La réunion

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L'audition débute à dix-huit heures cinquante.

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L'Assemblée nationale a constitué une commission d'enquête chargée de tirer les enseignements de l'affaire Lactalis et d'étudier à cet effet les dysfonctionnements des systèmes de contrôle et d'information, de la production à la consommation, et l'effectivité des décisions publiques. Il ne s'agit pas de faire de procès de qui que ce soit, ni de juger, ni de punir. Nous voulons essayer de comprendre, afin que tout cela ne se reproduise plus.

Nous avons commencé nos auditions par l'écoute de l'Association des familles victimes du lait contaminé aux salmonelles (AFVLCS), comme il nous semblait logique. Nous venons de recevoir l'Agence nationale de sécurité alimentaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (ANSES) et la direction générale de l'alimentation (DGAL). Et je vous remercie, monsieur le professeur Jérôme Salomon, directeur général de la santé, d'être présent à cette audition, ainsi que M. Thierry Paux, sous-directeur de la veille et sécurité sanitaire de la DGS.

La direction générale de la santé prépare la politique de santé publique et contribue à sa mise en oeuvre. Son action se poursuit à travers quatre grands objectifs : préserver et améliorer l'état de santé des citoyens ; protéger la population des menaces sanitaires ; garantir la qualité, la sécurité et l'égalité dans l'accès au système de santé ; mobiliser et coordonner les partenaires.

Messieurs, nous sommes dans le cadre d'une commission d'enquête parlementaire. Conformément aux dispositions de l'article 6 de l'ordonnance du 17 novembre 1958, je vais vous demander de prêter serment de dire la vérité, toute la vérité, rien que la vérité.

M. le professeur Jérôme Salomon et M. Thierry Paux prêtent successivement serment.

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Monsieur le professeur, pouvez-vous nous indiquer combien de victimes ont été recensées à ce jour ? Ces chiffres seraient susceptibles d'évoluer ? À votre sens, ces chiffres reflètent-ils la réalité ? Toutes les mesures nécessaires à un diagnostic de la maladie ont-elles été mises en oeuvre ? On nous a dit tout à l'heure qu'il était possible qu'un certain nombre de cas n'aient pas été recensés.

Selon vous, les hôpitaux ont-ils réalisé les tests nécessaires sur les enfants contaminés par du lait infantile et leur ont-ils prodigué les soins nécessaires? Les parents de ces enfants qui s'étaient rendus dans les hôpitaux ont-ils été correctement informés de la nature de l'infection ? Tout cela s'est-il bien passé ?

Qui donne l'ordre des retraits ? Est-ce la DGS ? Une liste des lots et des produits retirés a-t-elle été publiée ? Si oui, à quelle date ? Cette liste a-t-elle fait l'objet d'une actualisation régulière, au fur et à mesure du retrait des produits ? Nous savons que des produits ont été retrouvés lors d'une deuxième enquête.

Quelles informations ont-elles été adressées aux professionnels au moment du déclenchement de la crise ? Certains de ces professionnels ont-ils été plus particulièrement informés ? Quelles sanctions ont-elles été prises à l'encontre de ceux qui ont continué à commercialiser les produits qui avaient pourtant fait l'objet d'une procédure de rappel ?

Un suivi a-t-il été mis en place, ou envisagé, pour les bébés touchés par la salmonellose ?

Selon vous, des produits dangereux sont-ils encore commercialisés à ce jour ?

Le 9 décembre 2017, le ministère de la santé a mis en place un numéro vert. Pouvez-vous nous indiquer quels étaient les personnels chargés de répondre aux appels ? Comment ont-ils été formés ? Pourquoi les personnes appelées n'ont-elles pas été recontactées par la suite, lorsqu'on s'est aperçu qu'elles avaient utilisé des produits ayant fait l'objet d'une nouvelle procédure de rappel ?

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Je passerai directement aux questions, car nous sommes impatients d'en entendre vos réponses.

Pouvez-vous expliquer les procédures applicables en cas d'alerte sanitaire concernant des produits alimentaires, et préciser le rôle que vous jouez ? En quoi ces procédures ont-elles été mal appliquées, ou se sont-elles révélées insuffisantes dans le cas de l'affaire du lait contaminé ? L'articulation de vos missions avec celles de Santé publique France, de l'ANSES, mais aussi de la DGAL et de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) vous paraît-elle satisfaisante ?

Pouvez-vous comparer les procédures françaises en cas d'alerte sanitaire, avec celles qui existent dans les autres pays européens ?

Pouvez-vous décrire le processus d'alerte à l'international ? Qu'en serait-il si des produits issus de sites industriels étrangers mais commercialisés en France étaient en cause ? Des dispositifs d'alerte spécifiques sont-ils prévus ?

Plusieurs alertes à la salmonelle avaient déjà visé le site de Craon en 2005, puis en août et novembre 2017. Comment assurer efficacement la surveillance des sites ayant fait l'objet d'une alerte ?

Comment expliquez-vous la présence de salmonelles dans l'usine de Craon en 2017 ? La salmonelle est-elle restée présente depuis 2005, ou s'agit-il d'une nouvelle contamination ? Dans le cas d'une nouvelle contamination, quelle est, d'après vous, son origine ?

Il apparaît que d'autres types de salmonelle que Salmonella Agona ont été repérés chez Lactalis. Pouvez-vous nous indiquer lesquels ?

Y a-t-il eu un retour d'expérience à la suite de la contamination de 136 bébés en 2005, et une évolution de la réglementation prenant en compte ce retour d'expérience ?

Pouvez-vous confirmer que la poudre de lait produite sur le site de Craon n'est utilisée que pour des produits infantiles produits à Craon ?

