Intervention de Hélène Vainqueur-Christophe

Séance en hémicycle du jeudi 28 janvier 2021 à 9h00
Service public d'eau potable et d'assainissement en guadeloupe — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaHélène Vainqueur-Christophe :

Je crois que chacun ici a maintenant pris la mesure du drame qui frappe la Guadeloupe, un mal qui pourrit le quotidien de centaines de milliers de Guadeloupéens et menace tant notre développement que notre existence. Bien sûr, notre objectif commun est de débloquer enfin une situation qui n'a que trop duré. Pourquoi cependant, monsieur le ministre, passer par la loi maintenant alors que des convergences locales ont d'ores et déjà permis la préfiguration d'un syndicat mixte ouvert ? Pourquoi, sinon pour contraindre par la loi la collectivité réfractaire ?

Pourquoi passer par une proposition de loi ici, alors que nul n'ignore son origine ? Malgré la sincérité et l'engagement de notre rapporteure Justine Benin, je regrette cette défausse du Gouvernement.

Pourquoi, avant même la discussion de ce texte, le Gouvernement décide-t-il unilatéralement la dissolution du SIAEAG ? Une décision d'autant plus intolérable que s'y ajoute l'ordre donné à la région et au département d'assumer ses charges de fonctionnement pendant la période transitoire.

Vous nous dites, monsieur le ministre : « L'eau paye l'eau. » J'ai envie de vous répondre : « Qui décide paye. » Si vous liquidez le SIAEAG, trouvez alors les voies et moyens d'assumer les charges salariales et autres dépenses courantes. Si je parle de financement, c'est parce que je pense que cette proposition de loi ne ramènera pas à elle seule de l'eau au robinet. Résoudre la question de la gouvernance peut certes, au-delà des postures politiciennes de certains, débloquer certaines situations, mais créer un syndicat unique ne prenant pas en compte la situation financière, par exemple, des régies municipales bien gérées, notamment celle de la commune de Trois-Rivières, peut en créer d'autres. Les bons élèves ne sauraient selon moi être responsables des mauvaises gestions financières des autres.

Créer, ensuite, par la loi un syndicat unique en enjambant les initiatives locales et en ne donnant aucune information concernant l'origine du futur opérateur des réseaux est une source d'incompréhension, voire d'indignation.

Outre le sujet de la gouvernance, disons clairement que la question des dettes, c'est-à-dire du règlement du passif et de l'actif des organismes gestionnaires, est bien le noeud du problème. Il y aurait tant à dire sur les errements et les défaillances du passé. Nous devons tous assumer, vous et nous, mais plutôt que de parler du passé, parlons de l'avenir. Qu'allons-nous faire face au mur de dettes qui se dresse devant nous ? Puisque vous décidez d'en passer par la loi, allez au bout de votre démarche et mettez en place des mécanismes de financement ou une structure de défaisance qui réglera une fois pour toutes ce passif.

Face à la crise et aux appels à l'aide des collectivités et des usagers, l'État nous répond que l'eau est une compétence locale. C'est vrai légalement, je l'admets. Mais jusqu'ici, ce sont la région et le département qui ont outrepassé leurs compétences et, si j'ose dire, mis la main à la poche, et de manière conséquente.

Si nous pouvons convenir que la responsabilité de la situation est commune au niveau local, je veux dire aussi que, dans une période plus ancienne, le contrôle de légalité a manifestement failli. Je veux dire aussi que, dans une période plus récente, l'État a lui-même organisé l'insolvabilité du SIAEAG, dont l'une des dettes importantes provient du CHU – centre hospitalier universitaire – , sous responsabilité de l'État.

Les dettes bancaires, les dettes fournisseurs et les besoins d'investissements locaux sont là et les Guadeloupéens font, je crois, tout ce qu'ils peuvent pour les assumer. Mais quel est le niveau de la solidarité nationale ? Pourquoi ne pas avoir saisi l'occasion du déblocage du plan de relance pour programmer et financer les investissements nécessaires ? Pour l'heure, seuls 10 millions d'euros sont fléchés vers la modernisation et la réfection des réseaux.

Comprenez, monsieur le ministre, qu'au-delà de la résolution des problèmes de gouvernance et des bonnes volontés locales, l'État coresponsable doit aujourd'hui envoyer un signal fort et s'investir. Le temps est venu de nous aider à repartir sur des bases plus saines. À cet égard, je considère que l'amendement que vous avez déposé concernant les dettes n'est pas à la hauteur. Dire que les dettes fournisseurs des EPCI ne seront pas transférées au futur syndicat est une bonne chose, mais il sera compliqué et difficile pour les EPCI de les assumer. Que feront-ils des personnels ? Comment pourront-il payer leurs dettes sans augmenter considérablement la pression fiscale ?

Vous l'aurez compris, je voterai en faveur de ce texte, ainsi que les députés du groupe Socialistes et apparentés, mais je plaide pour qu'un protocole de règlement des dettes soit trouvé et je milite pour que l'État assume son rôle. Chacun doit cesser ce jeu de dupes fort éloigné des préoccupations des Guadeloupéens, qui demandent un accès à l'eau en quantité, en qualité et à un prix abordable.

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