce sera impossible, surtout pour les produits transformés, et très difficile pour la viande porcine et bovine. D'autant que les analyses sont à la fois très aléatoires et complexes.

Il faut vraiment que vous ayez en perspective la nécessité d'une avancée sur les règles d'étiquetage. Aujourd'hui, nous ne pouvons pas imposer l'étiquetage des viandes qui ne sont pas produites sur le territoire national. La « viande UE » pourra en fait venir du Brésil. Le risque est donc patent.

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Voulez-vous que les Britanniques étiquettent obligatoirement la viande qui vient de Nouvelle-Zélande ou d'Argentine, par exemple ?

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Dominique Langlois, président de l'Interprofession bétail et viande (INTERBEV)

Oui. Nous voulons qu'ils étiquettent « né, élevé, abattu, transformé » comme nous le faisons.

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Didier Delzescaux, directeur de l'Interprofession nationale porcine (INAPORC)

Il faut surtout qu'il y ait une obligation d'étiquetage d'origine sur le « né, élevé, abattu, transformé » pour la viande commercialisée sur le territoire européen, y compris lorsqu'elle est importée. Cette viande peut être hors Union européenne, mais il faut que l'information figure.

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Bruno Hot, président du Syndicat national des fabricants de sucre (SNFS)

Je souhaite apporter à la question posée par M. Bourlanges une réponse qui diffère de celle de nos amis des filières bovine et ovine. Dans le secteur du sucre et dans celui de l'alcool, du bioéthanol et de l'éthanol, l'étiquetage est dangereux. En effet, ces produits sont proches des commodities. Cela signifie qu'ils sont parfaitement substituables. Le consommateur ne voit pas la différence entre un sucre français, un sucre allemand et un sucre italien. Il s'agit à 99,9 % de saccharose parfaitement substituable. En revanche, vu le niveau de production de la France à partir de betteraves, celle-ci exporte plus de 50 % de sa production dans l'Union européenne. Si vous imposez l'étiquetage de l'origine sur ce produit, vous provoquerez le réflexe du consommateur qui achètera plutôt le sucre allemand ou le sucre italien et nous serons éjectés de ces marchés. Cela entraînera la réduction immédiate de 50 % de la production de betteraves dans notre pays.

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Il pourrait y avoir un étiquetage communautaire, pas nécessairement français.

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Bruno Hot, président du Syndicat national des fabricants de sucre (SNFS)

S'il est communautaire, tous les pays devront étiqueter l'origine du sucre. Par conséquent, les Allemands achèteront du sucre allemand, les Français achèteront du sucre français et les Italiens achèteront du sucre italien. Nous assisterons à la renationalisation du marché. Dans un secteur comme le nôtre, où nous exportons plus de 50 % de notre production sur le marché européen, la situation sera extrêmement compliquée.

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Vous ne seriez pas obligés d'étiqueter « sucre allemand » ou « sucre français ». Vous pourriez mentionner « sucre de l'Union européenne ».

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Bruno Hot, président du Syndicat national des fabricants de sucre (SNFS)

Ce n'est pas ce que veulent nos amis des autres filières.

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Dominique Langlois, président de l'Interprofession bétail et viande (INTERBEV)

Je comprends tout à fait la préoccupation de nos amis du sucre. Une logique d'étiquetage européen ne nous poserait pas de difficulté. Nous étiquetterons la viande « européenne, née, élevée, abattue, transformée ». À la limite, cela ne nous pose pas de difficulté. Ce serait au moins une protection. Mais nous craignons que des viandes venant de pays utilisant des hormones et des antibiotiques ne passent par un territoire tout proche du nôtre et ne se substituent à des productions autochtones britanniques pour venir sur le territoire national français. Nous n'en voulons pas. Les règles européennes nous interdisent de produire dans ces conditions. Les consommateurs le refusent aussi. Ces règles répondent à la préoccupation d'avoir une agriculture saine, durable est respectueuse de beaucoup de critères.