Intervenez-vous dans les procédures de contrôle des produits alimentaires et si oui, à quel niveau ?

À votre connaissance, les contaminations à la salmonelle sont-elles plus fréquentes en France ou à l'étranger ?

Enfin, quelles mesures préconisez-vous afin que ce type de contamination ne se reproduise plus ?

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professeur Jérôme Salomon, directeur général de la santé

Monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames et messieurs les députés, je commencerai par rappeler le cadre dans lequel travaille la Direction générale de la santé, s'agissant notamment de la surveillance de l'état de santé de la population, sa mission première.

Au sein du ministère de la santé, la DGS se situe très en aval de la chaîne alimentaire puisqu'elle est informée de données cliniques fournies par les médecins et les établissements de santé, et de données microbiologiques fournies par les laboratoires de microbiologie de ville ou hospitaliers. Lui remontent en temps réel, au fil de l'eau, des éléments provenant de la surveillance épidémiologique – autrement dit des données humaines – et de la surveillance provenant de laboratoires de référence ou de centres nationaux de référence placés sous l'autorité du ministère de la santé et soumis au cahier des charges élaboré par Santé publique France – nom de l'Agence nationale de santé publique.

Tel est le contexte organisationnel de la surveillance globale des maladies infectieuses, avec une particularité complémentaire pour la surveillance sanitaire des aliments, où trois directions d'administration centrale sont concernées : la DGAL, la DGCCRF et la DGS. Cela suppose un partage d'informations, une coordination entre ces trois directions d'administration centrale, ainsi que des échanges entre les administrations centrales et les agences nationales de sécurité sanitaire mobilisées sur différentes situations – dans le cas présent, Santé publique France ou l'ANSES.

Comment se passe la détection ? Concrètement, il faut qu'une situation clinique entraîne le recours d'un adulte ou d'un enfant à un professionnel de santé. Ce professionnel de santé décide ou non de réaliser un examen microbiologique. Ce genre d'examen est relativement rare dans la pratique d'un médecin généraliste ou d'un médecin de ville, dans la mesure où l'on ne se résout à engager une recherche microbiologique qu'en fonction de critères particuliers : atypie, sévérité, recherche d'une cause particulière – retour de voyage, exposition à un produit potentiellement dangereux ou toxi-infection alimentaires collectives, c'est-à-dire des cas groupés après une exposition, par exemple lors d'un repas. Ensuite, et notamment dans cette dernière situation, quand on fait une coproculture, c'est-à-dire un examen des selles à la recherche d'un agent pathogène, la difficulté pour le laboratoire est d'identifier une source pathogène parmi de très nombreuses souches, puis de faire confirmer cette identification par le Centre national de référence (CNR) – en l'occurrence ici le Centre national de référence des salmonelles, qui a été à l'origine de l'alerte.

Précisons que plus de 1 185 laboratoires en France participent à la surveillance des infections à salmonelle en France : c'est donc un réseau extrêmement développé. Malheureusement pour nous, il existe plus de 2 000 sérotypes de salmonelles pathogènes, en particulier chez l'homme. Parmi ces sérotypes très divers, on peut citer Salmonella Agona, qui est la souche et le sérotype spécifique en cause dans cette affaire Lactalis. En bout de chaîne, le CNR, le centre référent pour les laboratoires de microbiologie, reçoit 10 000 souches par an pour expertise, dont environ 6 %, soit 600 souches, sont isolées chez des nourrissons de moins d'un an : l'effet de « bruit de fond » est donc important. En excluant les cas pour lesquels une notion de voyage récent a été renseignée, le nombre annuel médian de souches de types S. Agona est de 54 en moyenne lissée sur plusieurs années.

La DGS est dotée d'un dispositif quotidien de remontée d'informations : nous tenons un bulletin d'alerte quotidien ; je réunis et je préside tous les mercredis matin une réunion de sécurité sanitaire avec l'ensemble des administrations concernées et, au-delà du ministère des solidarités et de la santé, la DGCCRF, la DGAL, la direction centrale du service de santé des armées, l'ensemble des agences nationales de sécurité sanitaire ainsi que la CNAM. L'objectif de cette réunion hebdomadaire est d'analyser l'ensemble des signaux qui remontent au fil de l'eau, jour après jour.

En cas de suspicion de mise en cause d'un produit alimentaire, la DGS assure la surveillance épidémiologique renforcée et l'alerte, via Santé publique France, dont elle a la tutelle, le partage d'informations avec l'ensemble des partenaires de la gestion de crise – des protocoles sont régulièrement mis à jour pour faciliter la transmission d'informations en inter-administrations – la coordination inter-administrations des mesures de gestion, et, enfin, la mise en oeuvre des procédures d'alerte, de retrait et d'information.

Thierry Paux, le sous-directeur de la veille et sécurité sanitaire, vous répondra plus précisément sur ce qui s'est passé pendant la crise, le moment où nous avons eu connaissance des faits, les mesures d'information, de retrait, les listes de retrait et d'actualisation. Je reprendrai ensuite la parole pour vous parler des leçons que nous avons tirées de cette crise, et peut-être vous donner des éléments de comparaison internationale.

Auparavant professeur d'université en maladies infectieuses et en épidémiologie, je me sens concerné au premier chef par ce sujet. Mais ayant pris mes fonctions seulement le 8 janvier dernier, je n'étais pas en charge au moment de la crise ; c'est pourquoi je laisserai la parole à Thierry Paux. Mais cela me donne aussi l'avantage d'une certaine neutralité, et peut-être un peu recul, et la possibilité de faire des commentaires sans lien particulier avec la gestion de crise.

