Intervention de Christophe Bouillon

Séance en hémicycle du lundi 27 novembre 2017 à 16h00
Création de l'établissement public paris la défense — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaChristophe Bouillon :

Madame la présidente, monsieur le ministre d'État, madame la présidente de la commission des lois, madame la rapporteure, mes chers collègues, il est demandé aujourd'hui à l'Assemblée nationale de ratifier l'ordonnance du 3 mai 2017 portant création de l'établissement public Paris La Défense. Pour mémoire, le Sénat l'a fait en la modifiant le 20 juillet dernier.

Cette ordonnance a été prise sur le fondement de l'article 55 de la loi du 28 février 2017 relative au statut de Paris et à l'aménagement métropolitain, adoptée sous la précédente législature. Cet article habilite le Gouvernement à prendre par ordonnance toute mesure relevant de la loi et ayant pour objet de : créer un établissement public local ayant pour mission l'aménagement, la gestion et la promotion du territoire de Paris La Défense et associant l'État et plusieurs collectivités territoriales dont le département des Hauts-de-Seine ; définir les pouvoirs spécifiques attribués à l'État ; délimiter le périmètre d'intervention géographique de cet établissement public, en concertation avec les communes concernées ; substituer cet établissement public à l'EPADESA et à Defacto.

Créé en 1958, le quartier de La Défense a été conçu comme un projet d'État, visant à doter Paris d'un quartier d'affaires international, dont l'aménagement est assuré par un établissement public.

C'est ainsi qu'a été créé l'EPAD, doté du statut d'établissement public à caractère industriel et commercial présentant un caractère d'intérêt national, et devenu l'EPADESA en 2015.

Toutefois, le modèle économique de ce dernier, reposant sur un financement par la vente de droits à aménager, ne lui a jamais permis d'assurer la mission de gestion et d'entretien des ouvrages qui lui avait été confiée par l'État, faute d'une prise en charge par les collectivités de cette mission sur leur budget général. Par conséquent, les investissements ont longtemps été insuffisants pour assurer la sécurité des installations et l'adaptation de ce quartier à l'évolution des besoins de ses usagers.

Cette situation est également à l'origine de difficultés de gouvernance, régulièrement pointées du doigt par la Cour des comptes, qui ont fragilisé à plusieurs reprises le quartier de La Défense. Afin de remédier à ces problèmes, un nouvel établissement public, appelé Defacto, a été créé en 2007 pour exercer spécifiquement la mission de gestion. Sa gouvernance et son financement avaient été confiés au département des Hauts-de-Seine et aux communes de Courbevoie et de Puteaux, qui ont rapidement contesté le coût des rénovations mis à leur charge.

C'est la raison pour laquelle la loi du 27 janvier 2014 de modernisation de l'action publique territoriale et d'affirmation des métropoles, dite MAPTAM, a clarifié le régime de propriété des biens entre l'EPADESA et Defacto. Bien que juridiquement plus solide que la précédente, cette nouvelle organisation n'a pas permis de solder les contentieux sur la répartition des investissements à réaliser et leur financement.

C'est pourquoi il a été décidé, lors du comité interministériel relatif au Grand Paris, en octobre 2015, de fusionner les deux établissements publics locaux afin de redonner davantage de cohérence aux politiques d'aménagement et de gestion et de régler les différends en cours.

Cette annonce s'est donc traduite, dans la loi du 28 février 2017 précédemment évoquée, par une habilitation du Gouvernement à agir par ordonnance.

Le quartier de La Défense couvre aujourd'hui 160 hectares. Premier quartier d'affaires européen par l'étendue de son parc de bureaux – plus de 3 millions de mètres carrés – , il regroupe environ 2 950 entreprises, 180 000 salariés et 245 000 mètres carrés de commerces.

Le contenu de l'ordonnance et le projet de loi de ratification sont, il faut le souligner, particulièrement audacieux en ce qu'ils procèdent à une décentralisation de ce quartier d'intérêt national. En cela, ils s'inscrivent dans la continuité des travaux de la précédente législature, qui ont visé à moderniser notre organisation décentralisée, autour de deux axes principaux : rationaliser la gouvernance et la carte territoriale ; mieux définir les compétences et les responsabilités des différents acteurs locaux. Pour mémoire, on retrouve ces deux axes dans la loi MAPTAM, et aussi dans la loi du 16 janvier 2015 relative à la délimitation des régions, dans la loi du 16 mars 2015 relative à l'amélioration du régime de la commune nouvelle et dans la loi « NOTRe » portant nouvelle organisation territoriale de la République du 7 août 2015.

