Intervention de Loïc Dombreval

Séance en hémicycle du mardi 26 janvier 2021 à 15h00
Lutte contre la maltraitance animale — Présentation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaLoïc Dombreval, rapporteur général au nom de la commission des affaires économiques et, rapporteur pour le chapitre Ier :

Je souhaite adresser avant tout un message de gratitude sincère et de remerciements chaleureux à toutes celles et ceux qui font avancer la condition animale dans notre pays : ministres ici présents, collègues parlementaires et élus locaux, associations de protection animale et leurs fantastiques bénévoles, journalistes, juristes, intellectuels, artistes, sportifs et j'en oublie.

J'adresse également ce message à mes deux corapporteurs et aux administratrices de l'Assemblée nationale qui ont fait un travail exceptionnel en un temps record.

L'animal de compagnie partage nos vies, nous fait rire et jouer, et il est parfois la seule présence accompagnant nos aînés en fin de vie. L'animal de production nous nourrit et nous habille. L'animal d'expérimentation permet de développer des médicaments efficaces pour nous soigner. L'animal sauvage et sa liberté nous font rêver et participent étroitement aux équilibres indispensables de nos écosystèmes. Pour tous les services qu'ils nous rendent, nous leur devons à tous respect et humanité. Pourtant, on a souvent le sentiment que l'attention aux conditions de vie des animaux est une cause qui n'est pas digne d'un débat au Parlement, alors que ce sujet éminemment transpartisan n'est ni une lubie d'urbains en mal de nature ni une mode passagère, mais un sujet dorénavant irréversiblement politique.

Il faut souligner que nous partons de loin, avec Descartes et sa conception de l'animal-machine dénué de toute sensibilité. Cette idée a durablement marqué la conception occidentale de l'animal et a occulté une tradition philosophique très vivace, issue de l'Antiquité, qui souligne la responsabilité morale des humains vis-à-vis des animaux, être vivants sensibles, plus faibles et sans voix, qui peuvent souffrir.

La crise sanitaire que nous traversons nous a rappelé à quel point nous étions biologiquement liés aux différentes espèces animales qui nous entourent. Elle nous invite à repenser notre rapport avec le vivant et conduit notre démocratie à s'interroger collectivement sur les liens que nous souhaitons établir avec lui. Les animaux ne sont certainement pas des citoyens ; en revanche, la manière dont nous les considérons engage directement notre dignité et notre humanité.

Montaigne, Diderot, Voltaire, Rousseau, Lamartine, Hugo, Schoelcher, Zola sont autant de défenseurs de la cause animale. Ils lient progrès humain et considération pour ceux que l'historien Michelet désignait comme des « frères inférieurs ». Alors pourquoi a-t-on le sentiment que l'attention aux conditions de vie des animaux, y compris celles des animaux de compagnie qui partagent pourtant le quotidien de plus d'un foyer sur deux, ne serait pas digne d'un débat sérieux au Parlement ? J'espère, chers collègues, que nous renverrons avec responsabilité une tout autre image.

Nombre de nos voisins européens sont allés beaucoup plus loin que nous ces dernières années. Au Royaume-Uni, en Suisse, en Italie, en Wallonie ou en Allemagne, les législations relatives au bien-être animal sont bien plus développées. Or c'est toujours la loi qui a permis des avancées en la matière, avec l'idée historique sous-jacente que l'encadrement de l'action de l'homme envers l'animal était un moyen d'améliorer l'homme lui-même.

Il aura fallu 165 ans, depuis la loi Grammont de 1850 qui punissait les actes de maltraitance exercés en public sur un cheval, pour que l'animal soit enfin reconnu, en 2015, comme un « être vivant doué de sensibilité » par le code civil, qui précise, comme pour s'excuser, qu'il reste soumis au régime des biens. L'animal se trouve donc en lévitation juridique : il est un être vivant sensible qui reste malgré tout une chose. Et encore, songez que donner volontairement la mort à un animal n'est puni que d'une contravention de cinquième classe, quand porter atteinte aux biens d'autrui l'est de trois ans de prison et de 45 000 euros d'amende. Un chien ne vaut pas un bien.

La mission gouvernementale centrée sur le bien-être des animaux de compagnie et des équidés qui m'a été confiée en 2020 a été l'occasion, alors que son périmètre était resserré, de mesurer l'ampleur du travail à accomplir pour améliorer les conditions de vie des chiens, des chats et des chevaux.

Le texte dont nous allons débattre contient d'immenses avancées, saluées par de nombreuses associations de protection animale : certificat de sensibilisation, stérilisation des chats errants, encadrement de la vente sur internet, renforcement des sanctions pénales, stage de sensibilisation pour les maltraitants, fichier des interdits de détenir un animal, levée du secret professionnel pour les vétérinaires, mandat de protection future pour s'assurer de la garde et des soins pour son animal en cas d'empêchement, fin de la détention de la faune sauvage dans les cirques et delphinariums, fin de l'élevage de visons. Chers collègues, voilà une loi précise, centrée et réaliste, qui va concrètement améliorer les conditions de vie de certains animaux et qui, pour cette raison, ira au bout du parcours législatif pour être votée définitivement et appliquée dans notre pays.

J'évoquais, au début de ma prise de parole, différents textes qui avaient pour projet d'améliorer la prise en compte de la sensibilité animale. Aucun n'a traité tous les sujets concernant les animaux, aucun n'a été considéré comme allant assez loin, tous ont été critiqués pour cela. Pourtant, chacun sur ces bancs est fier de ces textes, car ils représentent des étapes marquantes. On connaît la destinée des lois qui veulent aller loin, très loin, tellement loin qu'elles ne sont jamais votées et ne débouchent sur aucune avancée. Celui qui veut trop embrasser l'animal, souvent mal l'étreint.

Ce texte doit nous rassembler, car il répond concrètement à de vrais problèmes. Il est loin de céder à la sensiblerie, loin de déifier l'animal ou de fustiger les professionnels. Il nous pousse seulement à abandonner une conception anthropocentriste des espèces et de la nature. Je vous demande donc, ni plus ni moins, de considérer le texte qui vous est soumis comme une nouvelle étape marquante d'un progrès indéniable. Je vous invite, avec passion et avec raison, à voter en faveur de ce texte.

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