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Hubert Wulfranc
Question N° 14425 au Ministère de l'économie


Question soumise le 20 novembre 2018

M. Hubert Wulfranc interroge M. le ministre de l'économie et des finances sur les réorganisations à l'œuvre au sein du groupe La Poste notamment dans sa branche services-courrier-colis a fait l'objet de 15 000 suppressions d'emploi de facteurs depuis 2005. Si le développement de la communication numérique s'est traduit par une baisse du nombre du nombre de plis à traiter, motif d'incessantes réorganisations de tournées de facteurs et de suppression de postes, il ressort néanmoins que l'entreprise, dont l'État est le principal actionnaire, présente une nouvelle fois encore un résultat d'exploitation en hausse (+5,9 % au 30 juin 2018). Loin de l'effondrement annoncé sans cesse, le chiffre d'affaires de la branche services-courrier-colis présente en 2018 une baisse modeste de 0,9 % dont une partie s'explique par l'absence de trafic courrier liée aux élections présidentielles et législatives. Si l'adaptation des tournées de distribution est une nécessité afin de se calquer au mieux à la réalité des besoins, il ressort que les réorganisations mises en œuvre par le groupe La Poste, missionné par l'État pour assurer des missions de service public, paraissent avant tout guidées par des considérations financières. Deux mesures sont particulièrement décriées par les facteurs et plusieurs de leurs organisations syndicales : l'emploi du logiciel GeoRoute pour organiser les tournées de distribution et l'instauration d'une pause méridienne non rémunérée. Plusieurs mouvements de grève fondés sur ces deux mesures ont déjà éclaté notamment, en Seine-Maritime, et en particulier sur la métropole rouennaise. GeoRoute est un logiciel informatique commercialisé par une société canadienne actuellement employé, et par ailleurs décrié, par les agents de plusieurs postes européennes. Selon la documentation commerciale, ce logiciel est conçu pour optimiser les tournées postales et les livraisons de colis. Celui-ci est censé évaluer précisément la charge de travail, s'adapter aux variations des types de produits et de leur quantité et surtout, doit permettre de réduire les coûts du « dernier kilomètre » d'environ 5 % à 15 % grâce à des algorithmes d'optimisation sophistiqués et configurables. Selon les organisations syndicales, les directions régionales services-courrier-colis sont incapables de justifier les données entrées dans les différents paramètres du logiciel ce qui génèrerait de nombreuses aberrations et une sous-évaluation du travail réel effectué. Ainsi, le logiciel GeoRoute attribuerait parfois 0,5 seconde aux agents pour distribuer chaque pli dans le cadre d'une distribution de courriers devant une batterie de boîtes aux lettres. De même, des kilomètres de distribution ne seraient pas comptabilisés par le logiciel, les caractéristiques géographiques des tournées de distribution ne seraient pas toujours prises en compte. Des organisations syndicales ont déjà interrogé leur direction régionale pour obtenir des explications sur l'origine et la pertinence des données entrées dans le logiciel GeoRoute, étant précisé que les données ne sont pas recueillies dans le cadre d'un suivi de tournée. À ce jour, aucune réponse sérieuse n'aurait été apportée par la direction de La Poste à chaque fois que celle-ci a été saisie de ce questionnement. Dans les faits, GeoRoute est un instrument d'évaluation bureaucratique dysfonctionnel destiné à justifier les suppressions de postes de facteurs et à augmenter toujours plus la productivité attendue des agents dont on allonge sans cesse les tournées de distribution et ce, parfois, au détriment de leur santé. Par ailleurs, plusieurs organisations syndicales s'opposent à la mise en place de la pause méridienne qui concerne déjà 12 000 des 49 000 tournées de facteurs. La pause méridienne imposée par La Poste fixée à 45 minutes n'est pas rémunérée alors que les agents ne disposent pas de la faculté de vaquer librement à leurs occupations personnelles et restent donc sous la subordination de leur employeur. En effet, ceux-ci doivent se présenter à des lieux de restauration, plus ou moins bien aménagés, déterminés par La Poste, situés au plus près de leur tournée tout en devant veiller à la sécurisation du courrier qu'ils doivent distribuer l'après-midi, selon des consignes fixées par leur entreprise. Plusieurs recours judiciaires ont déjà été introduits contre la direction de La Poste pour faire requalifier la pause méridienne imposée par l'entreprise à ses facteurs, en temps de travail effectif nécessitant une rémunération et soumis à des cotisations sociales, à l'instar de la pause de 20 minutes en vigueur pour les agents qui n'ont qu'une seule vacation quotidienne. De plus, le remplacement de la pause quotidienne de 20 minutes rémunérée par la pause méridienne de 45 minutes permet également à La Poste d'économiser mensuellement un peu plus d'une journée de travail rémunérée au détriment de ses facteurs. De plus, l'introduction d'une pause méridienne a également pour conséquence de retarder la distribution du courrier, les tournées peuvent ainsi dorénavant s'achever à 15h30 voir 16h00 au préjudice des usagers, notamment des abonnés à la presse quotidienne dont la distribution est subventionnée par l'État. Enfin, l'introduction de cette pause méridienne est susceptible de générer des incohérences dans les tournées de distribution, les facteurs devant interrompre leur travail à heure fixe, quand bien même il n'aurait pas pu achever la distribution du courrier dans une rue. Par conséquent, il demande à M. le ministre de l'économie et des finances, représentant l'État actionnaire au sein du groupe La Poste et autorité de tutelle des activités postales, d'exiger de La Poste qu'elle fasse preuve d'une réelle transparence dans l'élaboration des tournées de distribution de courrier en y associant les salariés et sur la base d'une évaluation concrète des tournées. De même, il lui demande d'agir auprès du groupe La Poste pour abandonner la mise en œuvre de la pause méridienne préjudiciable aux agents de distribution et aux usagers, ou tout du moins, de faire requalifier cette pause déjeuner en temps de travail soumis à rémunération et à cotisation sociale.

