Intervention de Marietta Karamanli

Séance en hémicycle du mardi 19 janvier 2021 à 15h00
Élection du président de la république — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMarietta Karamanli :

La loi du 6 novembre 1962 encadre l'élection du président de la République et donne un cadre électoral à ce scrutin.

Le projet de loi organique que nous examinons vise à décliner et aligner le droit de l'élection présidentielle sur ce que sont devenues, au fil des lois ordinaires, les autres élections et à traiter des points considérés comme sensibles par le Gouvernement. Il met en évidence a contrario des manques. Je reprendrai quelques réflexions qui ont déjà été évoquées en commission des lois.

S'agissant de l'alignement recherché sur le droit appliqué aux autres élections, il a été jugé utile, avant la prochaine élection présidentielle, de prendre en considération les évolutions législatives intervenues en matière électorale depuis le précédent scrutin. Ainsi, le texte fixe une date limite de publication du décret de convocation des électeurs qui interviendra au moins dix semaines avant le scrutin. En effet, à la différence des autres élections, la date de publication du décret de convocation à l'élection présidentielle n'est aujourd'hui encadrée par aucun texte, alors qu'elle déclenche la période du recueil des parrainages. L'inscription dans la loi de cette disposition est donc de nature à sécuriser cette opération.

Le texte reporte par ailleurs à une date fixée par décret, et au plus tard au 1er janvier 2027, la possibilité de transmettre par voie dématérialisée les parrainages au Conseil constitutionnel. L'absence d'identité numérique de niveau élevé, dispositif de nature à sécuriser au mieux la transmission des parrainages, impose en effet de décaler l'entrée en vigueur de ce dispositif instauré en 2016 par voie d'amendement.

Ce texte consacre également le système de vote par correspondance pour les personnes détenues. Ce dispositif, déjà appliqué pour les élections européennes de 2019, nous semble très important. Il adapte, de plus, certains aspects financiers de la campagne électorale en dématérialisant la transposition des comptes de campagne à la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques, ainsi que l'édition par voie électronique des reçus-dons.

De façon plus significative, le projet a pour objet de prévenir certaines difficultés techniques ayant une réelle dimension politique. Ainsi, il modifie la date du début des comptes de campagne de la présidentielle de 2022. Les comptes pour l'élection présidentielle sont théoriquement ouverts un an avant le scrutin, c'est-à-dire qu'ils devraient l'être normalement au mois d'avril prochain. Le problème, c'est que les élections régionales et départementales vont être reportées de mars à juin 2021, en raison de l'épidémie de covid-19 : or les comptes de campagne de ces scrutins locaux sont ouverts depuis le 1er septembre.

Le Gouvernement craignant un chevauchement des comptes de campagne, il conviendrait à ses yeux de reculer la date du début des comptes de campagne de l'élection présidentielle après les élections régionales de juin. Pourtant, le Conseil d'État estime, dans son avis, que « la superposition des périodes de contrôle afférentes à des campagnes électorales distinctes est habituelle, du fait notamment de la proximité entre l'élection présidentielle et les élections législatives », et ce avec des montants maximaux de plafonds de dépenses très différents. De façon incidente, un report du début des comptes de campagne pour l'élection présidentielle permettra aussi au président sortant de faire des dépenses sans qu'elles soient incorporées aux charges de campagne. Dans ces conditions, l'évolution proposée ne paraît pas s'imposer.

J'aborderai maintenant les questions posées par le vote à l'élection présidentielle qui auraient pu faire l'objet d'un travail de fond débouchant sur des évolutions importantes. À cet égard, je ferai deux observations.

Premièrement, nous sommes l'un des rares pays où l'élection du président de la République au suffrage universel se pratique avec un système de parrainage d'élus pour pouvoir être candidat. Un parrainage par des citoyens a été proposé par une commission officielle. Une telle méthode nécessiterait une réflexion de fond sur ses effets sur un système de primaires auquel s'adressent déjà des partis, sur un seuil acceptable pour une majorité, sur le contrôle des parrainages par le Conseil constitutionnel et sur l'effectivité du choix des citoyens.

Ma seconde observation concerne le vote par correspondance. La pandémie et l'abstention croissante qui ont eu des effets sur des scrutins pourtant appréciés des Françaises et des Français constituent autant de raisons d'évoquer un sujet qui ne doit pas être tabou. Certes, le recours à celui-ci a un coût et il présente des risques, mais surtout de tels inconvénients doivent être mis en balance avec les bénéfices majeurs qu'il apporterait, à savoir la participation des citoyens et la légitimité des élus et des choix faits.

Ce sont donc des sujets importants, madame la ministre déléguée, dont vous comprendrez qu'ils ne peuvent être traités seulement par voie d'amendements. Le groupe Socialistes et apparentés espère donc, dans le cadre de cette législature, pouvoir les aborder sur le fond et de manière sérieuse, et engager ce travail nécessaire avec l'ensemble des collègues ici présents ainsi qu'avec le Gouvernement.

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