Si nous avons une règle d'étiquetage européen uniformisé sur le « né, élevé, abattu, transformé », il n'y aura pas de difficulté. Il nous reviendra de faire notre travail de professionnels pour informer les consommateurs. Mais il faut bien prendre en compte la protection de toutes les filières.

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Bruno Hot, président du Syndicat national des fabricants de sucre (SNFS)

Je n'ai pas d'opposition à la demande de nos amis de la viande bovine, bien sûr. L'approche retenue par le Gouvernement est la bonne. L'expérimentation se fait dans le secteur de la viande, où la problématique est réelle. Mais le sucre n'est pas « né, élevé, abattu, transformé ». Il est produit, et c'est tout. Et il est parfaitement substituable. La logique n'est donc pas la même. Le fait que l'on avance dans le secteur de la viande avec cette approche ne me pose aucune difficulté. Mais je pense qu'il faut une approche par filière et par secteur. J'imagine que le secteur du vin, qui exporte beaucoup, rencontrerait des difficultés si nous adoptions un réflexe nationaliste. Les indications géographiques protègent, mais elles ne suffisent pas.

Ne vous méprenez pas. Je ne veux pas empêcher les autres filières de se protéger, notamment des effets de swap. Mais pour nous, l'étiquetage ne réglerait pas ce problème. Nous avons probablement besoin d'une approche contingentaire, au besoin en plus.

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Si je puis me permettre, ce ne sont pas les filières qui se protègent. Ce faisant, elles protègent les consommateurs.

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Nicolas Ozanam, délégué général de la Fédération des exportateurs de vins et spiritueux de France (FEVS)

La problématique étant très différente d'une filière à l'autre, je pense que l'approche doit l'être aussi. Les exigences en termes d'information du consommateur varient elles aussi énormément d'un secteur à l'autre. Nous exportons vers deux cents pays. L'année dernière, nous avons exporté pour treize milliards d'euros. L'une des plus belles barrières non-tarifaires est l'étiquetage. Il suffit d'ajouter une mention et vous devez, pour toute votre gamme de produits, redécliner tout un jeu d'étiquettes et des stocks non-utilisables sur d'autres marchés. La segmentation est importante dans le traitement entre les filières, également. Ne partons pas d'un principe général qui produirait des effets extrêmement contradictoires.

Pour revenir à la question posée par M. Bourlanges, je dirais qu'avant même la question des contrôles, se pose pour nous celle des outils qui seront mis en place. En fait, nous cumulerons toutes les difficultés dans un même espace-temps. Le code des douanes communautaires est en train de changer, ce qui affectera la mécanique du passage en frontière. Les Britanniques sont en train de modifier leur système informatique de gestion des flux de marchandises en frontière. Leur nouveau système sera lancé entre maintenant et le mois d'août 2019. Il est peu ou prou calqué sur le dispositif mis en place par les Pays-Bas. Bien que ceux-ci aient une solide habitude de gestion de trafics importants dans leurs ports, ils ont mis quatre ans à caler ce système avant qu'il ne soit fluide et sans difficulté. Pourtant, les Britanniques font l'hypothèse qu'ils le caleront en quelques mois. Ce sera pourtant un big bang monumental.

Outre la problématique des hommes, se pose une problématique de mécanique. Si le système n'est pas fluide et « crashe », ce sera un cauchemar pour tout le monde. Ce sont des préoccupations sur lesquelles nous n'avons pas la main. La douane française a déjà procédé à des recrutements. Les Britanniques font la même chose de leur côté. Mais il faut recréer des compétences et des métiers que nous n'avons plus depuis quarante ans. Cela ne se fera pas du jour au lendemain, a fortiori dans un environnement de traitement de l'information qui n'est pas dimensionné pour cela. Encore une fois, nous ne nous sommes pas posé la question de traiter dans un système informatique douanier les flux intracommunautaires.

