Intervention de Bastien Lachaud

Séance en hémicycle du mardi 9 mars 2021 à 15h00
Élection du président de la république — Motion de rejet préalable

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaBastien Lachaud :

Quand nous avons commencé l'examen de ce texte, il devait s'agir d'un texte technique visant à adapter la loi organique aux modifications intervenues depuis le dernier scrutin présidentiel.

Sur cette base fallacieuse, dans un périmètre arbitrairement défini, tous nos amendements ont été écartés sans débat, sous prétexte qu'ils n'auraient pas eu de lien direct avec le projet de loi organique. Le texte, nous expliquait-on, ne devait en aucun cas revenir sur les équilibres du scrutin présidentiel.

Nous avons bien vu depuis qu'il n'en était rien et que la définition de ce qui est technique dépend surtout de ce qui arrange le Gouvernement et permet d'éviter les débats encombrants. Au vu des modifications apportées par le Sénat, nous ne pouvons que demander le rejet du texte.

Je commence par le plus grave : la commission mixte paritaire a inventé un arrangement entre les deux chambres qui modifie substantiellement la campagne présidentielle. Au lieu d'un an comme c'est le cas habituellement, la durée de prise en compte des dépenses de campagne est réduite à neuf mois. Autrement dit, un quart du temps initialement prévu disparaît subitement. En outre, le préavis de cette décision est minimal puisque nous sommes le 9 mars et que l'ouverture des comptes de campagne était prévue le 1er avril.

C'est un scandale démocratique car les conditions de financement de la campagne modifient substantiellement les capacités matérielles à faire campagne, particulièrement en temps de crise sanitaire lorsque les réunions publiques sont difficiles à organiser.

Cette décision favorisera les candidats riches, qui peuvent se permettre de dépenser sans compter jusqu'à l'ouverture des comptes de campagne, ceux qui optent pour une campagne éclair et dépensent beaucoup d'argent en communication pendant les derniers mois. C'est une décision politique majeure selon laquelle le financement des campagnes présidentielles déjà entamées repose sur les dons jusqu'au mois de juillet.

Le Conseil d'État a bien précisé le risque démocratique inhérent à ce changement : « Le raccourcissement de la période aurait par ailleurs pour conséquence de retarder de trois mois la mise en ? uvre du contrôle du recueil des fonds, qui est notamment destiné à assurer le respect du plafonnement des dons d'une même personne physique et de l'interdiction des dons de personnes morales. Par ailleurs, il limiterait le recueil de ressources auprès des particuliers, les donateurs ne pouvant, durant ces trois mois, bénéficier de l'avantage fiscal prévu par la loi. »

Un candidat à l'élection présidentielle qui se déclarerait demain pourrait donc dépenser sans compter jusqu'au mois de juillet prochain puisque les sommes engagées ne seraient pas concernées par le plafonnement. Ce n'est pas une petite affaire quand on se souvient du scandale Bygmalion et du système de sous-facturation organisé pour donner l'illusion que le plafond de dépenses avait été respecté.

Avec la réduction d'un quart de la durée d'ouverture des comptes de campagne, c'est un des équilibres de la campagne présidentielle qui est directement atteint : l'égalité de traitement devant le financement de la campagne. Le financement public des campagnes politiques pour les candidats qui obtiennent plus de 5 % des suffrages exprimés est un principe fondamental pour garantir l'égalité devant les fonctions électives.

Sans ce financement public, les élections seraient réservées aux riches et aux candidats soutenus par l'oligarchie…

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