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Valéria Faure-Muntian
Question N° 34741 au Secrétariat d'état à l'économie sociale


Question soumise le 8 décembre 2020

Mme Valéria Faure-Muntian attire l'attention de Mme la secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie, des finances et de la relance, chargée de l'économie sociale, solidaire et responsable, sur l'utilisation par les collectivités territoriales des monnaies locales complémentaires. Les monnaies locales complémentaires, comme celle que porte l'association « Le Lien » dans le bassin stéphanois, favorisent considérablement l'essor d'une économie locale, solidaire et écologique. En outre, elles contribuent à renforcer la souveraineté économique et l'innovation dans les territoires. Bien que la loi sur l'économie sociale et solidaire (ESS) de juillet 2014 ait introduit le titre de monnaie locale complémentaire dans le code monétaire et financier, le cadre juridique français actuel ne permet pas un usage optimal de ces monnaies par les collectivités. Celles-ci peuvent certes accepter des paiements en monnaie locale et faire en sorte que certains de leurs paiements puissent être reçus en monnaie locale par leurs destinataires, mais elles ne peuvent ni encaisser, ni a fortiori décaisser des moyens de paiement en monnaie locale. Le décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 prévoit que les moyens de paiement acceptables sont ceux prévus par le code monétaire et financier. Or, l'arrêté du 24 décembre 2012, qui dresse la liste limitative des moyens et instruments de paiement acceptables par les collectivités publiques, n'a pas été révisé à la suite de la modification du code monétaire et financier par l'introduction des titres de monnaie locale complémentaires en 2014. Cette absence de révision empêche pour l'heure que les collectivités locales puissent disposer d'un compte en monnaie locale, qui pourrait alors être débité ou crédité en fonction de leurs recettes et dépenses opérées avec ces moyens de paiement. Les trésoriers payeurs ne sont pas non plus en capacité d'ouvrir et gérer un compte en monnaie locale pour les collectivités qui le souhaiteraient. Par conséquent, elle souhaiterait savoir si le Gouvernement entend porter d'éventuelles évolutions réglementaires facilitant ce dispositif.

Réponse émise le 21 septembre 2021

Depuis 2014, les monnaies complémentaires locales disposent d'une base juridique en France, avec l'adoption de la loi n° 2014-856 du 31 juillet 2014 relative à l'économie sociale et solidaire, qui reconnaît l'existence de telles monnaies locales. Cette loi encadre les modalités de création et d'utilisation de monnaies complémentaires locales. En particulier, son article 1er prévoit que son utilisation est permise comme moyen de paiement pour le règlement de biens et services produits dans le cadre de l'économie sociale et solidaire. À ce titre, il importe de relever que le législateur a jugé bon de réserver la possibilité de régler ses dépenses en monnaie complémentaire locale aux personnes morales de droit privé, à l'exclusion des personnes morales de droit public que sont l'État et les collectivités territoriales Il paraît en effet légitime de veiller à ce que les principes d'unité et d'indivisibilité de la République irriguent l'action des pouvoirs publics, et que les collectivités territoriales demeurent, aux côtés de l'État, les garants du fait que la seule monnaie officielle de la France est l'euro. Au surplus, autoriser le règlement en dépenses des collectivités territoriales en monnaie complémentaire locale reviendrait, en pratique, à créer une source inévitable de complexité comptable et administrative pour les créanciers des collectivités territoriales. En effet, les monnaies locales sont des titres de paiement, qui n'ont pas cours légal et ne peuvent donc pas être utilisées pour toute transaction. Elles ne sauraient donc être imposées à des bénéficiaires des flux financiers des collectivités territoriales (agents publics pour leur traitement et fournisseurs notamment). À plus long-terme, il convient de ne pas sous-estimer les risques liés au recours à des actifs de règlement alternatifs, a fortiori dans le contexte actuel où certains acteurs privés cherchent à développer des actifs de règlement privés, comme Diem (ex-Libra). Ce type de projet comporte en effet d'importants risques en termes de souveraineté monétaire et de protection du consommateur. Le Gouvernement veille à strictement encadrer ce type de nouveaux actifs de règlement, et il serait contre-productif, sinon préjudiciable, de permettre aux collectivités publiques la diffusion sinon la promotion de ce type d'actifs. C'est donc dans un cadre sécurisé que les collectivités territoriales peuvent choisir d'avoir recours aux monnaies locales : - S'agissant des dépenses, il convient en effet de relever que cette interdiction d'utilisation d'un titre de monnaie locale complémentaire n'exclut pas la possibilité pour une collectivité territoriale de recourir à une convention de mandat, suivant les conditions fixées par le code général des collectivités territoriales (CGCT), pour déléguer la gestion de certains paiements, lesquels pourront alors licitement être libellés en monnaie locale. - S'agissant des recettes, l'utilisation d'un titre de monnaie locale complémentaire au bénéfice des collectivités territoriales est autorisée, dans les conditions prévues par l'article 25 du décret du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable publique, l'article 11 de l'arrêté du 24 décembre 2012, et l'article R. 1617-7 du CGCT. Cet état du droit paraît fixer un point d'équilibre satisfaisant entre les principes de libre administration des collectivités territoriales, d'unité et d'indivisibilité de la République, ainsi que des exigences de protection du consommateur. En effet, il ouvre notamment aux collectivités territoriales la possibilité d'accepter que certaines recettes soient réglées avec de tels titres de paiement, tout en protégeant les administrés de l'obligation de percevoir des flux au moyen de ces titres de paiement, ce qui serait profondément inopportun. Plusieurs villes ont ainsi déjà pris l'initiative de signer des conventions avec des associations de monnaies locales pour autoriser sous certaines conditions, et par l'intermédiaire de l'association, le versement de dépenses publiques en monnaie locale. En général, le schéma de fonctionnement est alors le suivant : pour recevoir des paiements en titres de monnaie locale, les usagers doivent autoriser l'association à recevoir les fonds en leur nom, le comptable public peut ensuite verser les fonds à l'association qui se charge ensuite de les remettre à ses usagers. Dans ces conditions, il ne paraît pas souhaitable de modifier plus avant l'état du droit.

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