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Je demande qu'il soit pris note de ce qui a été dit sur la nécessité de segmentation des filières concernant l'étiquetage. C'est une question extrêmement importante. Tout le monde peut comprendre que la même règle n'est pas censée s'appliquer quels que soient les produits. Il faut dire non à l'uniformité à la française sur cette question.

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Vous parliez à l'instant du système douanier. Hier, la Chambre haute britannique a voté un amendement sur la loi de retrait de l'Union européenne qui écarte l'option de sortie de l'union douanière. Quelle sera l'incidence du maintien du Royaume-Uni dans l'union douanière sur les négociations ? Il me semble qu'il n'engendrerait pas trop de changement. Cela dit, la Première ministre, Mme May, a plusieurs fois exprimé sa volonté d'en sortir, et la Chambre basse pourrait aller dans l'autre sens. Elle n'y a toutefois pas intérêt.

Si nous faisons un soft Brexit, un accord de libre-échange et un maintien du Royaume-Uni dans l'union douanière, avec des droits de douane nuls pour les marchandises transitant entre le Royaume-Uni et les autres pays de l'Union, n'auraient que très peu d'effet sur nos filières. En revanche, si nous faisons un hard Brexit, une étude de Centre d'étude de prospectives et d'informations internationales (CEPII) montre qu'en l'absence d'un accord de libre-échange, avec une soumission complète aux règles de l'OMC, nous perdrions 50 % de nos importations vers le Royaume-Uni. Quel est votre point de vue sur ces deux scenarii ?

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Frédéric Michel, sous-directeur Europe au ministère de l'agriculture et de l'alimentation

Avec un hard Brexit, il n'y aurait que des perdants. Toutes les études le montrent. Cela reviendrait à augmenter de 25 % à 50 % les contrôles, donc à construire des postes douaniers. Mais nous n'avons pas la place de le faire, ni nous, ni eux. Il faudrait donc reconcevoir complètement les terminaux, de part et d'autre. Ce serait extrêmement compliqué.

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Bruno Hot, président du Syndicat national des fabricants de sucre (SNFS)

Sans compter le nombre de camions qui resteraient coincés. L'Association nationale des industries agroalimentaires (ANIA) considère que 7 000 à 9 000 camions transitent quotidiennement vers le Royaume-Uni. Imaginez ces camions bloqués à Douvres ! C'est un vrai sujet de logistique. Et mille cinq cents camions transitent de l'Irlande vers l'Irlande du Nord.

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J'ai parlé de « viscosité » pour ne pas employer le terme de « thrombose ».

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Frédéric Michel, sous-directeur Europe au ministère de l'agriculture et de l'alimentation

Cela pose la question de la « seringue ». Les possibilités pour exporter vers le Royaume-Uni ne sont pas nombreuses.

Concernant l'union douanière, il me semble que la Chambre des Lords a considéré qu'il ne fallait pas exclure cette possibilité. Ce serait une très bonne nouvelle.

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C'est la position de la Chambre des Lords, pas nécessairement de la Première ministre.

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Frédéric Michel, sous-directeur Europe au ministère de l'agriculture et de l'alimentation

Vous avez tout à fait raison. L'un des arguments de la Première ministre est qu'une union douanière enlèverait à la Grande-Bretagne toute possibilité d'avoir une politique commerciale. En effet, elle serait dans les mains de l'Union européenne d'un point de vue tarifaire, c'est-à-dire dans une situation encore pire que celle de la Norvège aujourd'hui puisqu'elle n'aurait même pas voix au chapitre et ne pourrait pas siéger. Pour nous, ce serait idéal ! Mais cela soulèverait beaucoup de difficultés. Cela pose la question du soft Brexit que l'on recherche. Avoir le moins possible de barrières tarifaires ne fonctionne que si l'on a le moins possible de divergences réglementaires. Cela fait partie des hypothèses que nous examinons pour créer des systèmes permettant de conditionner le maintien d'un accord de libre-échange avec zéro euro de tarif douanier, à la condition que toutes les évolutions réglementaires soient acceptées de part et d'autre. C'est extrêmement compliqué. Cela veut dire que toute l'Europe serait « à la merci » de l'aval de la Grande-Bretagne pour des évolutions réglementaires de notre côté. Il faudrait donc créer une sorte de comité, assurant que les réglementations évoluent de façon parallèle, pour limiter les divergences.