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La sensibilité du lait infantile à un risque de salmonellose avait-elle été plus particulièrement identifiée par vous-même ou par vos services ? Ou l'événement est-il plutôt surprenant ?

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professeur Jérôme Salomon, directeur général de la santé

L'événement est surprenant par principe : on surveille la survenue de cas groupés. Mais un tel phénomène, en particulier chez des nourrissons, est toujours préoccupant.

La surveillance spécifique des tout-petits, et plus généralement des populations vulnérables, est un des objectifs prioritaires de la surveillance sanitaire en France. Tous les produis à risque, c'est-à-dire ceux qui ne sont pas transformés, ni chauffés, ni bouillis et qui sont délivrés en l'état, en particulier à des populations fragiles, sont particulièrement surveillés. Quant à la surveillance globale de la salmonelle, ou d'autres pathogènes alimentaires, elle vise en premier lieu les produits qui sont plus souvent à l'origine d'infections alimentaires, en particulier quand il n'y a ni transformation, ni pasteurisation, ni stérilisation, etc. Le fait est bien connu de la chaîne de production alimentaire : les efforts d'hygiène doivent tout particulièrement porter sur les produits destinés aux populations fragiles.

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Avec le recul, quel regard portez-vous sur cette crise ? Au fil des auditions, il nous est apparu qu'il y avait 250 000 cas de salmonelles par an… et seulement 38 dans l'affaire Lactalis.

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professeur Jérôme Salomon, directeur général de la santé

La question est pertinente mais la réponse est difficile. On compte énormément de gastro-entérites en France – nous en sommes tous victimes au moins une fois dans l'année – qui ne donnent lieu à aucune recherche d'agents pathogènes. Personne ne va donc faire de coproculture pour un petit embarras digestif de moins de vingt-quatre heures. Cela étant, on peut s'interroger sur l'origine de ces troubles. Il s'agit souvent d'affections virales – norovirus ou rétrovirus – mais qui, de temps en temps, peuvent être provoquées par un agent pathogène dont on se libère spontanément. Il est difficile d'évaluer.

Pour ce qui est de la magnitude de cette alerte, elle comportait plusieurs éléments préoccupants : premièrement, le fait qu'elle touchait des nourrissons, et l'on ne pouvait qu'être très attentif au devenir clinique des enfants infectés ; deuxièmement, la poudre de lait est un produit sensible, qui doit être très surveillé ; troisièmement, et c'est peut-être aussi l'objet de cette commission, il ne s'agissait pas d'une production artisanale qui touchait trois ou quatre personnes localement, mais d'un produit massivement distribué.

Votre rapporteur a posé la question de la comparaison avec l'international. Sachez donc que l'on dispose maintenant d'une surveillance européenne : le CDC européen, un peu comme le CDC américain (Center for Disease Control and Prevention), surveille l'ensemble des données épidémiologiques européennes. La situation de la France à cet égard n'a rien de particulier : nombre de mes collègues considèrent même que nous avons un dispositif très performant de détection. On a d'ailleurs détecté très peu de souches de S. Agona liées à cette exposition à un produit largement distribué en dehors de la France. Or la répartition du marché et des lots aurait dû, logiquement, avec le même niveau de détection, entraîner le même niveau de cas : ce qui tend à prouver que nous avons un appareil de détection particulièrement sensible. Cela s'est déjà vérifié à l'occasion d'alertes internationales : la France a un système de surveillance épidémiologique, de laboratoires microbiologiques, de CNR considéré comme étant de qualité. L'alerte est d'ailleurs venue du CNR du professeur François-Xavier Weill de l'Institut Pasteur, qui est à l'origine de cette détection groupée de la même bactérie – encore fallait-il identifier que c'est la même bactérie, ce qui est techniquement difficile. Et lorsqu'on a affaire à la même bactérie, au même sérotype et à la même exposition à un produit, on se retrouve avec une alerte d'origine alimentaire.

Ainsi, le système européen fonctionne, et la France est considérée comme un pays bien doté en dispositif de surveillance. Notre pays participe évidemment aux activités du CDC européen, aux activités européennes de surveillance des maladies infectieuses, comme de l'ensemble des risques sanitaires.

Nous disposons aussi d'un système d'alerte rapide, partagé avec l'ensemble des pays de l'Union européenne, qui permet de répercuter dans la journée un message d'alerte reçu par les points focaux, la DGS et notamment son centre opérationnel de réception et de régulation des urgences sanitaires, point d'entrée des alertes, et éventuellement point de sortie d'émission d'une alerte qui peut concerner d'autres pays que la France.

Thierry Paux pourra maintenant aborder dans le détail le rôle joué par la DGS dans cette affaire Lactalis.

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Thierry Paux, sous-directeur de la veille et sécurité sanitaire

Nous avons effectivement été alertés, le vendredi 1er décembre à 14 heures 32, par Santé publique France - dans le cadre du système de surveillance microbiologique présenté par le président Jérôme Salomon - de la détection d'une vingtaine de cas de Salmonella Agona, identifiée chez des nourrissons de moins de six mois en quelques semaines, dont huit entre le 22 et le 30 novembre 2017.

À 17 heures 30, nous organisions une première conférence téléphonique avec l'ensemble des agences de sécurité sanitaire concernées, notamment Santé publique France, l'ANSES, la DGAL et la DGCCRF, afin de partager ces informations autour de l'alerte, définir les premières mesures à mettre en oeuvre, notamment en matière d'investigation, pour déterminer vraiment l'origine de la contamination de ces produits, organiser enfin très rapidement la coordination interservices pour définir qui, dans les trois administrations concernées, allait faire quoi dans cette alerte.

