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Pierre Person
Question N° 33660 au Ministère de l’économie


Question soumise le 3 novembre 2020

M. Pierre Person attire l'attention de M. le ministre de l'économie, des finances et de la relance sur l'utilisation d'actifs numériques dans le cadre du financement du terrorisme. Lors d'une intervention sur une chaîne de télévision publique, le 18 octobre 2020, M. le ministre a appelé de ses vœux au renforcement du contrôle des flux financiers relatifs au financement du terrorisme. Il a notamment souligné le rôle des crypto-actifs en tant que véhicule de ces pratiques frauduleuses. Dans le cadre du rapport sur les « monnaies virtuelles » remis par M. le député en 2019, les nombreux acteurs rencontrés, institutionnels comme privés, étaient tous soucieux que l'écosystème des crypto-monnaies se développe dans le cadre d'une réglementation inédite, gage de sérieux. L'ensemble des intervenants s'accordaient en outre sur le rôle prééminent des espèces en tant que véhicule de financement des opérations frauduleuses ainsi que sur les difficultés rencontrées par les administrations afin de suivre les transactions en crypto-actifs à l'international. Dès lors et suivant les recommandations des experts, le rapport rendu à l'Assemblée national appelait, pour davantage d'efficacité, à un encadrement accru des points de passage entre monnaie fiduciaire et crypto-actifs ; et non à un encadrement des crypto-actifs eux-mêmes. Les actifs numériques, mais surtout la technologie qui les sous-tend, la blockchain, sont une innovation et permettront à la France et à l'Europe de réaffirmer leur souveraineté vis-à-vis des puissances étrangères, notamment dans le domaine monétaire. Dans un contexte de concurrence internationale exacerbée et afin d'assurer avec efficience la sécurité des Français, il semble important que des liens solides soient établis entre opérations en crypto-actifs et actes criminels et terroristes. C'est la raison pour laquelle il le sollicite afin que les services placés sous l'autorité du Gouvernement éclairent la représentation nationale sur les cas existants d'implication concrète des crypto-actifs dans des faits de terrorisme.

Réponse émise le 20 juillet 2021

Dans son rapport « Tendances et analyse des risques de blanchiment de capitaux et de financement du terrorisme 2019-2020 », le traitement du renseignement et action contre les circuits financiers clandestins (TRACFIN) présente un cas typologique de financement du terrorisme, par la conversion de coupons prépayés en cryptoactifs, acheminés sur zone de combat. Ce nouveau circuit de financement du terrorisme conjugue des moyens de paiement anonymes (coupons prépayés), des actifs numériques (Bitcoins), ainsi que des techniques de compensations financières informelles (hawala). Jusqu'alors jamais observé au sein des pays membres du Groupe d'action financière (GAFI), ce procédé tend à remplacer les transferts d'espèces traditionnels, objets d'une surveillance efficace en matière de lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme (LCB-FT). Ce circuit de financement élaboré, destiné à garantir la discrétion des transferts de fonds au bénéfice de combattants, permet d'adapter les modalités de financement du terrorisme aux mesures de conformité mises en place par les vecteurs usuellement identifiés par le service (transferts d'espèces à destination de collecteur de fonds, cagnottes en ligne). En l'espèce, une société Y propose, par l'intermédiaire d'un réseau de commerçants (buralistes, marchands de presse…) sur tout le territoire national, la vente de coupons ou tickets prépayés comportant un flash code ou un code PIN. Ces coupons, d'une valeur de 50, 100 ou 150 €, sont destinés à être convertis en bitcoins. Les cryptoactifs sont transférés à la demande du client vers un portefeuille de cryptoactifs fourni par la société Y, ou vers une adresse externe spécifiée par le client. Le circuit financier est le suivant : - la monnaie électronique chargée sur les coupons est émise par un établissement de monnaie électronique européen (pays A) par l'intermédiaire d'un distributeur de monnaie électronique établi dans un autre État de l'Union européenne (pays B) ; - les buralistes collectent les fonds des clients grâce à un logiciel de caisse fourni par une société Z, qui connaît le moyen de paiement utilisé par le client, mais ne relève pas son identité. La société Z remonte les fonds à l'EME du pays B, lequel les transfère à son tour à la société Y ; - la monnaie électronique détenue par le client sur le coupon sert exclusivement à l'acquisition de bitcoins détenus en propre par la société Y. La société Y exerce alors son obligation de vigilance lors du transfert de ces bitcoins sur le portefeuille de cryptoactifs désigné par le client ou, à défaut, généré automatiquement par la société Y. Les investigations de TRACFIN ont permis de découvrir le rôle central de deux collecteurs, messieurs A et B, affiliés à un groupe djihadiste. Ces derniers sont à l'origine de l'ouverture de portefeuilles de cryptoactifs centralisant les coupons convertis en bitcoins. Messieurs A et B utilisent, moyennant commissions, un réseau d'intermédiaires et de bureaux de change pour acheminer les fonds à des djihadistes présents sur zone selon les modalités suivantes : - les références du coupon (flash code ou code PIN) sont transférées par son acheteur par messagerie cryptée à un combattant sur zone¿ ; - ces références sont présentées par le combattant à un bureau de change présent sur zone qui vérifie la validité du coupon. Si celui-ci est valide, le coupon est crédité sur l'un des portefeuilles de cryptoactifs détenus par messieurs A et B ; - les sommes créditées sur les portefeuilles de cryptoactifs de messieurs A et B transitent par différents clusters d'adresses bitcoin avant d'être transférées à d'autres plateformes d'échange de cryptoactifs frontalières. Ces dernières assurent la compensation avec les bureaux de change sur zone, selon le principe de la hawala ; - la contrepartie en espèces, amputée d'une commission, est remise au combattant. En réponse aux signalements de TRACFIN portant sur la détection d'un circuit sophistiqué de transfert de fonds à destination de combattants djihadistes français en Syrie, une opération antiterroriste a été menée le 29 septembre 2020, sous l'autorité du Parquet national antiterroriste (PNAT).

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