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Erwan Balanant
Question N° 38443 au Ministère de la justice


Question soumise le 27 avril 2021

M. Erwan Balanant alerte M. le garde des sceaux, ministre de la justice, sur l'application de l'article 222-23 du code pénal définissant le crime de viol, en particulier, s'agissant de l'interprétation de la notion de pénétration sexuelle. L'article susvisé précise explicitement que « tout acte de pénétration sexuelle de quelque nature qu'il soit, commis sur la personne d'autrui ou sur la personne de l'auteur par violence, contrainte, menace ou surprise est un viol ». Toutefois, dans un arrêt du 14 octobre 2020 (n° 20-83.273), la chambre criminelle de la Cour de cassation a procédé à une interprétation inquiétante de la notion de pénétration sexuelle, semblant alors délivrer une interprétation ultra legem. Elle a, en effet, considéré que l'acte de pénétration sexuelle, pour être caractérisé, doit répondre à des critères tels que « la profondeur, l'intensité, la durée ou le mouvement ». Cette interprétation semble d'autant plus hasardeuse et choquante que, dans l'affaire où elle était saisie, étaient en cause des actes bucco-génitaux et des attouchements digitaux perpétrés à répétition par un homme sur la fille de sa compagne, à partir des treize ans de celle-ci. L'adolescente, âgée de dix-neuf ans au moment de sa plainte, soutenait notamment « j'ai senti qu'il m'a pénétrée avec sa langue à force d'insister ». Toutefois, la Cour de cassation confirme la requalification des faits en agression sexuelle aggravée par les juges du fond, considérant que la plaignante « ne caractérise pas suffisamment une introduction volontaire au-delà de l'orée du vagin, suffisamment profonde pour caractériser un acte de pénétration ». Ce faisant, la chambre criminelle de la Cour de cassation restreint la définition du viol et place les victimes de viol dans une situation d'insécurité juridique. Cette décision semble, en outre, rompre avec une jurisprudence largement établie, depuis un arrêt de la chambre criminelle en date du 21 février 2007 (n° 06-89.543, bull. crim. n° 61), laquelle retient une conception purement objective de la pénétration sexuelle. Selon cette jurisprudence, la seule pénétration par un organe sexuel ou dans un organe sexuel permet de caractériser l'infraction. Afin notamment d'éviter qu'une telle restriction de la définition du viol ne soit entérinée, l'article premier de la loi n° 2021-478 du 21 avril 2021 visant à protéger les mineurs des crimes et délits sexuels et de l'inceste introduit les articles 222-23-1 et 222-23-2 dans le code pénal. Ces derniers permettent d'inclure les actes bucco-génitaux, quels qu'ils soient, dans les définitions du viol sur mineur et du nouveau crime de viol incestueux sur mineur. Toutefois, le risque de requalification d'actes de pénétration sexuelle en agression sexuelle, lorsque la profondeur de la pénétration n'est pas établie, subsiste, en particulier si la victime est majeure. En vue d'éviter une évolution jurisprudentielle pérenne allant dans ce sens et diminuant la protection octroyée aux victimes, il lui demande par quelles mesures il compte clarifier la notion de pénétration sexuelle.

Réponse émise le 3 août 2021

La loi n° 2021-478 du 21 avril 2021, visant à protéger les mineurs des crimes et délits sexuels et de l'inceste, est venue renforcer de façon très significative la répression des infractions sexuelles, qu'elles soient commises contre des mineurs ou contre des majeurs. L'objectif principal de cette réforme est de compléter les incriminations de viol et d'agressions sexuelles, dont la définition exige comme éléments constitutifs des actes de violence, contrainte, menace ou surprise, par de nouvelles définitions de ces infractions, applicables, dans certaines conditions précisément définies par le législateur, aux seuls actes commis sur des mineurs par des majeurs, sans que soient alors exigés de tels éléments. Ces nouvelles incriminations ont ainsi pour objectif de supprimer le critère du consentement pour les relations sexuelles entre un majeur et un mineur de 15 ans, ou, dans certains cas de relations incestueuses, entre un majeur et un mineur. En matière de viol, elles sont prévues par les nouveaux articles 222-23-1 et 222-23-2 du code pénal, qui complètent l'article 222-23 définissant de manière générale le viol. Lors de l'examen de ce texte, le Parlement a adopté, avec l'accord du Gouvernement ou sur proposition de celui-ci, des amendements réécrivant la définition du viol, désormais prévue par les articles 222-23, 222-23-1 et 222-23-2 du code pénal, afin de qualifier de viol non seulement les actes de pénétration sexuelle, mais également les actes bucco-génitaux. Il résulte donc de ces dispositions que désormais, tout acte bucco-génital imposé à une victime constitue nécessairement un viol, et non plus une agression sexuelle.

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