Réponse émise le 9 avril 2019

La loi n° 2010-123 du 9 février 2010 relative à l'entreprise publique La Poste et aux activités postales, qui a transformé La Poste en société anonyme, a également confirmé les quatre missions de service public confiées à l'entreprise : le service universel postal, le transport et la distribution de la presse, la contribution à l'aménagement du territoire et l'accessibilité bancaire, missions à la bonne exécution desquelles l'Etat est particulièrement attentif. Néanmoins, l'adaptation des organisations de distribution est du ressort de La Poste. Elle représente un enjeu majeur pour l'entreprise, qui doit s'adapter à la réduction des volumes de courrier à traiter (-45 % en dix ans, -6,7 % sur la seule année 2017 et de -7,3 % en 2018) mais aussi au développement des services et à la croissance des colis et des échanges internationaux de petites marchandises. Cette adaptation s'inscrit dans une démarche globale de transformation importante du modèle industriel, économique et social du Groupe La Poste, indispensable pour assurer l'avenir économique de l'entreprise, et ainsi lui donner les moyens de continuer à assurer les missions de service public que le législateur lui a confiées. Dans ce contexte, l'organisation du travail des facteurs doit être aménagée pour répondre à ces mutations et pour permettre l'atteinte des objectifs de qualité de service, tout en adoptant une répartition plus équilibrée du temps de travail. Les facteurs sont désormais libérés des tâches de préparation de leur tournée, depuis qu'elles sont automatisées. Ainsi, ils peuvent être amenés à commencer leur journée de travail en milieu de matinée et à la terminer en milieu d'après-midi, après une pause méridienne. Sans impact sur la régularité de la distribution, cette modification ne remet pas en cause les objectifs de qualité de service de La Poste ; cela modifie en revanche l'heure de passage du facteur qui peut être plus tardive dans la journée, mais permet de développer davantage de contacts avec les usagers. Le facteur, acteur de proximité, voit ainsi son rôle se renforcer. Ces évolutions sont menées selon une méthode de conduite de projet qui associe étroitement les facteurs et leurs encadrants, depuis le diagnostic de l'organisation existante jusqu'à la mise en œuvre de la nouvelle organisation. Cette méthode figure dans l'accord national sur le métier de facteur signé en février 2017. Le dialogue social au sein de l'entreprise relève au premier chef des prérogatives du PDG, même si le ministre est attentif à sa qualité. Pour chaque projet de réorganisation, des organisateurs formés et expérimentés utilisent les données et des outils, dont Géoroute, pour l'évaluation de la charge des tournées de facteurs. L'outil offre une meilleure précision cartographique des tournées et la possibilité de construire de façon itérative les organisations, en s'alimentant des échanges avec les facteurs qui connaissent les spécificités et les contraintes des tournées sur lesquelles ils travaillent. Géoroute permet un découpage des tournées de distribution, vérifié et amendé par le dialogue avec les facteurs. Parallèlement, les organisations de la distribution du courrier et des colis évoluent pour tenir compte des activités nouvelles de La Poste. Dans ce cadre, les facteurs doivent pouvoir prendre en charge des produits et services provenant de plusieurs réseaux logistiques, tels que le courrier et la presse, mais aussi les colis, les petits paquets internationaux ou encore les imprimés publicitaires. Cela implique la concentration des activités de préparation de ces tournées sur des plateformes logistiques avec souvent un décalage des heures de départ en distribution et une nécessaire reconfiguration des tournées. Pour cette raison, La Poste met en place des organisations où une pause-déjeuner d'au moins 45 minutes est prévue à la mi-journée, période dont les facteurs peuvent disposer librement. Le temps pour se rendre sur leur lieu de pause déjeuner est bien évidemment prévu dans l'organisation et dans leur temps de travail. C'est là le mode d'organisation de la journée de travail le plus répandu chez les salariés français et préconisé par la médecine du travail. Loin de dégrader les conditions de travail des agents, ces nouvelles organisations déployées pour optimiser les tournées de distribution participent, au contraire, à la prévention des accidents. Elles ne remettent en cause, ni le passage quotidien du facteur, ni les missions de service public de La Poste mais sont conformes au principe d'adaptabilité du service public.

