Intervention de Michel Castellani

Séance en hémicycle du mardi 26 janvier 2021 à 15h00
Ressources propres de l'union européenne — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMichel Castellani :

L'année 2021 doit marquer le début d'un nouveau cycle pour l'Union européenne. Cette dernière n'a d'autre choix que de se réinventer après deux crises majeures, celle du Brexit et celle du Covid-19. Depuis un an, le coronavirus a touché l'ensemble des pays européens, quoique de façon différenciée. De nombreux facteurs expliquent le caractère variable de l'impact sanitaire, économique et social de la pandémie.

Face à la crise, la réponse du Conseil européen de juillet 2020 a représenté un tournant politique et budgétaire pour l'Union. Elle s'articule autour de trois piliers : le plan de relance, le cadre financier pluriannuel et les ressources propres.

Aussi la décision d'un emprunt souscrit en commun est-elle, au-delà du soulagement à court terme des finances publiques nationales, la réaffirmation d'un projet partagé et d'une volonté des États de s'engager solidairement et durablement. Nous le savons, les ressources propres sont essentielles, car elles libèrent les priorités européennes des contraintes budgétaires nationales et des grandes transactions entre Conseil, Commission et Parlement européens. Ces outils fondamentaux de l'ambition européenne représentent un petit pas vers davantage d'intégration.

Ainsi notre groupe salue-t-il le relèvement du plafond de ces ressources de 1,2 % à 1,4 %, décision rendue nécessaire par le Brexit, la crise économique et le changement de périmètre du budget européen. Par ailleurs, ce plafond est relevé de 0,6 point supplémentaire, de façon exceptionnelle et temporaire, afin de financer l'instrument de relance européen. L'Europe se dote donc de moyens accrus pour agir efficacement, ce dont nous nous réjouissons.

De même, nous saluons la création d'une nouvelle ressource propre fondée sur les déchets plastiques non recyclés, qui s'inscrit dans les objectifs de l'accord de Paris.

Mais si notre groupe Libertés et territoires salue l'objectif, nous nous interrogeons sur sa mise en oeuvre, la France n'étant pas le pays le plus avancé en la matière : elle pourrait ainsi avoir à verser jusqu'à 1,4 milliard d'euros supplémentaires au titre de cette nouvelle taxe. Monsieur le secrétaire d'État, pouvez-vous nous assurer que cette taxe ne sera pas directement répercutée sur les collectivités territoriales, qui exercent la compétence de la gestion des déchets ? Même si cette contribution ne sera pas véritablement une ressource propre, mais un transfert du budget national vers le budget européen, il n'en reste pas moins qu'une étape décisive a été franchie : pour la première fois, le Conseil a convenu de la nécessité de créer de nouvelles ressources et a donné mandat à la Commission pour faire des propositions en ce sens. Notons tout de même que la taxe sur les déchets plastiques n'a pas vocation à perdurer puisqu'elle sanctionne un mauvais comportement.

Aussi, même si nous avançons dans le bon sens, certains écueils subsistent. Ainsi regrettons-nous les freins pesant sur la création d'autres ressources propres, qui ne pourrait intervenir que dans un second temps : je veux évidemment parler de la taxe carbone aux frontières, la décision évoquant une application étendue « éventuellement », selon le propre mot de l'accord, et seulement en 2023 ! C'est dire que la partie est loin d'être gagnée… On connaît la réticence sur ce sujet de plusieurs pays, notamment d'Europe de l'Est. Comment le Gouvernement compte-t-il convaincre tous nos partenaires d'avancer dans cette direction ?

Quant à l'autre potentielle nouvelle ressource propre, à savoir la taxe GAFA – dont nous débattons ici même régulièrement – , elle est remise à bien plus tard, pas avant 2024. Le dernier projet enterré concerne l'instauration d'une taxe sur les transactions financières. Maintes fois reportée, elle constituerait, en permettant de dégager pas moins de 50 milliards d'euros par an, un puissant outil d'action. Il est indiqué que l'Union européenne « s'efforcerait » d'y réfléchir pour le prochain cadre pluriannuel : c'est dire le peu d'entrain à instaurer une telle taxe !

Autre point sur lequel l'ambition européenne reste encore limitée, celui de la suppression de la politique des rabais. Ces négociations du cadre financier européen constituaient pourtant une occasion historique d'en finir avec cette politique, qui concerne de trop nombreux pays – les Pays-Bas, l'Autriche, le Danemark, la Suède, mais également l'Allemagne qui bénéficie de 3,6 milliards d'euros. Profitant de l'opportunité du plan de relance lié à la crise du covid-19, ces pays sont parvenus à maintenir leur rabais pour au moins sept ans. Au total, ce sont 10 milliards qui vont s'envoler des caisses communautaires ! Nous ne pouvons que le regretter.

Malgré ces remarques, le groupe Libertés et territoires, convaincu par l'ambition européenne et par la nécessité d'affronter ensemble les difficultés du temps, votera en faveur de ce projet de loi.

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