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Je donnerai à chaque député qui le souhaite la parole pour conclure notre réunion. Je voudrais simplement, au préalable, reprendre quelques-uns des points que vous avez soulevés dans vos interventions.

Vous avez notamment posé la question des accords économiques et commerciaux. L'Union européenne en a conclu sept cent cinquante. La Grande-Bretagne, qui en est partie prenante, devra donc les renégocier. Je ne sais pas si l'on imagine ce que cela représente.

Vous avez également posé la question des contingents pour les volumes de viande bovine et porcine. La commission des affaires étrangères, dans laquelle nous siégeons par ailleurs, est compétente pour la ratification des traités et des accords commerciaux. Elle traitera donc cette question dans le cadre du CETA. Je dois reconnaître qu'il existe aujourd'hui une incertitude juridique sur ce point. Je crois que le contingent global porte sur 70 000 tonnes pour la viande bovine, avec le Canada dans le cadre du CETA négocié à vingt-huit. Que se passe-t-il quand nous ne serons plus que vingt-sept ? Le Canada pourrait demander à renégocier son quota à la baisse. Mais quelles cartes l'Union européenne a-t-elle en mains ? Nous devrons travailler à cette incertitude juridique. Je dois vous dire que c'est une question à laquelle nous n'avons pas de réponse. Il faudra vraiment lever cette incertitude juridique, parce que c'est une question extrêmement sensible, en particulier en France.

Concernant les PME exportatrices, je partage l'inquiétude de Jean-Louis Bourlanges et la vôtre. Le changement de toutes les règles et de toutes les procédures sera très difficile à suivre pour elles. Une période d'adaptation sera nécessaire. Il faudra que le Gouvernement accompagne, soutienne, et prenne des mesures spécifiques vis-à-vis de toutes ces entreprises. Je ne sais pas si la prise de conscience est réelle. Les difficultés ne concerneront pas la seule Grande-Bretagne. Nous en éprouverons, nous aussi, en France. Une politique d'accompagnement devra être mise en place.

Nous vous avons bien entendus sur ces points. Mes collègues ont-ils quelque chose à ajouter avant que nous en terminions ?

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Les Anglais ont tellement à perdre qu'il ne serait pas raisonnable qu'ils ne nous écoutent pas. Le Brexit sera une catastrophe pour les agriculteurs britanniques, non ? L'intelligence humaine interviendra nécessairement à un moment donné.

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Nicolas Ozanam, délégué général de la Fédération des exportateurs de vins et spiritueux de France (FEVS)

Je n'y crois pas une seconde. Je pense que nous sommes cartésiens et que nous raisonnons avec notre tête, face à un sujet qui est une décision purement politique au sein du Royaume-Uni. L'aléa du vote d'hier, qui laisse une porte ouverte, me semble davantage obéir à des logiques internes de politique britannique que véritablement à la logique de la négociation. Pour notre part, nous travaillons sur la base d'un hard Brexit. Nous invitons nos entreprises à se préparer à un scénario du pire. Nous aurons éventuellement de bonnes surprises. De toute façon, nous serons plus près du scénario du pire que du business as usual.

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Certes, mais nous savons d'expérience, depuis trente ans, que les plus demandeurs de règles sont généralement les Anglais. Je pense au bien-être animal ou à l'étiquetage. Je veux bien qu'en politique l'on oublie ce que veulent les gens, mais là, ce serait quand même « se planter un gros clou dans le pied ».

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Je voudrais m'assurer que nous avons bien compris la même chose. Il n'y aura pas d'accords bilatéraux avec le Royaume-Uni, qui sera devenu un État tiers à compter du 30 mars 2019, mais un accord de libre-échange. C'est ce pour quoi le négociateur en chef, M. Barnier, est mandaté. Tout comme pour la pêche, il s'agit de globaliser cet accord de libre-échange, pour éviter une négociation sectorielle dans laquelle nous serions perdants. Est-ce exact ?

