Intervention de Jean-Christophe Lagarde

Séance en hémicycle du jeudi 4 février 2021 à 15h00
Respect des principes de la république — Article 3

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Christophe Lagarde :

Pardonnez-moi, madame la rapporteure, mais j'ai beaucoup de mal à entendre, surtout au vu de votre parcours professionnel, qu'une personne mise en examen devrait être inscrite au FIJAIT car elle représenterait potentiellement un danger immédiat pour l'ordre public. J'imagine que tout juge d'instruction faisant face à une personne dangereuse, qu'il met en examen, la place en détention provisoire : je ne vois pas très bien, sinon, à quoi sert de l'inscrire dans un fichier. Je n'ai naturellement jamais été juge d'instruction, mais c'est ce que j'attendrais d'un juge d'instruction estimant qu'une personne représente un danger immédiat.

Ensuite, j'entends bien l'explication que vient de donner le garde des sceaux, mais tout de même ! L'inscription automatique serait justifiée par la nature terroriste de l'infraction, nous dit-on. Prenons un exemple célèbre : M. Abaaoud est repéré chez un demeuré – son nom m'échappe – qui fait le malin devant les caméras de télévision de BFM TV. Le juge d'instruction se voit confier le dossier, non pas de M. Abaaoud, qui a été abattu par la police, mais de son logeur, qu'il met bien entendu en examen. Doit-il l'inscrire au FIJAIT alors que rien ne semble démontrer, à ce stade – c'est au juge du siège qu'il reviendra de l'établir – , qu'il savait avec certitude qui il hébergeait ? Je pourrais multiplier les exemples, mais je ne gaspillerai pas de temps de parole pour cela.

Ce sont des situations de ce type qui nous amènent à dire qu'il y a une différence entre arrêter quelqu'un les armes à la main ou sur le point de commettre un attentat – comme les femmes qui avaient voulu faire exploser des bonbonnes de gaz à côté de la cathédrale Notre-Dame de Paris – et l'inscrire au fichier sans attendre une condamnation parce que, même si la présomption d'innocence prévaut, la culpabilité est quasi certaine ; et inscrire au FIJAIT une personne qui évolue dans l'environnement d'un terroriste mais qui sera peut-être totalement blanchie par la suite. Peut-être avons-nous mal compris l'article, mais il nous semble que l'inversion de la logique actuelle conduira à inscrire au fichier, de façon automatique et non argumentée, des individus qui sont peut-être blancs comme neige.

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