Un plan d'action a été conçu dès le 1er décembre au soir, et mis en oeuvre pendant le week-end des 2 et 3 décembre. Il s'agissait notamment de lancer les investigations sur place par la direction de cohésion sociale et de la protection des populations de Mayenne, afin d'identifier les lots concernés – in fine, douze lots ont été identifiés dans un premier temps –, de poursuivre les investigations épidémiologiques par Santé publique France, qui a contacté l'ensemble des vingt familles pendant le week-end afin de savoir comment allaient leurs enfants, et, à partir de là, d'organiser le suivi épidémiologique.

Nous avons également pris contact avec la Société française de pédiatrie, pour définir des mesures de substitution potentielles pour les familles, sachant que ce lait est parfois prescrit pour raisons médicales : il fallait donc pouvoir trouver des produits de substitution en urgence, d'autant que c'était le week-end. Nous avons aussi lancé l'alerte au niveau national, via un communiqué de presse conjoint de la DGCCRF et de la DGS, le 2 décembre, qui a permis d'informer le grand public, information que nous avons relayée en parallèle aux professionnels et aux établissements de santé.

Par la suite, au fur et à mesure des nouvelles informations qui nous parvenaient à la fois des investigations épidémiologiques – comme la détection d'un nouveau cas, qui permettait, en retraçant, d'identifier un nouveau lot – et des investigations menées sur site par les services en charge du contrôle – qui permettaient, par exemple, de repérer de nouveaux lots contaminés – nous avons mis en place à peu près le même schéma, avec des réunions de concertation interservices afin de partager la gestion de cette alerte.

Dans ce schéma, la DGS s'est plutôt focalisée sur les actions suivantes : la production de recommandations sanitaires, en particulier avec la Société française de pédiatrie, à l'adresse des familles qui souhaitaient avoir recours à ce type de lait, des professionnels de santé, mais également du grand public ; la mise en alerte des professionnels de santé et des établissements de santé, à travers les différentes recommandations et consignes de prise en charge ; l'information des populations en toute transparence, avec un accompagnement sur la conduite à suivre et sur les produits à utiliser face à l'apparition de symptômes.

La liste des produits et des lots concernés par les rappels a été mise en ligne sur le site internet du ministère chargé de la santé, et régulièrement mise à jour. Nous avons par ailleurs mis en place un Numéro vert, diffusé un certain nombre de communiqués dans la presse, sur les réseaux sociaux, et réalisé un certain nombre d'interviews dans la presse.

Enfin, nous avons sollicité et piloté le renforcement de la surveillance, assurée par Santé publique France : sensibilisation des professionnels de santé, des réseaux de laboratoires pour les prélèvements humains, ainsi que des centres antipoison de l'ANSES, puisqu'un certain nombre de cas auraient pu être également détectés par ce canal.

En parallèle, nous avons été attentifs aux éventuelles difficultés d'approvisionnement des produits concernés, puisque nous sommes plutôt sur des marchés de niche. Nous avons dû nous assurer de pouvoir trouver des alternatives, et nous assurer de la disponibilité de celles-ci sur le marché français.

Pour ce qui est du bilan de l'épidémie, à ce jour, nous avons détecté 38 cas de S. Agona, tous chez des nourrissons, plus trois cas à l'international – deux en Espagne et un en Grèce. Aucune forme grave n'a été constatée, tous les bébés vont bien et n'ont plus de problèmes de santé.

Au total, nous avons organisé sur l'ensemble de cette période de gestion de crise huit réunions interservices, principalement sous forme de conférences téléphoniques ; nous avons sollicité sept avis d'expertises, en particulier auprès de la Société française de pédiatrie et de Santé publique France, non seulement sur les conditions sanitaires, mais également sur des mesures d'expertise plus particulières ; nous avons diffusé deux messages d'alerte à l'ensemble des professionnels de santé, inscrits dans le cadre du système DGS-Urgent ; nous avons envoyé deux messages d'alerte à l'ensemble des établissements de santé, quatre messages aux agences régionales de santé (ARS) avec des consignes à donner, notamment pour vérifier l'effectivité des retraits dans les établissements de santé. Cinq articles ont été mis en ligne sur le site internet du ministère de la santé ; deux communiqués de presse DGSDGCCRF ont été diffusés. Plus de 9 000 appels ont été traités à travers le numéro vert du ministère, numéro clôturé le 24 décembre au soir, plus aucun appel n'ayant été recensé sur cette plateforme.

Cette plateforme est alimentée par des professionnels formés à l'écoute et à la réponse au public. Cette formation est basée sur ce qu'on appelle une « bible », c'est-à-dire un jeu de questions-réponses fourni par les autorités sanitaires, c'est-à-dire le ministère de la santé en lien avec les autres administrations centrales. Les personnes répondantes à ce numéro vert sont habilitées à donner de l'information, mais en aucun cas à organiser un suivi sanitaire ou épidémiologique. Le conseil donné aux personnes qui avaient besoin d'une prise en charge était de contacter leur médecin. Il revenait ensuite à celui-ci de les orienter dans le système de santé, pour leur assurer une prise en charge et un suivi adaptés et, le cas échéant, nous alerter via Santé publique France s'il y avait une inclusion de cas ou pas.

Était-ce la même souche qui avait circulé en 2004-2005 et en 2017 ? Parallèlement aux mesures de gestion que je viens d'évoquer, nous avons demandé, à partir du 4 décembre, au CNR d'entamer la comparaison des souches d'épidémie de 2004-2005, qui avaient déjà touché l'usine de Craon, et celle de 2017. Cette analyse de souches n'est possible que grâce à une nouvelle technique de séquençage du génome dont dispose le CNR « Salmonella ». Cette étude n'aurait pas été possible si l'épidémie de 2017 avait eu lieu deux ou trois ans auparavant : nous n'aurions pas eu les moyens techniques nécessaires. Les résultats, rendus le 28 décembre, ont confirmé que les souches de ces deux épidémies sont liées, ce qui va dans le sens de l'hypothèse d'une persistance de la bactérie sur le site de l'usine depuis treize ans.