Un hard Brexit serait catastrophique. Mais s'il s'agit d'un soft Brexit, sous forme d'accord de libre-échange de type CETA, je ne pense pas que cela sera si catastrophique. Nous avons une marge de négociation avec les Anglais.

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Frédéric Michel, sous-directeur Europe au ministère de l'agriculture et de l'alimentation

L'objectif est d'avoir un accord de libre-échange qui soit le meilleur possible pour les deux parties. Mais, même dans le meilleur des cas, le Royaume-Uni restera un pays tiers. Cela posera malgré tout la question des douanes et des contrôles. Nous avons toute confiance dans le Commissaire européen.

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Si le Royaume-Uni reste dans l'union douanière, cette question ne se posera pas.

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Frédéric Michel, sous-directeur Europe au ministère de l'agriculture et de l'alimentation

Effectivement.

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Didier Delzescaux, directeur de l'Interprofession nationale porcine (INAPORC)

Cette situation me rappelle la réunification de l'Allemagne. Les mêmes débats se sont tenus, alors. Dans la filière porcine, nous avons vécu cinq ans merveilleux, avec une baisse de la production allemande. L'Allemagne était même devenue importatrice. Puis, en dix ans, ce pays a augmenté sa production de l'équivalent de la nôtre. Tout peut toujours s'inverser dans le moyen et le long termes. Il faut faire en sorte, dans la négociation, d'empêcher que la situation s'inverse. C'est le plus difficile.

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Bruno Hot, président du Syndicat national des fabricants de sucre (SNFS)

Même un soft Brexit sera perdant-perdant. Il n'existe pas de situation gagnant-gagnant, ou gagnant-perdant. Les Britanniques seront peut-être plus perdants, mais nous le serons tous. Il est important de le dire.

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Nous en sommes bien conscients. Personne ne se réjouit de la sortie du Royaume-Uni.

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Bruno Hot, président du Syndicat national des fabricants de sucre (SNFS)

Le marché unique a été créé très longtemps, avec le tarif douanier commun et les règles communes. C'est ce qu'il y a de mieux. Nous sommes en train de le détruire, même si c'est a minima. Si les Anglais conservent le tarif douanier commun et une réglementation identique, ils ne pourront plus prendre leur indépendance et ils renieront complètement les positions politiques prises par leur Première ministre. Il ne faut pas se leurrer, la situation va encore évoluer. Il n'y aura peut-être pas un hard Brexit, mais la situation actuelle ne sera pas maintenue.

Par ailleurs, concernant les contingents, l'article 24.6 de la réglementation de l'OMC prévoit que lorsque l'Union européenne s'élargit, les autres pays tiers ont le droit de demander des indemnités, des contreparties ou des compensations. Il faudrait imaginer un système « 24.6 à l'envers ». Ainsi, lorsqu'une zone qui a déjà négocié un contingent avec un pays tiers perd une partie de sa consommation potentielle, il faudrait pouvoir revenir sur les concessions qui ont été faites. Je l'ai dit tout à l'heure, les Britanniques importent énormément de sucre brut. Or celui-ci vient essentiellement de Tate and Lyle. Si l'on ne corrige pas les contingents, ce qui était prévu pour le Royaume-Uni sera maintenu pour l'Union européenne à vingt-sept, les marchés exploseront et les prix baisseront.

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Je vous remercie. L'inversion du 24.6 est une piste de réflexion. Nous y travaillerons.

Vous avez indiqué qu'il fallait lier tout futur accord au respect des normes. C'est une évidence. Vous l'avez chacun dit et nous le validons complètement. À défaut, nous serons dans une concurrence déloyale. Nous ne pourrons évidemment pas l'accepter.

