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Jean-Claude Leclabart
Question N° 34833 au Ministère de l’agriculture


Question soumise le 15 décembre 2020

M. Jean-Claude Leclabart attire l'attention de M. le ministre de l'agriculture et de l'alimentation sur la distorsion de concurrence dans le mode de production de la pomme de terre. Le NEPG (Groupe des producteurs de pommes de terre du Nord-Ouest européen / North-western European Potato Growers (UE-04 + GB)) estime que la récolte de pommes de terre sera de 27,9 millions de tonnes cette saison, sous réserve que toutes les pommes de terre encore au champ soient effectivement récoltées. La récolte 2020 est en hausse de 4,5 %, soit un million de tonnes de plus que l'an passé dans les cinq principaux pays producteurs de pommes de terre. Le NEPG considère que les producteurs du nord-ouest de l'Europe devraient planter au moins 15 % de pommes de terre en moins au printemps 2021. En raison de la covid-19, la demande mondiale de produits transformés à base de pommes de terre a diminué et la demande réelle de matière première des usines est d'environ 85 % par rapport à la saison précédente avant la pandémie. Le faible niveau actuel des prix aux producteurs pour la transformation des pommes de terre sur le marché libre confirme cet état de fait. En France, dans un contexte incertain lié aux conséquences de la crise sanitaire, la campagne actuelle est inhabituelle, rappelle l'Union nationale des producteurs de pommes de terre (UNPT) : l'activité industrielle aura besoin de quelques mois avant de retrouver son niveau d'avant crise, entraînant une diminution des surfaces en contrat pour 2021-2022, la filière fécule manque toujours de surfaces pour 2021, et l'évolution de la consommation des ménages reste difficile à prévoir. Face à cette situation, il semble important à M. le député, pour aider les producteurs dans leurs démarches volontaires de réduction de surface voir de transfert consommation vers la fécule pour le printemps 2021, de réglementer urgemment et de manière drastique un état de fait qui a commencé il y a quelques années et qui se traduit sur le territoire français, d'abord par des locations de terre soit directement par les industriels belges soit indirectement via des producteurs belges qui leur permet d'obtenir des surfaces dites vierges de production de pommes de terre tout en s'affranchissant pour certains de la contrainte spécifique française de la réglementation de l'usage des pesticides. Un sujet encore plus inquiétant est le principe factuel de sous-location des terres opérées sur le territoire français par les producteurs belges (industriels et producteurs) qui se traduit par un phénomène de refacturation des opérations auprès des agriculteurs français échappant ainsi à la réglementation des statuts du fermage inscrit dans le code rural français qui pourrait être qualifié de violation de ce dit statut. Il est très important de regarder ce dossier de très près, car il génère de manière évidente une distorsion de concurrence dans le mode de production et crée une stigmatisation entre les propriétaires et les agriculteurs sous louant les terres en locations. Ainsi il sera plus facile pour L'UNPT et ses producteurs de donner un fondement à la baisse de surface qui est suggérée pour aller vers un rééquilibrage de l'offre par rapport à une demande en déclin dans les circonstances actuelles de la crise sanitaire actuelle. Il lui demande sa position sur ce sujet.

Réponse émise le 16 mars 2021

La propagation de la covid-19 place le monde entier dans une situation inédite, imposant de faire face collectivement à un triple défi, sanitaire, économique et social. Les impacts de la crise sanitaire sont importants pour de nombreuses filières agricoles et agroalimentaires. Le Gouvernement se tient aux côtés des entreprises pour les aider dans cette crise globale. Diverses mesures ont été mises en place dès le début de la crise pour toutes les entreprises dont les filières agricoles (fonds de solidarité, prêt garanti par l'État, report de cotisations sociales (exonération pour certaines entreprises) et d'impôts, chômage partiel, garanties à l'export, exonérations des charges sociales). Ces dispositifs ont été renforcés par des mesures exceptionnelles spécifiques à certaines filières. Un dispositif ciblé sur les producteurs de pommes de terre d'industrie a été mis en place pour un montant de 4 M €, consistant en une aide à la compensation des pertes liées à la moindre valorisation des tubercules, du fait de leur réorientation notamment vers la méthanisation, l'alimentation animale et le compostage industriel (indemnisation forfaitaire des agriculteurs à hauteur de 50 €/tonne). En complément, un soutien aux investissements de la filière dans les bâtiments de stockage de pommes de terre est mis en place en lien avec les régions de production, dans un contexte d'arrêt du CIPC. Au niveau européen, la France a défendu et obtenu que la Commission européenne active, pour la filière pomme de terre de transformation, l'article 222 du règlement (UE) n° 1308/2013 portant organisation commune des marchés (OCM), qui ouvre par dérogation aux règles du droit de la concurrence, la possibilité pour les organisations de producteurs et les interprofessions de prendre des décisions concertées pour contribuer à la stabilisation des marchés. Cette activation a permis à l'interprofession de la pomme de terre de transformation : GIPT (« Groupement interprofessionnel pour la valorisation de la pomme de terre »), d'organiser le dégagement de 200 000 tonnes de pommes de terre de transformation (issues des stocks de la récolte 2019) vers la méthanisation, le compostage industriel, l'alimentation animale, les organisations caritatives et le marché du frais, afin de limiter la déstabilisation du marché. A contrario, les pommes de terre destinées à la consommation en frais ou sous forme transformée peuvent se reconvertir facilement vers la production de fécule qui n'a pas été impactée par la crise, les industriels français de la féculerie étant capables de gérer une augmentation de volumes. La sous-location de terres agricoles n'est pas un phénomène nouveau. Certains preneurs peuvent être tentés d'y recourir notamment pour favoriser la rotation des cultures. Des « contrats de vente » ou des « contrats de mise en culture » se sont développés ces dernières années à l'initiative de producteurs français. Le code rural et de la pêche maritime (CRPM) retient, en son article L. 411-35, le principe d'ordre public d'interdiction de la cession du bail rural et de la sous-location de tout ou partie du fonds agricole loué. La sous-location constitue une cause de résiliation du bail, en dehors des cas limitativement énumérés par l'article L. 411-35 du CRPM, avec l'accord du bailleur. De plus, les agriculteurs belges sont également soumis au contrôle des structures. Néanmoins, l'identification de la forme juridique des terres retenue pour exploiter se heurte à des difficultés lorsqu'il s'agit de déterminer qui met en valeur l'exploitation sous couvert de sous-location prohibée des terres. Il est, par définition, complexe d'accéder à une estimation solide des surfaces concernées par la sous-location. Au-delà de l'aspect foncier du sujet, le ministère de l'agriculture et de l'alimentation est très vigilant au respect des règles sanitaires françaises d'utilisation des produits phytosanitaires et des intrants et s'assure régulièrement du respect des bonnes conditions agricoles et environnementales sur les terrains concernés. Les contrôles d'utilisation de produits phytosanitaires n'ont, pour l'heure, pas révélé d'anomalies en ce qui concerne des producteurs belges. Le contrôle des résidus présents (sur feuilles) mis en place en 2019 a été reconduit en 2020 et ces contrôles vont se poursuivre. L'ensemble du Gouvernement reste pleinement mobilisé pour suivre l'évolution de la situation des filières agricoles et apporter les solutions appropriées le plus rapidement possible. Les échanges réguliers avec les représentants de la filière pomme de terre, particulièrement touchée en cette période de crise sanitaire, permettent d'apporter des réponses les plus adaptées possibles.

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