Nous avons donc demandé au CNR d'identifier cette souche épidémique parmi les souches de Salmonella Agona qu'il avait reçues entre 2005 et 2017 et de vérifier si les souches de 2017 et celles de 2004-2005 avaient contaminé d'autres bébés entre ces deux épidémies. Sur les 95 souches identifiées par le CNR, 27 souches reçues entre 2006 et 2016 ont pu être identifiées comme étant S. Agona4 – autrement dit correspondant effectivement aux souches ayant provoqué les épidémies de 2004-2005 et 2017. Cela signifie que 27 bébés ont été infectés par la même souche, retrouvée uniquement chez des nourrissons ayant consommé du lait infantile fabriqué dans l'usine de Craon ; en revanche, nous ne disposons pas d'informations sur leur consommation alimentaire avant leur contamination.

Vous vous êtes étonnés de la différence entre le nombre de cas recensés par Santé publique France et celui relevé par l'association de victimes que nous avons également reçue au mois de janvier. Cette dernière fait état plus de 200 cas, d'après les données de ses adhérents. Cette différence est tout à fait plausible. Tout dépend de ce que l'on compte. Comme l'a souligné le professeur Jérôme Salomon, tous les cas de salmonellose ne sont pas forcément intégrés dans le système de surveillance, notamment lorsqu'ils sont bénins. Les cas comptabilisés par Santé publique France répondent à une définition précise : ils concernent les nourrissons ayant une diarrhée après consommation de lait, ayant fait l'objet d'une consultation médicale et d'une coproculture et pour lesquels les laboratoires ont isolé une souche de Salmonella transmise au CNR. Il est probable que certains cas n'ont pas été recensés car les salmonelles peuvent être responsables d'un éventail de symptômes très large, allant du portage sain à un tableau de diarrhées plus ou moins sévères ne nécessitant pas forcément de coproculture, ni même une consultation médicale.

S'agissant des personnes qui n'ont pas forcément été rappelées à la suite de leur appel sur notre plateforme, nous n'en avons pas moins mis en place un suivi spécifique au profit des 38 cas recensés : nous avons demandé à Santé publique France d'organiser à distance un suivi sanitaire de ces cas afin de pouvoir repérer d'éventuelles complications ou des difficultés de prise en charge des familles. Ayant été interpellés par l'association des familles de victimes, nous nous sommes engagés devant elle à trouver des solutions de prise en charge adaptées. Sur les 38 familles auxquelles a été proposé ce service, une seule nous a contactés. Nous avons donc trouvé la solution adéquate ; à présent, l'enfant va bien.

La Société française de pédiatrie, que nous avons sollicitée, ne recommande aucun suivi médical pour les enfants ayant consommé du lait contaminé ou recensés parmi les 38 cas. En effet, aucune conséquence médicale à moyen ou à long terme, une fois passée la phase aiguë, n'est identifiée dans la littérature en cas d'intoxication à Salmonella. S'il n'y a pas eu de complications initiales, notamment de localisations septiques secondaires, il n'y a pas lieu de mettre en place un suivi sanitaire de long terme car il n'y a pas de conséquences médicales a priori pour ces publics.

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À partir du 1er décembre, à quel moment avez-vous su que le problème venait précisément de chez Lactalis et de l'usine de Craon ? À la suite de cette analyse, quelle a été la date des premières analyses sur site chez Lactalis ? Pouvez-vous nous confirmer la date de fermeture de la tour n° 1 de l'usine de Craon ?

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Thierry Paux, sous-directeur de la veille et sécurité sanitaire

Nous avons effectivement eu de fortes suspicions, dès le 1er décembre au soir, que les cas étaient liés à la consommation de produits Lactalis. Nous avons donc demandé à la DGCCRF de lancer des investigations pour retrouver où les lots concernés avaient été fabriqués. C'est tout l'enjeu de l'enquête qui a été menée au cours du week-end du 2 au 3 décembre. Dès le samedi 2 décembre au soir ou le dimanche 3 décembre matin, nous avons eu la certitude que le problème venait de l'usine de Craon ; cela a fait l'objet du communiqué de presse publié le 3 décembre. Je n'ai plus en tête la date de la fermeture de la tour n° 1, mais je pourrai la retrouver très facilement.

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professeur Jérôme Salomon, directeur général de la santé

Je voudrais revenir sur la complexité de l'enquête. Comment l'enquête se passe-t-elle en temps réel ? Nous ne sommes pas dans le cadre d'une déclaration obligatoire, mais dans celui d'une déclaration spontanée et de l'identification de souches. Le CNR analyse petit à petit les souches qui lui arrivent – et encore faut-il qu'elles lui parviennent, ce qui soulève la question de la qualité des prélèvements et de l'envoi de ces derniers des laboratoires de microbiologie au CNR. Lorsque ce dernier détecte une « bouffée » du nombre de cas infectés par la même souche, il interagit avec les épidémiologistes en les prévenant de ses inquiétudes et en leur signalant avoir identifié plusieurs cas de souches identiques, touchant de surcroît des nourrissons. Une enquête épidémiologique se met alors en place – que Santé publique France vous expliquera – pour rechercher un facteur d'exposition commun. Un interrogatoire est mené auprès des parents. C'est là qu'on commence à rechercher des produits pour nourrissons, et en particulier des produits lactés. C'est à ce moment-là que se déclenchent l'alerte et la mobilisation des autorités sanitaires que Thierry Paux vient de décrire.

