Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Jean-René Cazeneuve
Question N° 36398 au Ministère de l’économie


Question soumise le 16 février 2021

M. Jean-René Cazeneuve interroge M. le ministre de l'économie, des finances et de la relance sur le versement des acomptes de CVAE par les entreprises. La cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) est un impôt auto-liquidé dû par le redevable qui exerce une activité au 1er janvier de l'année d'imposition. La CVAE fait l'objet d'obligations déclaratives et de paiement s'échelonnant sur deux années civiles. En année n, l'entreprise s'acquitte d'un premier acompte au 15 juin et d'un second au 15 septembre. En théorie, chacun des acomptes est établi au regard de la valeur ajoutée de l'entreprise afférente à l'exercice précédent. Néanmoins, l'entreprise a la faculté, sous sa responsabilité, de moduler le montant de ses acomptes si elle considère que sa valeur ajoutée estimée de l'exercice en cours sera très différente de celle de l'exercice précédent. Les collectivités territoriales perçoivent au cours d'une année donnée les recettes encaissées par l'État l'année précédente. La CVAE a apporté aux collectivités locales des ressources dynamiques sur une longue période. Cependant, depuis sa création en 2011, le produit de la CVAE connaît une forte volatilité et son évolution est imparfaitement corrélée avec les fluctuations de l'activité économique pour des raisons d'assiette et de modalités de calcul. Face à la crise actuelle, la volatilité de la CVAE a rendu difficile l'évaluation de sa baisse. Ainsi, il conviendrait de la réduire afin d'accroître la visibilité sur le produit que les collectivités territoriales toucheront chaque année. Ce constat a conduit le rapport visant à évaluer l'impact du covid-19 sur les finances locales, remis fin juillet 2020 au Premier ministre par M. le député, à émettre deux recommandations pour réduire la volatilité de la CVAE. Il a ainsi été proposé, d'une part de rendre la CVAE plus contemporaine en calant l'intégralité de son paiement aux collectivités territoriales sur un an seulement et non sur deux années comme c'est le cas actuellement, d'autre part de décaler à décembre le versement du deuxième acompte, avec l'obligation de tenir compte de la valeur ajoutée réellement constatée sur les 11 premiers mois de l'année, afin d'éviter, en période de crise, une sous-estimation significative du versement des acomptes par les entreprises. Ces deux recommandations paraissent aujourd'hui d'autant plus acceptables qu'une baisse des impôts de production de 10 milliards d'euros en 2021 et 2022 a été décidée dans le cadre du plan de relance et votée dans la loi n° 2020-1721 du 29 décembre 2020 de finances pour 2021. Ainsi, il souhaite savoir quelles mesures le Gouvernement envisage de prendre pour réduire la volatilité de la CVAE, et s'il est notamment possible, d'une part d'avancer le versement par l'État aux collectivités du solde de CVAE, d'autre part de modifier le calendrier de versement des acomptes par les entreprises.

