Intervention de Jean-Hugues Ratenon

Séance en hémicycle du mercredi 16 décembre 2020 à 15h00
Stratégie vaccinale contre la covid-19

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Hugues Ratenon :

En préambule, j'aimerais vous dire que je ne suis ni médecin, ni spécialiste, surtout pas en vaccins. Je me garderai donc bien d'énoncer avec trop de certitude des affirmations relatives à un sujet aussi sensible, qui concerne la santé des gens. Comme beaucoup, j'écoute, je lis, j'analyse les différents avis pour me faire une opinion ; j'en arrive à me poser certaines questions et, en tant que parlementaire, à interroger le Gouvernement.

En juin 2018, la Haute Autorité de santé a publié une fiche détaillant les pré-requis nécessaires à l'élaboration de recommandations vaccinales, au nombre desquels une bonne compréhension de la maladie infectieuse et de ses caractéristiques épidémiologiques, et la présence de preuves suffisantes de l'efficacité du vaccin et de sa tolérance, notamment grâce aux données sur la réponse immunitaire mesurée suite à la vaccination. Celles-ci sont généralement obtenues lors du développement clinique du vaccin et conduisent ensuite à la délivrance d'une autorisation de mise sur le marché. Établie d'après le rapport entre bénéfices et risques du vaccin, l'autorisation définit les indications et les contre-indications. Disposons-nous de ces garanties ?

Où en sommes-nous, monsieur le ministre ? On apprend que l'Agence européenne des médicaments a déjà commandé plusieurs millions de doses, mais se réunira fin décembre pour statuer sur une autorisation de mise sur le marché européen. À combien se monte le prix des commandes ? Est-il nécessaire de procéder dans cet ordre ? Des garanties ont-elles été prévues au cas où l'autorisation ne serait pas accordée ? Pouvez-vous certifier la transparence quant à la fabrication et au prix du vaccin ? Les experts expliquent qu'un des vaccins nécessite une conservation à moins 70, voire moins 80 degrés Celsius. Pouvez-vous garantir que nous sommes en mesure de relever ce défi technique ? Le Président de la République a répété que le vaccin ne serait pas obligatoire, c'est une bonne chose, mais un passeport sanitaire serait en cours d'élaboration, qu'il faudra présenter à l'embarquement de tous les avions appartenant à des compagnies nationales, lesquelles assurent 80 % du trafic mondial. Pouvez-vous nous confirmer qu'il ne sera pas obligatoire de se faire vacciner pour accéder à certains services ?

J'en viens à la question de la stratégie, pour répondre à l'intitulé du débat, mais pas seulement de la stratégie vaccinale. Fin novembre, une déclaration du professeur Arnaud Fontanet, épidémiologiste et membre du conseil scientifique que le Président de la République consulte pour prendre ses décisions, m'a fait réfléchir. Selon lui, le vaccin ne sera pas efficace à 100 % : il ne donnera pas l'assurance de ne pas tomber malade ; il n'empêchera pas de transmettre le virus ; il entraînera des effets indésirables. Or, vous savez que la méfiance est grande dans une bonne partie de la population. Votre gestion de l'épidémie n'a pas contribué à instaurer une relation de confiance avec les citoyens, notamment en raison des discours contradictoires sur l'efficacité du port du masque et du fiasco des tests. J'ai la conviction que la clé de la confiance de nos concitoyens est la transparence. Toutes les décisions relatives au vaccin contre la covid-19 doivent servir uniquement l'intérêt général, et non les intérêts privés de l'industrie pharmaceutique. Trop souvent, les coûts, de recherche en particulier, sont assumés par le secteur public, mais les profits et les brevets sont récoltés par les entreprises privées. Pourquoi ne faisons-nous plus appel à l'Institut Pasteur, en lui donnant les moyens d'apprivoiser, de maîtriser et d'éliminer le virus ? Nous l'avons évoqué à plusieurs reprises, l'Institut Pasteur de Lille étudie un médicament, et les résultats définitifs sont prévus pour mai 2021. Il faut parler franchement aux Français : le vaccin est un outil de lutte contre la covid-19, mais pas nécessairement la solution miracle. Il faut en parallèle travailler sur des remèdes thérapeutiques pour traiter les personnes malades, conserver des mesures préventives pour éviter de multiplier les contaminations et réfléchir à des alternatives au confinement, comme nous l'avons fait en proposant un plan complet en novembre.

En conclusion, nous le réaffirmons, la France ne peut pas se passer d'un pôle public du médicament – plusieurs collègues l'ont souligné – , et plus largement des produits de santé. Dans une moindre mesure, elle doit réinvestir massivement dans la recherche publique en la matière. La confiance ne se décrète pas, elle se mérite.

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