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Je vous renouvelle mes remerciements. C'est maintenant – très tardivement, en fait – que nous entrons dans la réalité de ce que nous allons affronter. Nous devons faire preuve de beaucoup d'imagination, pour les aspects concrets. Il faut réinventer les contrôles douaniers en profondeur. Il faut les délocaliser. On ne peut pas faire de Calais un lieu de contrôles. Ceux-ci doivent être effectués en amont. C'est la raison pour laquelle je suggère, madame la présidente, que nous organisions une audition avec les services des douanes, qui se situent au cœur des difficultés concrètes – et des solutions à trouver. Je vous remercie d'aider la société française à atterrir dans le réel, même si ce réel est quelque peu boueux.

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Je vous remercie beaucoup. Vous êtes des praticiens de ces questions, et vous nous avez éclairés. Cette mission Brexit et les parlementaires que nous sommes vous entendent. Le Brexit n'était pas une bonne nouvelle. Lilia Tanguy l'a rappelé, aucun d'entre nous dans cette pièce n'a applaudi cette décision. Mais dont acte. La Grande-Bretagne a décidé de quitter l'Europe. Nous devons l'assumer et regarder l'avenir, avec cette donnée qui ne changera pas. Nous entrerons dans une période de transition de deux ans. Elle sera peut-être compliquée et je pense que nous devrons accompagner les uns et les autres. C'est une mission claire pour le Gouvernement français. Nous aurons aussi un partenariat à inventer. Nous n'allons pas reproduire un modèle de partenariat économique de type CETA ou accords de libre-échange. La Première ministre britannique parle de special partnership. Ce partenariat particulier devra préserver les intérêts de l'Union européenne et prendre en compte les intérêts de la Grande-Bretagne, sans pour autant lui donner les mêmes avantages que si elle était restée au sein de l'Union européenne. Nous aurons, dans ce Parlement, à travailler sur ce futur partenariat, à le soumettre au vote et à le ratifier. Ce sera de notre responsabilité, en particulier au sein de la commission des affaires étrangères. L'affaire n'est pas encore terminée. Je pense que nous nous reverrons, dans ce cadre-là.

J'ai toujours pensé qu'il fallait acter la séparation et, en même temps, penser l'avenir. Il est indispensable d'indiquer aux peuples où ils iront ensemble après. Nous avons besoin de dire vers quelles nouvelles relations nous voulons aller.

Je vous remercie. La prochaine réunion de notre mission d'information aura lieu le 17 mai, à 14 heures 30. Il s'agira d'étudier l'incidence du Brexit sur les entreprises, en particulier les PME, avec une audition du ministre de l'économie Bruno Le Maire. Une table ronde sera également organisée avec la Confédération des petites et moyennes entreprises (CPME), les industries de l'automobile et de l'aéronautique.

Enfin, je retiens votre suggestion d'une audition des douanes, à une date que vous calerez dans les semaines qui viennent.

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Nous sommes dans le nouveau monde et la rupture. Mais rassurez-vous, l'histoire est un éternel retour. Nous avons constaté dans cette mission, lorsque nous avons rencontré les institutions européennes à Bruxelles, que Le Parlement européen proposait la conclusion d'un traité d'association entre l'Union et le Royaume-Uni. Or je me rappelle que c'est la proposition qu'avait faite le général de Gaulle lors de son premier veto à Harold Macmillan. Donc ne désespérons pas, l'histoire repasse parfois les plats !

La séance est levée à 17h 30.

Membres présents ou excusés

Présents. - M. Jean-Louis Bourlanges, M. Bertrand Bouyx, M. Daniel Fasquelle, Mme Marie Lebec, Mme Martine Leguille-Balloy, M. Xavier Paluszkiewicz, M. Jean-Pierre Pont, M. Vincent Rolland, Mme Marielle de Sarnez, Mme Liliana Tanguy, Mme Sabine Thillaye

Excusés. - M. Paul Christophe, Mme Christelle Dubos, M. Alexandre Holroyd, M. Jacques Marilossian, M. François de Rugy