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Ugo Bernalicis
Question N° 36634 au Ministère de la justice


Question soumise le 23 février 2021

M. Ugo Bernalicis interroge M. le garde des sceaux, ministre de la justice, sur la mise en œuvre de la politique sanitaire en milieu carcéral pendant la crise du covid-19. Dans une tribune du 5 mai 2020, M. le député interrogeait déjà la ministre de l'époque, Mme Nicole Belloubet, sur la « bombe sanitaire » liée au coronavirus en prison et appelait de ses vœux des mesures fortes et concrètes pour limiter sa propagation et protéger l'ensemble des personnes, qu'elles soient des détenus, des visiteurs ou des personnels pénitentiaires. Force est de constater qu'après 6 mois, un deuxième confinement, deux couvre-feu et un probable troisième confinement, la situation n'a pas été prise au sérieux et souffre de nombreuses carences. Pire, aucune stratégie spécifique ne semble être envisagée pour lutter contre la propagation du coronavirus dans les prisons. Or M. le député rappelle au ministre que la lutte contre le virus ne s'arrête pas aux portes des établissements pénitentiaires et que la dignité ainsi que la santé des personnes incarcérées importent tout autant que celles des personnes libres. Il est de sa responsabilité d'en garantir la protection. Par un courrier en date du 25 janvier 2021, la contrôleure générale des lieux de privation de liberté, Mme Dominique Simonnot, interpellait à son tour M. le garde des sceaux, ministre de la justice sur l'absence de mesures spécifiques prise pour protéger les personnes privées de liberté et confirmait cet embrasement de l'épidémie en prison. En effet, la situation épidémique en milieu carcéral ne cesse de s'empirer ces derniers jours à tel point que la situation actuelle est plus grave qu'au printemps 2020 : au 21 janvier 2021, 235 personnels pénitentiaires et 134 détenus étaient contaminés, soit pour ces derniers une hausse de 165 % en moins d'un mois. Pourtant, des mesures rapides et efficaces pourraient être prises. Ces mesures vont de la réduction de la population carcérale, notamment des personnes placées en détention provisoire, en attente de leur jugement et par conséquent présumées innocentes, à l'élaboration d'une stratégie vaccinale propre aux établissements pénitentiaires (profil de détenus à vacciner en priorité, isolement des personnes à risque en attendant...). M. le député constate par ailleurs que la surpopulation carcérale est toujours préoccupante, atteignant 120 % en maison d'arrêt au 1er décembre 2020. Cette surpopulation carcérale - déjà problématique en elle-même - aggrave la situation sanitaire puisqu'elle rend impossible le respect des gestes barrières et les conditions de vie des détenus, mais aussi des conditions de travail des surveillants. En témoigne l'information de l'association d'avocats A3D selon laquelle, le 28 janvier 2021, le dépôt de linge aux détenus du centre pénitentiaire de Fresnes - qui fait face un afflux d'entrants - est interdit, en conséquence de quoi les gardés à vue incarcérés l'ont été dans des vêtements qu'ils portaient lors de leur garde à vue et n'ont pas pu se changer avant plusieurs jours. En réaction à l'interpellation du CGLPL, le ministère de la justice commence enfin à communiquer à partir du 1er février 2021. Il est ainsi évoqué le déploiement progressif d'une politique sanitaire spécifique en milieu carcéral. Il est indiqué qu'était priorisée la vaccination des personnes détenues âgées de plus de 75 ans. Au regard de ces premiers éléments tardifs et parcellaires, M. le député s'inquiète que la lutte contre la covid-19 ne soit pas une lutte globale qui prenne en compte les personnes détenues dont l'enfermement et la promiscuité permettent, beaucoup plus facilement qu'ailleurs, la diffusion du virus. Par conséquent, M. le député interroge M. le garde des sceaux, ministre de la justice sur les mesures nécessaires qu'il entend prendre et le calendrier précis, tant à l'égard de la réduction de la population carcérale que sur la stratégie vaccinale spécifique aux établissements pénitentiaires. Précisément, M. le député souhaite savoir combien de personnes ont été vaccinées en détention par tranche d'âge et au regard du nombre qu'il constitue en détention. Il souhaite également savoir quelle politique sanitaire est envisagée à l'égard des personnes détenues considérées comme risquant de développer une forme grave d'infection à la covid-19, telles que définies par le Haut comité de santé publique (antécédents cardiovasculaires, diabétiques, insuffisance rénale chronique ou encore atteintes de cirrhose...). Enfin, la circulation du virus s'accentuant de jour en jour en milieu carcéral, il lui demande clairement quel est le calendrier envisagé pour le déploiement de toute cette politique vaccinale.

