Intervention de Gérard Leseul

Séance en hémicycle du mardi 9 mars 2021 à 15h00
Article 1er de la constitution et préservation de l'environnement — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaGérard Leseul :

Je ne reviendrai pas sur les débats en commission, que j'ai trouvés, pour ma part, frustrants. Une question fondamentale en ressort néanmoins, monsieur le garde des sceaux : comment expliquer que le Gouvernement demande aux parlementaires de se pencher sur une réforme constitutionnelle, sans leur donner le droit de toucher à une seule virgule du texte qui leur est soumis ? Voyez-vous, je m'interroge sur l'interprétation assez rigide que le Gouvernement fait de cette proposition de la Convention citoyenne. Les autres propositions que celle-ci a émises ne connaîtront d'ailleurs pas toutes semblable sort. Certaines seront écartées par le Gouvernement ou les jokers présidentiels, dans le cadre du projet de loi « Climat et résilience », dont discute la commission spéciale en ce moment.

Permettez-moi de contester la pudeur excessive dont votre gouvernement fait preuve, monsieur le ministre, au sujet de cette réforme constitutionnelle. Les membres de la Convention citoyenne, avec lesquels nous avons échangé à de nombreuses reprises, ont formulé un souhait et proposé des mesures destinées, dans un esprit de justice sociale, à réduire les émissions de gaz à effet de serre de 40 % d'ici à 2030. S'ils ont avancé une proposition de réforme constitutionnelle, jamais ils n'ont affirmé que celle-ci ne pouvait être retravaillée ou complétée avant d'être soumise au peuple français. Pourquoi refuser à la représentation nationale, aux représentants du peuple, c'est-à-dire à l'un des pouvoirs constitués, la possibilité de participer activement à cette révision constitutionnelle ?

Le Président vous met, monsieur le garde des sceaux, dans une situation délicate, compte tenu des délais extrêmement courts dont vous disposez pour faire aboutir cette réforme constitutionnelle. Notre constitution est parfois considérée comme rigide, car toute modification est soumise à des procédures spécifiques : l'approbation par référendum ou l'adoption par les deux chambres réunies en Congrès, à la majorité qualifiée. Cette réforme pourra difficilement arriver à son terme avant l'échéance de 2022. Est-ce une manière de prendre à témoin la population, de mettre la pression sur le Sénat pour lui faire endosser la responsabilité politique d'une réforme constitutionnelle ratée ou inaboutie avant un scrutin de 2022 périlleux, ou tout simplement une manière de faire de l'affichage sur la question environnementale, à l'heure où les déceptions s'accumulent et où le vernis s'écaille de plus en plus ?

Le groupe Socialistes et apparentés continuera, pour sa part, à défendre les propositions qu'il porte depuis de nombreuses années, dont certaines ont déjà été émises dans le cadre de la réforme constitutionnelle avortée de 2018. Protéger réellement l'environnement, c'est donner demain les moyens aux juges de réaliser un véritable arbitrage entre la préservation de l'habitabilité de notre terre et les libertés individuelles qui, détournées de leur visée universelle, profitent à quelques-uns au détriment de notre environnement commun.

Certaines notions fondamentales ayant contribué autrefois à l'émancipation des hommes face à l'arbitraire peuvent aujourd'hui se retourner contre l'intérêt général. Qu'elles aient eu pour but la lutte contre le changement climatique, contre l'évasion fiscale ou contre l'accaparement des terres, beaucoup de réformes ont été vidées de leur substance ou avortées, ces dernières années, à la suite d'avis du Conseil d'État et de décisions du Conseil constitutionnel rendus au nom de la défense des droits de propriété et de la liberté des entreprises.

Bien sûr, le Conseil constitutionnel a pu aussi faire preuve d'initiative en matière de protection de l'environnement et du vivant. Ainsi, dans une décision rendue le 31 janvier 2020, il a reconnu pour la première fois que la protection de l'environnement, patrimoine commun des êtres humains, constituait un objectif de valeur constitutionnelle susceptible de justifier des atteintes à la liberté d'entreprendre. De la même manière, le 3 février dernier, le tribunal administratif de Paris a condamné l'État pour ne pas avoir tenu ses engagements en matière de réduction des émissions de gaz à effet de serre.

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