Intervention de Olivier Serva

Séance en hémicycle du jeudi 28 janvier 2021 à 9h00
Service public d'eau potable et d'assainissement en guadeloupe — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaOlivier Serva :

Les Guadeloupéens et les Guadeloupéennes nous regardent, car la responsabilité qui nous incombe aujourd'hui est historique.

Nous avons en effet la lourde responsabilité de ramener, coûte que coûte, de l'eau au robinet de nos concitoyens de la Guadeloupe et de nous assurer que l'assainissement des eaux usées sera traité, afin d'éviter un scandale sanitaire à venir.

La crise de l'eau en Guadeloupe est un fléau déjà ancien. Les bouleversements successifs de la gouvernance, la mauvaise gestion et la gabegie financière ont contribué à rendre vétustes les réseaux d'eau et d'assainissement et à priver nos compatriotes de deux ressources élémentaires : l'eau potable et la confiance.

Depuis près de quarante ans, l'eau potable ne parvient plus en quantité et qualité suffisantes au robinet des Guadeloupéens et des Guadeloupéennes, qui doivent endurer, avec résilience et patience, des coupures incessantes, des jours, voire des semaines sans eau. C'est insupportable !

Lors de son audition par la délégation aux outre-mer en mai 2016, Pierre-Alain Roche, coordonnateur du rapport intitulé Propositions pour un plan d'action pour l'eau dans les départements et régions d'outre-mer et à Saint-Martin, s'étonnait de l'extrême patience des habitants de la Guadeloupe.

Il est vrai que si cette situation devait se répéter dans n'importe quel autre endroit en France, la paix sociale serait menacée. L'époque sanitaire trouble que nous traversons rend l'exercice encore plus difficile, voire périlleux.

Une autre ressource a été épuisée par le scandale de l'eau en Guadeloupe : la confiance de nos concitoyens. Cette ressource est pourtant essentielle à la stabilité de la démocratie.

Cette proposition de loi vise à rénover la gouvernance de l'eau et de l'assainissement par la création d'un syndicat unique d'eau potable et d'assainissement en Guadeloupe continentale, associant l'ensemble des collectivités locales – les communautés d'agglomération, la région, le département – , les usagers, les chambres consulaires, notamment les chambres de commerce et d'industrie, de métiers, de l'artisanat, de l'agriculture et de l'économie sociale et solidaire – , afin qu'une solution soit mise en place rapidement pour améliorer et moderniser les réseaux et répondre à l'urgence,

Au-delà du service public de l'eau potable, c'est la démocratie en Guadeloupe qu'il nous est donné de réinventer à travers ce texte, dans un sens qui doit conserver l'intérêt général guadeloupéen comme seule boussole.

Ce texte fait d'ailleurs vivre plus fort la démocratie, si l'on se réfère aux espoirs et aux réactions aussi riches que différentes qui ont été exprimées en amont et au cours de nos débats par la population et l'ensemble de la classe politique.

D'aucuns ont dénoncé une atteinte lourde et sans précédent à la libre administration des collectivités locales. Il faut entendre cet argument et s'assurer que le texte fera l'objet d'un tel consensus politique que plus rien ne saurait le remettre en question dans ses fondements.

En commission, j'ai d'ailleurs défendu des amendements visant à réaffirmer les libertés locales, afin de garantir que l'esprit du législateur n'est en rien violé en matière de libre administration des collectivités locales. Le ministre et la rapporteure ont rappelé et confirmé que le texte ne violait pas ce principe.

Ce texte représente la chance de rendre viable un nouveau syndicat unique de gestion de l'eau potable et de l'assainissement, mais aussi des eaux pluviales venant des Grands Fonds et inondant les plaines et les habitations des Guadeloupéens. J'ai déposé un amendement sur ce dernier point.

Nous devons nous assurer de ne pas faire de ce nouveau syndicat unique une entité mort-née – un Titanic, comme diraient certains chez nous.

Pour que la dissolution du SIAEAG n'aboutisse pas à plomber les capacités de financement et les budgets de fonctionnement des communautés d'agglomération, l'État devra accompagner les EPCI. À cet égard, monsieur le ministre, j'ai apprécié votre intervention, qui m'a rassuré sur la neutralité de cette nouvelle structure sur les finances des EPCI et du nouveau syndicat.

Il est en effet primordial de libérer la nouvelle structure et les communautés d'agglomération du poids des dettes fournisseurs, grâce à l'accompagnement du recouvrement des créances – qui sont plus nombreuses que les dettes – , pour que l'État s'engage à assurer la neutralité financière du processus de mise en place du syndicat unique de l'eau.

Quant au personnel du SIAEAG, il doit être assuré qu'il ne sera pas procédé à des licenciements. Cependant, il doit être clairement indiqué aux EPCI qu'ils ne supporteront pas la charge d'une masse salariale insupportable pour eux sur le plan financier.

Il faut aussi souligner le courage des associations et des comités de défense des usagers de l'eau de la Guadeloupe qui, depuis près de quarante ans, font entendre leurs voix pour le bien de la population. Je tiens à ce que les usagers puissent être représentés à tous les niveaux – délibératif et consultatif – du nouveau syndicat mixte ouvert. Le ministre vient de me rassurer sur ce point.

Sous les réserves que je viens d'exprimer – que vous avez en grande partie levées, monsieur le ministre – , je vous invite, chers collègues, à adopter cette proposition de loi à la suite de la commission des lois, faisant ainsi oeuvre de démocratie pour ramener l'eau au robinet de nos concitoyens et leur rendre confiance en la démocratie.

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