Réponse émise le 20 juillet 2021

Face à l'épidémie de covid-19, des mesures ont très rapidement été prises afin d'éviter l'entrée et la propagation du virus dans les services pénitentiaires d'insertion et de probation (SPIP) et les établissements, ainsi que de garantir la continuité du service public pénitentiaire. Ces mesures ont été en permanence adaptées à l'évolution de la situation sanitaire et des consignes interministérielles. Elles ont été adressées aux établissements et aux SPIP sous la forme d'une quinzaine d'instructions écrites depuis le 27 février 2020 mais aussi, pour plus de réactivité dans la gestion de la crise, par des instructions orales données aux directions interrégionales des services pénitentiaires. Au 15 juin 2021, 77 personnes détenues étaient testées positives. Le 15 juin 2021, le nombre de détenus atteignait 67 000 (contre 71 679 le 16 mars 2020, 58 720 le 11 mai 2020 et 65 462 le 23 avril 2021), portant la densité carcérale à 110 % pour l'ensemble des établissements et à 124 % pour les maisons d'arrêt. La population pénale a diminué de 12 959 détenus entre le 16 mars et le 11 mai 2020 (4 390 prévenus et 8 569 condamnés), puis augmenté de 6 831 détenus entre le 11 mai 2020 et le 6 mai 2021 (2 530 prévenus et prévenus-condamnés et 4 361 condamnés). Quant à la situation du centre pénitentiaire de Fresnes, comme cela a déjà été indiqué au Conseil national des barreaux, le chef d'établissement a pris, en date du 18 janvier 2021, des mesures de suspension de la remise de linge en raison d'une recrudescence des cas de covid-19 sur le fondement de l'article 22 de la loi n° 2009-1436 du 24 novembre 2009 pénitentiaire. Cette mesure a pris fin par instruction du 9 février 2021. Au cours de la période de restriction, l'établissement a permis aux responsables de division de se fournir en vêtements au sein du vestiaire caritatif et a réalisé l'achat de nouveaux vêtements hivernaux (blousons, sweat-shirts, pantalons) pour les personnes détenues. Afin d'assurer une protection à l'ensemble des personnes détenues risquant de faire une forme grave de la covid-19, le ministère des solidarités et de la santé dresse une liste des facteurs de risques, ainsi une liste des situations ou pathologies avec sur-risque significatif élevé. Les unités sanitaires doivent porter une vigilance renforcée à ces personnes. Des masques chirurgicaux leurs sont prescrits et mis à disposition. Une communication spécifique est mise en œuvre afin de les inciter à une précaution particulière en matière de respect des gestes barrières (bon usage du masque notamment), leur indiquer les conduites à tenir et les sensibiliser aux risques encourus. L'éligibilité de ces personnes à une suspension de peine pour raison médicale est évaluée par l'unité sanitaire. Concernant la vaccination, le ministère des solidarités et de la santé a retenu pour les personnes détenues des critères identiques à ceux de la population générale. Ceux-ci s'appuient sur les recommandations formulées par la haute autorité de santé, à savoir la priorisation en fonction de l'âge et la présence ou non de comorbidités associées à un risque de développer une forme grave de covid-19. Les personnes détenues ont donc été vaccinées au même rythme que la population générale : d'abord les plus âgées et les plus fragiles, puis les personnes placées sous main de justice de plus de 55 ans, etc. Ainsi, 12 000 personnes détenues sont déjà vaccinées à la date du 15 juin 2021, grâce à une coopération efficace avec les unités sanitaires présentes au sein des établissements pénitentiaires. Enfin, les personnels pénitentiaires sont reconnus comme prioritaires pour se faire vacciner et la vaccination des agents de plus de 55 ans a débuté dès la mi-avril.

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