Réponse émise le 25 mai 2021

Concernant la première recommandation visant à caler l'intégralité du paiement de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) aux collectivités territoriales sur une année seulement, sa déclinaison pratique ne peut intervenir que de deux manières : soit l'administration estimerait, en fin d'année N, le solde qui serait à déposer par l'entreprise en N+1, pour permettre aux collectivités locales de disposer des montants en N+1 comprenant un millésime complet (acompte et solde du millésime N) ; soit, sur la base du dépôt du solde en N+1 réalisé par l'entreprise, les 1/12e de versement de recettes fiscales aux collectivités locales seraient ajustés en milieu d'année N+1. Dans l'une ou l'autre hypothèse, l'aléa budgétaire serait considérablement accru pour les collectivités locales car les impacts des variations de versement de CVAE par les entreprises sur les budgets des collectivités seraient considérablement accélérés avec un délai de prévisibilité extrêmement réduit notamment pour les collectivités perdantes. En effet, quel que soit le schéma retenu, une régularisation interviendrait nécessairement en cours d'exécution d'un exercice budgétaire d'une collectivité. En période de crise économique, l'impact serait encore plus marqué dès lors que le système actuel présente l'avantage de lisser sur deux millésimes d'assiette les versements. Par ailleurs, la mise en œuvre pratique serait extrêmement difficile et les résultats incertains. Dans le premier scenario, l'administration aurait des difficultés à estimer le solde CVAE d'une entreprise donnée (excédentaire, reliquataire ou soldé), surtout en fin d'année, sans disposer des éléments comptables dont la date légale de dépôt n'intervient qu'en N+1. La direction générale des finances publiques (DGFiP) pourrait reprendre au mieux les données du solde précédent mais elles ne permettraient alors pas d'anticiper la variation de l'année courante. Enfin, le compte d'avance aux collectivités locales (programme budgétaire 833 dédié) permet uniquement d'effectuer des paiements (soit des versements aux collectivités locales) sur la base de ressources recouvrées et non sur la base de ressources estimées. Le second scénario aurait pour conséquence, pour les collectivités locales, de ne disposer que très tardivement, dans le courant de l'année, du montant définitif qui leur sera alloué. Cette information tardive les priverait de toute visibilité sur leurs finances contemporaines. La deuxième recommandation visant à décaler de septembre à décembre le versement du deuxième acompte, avec l'obligation de tenir compte de la valeur ajoutée réellement constatée sur les onze premiers mois de l'année est censée permettre aux entreprises d'ajuster plus finement le montant de l'acompte en disposant comme période de référence d'une activité effective de 11 mois au lieu de 8, comme actuellement. Cela étant, l'analyse des paiements effectués ces dernières années montre qu'un tel ajustement ne jouerait qu'à la marge dès lors que le montant des acomptes payés représente environ 93 % par rapport au montant total attendu. Ainsi, le solde réglé par les entreprises ne représente que 7 % de l'impôt dû, ce qui montre la bonne évaluation d'ensemble des acomptes payés par les entreprises en juin et septembre. En outre, pour les secteurs d'activité concentrant une part significative de leur valeur ajoutée sur la fin de l'année, le versement sur les 11/12e de l'exercice créerait un effet d'aubaine inédit dont l'impact pour les collectivités locales mériterait d'être mesuré car il serait susceptible d'absorber la marge théorique actuelle de 7 %. Enfin, un décalage du paiement du second acompte en décembre concentrerait sur une seule date (le 15 décembre) le versement des deux impôts de production (le solde de CFE et donc l'acompte de CVAE). Ce report ne constituerait sans doute pas une facilitation, a minima en termes de gestion, pour beaucoup d'entreprises qui cumuleraient deux échéances lourdes dont l'une impliquant des calculs de valeur ajoutée qu'elles ne réalisent pas aujourd'hui à cette époque de l'année. Il faut relever également qu'un report du paiement de l'acompte en décembre pénaliserait la prévisibilité souhaitée par les collectivités locales et constituerait même une régression forte. En effet, un report de paiement en décembre ne présenterait aucun avantage dès lors qu'il est fait masse de tous les paiements de l'année, qu'ils soient payés en juin, en septembre ou en décembre, pour les reverser aux collectivités l'année suivante. Surtout, les estimations réalisées par l'administration à l'automne N et transmises aux collectivités locales, pour évaluer le montant qui leur sera reversé en N+1, ne leur permettront plus de déterminer un budget sur la base de montants réellement encaissés par l'État compte tenu du décalage du paiement du second acompte en toute fin d'année. Ce décalage ne permettrait plus de communiquer des simulations fiables aux collectivités à l'automne et la question de leur maintien se poserait. Cela signifierait une dégradation de la qualité de service puisque, en appui aux collectivités locales pour le vote de leur budget, sur les quatre dernières années, les estimations réalisées durant l'automne se situent entre 98,7 % et 100 % du montant définitivement réparti l'année suivante, ce qui leur offre une fiabilité d'information de haut niveau qui serait nécessairement dégradée en cas de décalage du paiement en décembre. De même, lorsqu'une entreprise décalerait légèrement son paiement en décembre, la DGFiP n'aurait pas le temps d'affecter le paiement et ne pourrait donc pas le répartir en début d'année N+1 aux collectivités. En période de crise, le risque de décalage de versement d'une année complète serait donc démultiplié, a fortiori avec un cumul d'échéances (ie cotisation foncière des entreprises (CFE) et CVAE) sur le même dernier mois. Le niveau de prévisibilité pour les collectivités ne pourrait qu'évoluer défavorablement. Pour conclure, aucune des deux recommandations n'apparaît souhaitable dans la mesure où elles entraîneraient pour les collectivités locales une forte imprévisibilité alors que précisément l'objectif souhaité est de limiter les aléas que présente le mécanisme actuel de paiement et de reversement de la CVAE dans un contexte de pandémie ou de crise économique. De manière plus générale, en abandonnant, d'une façon ou d'une autre, le lissage que permet le dispositif actuel de versement de la CVAE, ces recommandations réduiraient significativement le délai d'impact des variations d'assiette déclarées par les entreprises sur les recettes reversées aux collectivités et augmenteraient d'autant l'aléa pour les budgets locaux.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette question.

Cette législature étant désormais achevée, les commentaires sont désactivés.
Vous pouvez commenter les travaux des nouveaux députés sur le NosDéputés.fr de la législature en cours.