Intervention de Danièle Obono

Séance en hémicycle du lundi 27 novembre 2017 à 16h00
Création de l'établissement public paris la défense — Motion de rejet préalable

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaDanièle Obono :

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, l'ordonnance dont le Gouvernement nous demande aujourd'hui la ratification porte création de l'établissement public Paris La Défense au 1er janvier 2018. Celui-ci doit réunir les deux établissements publics actuellement chargés de la gestion et de l'aménagement du quartier d'affaires.

Cette ordonnance nous pose deux problèmes principaux. Le premier ressortit à la philosophie générale dont résultent l'existence et l'implantation mêmes de ce quartier. La question de l'intérêt pour la France de l'existence même d'un quartier comme celui de La Défense mérite d'être posée, compte tenu de la documentation annexée au projet de loi comme des débats ayant eu lieu au Sénat.

La Défense est un quartier d'affaires où se côtoient des grandes multinationales travaillant dans de multiples secteurs d'activité. Une telle synergie pose problème, car elle favorise le mélange des genres. Ceux qui ont eu l'occasion de s'y rendre ont pu constater que ce quartier est littéralement hors-sol : il est en effet surélevé, car centré sur un parvis. Au mois de février 2016, le chantier de la tour Trinity, dont la livraison est prévue en 2020, en a bloqué l'accès des habitants de Courbevoie. Les accès directs que peuvent emprunter les habitants des communes avoisinantes sont d'ailleurs complexes et se résument parfois à des escaliers provisoires ou dangereux.

La Défense est bien un quartier hors-sol, dont la déconnexion avec les quartiers d'habitation voisins est volontaire. Il constitue, à nos yeux, le symbole de cette finance qu'il faudrait définanciariser et mettre au service de l'économie, et que la majorité a choisi, au contraire, de privilégier. Il ne s'agit pas d'un quartier d'excellence et d'innovation – ce qui serait bon pour le pays – , c'est un projet de concentration de l'affairisme entre les banques et les grandes entreprises du CAC 40. J'en veux pour preuve que le grand enjeu des années à venir, selon l'étude d'impact, y sera d'accueillir les financiers et les traders quittant la City de Londres en raison du Brexit, comme l'admet sans ambages M. Mathieu Darnaud, rapporteur du texte au Sénat.

L'ordonnance dont vous nous demandez la ratification, monsieur le ministre, a pour but d'attirer autant que possible les financiers qui envisagent de quitter la City afin de poursuivre leur oeuvre en Europe continentale. À cet égard, les propos tenus en séance publique par M. Darnaud expliquant pourquoi le quartier de La Défense doit se préparer à les accueillir sont très révélateurs : « Le Brexit est une chance pour notre économie et constituerait une opportunité historique pour le quartier de La Défense », déclarait-il après avoir affirmé que « ces entités auront besoin de volumes de bureaux très importants, dans un environnement favorable aux services, desservi par les infrastructures nécessaires et où elles retrouveront un écosystème familier, à proximité de leurs interlocuteurs ».

À quelques heures d'un débat sur une proposition de résolution visant à promouvoir les symboles de l'Union européenne, il ne nous semble pas que l'on puisse considérer en aucune façon le Brexit comme une chance pour quiconque. Nous pensons, au contraire, qu'il est l'expression d'une importante fracture en Europe ainsi que des problèmes posés par sa construction actuelle, qui suscite parmi nous une opposition de fond. Nous ne devrions donc pas traiter ce sujet à la manière des rapaces de la finance, en mettant en concurrence les capitales européennes pour récupérer le gâteau financier, poursuivant ainsi la construction de l'Europe de la finance au détriment des peuples.

Par ailleurs, à l'heure de la publication des Paradise Papers, il nous semble pour le moins incongru qu'une majorité se prévalant – du moins en paroles – d'agir contre les activités financières relevant de l'optimisation et de l'évasion fiscales cherche à constituer un pôle d'attractivité pour les opérations financières dénoncées par les journalistes, notamment ceux de l'émission Cash Investigation, même si, des Panama Papers au LuxLeaks, nous savons depuis plusieurs années où et comment ces réseaux financiers aident à prendre l'argent de l'État et à le soustraire à l'impôt.

Si tant est qu'un projet d'attractivité financière doive être mis en oeuvre, la France s'honorerait à être au premier rang de la lutte contre l'évasion fiscale et à favoriser, non pas les opérations financières que nous connaissons, mais une autre politique financière qui encadrerait les échanges et constituerait un modèle de lutte contre l'évasion fiscale !

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