C'est la succession d'étapes dans ce circuit – le fait qu'un médecin doive avoir été appelé et intervienne, que la souche doive être identifiée, puis envoyée au CNR que l'analyse – qui explique ce phénomène d'informations successives. Il ne s'agissait pas forcément de nouveaux cas, mais plutôt de nouvelles identifications de cas déjà survenus, et confirmées par le CNR, ce que les journalistes n'ont pas compris. Les données dont on dispose sont de plus en plus fines au fur et à mesure que l'investigation se poursuit puisque la difficulté, une fois que les parents nous disent avoir utilisé un produit lacté, est de déterminer de quel produit il s'agit et de retrouver la boîte et le numéro qui y figure. Ensuite, une enquête est lancée à la fois avec les épidémiologistes et surtout les services de contrôle de l'alimentation et de la répression des fraudes, qui se projettent immédiatement sur l'usine incriminée. La direction générale de la santé ne participe pas à ces investigations : les nôtres se font soit au lit du malade, soit auprès de la famille en cas d'enquête épidémiologique.

À notre demande, les 10 000 souches qui arrivent chaque année au CNR sont stockées dans une biothèque, c'est-à-dire dans une bibliothèque de souches, afin de pouvoir être comparées. On a réussi, grâce à une technique exceptionnelle désormais maîtrisée par le CNR de l'Institut Pasteur, à séquencer complètement le génome de la souche afin de détecter si les souches antérieures étaient identiques. C'est grâce à cette technique spécifique et à cette recherche demandée au CNR, qui a exigé un gros travail scientifique qu'on a pu identifier que les salmonelles étaient du sérotype Agona, ce qui est déjà assez rare, et qui plus est Agona4 et génétiquement liées, autrement dit démontrer une filiation entre les souches identifiées en 2004-2005 et celles de 2017. Mais comme l'a indiqué Thierry Paux, il n'était techniquement pas possible d'avoir ces informations en 2005.

Ces éléments techniques permettent de comprendre pourquoi les informations nous sont arrivées au fil de l'eau : il faut aller interroger les parents, retrouver les lots, demander aux parents de retrouver les boîtes, etc. C'est un véritable travail d'enquêteur, mais indispensable.

Pour résumer, l'alerte est venue du côté sanitaire – et c'est tant mieux car on a un très bon CNR, doté d'une équipe de recherche de haut niveau ; les épidémiologistes ont rapidement identifié l'exposition à différents lots, même si le nombre de lots incriminés s'est petit à petit élargi au fur et à mesure que l'information nous remontait sur les différents cas qui ont fait l'objet d'investigations ; on a pu, grâce à la technique dont je vous parlais, identifier un lien entre l'épisode de 2004-2005 et l'épisode actuel.

Tout cela nous pousse non pas à émettre un satisfecit mais à encore améliorer l'efficacité du dispositif. C'est ma responsabilité, en tant que directeur général de la santé, que d'accroître encore la protection de la population et les mesures de prévention. On peut notamment renforcer la partie « contrôle » du dispositif, mais la DGS n'intervenant qu'en aval de ces contrôles, elle ne peut elle-même actionner ce levier. Ensuite, nous avons vraiment besoin de travailler à l'amélioration de la qualité de l'information du public et de l'efficacité des retraits de produits : nous avons saisi le Conseil national de la consommation et nous restons attentifs au fait qu'il nous faut gérer tout à la fois des alertes environnementales, des alertes alimentaires et des alertes spécifiques à des produits de santé – médicaments ou dispositifs médicaux.

On peut encore améliorer la coordination interservices, même si elle est de qualité, en revoyant les procédures d'échanges, de rédaction des communiqués de presse et d'information du public. Tout étant perfectible, nous allons nous atteler à ce travail, d'autant que nous avons maintenant systématiquement le réflexe de faire des retours d'expérience : chaque événement de ce type doit faire l'objet d'un retour d'expérience interservices et la ministre des solidarités et de la santé est attentive aux leçons qu'on peut tirer de cette affaire.

Enfin, on pourrait actualiser, sinon renforcer le dispositif de surveillance épidémiologique et microbiologique. Nous sommes allés assez loin dans l'information des familles : elles ont évidemment été très inquiètes, ce qui est tout à fait légitime. Heureusement, on n'a constaté aucun cas grave et les pédiatres rappellent que ce type d'infection n'est pas suivi de conséquences à moyen ou long terme : il n'y a pas de séquelles ou d'infection chronique à craindre, ni de suivi renforcé à proposer à ces enfants. Nous avons quand même veillé, compte tenu de l'inquiétude légitime des parents et du retentissement médiatique de l'affaire, à ce que toutes les familles soient contactées directement et individuellement par les épidémiologistes de Santé publique France et se voient proposer une prise en charge spécialisée ou un soutien si nécessaire. Nous veillons à tirer toutes les leçons de cet épisode.

Malheureusement, le risque lié aux salmonelles est tellement vaste qu'il ne saurait disparaître. Il faudra donc qu'on veille à le prévenir au maximum dans les prochaines années. La spécificité de cette alerte tient au fait qu'elle porte à la fois sur un produit industriel en production massive, sur un produit à risque puisqu'il s'agit d'un lait qu'on ne fera pas bouillir ni stériliser et surtout, sur une population présentant un risque particulier, a fortiori s'il s'agit de nourrissons.

