Intervention de Pascal Brindeau

Séance en hémicycle du vendredi 19 mars 2021 à 9h00
Droit au respect de la dignité en détention — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPascal Brindeau :

La détention est une peine privative de liberté et ne doit être que cela. Un détenu n'est pas condamné à dormir à même le sol, à vivre dans des conditions de promiscuité intolérables, à subir l'absence de lumière, d'électricité parfois, ou encore à être plus exposé que d'autres à la covid-19, en ces temps de pandémie. Cette affirmation vaut a priori et a fortiori quand il s'agit de simples prévenus.

Or, nous le savons, dans nos prisons, les conditions de détention, sont déplorables. La surpopulation carcérale en est la première cause. S'y ajoutent la vétusté des bâtiments, l'insalubrité des cellules, le manque de soins et, parfois, l'absence d'activité créant un ennui délétère. Pour illustrer mon propos, et au nom de mon collègue Philippe Dunoyer, je souhaite évoquer le centre pénitentiaire de Nouméa, en Nouvelle-Calédonie.

Après avoir lancé une première fois l'alerte en 2011, la Contrôleure générale des lieux de privation de liberté – CGLPL – a renouvelé, en 2019, ses recommandations pour mettre fin au maintien d'un statu quo intolérable. Le Conseil d'État a fait de même dans sa décision d'octobre 2020, dans laquelle il décrit de graves carences en matière d'hygiène et de salubrité, des matelas à même le sol et des containers maritimes reconvertis en cellule. Comme sur tout le territoire, il y urgence à agir pour remédier à ces conditions particulièrement dégradées en Nouvelle-Calédonie, et plus généralement dans les outre-mer.

Je rappelle que la première loi sur l'encellulement individuel, qui date de 1875, n'a quasiment jamais été appliquée. Nous nous retrouvons dans une situation paradoxale, dans laquelle la majeure partie du budget de la justice est affectée à la politique carcérale, sans qu'aucune évolution positive soit pourtant constatée sur le long terme. L'indispensable rénovation du parc pénitentiaire se fait attendre, tout comme la construction de nouvelles places. Ces constats ne sont – hélas – pas nouveaux. Les contrôleurs généraux successifs continuent de déplorer qu'aucune solution ne soit apportée, et la France continue malheureusement à se faire régulièrement condamner par les instances internationales.

Dans ce contexte, et à la suite de la décision du 2 octobre 2020 du Conseil constitutionnel, créer un recours judiciaire pour les détenus s'estimant incarcérés dans des conditions indignes ne peut être qu'un progrès. Cependant, comme je l'ai indiqué en commission, nous sommes très sceptiques sur son caractère effectif.

Tout d'abord, le dispositif repose quasi exclusivement sur le transfèrement. Passer d'un établissement surpeuplé à un autre établissement surpeuplé constitue-t-il la garantie de conditions de détention plus dignes ? On peut en douter. C'est pourquoi nous souhaitons qu'il soit inscrit dans la loi que le transfèrement doit effectivement apporter une amélioration des conditions de détention.

Nous doutons ensuite de la capacité de l'administration pénitentiaire à répondre effectivement à ces recours. En effet, le dispositif repose en grande partie sur ses épaules, alors qu'elle est fort démunie : elle souffre d'un manque de moyens ayant pour conséquence l'absence totale de levier d'action pour améliorer au quotidien les conditions de détention. De réforme en réforme, les tâches qui incombent aux magistrats s'accumulent. Le juge des libertés et de la détention en souffre particulièrement.

Le Gouvernement pourrait-il nous éclairer sur le contenu du décret, notamment sur les modalités de saisine ? Nous craignons en effet que des lourdeurs administratives n'entachent la possibilité réelle, pour certains détenus, de recourir au nouveau dispositif. Sur ce point, nous faisons nôtre la proposition du Conseil national des barreaux – CNB – d'une saisine par tout moyen.

En définitive, ce texte n'apporte pas en soi de solution réelle à l'indignité des conditions de détention. Son article unique propose un recours judiciaire : il s'agit évidemment de se mettre juridiquement en conformité avec la décision du Conseil constitutionnel. Pour cette raison, nous trouvons d'ailleurs le titre de la proposition de loi un tantinet présomptueux et assez peu en adéquation avec le contenu réel du texte.

Une certitude doit ressortir de son examen : nous devons être plus ambitieux et faire cesser réellement l'indignité des conditions de vie dans nos prisons. Traiter de manière inhumaine et dégradante les personnes incarcérées est inacceptable non seulement pour elles-mêmes, mais également pour la société tout entière, en ce que ces conditions sont aussi un facteur de rejet, d'incompréhension de la peine, de potentielle récidive et de radicalisation.

Je tiens à le souligner : des conditions de détention décentes ne sont pas exclusives de la rigueur carcérale nécessaire à l'effectuation de la peine. Le groupe UDI et indépendants votera le texte, parce que celui-ci a le mérite d'ouvrir une voie judiciaire à la dénonciation de l'état des conditions de vie dans nos prisons. Il s'agit bien évidemment de ne pas en faire un instrument de politique carcérale ou de libération massive. Nous espérons qu'il pourra améliorer effectivement la situation d'un certain nombre de détenus.

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