3 commentaires :

Le 14/12/2018 à 19:07, Thierry L. a dit :

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Cela ressemble au travail d'un délégué syndical ... je pensais qu'un député avait des préoccupations plus importantes, sans vouloir minimiser l'importance de l'organisation de leur travail.

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Le 16/12/2018 à 19:13, chb17 a dit :

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Le député H. Wulfranc dans cette intervention défend à la fois ce qui a longtemps été un précieux service public, et la qualité de vie au boulot pour des milliers de gens. Il est important, même si cela "ressemble au travail d'un délégué syndical", qu'un élu de la nation s'occupe aussi de ces problèmes.

On note que l'Assemblée nationale a plutôt fait un travail de délégués patronaux lorsque les députés avaient, à l'occasion de la Loi Travail et des ordonnances Macron dites Loi Travail XXL, balayé une flopée des droits essentiels des salariés. Les salariés ne sont-ils pas des citoyens eux aussi, et même des citoyens plus nombreux que les "premiers de cordée" et autres 1%?

Thierry L., était-ce par une préoccupation plus noble et plus importante, ou juste plus conforme aux intérêts de "la France d'en haut" que l'A.N. votait 20 milliards d'accroissement des profits des déjà riches ?

Préfère-t-on un député qui pense d'abord à lui-même, à sa famille et à ses copains, ou un vrai représentant du peuple ?

Avec l'omniprésente exigence de rentabilité, les services publics sont eux aussi gérés "comme des entreprises" quitte à faire du boulot de cochon et à épuiser leurs personnels. Ces derniers sont de moins en moins souvent des fonctionnaires, d'ailleurs...

Alors que le chômage de masse sert cyniquement de prétexte depuis des années au redressement des bénéfices des actionnaires, on continue à exclure des millions de gens et à en exploiter bien d'autres au nom de gains de productivité. Et on s'étonne de l'explosion de colère des "gilets jaunes" ?

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Le 18/12/2018 à 11:39, Thierry L. a dit :

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Un vrai représentant du peuple aurait été présent, actif, tonitruant lors des débats concernant le pouvoir d’achat des retraités, l’augmentation de leur CSG, la non évolution des pensions en fonction de l’inflation et leur blocage depuis trop longtemps …

Si cela avait été le cas, cette question de temps de travail et de logiciel de calcul de tournée des postiers ne m’aurait pas interpellé.

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