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Nous allons auditionner la grande distribution, les pharmaciens et les crèches. Pourriez-vous nous expliquer les procédures que vous suivez pour informer ces acteurs ? Je n'arrive pas à comprendre pourquoi, malgré vos communiqués de presse, ils ont encore pu vendre des produits contaminés.

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professeur Jérôme Salomon, directeur général de la santé

La première des difficultés a été que les retraits ont été successifs et qu'on touchait des lots de plus en plus nombreux. Ensuite, on se retrouve dans un double circuit. Ces produits se retrouvent tout d'abord dans le circuit de la distribution grand public, la difficulté étant, pour la DGCRRF, d'avoir la certitude que l'ensemble des distributeurs appliquent les mesures de retrait et que les consommateurs ont accès à une information de qualité sur les produits touchés par la procédure de retrait. Mais ils empruntent également les circuits de santé, qui relèvent de notre champ de compétences spécifique.

Même si les communiqués sont communs aux trois administrations, nous avons été très attentifs aux circuits de la santé qui sont encore plus sensibles : cela concerne à la fois les personnels de la petite enfance, les professionnels de santé, les circuits de distribution en officine (dans la mesure où les produits concernés sont distribués en ville et dans les pharmacies d'officine), mais également les établissements de santé qui les commandent, à ceci près qu'on ne se situe pas dans un circuit de produits de santé.

L'alerte « produits de santé » est parfaitement rodée puisqu'on envoie des messages quasi quotidiens à l'ensemble des établissements de santé et des officines par l'intermédiaire du dossier pharmaceutique. Les officines de notre pays étant toutes connectées au même dossier pharmaceutique, on peut leur envoyer à toutes un message d'alerte dans un délai nul. Dès qu'elles reçoivent un de nos messages, les officines en accusent réception. Le circuit d'information des officines est donc extrêmement fiable.

Du côté des établissements de santé, le circuit est aussi extrêmement rodé : nous transmettons de nombreux messages d'alerte, via nos réseaux spécialisés – DGS-Urgent, MinSante et MARS (Messages d'alerte rapide sanitaire) –, et qui, globalement, sont adressés à des personnes ayant l'habitude des alertes sanitaires : les chefs d'établissement, les chefs de service des urgences, les chefs de service de réanimation et certaines spécialités ou les pharmacies à usage intérieur qui ont la responsabilité de la délivrance des produits de santé. Mais le cas présent, on est dans un circuit un peu différent dans la mesure où l'on a affaire à un produit grand public, non médicamenteux, distribué non par la pharmacie de l'hôpital mais par la logistique classique de l'établissement, à l'image des stocks d'eau minérale, par exemple.

L'enjeu est de s'assurer que l'ensemble des personnes concernées – ce que j'appelle la « cible » et qui pose toujours problème dans le domaine de la santé – est parfaitement informé des produits touchés. Il faut donc utiliser à la fois les sites internet officiels et les réseaux sociaux pour diffuser la liste officielle des produits concernés ; il faut ensuite s'assurer que l'information au dernier kilomètre, en bout de chaîne, est bien reçue et que les mesures de retrait sont effectivement appliquées, sachant que le réseau de distribution en l'occurrence était absolument gigantesque.

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Thierry Paux, sous-directeur de la veille et sécurité sanitaire

La première difficulté qu'a pu nous poser ce produit était, comme l'a dit Jérôme Salomon, de suivre la succession des procédures de retrait-rappel. La seconde est qu'il ne s'agit pas d'un produit de santé, mais d'un produit alimentaire. Les procédures applicables dans les établissements de santé n'étaient donc pas forcément aussi sécurisées et tracées que dans le cas d'un produit de santé.

Des produits ont été retrouvés dans onze hôpitaux à la suite des contrôles de la DGCCRF. Nous avons alors sollicité les agences régionales de santé pour qu'elles vérifient qu'ils n'étaient pas mis à disposition des patients de l'hôpital – ce qui n'était effectivement pas le cas. La plupart du temps, il s'agissait de produits qui avaient été mis à l'écart mais qui n'avaient pas forcément encore été détruits.

S'agissant des officines, selon les derniers chiffres de la DGCCRF, 57 d'entre elles étaient concernées, parmi lesquelles vingt-cinq ont fait l'objet d'un procès-verbal et feront donc certainement l'objet de poursuites judiciaires – ce qu'il ne nous appartient pas de commenter ici. Le Conseil national de l'ordre des pharmaciens souhaite également prendre des sanctions disciplinaires contre ces 25 officines ; sa présidente s'est prononcée à plusieurs reprises en faveur de sanctions très sévères. Les 32 autres officines ont simplement manqué à leur obligation d'affichage, mais tous les produits avaient été retirés des surfaces de vente. Le problème n'a donc concerné qu'un nombre relativement restreint de pharmacies d'officine en France.

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La commission ne peut que se réjouir du fait que l'ensemble des nourrissons qui ont été touchés par cette salmonelle aillent bien maintenant, ce qui n'enlève rien au fait que les parents aient pu être angoissés. Il est quand même terrible de penser qu'on nourrit son bébé avec un produit susceptible de l'empoisonner ! C'eût pu être plus grave, avec un bébé immunodéprimé ou déshydraté, ou, pire, avec une autre souche, Salmonella Typhi, par exemple, que l'on ne voit plus, heureusement, mais qui pourrait nous revenir d'un pays étranger. Auriez-vous dans une situation de ce genre, beaucoup plus dangereuse, les moyens de faire la même chose que ce que vous avez fait cette fois-ci ?

Le numéro vert est-il assuré par des permanents ou faites-vous appel à des personnes au coup par coup, en fonction de la maladie concernée ? Je sais notamment que le centre antipoison emploie des spécialistes. Une fois l'affaire close, vous fermez le numéro vert ; s'il faut en rouvrir un deux mois plus tard sur un autre sujet, qui va-t-on chercher ? faites-vous appel à des personnes du secteur privé, à des médecins spécialisés, sélectionnés en fonction de la difficulté ?