L'ordonnance opère une décentralisation du nouvel établissement public, appelé « Paris La Défense ». Son conseil d'administration sera composé de dix-sept membres, dont neuf représentants du département des Hauts-de-Seine, un représentant de la région Île-de-France, un représentant de la métropole du Grand Paris, un représentant de la Ville de Paris, un représentant de la commune de Courbevoie, un représentant de celle de Nanterre, un de celle de Puteaux et deux personnalités qualifiées nommées par le Gouvernement.

Au groupe Nouvelle Gauche, nous ne sommes pas opposés au fait de permettre au préfet de suspendre le caractère exécutoire des décisions du conseil d'administration et à demander une seconde délibération si celles-ci portent manifestement atteinte aux intérêts nationaux, en particulier au bon fonctionnement des services publics. Ce pouvoir du préfet, qui se justifie par la place particulière du quartier de La Défense dans la vie économique de notre pays, est suffisamment bordé pour ne pas remettre en cause l'esprit décentralisateur de l'ordonnance.

Le groupe Nouvelle Gauche soutient aussi l'obligation pour l'établissement public d'élaborer un document d'engagement décennal fixant une trajectoire financière pluriannuelle, comportant d'importants investissements. Le premier programme pluriannuel d'investissements dédié à la mise aux normes et à la gestion des ouvrages devra s'élever à au moins 360 millions d'euros pour les dix prochaines années.

Il est par ailleurs important, pour que les engagements soient tenus, que l'on exige des collectivités qu'elles signent une convention de financement du nouvel établissement pour que leurs représentants puissent avoir une voix délibérative au sein du conseil d'administration.

Le groupe Nouvelle Gauche s'inquiète néanmoins de la coexistence de trois périmètres distincts sur lesquels l'établissement public exercera tout ou partie de ses missions. En effet, coexisteront un périmètre d'aménagement reprenant celui de l'EPADESA, un périmètre de gestion reprenant celui de Defacto et un périmètre exclusif d'aménagement et de gestion sur lequel le nouvel établissement sera seul à pouvoir exercer les compétences d'aménageur et de gestionnaire. Il faudra à terme réfléchir à une simplification de cette organisation, qui risque de complexifier l'action de l'établissement public. La Cour des comptes a d'ailleurs récemment noté que la forte incertitude sur le périmètre constituait un « handicap » pour le démarrage de l'établissement. À ce titre, l'article 2 du projet de loi adopté par le Sénat va dans le bon sens, en renforçant le rôle des communes dans la définition de ces périmètres.

Le groupe Nouvelle Gauche a soutenu la suppression par la commission des lois de l'Assemblée nationale de l'article 3 du projet de loi, inséré par les sénateurs. En effet, étendre la possibilité pour l'établissement public Paris La Défense de créer des filiales entrerait en contradiction avec l'objectif de simplification de la gouvernance du territoire.

S'agissant de l'article 7, là encore inséré par les sénateurs, le groupe Nouvelle Gauche a des doutes sur la pertinence de transférer à titre gratuit les parcs de stationnement au nouvel établissement. La disposition initiale de l'ordonnance semblait préférable : à savoir, la mise à disposition de ces parkings au futur établissement pour une durée de soixante ans. La Cour des comptes estime que ce transfert gratuit représenterait « une lourde perte pour l'État ».

Pour la séance publique de cet après-midi, le groupe Nouvelle Gauche a déposé un amendement – mais un amendement important, auquel nous sommes très attachés. Cet amendement à l'article 4 vise à ce que les neuf représentants du département des Hauts-de-Seine au sein du conseil d'administration de l'établissement public Paris La Défense soient désignés proportionnellement aux effectifs des groupes politiques qui composent l'assemblée départementale. Il serait en effet inacceptable, au nom du pluralisme politique, que ces représentants soient tous issus de la majorité départementale.

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