Enfin, le fameux « conseil de défense » du mercredi est-il présidé par un général ? Y a-t-il un patron ? Nous nous apercevons, au fil de nos auditions, qu'il y a trois directions et quatre sous-directions qui interviennent, quinze personnes qui contrôlent et douze qui alertent : cela fait un petit millefeuille… S'il y a un général, est-ce vous ? Et si c'est vous, avez-vous toutes les informations et tous les moyens nécessaires pour diriger cet orchestre censé jouer de façon parfaitement synchrone pour que tout se passe bien ?

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professeur Jérôme Salomon, directeur général de la santé

Je suis totalement en phase avec vos premières conclusions : nous sommes tous soulagés qu'il n'y ait pas eu de conséquences sérieuses pour les enfants ni pour leurs parents.

En tant que spécialiste des maladies infectieuses, j'envisage aussi toujours un événement plus grave. Cela peut très bien arriver du fait des maladies émergentes et du risque lié à la mondialisation et aux changements climatiques. Les maladies qu'on peut observer ailleurs peuvent tout à fait être importées dans notre pays. D'où l'importance d'avoir un dispositif de veille et d'alerte solide – ce qui est le cas, me semble-t-il, en particulier grâce à nos professionnels de santé. Heureusement, chaque professionnel de santé – infirmier, sage-femme, pharmacien et évidemment tout personnel des établissements de santé – a une responsabilité de santé publique en matière d'alerte. Nous avons donc un double système d'alerte. Il y a, d'une part, le système de déclaration de tout événement indésirable grave, dans l'ensemble des établissements de santé : le décès brutal d'un nourrisson dans un contexte infectieux donne immédiatement lieu à déclaration et enquête. Il y a, d'autre part, le dispositif de notification obligatoire qui oblige l'ensemble des professionnels de santé à immédiatement déclarer à l'ARS une liste de maladies infectieuses à risque, dont la peste et le choléra. Salmonella Typhi, dont vous parlez, fait partie de cette liste : la survenue d'un seul cas donnant immédiatement lieu à déclaration, l'alerte serait encore plus précoce.

Le numéro vert peut être activé en quelques heures en cas d'alerte. Le dispositif dont vous parlait Thierry Paux est assuré par des professionnels de la réponse et de l'information qui travaillent sur tout type d'alerte. Nous avons la responsabilité de leur fournir un document valide et fiable, comprenant les éléments factuels dont nous disposons.

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Le dispositif est-il sous-traité à une entreprise ?

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professeur Jérôme Salomon, directeur général de la santé

Tout à fait, à des professionnels de la réponse. Évidemment, toutes les questions sont prévues ; et dès que l'on aborde des questions médicales et d'organisation, on bascule sur le système sanitaire, à savoir le médecin traitant ou le centre 15 qui joue un rôle très important dans la régulation des urgences infectieuses en France.

Enfin, la réunion de sécurité sanitaire est présidée par le directeur général de la santé. J'assume donc totalement cette charge. Cette réunion se déroule dans d'excellentes conditions puisque toutes les administrations concernées, les agences de sécurité sanitaire et la Caisse nationale d'assurance maladie (CNAM) y sont présentes. On peut parfaitement mobiliser au quotidien, en dehors de cette réunion du mercredi – y compris le vendredi soir et le week-end –, l'ensemble des directions d'administration centrale. Le Centre opérationnel de réception et de régulation des urgences sanitaires et sociales (CORRUSS), piloté par Thierry Paux, peut fonctionner 24 heures sur 24 en situation de crise. On peut éventuellement l'armer pour en faire un centre de crise sanitaire et mobiliser à partir de là les différentes administrations concernées et les agences qui peuvent elles aussi travailler le week-end pour réaliser des investigations épidémiques. Nous n'avons aucune difficulté en termes de mobilisation ou de réponse aux sollicitations en cas de crise, d'autant que les échanges d'informations sont parfaitement fluides : le bulletin quotidien des alertes est émis entre 18 heures et 19 heures tous les soirs ; un pré-bulletin de la réunion de sécurité sanitaire est envoyé le mardi ; la réunion du mercredi – qui peut être présidée, si besoin est, par la ministre des solidarités et de la santé – donne lieu à un compte-rendu d'une trentaine de pages, que je valide avant diffusion à l'ensemble des administrations. Les informations sont donc partagées et les décisions connues. Les décisions prises lors de cette réunion s'imposent à l'ensemble des membres présents autour de la table et nous disposons avec le compte-rendu d'un document opposable, conservé et archivé semaine après semaine, et d'un outil simple de suivi des décisions prises la semaine précédente, avec évidemment la possibilité de passer à un dispositif de crise quotidien si nécessaire.

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Monsieur le professeur, monsieur le sous-directeur, nous vous remercions pour la qualité de votre exposé, et pour être restés si tard avec nous.

L'audition s'achève à dix-neuf heures cinquante.

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Membres présents ou excusés

Réunion du mardi 10 avril 2018 à 18 h 30

Présents. - M. François André, M. Grégory Besson-Moreau, M. Frédéric Descrozaille, M. Christian Hutin, Mme Caroline Janvier, Mme Frédérique Lardet, M. Michel Lauzzana, M. Jean-Claude Leclabart, M. Didier Le Gac, Mme Laurence Maillart-Méhaignerie, Mme Graziella Melchior, M. Bruno Questel, M. Arnaud Viala

Excusé. - Mme Séverine Gipson