Intervention de Jean-Pierre Door

Séance en hémicycle du mercredi 16 décembre 2020 à 15h00
Stratégie vaccinale contre la covid-19

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Pierre Door :

« Là où la vie emmure, l'intelligence perce une issue [… ] » : cette phrase de Marcel Proust est tout à fait d'actualité. Les épidémies ont bouleversé le cours de l'histoire, comme la peste bubonique en 541, décrite par Procope de Césarée ; la dernière épidémie de peste, qui éclate à Marseille en 1720 – ce fut la dernière vague de peste en France ; la variole, un nouveau fléau responsable de 5 à 6 millions de décès en France au XVIIIe siècle, dont la disparition devait être en 1800 l'aboutissement de la vaccination, dixit le médecin anglais Jenner.

Au XXIe siècle, nous sommes face au covid-19. En quelques décennies, on a découvert les bactéries et les virus, inventé les techniques de la vaccination et jeté les bases de l'immunologie. Vaccin à base de virus ou de bactéries atténués, ou vaccin utilisant des bactéries et des virus inactivés : ce furent les débats de la révolution pastorielle. On doit ensuite à Charles Mérieux le développement de l'industrie du vaccin en France. Au fil des années, la vaccination est devenue un acte médical populaire. Elle doit s'appuyer avant tout sur l'éducation de la population, la compréhension des maladies infectieuses, la connaissance des vaccins et la conscience des enjeux de santé individuels et sociaux, qui constituent le socle sur lequel les politiques vaccinales réussissent.

Alors que les traitements antiviraux sont au point mort, on mise à raison sur les vaccins. La course au vaccin est accélérée, grâce à l'innovation relative au génie génétique et à l'ARN messager, qu'ont choisie certaines entreprises biotechnologiques internationales. La France, absente dans cette technologie, a pâti de ce choix, comme en témoigne malheureusement le report du vaccin de Sanofi.

Alors que les autorités britanniques et américaines ont donné leur feu vert au vaccin Pfizer BioNTech, pourquoi l'Agence européenne des médicaments tarde-t-elle à annoncer sa décision ? Pourquoi l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé n'utilise-t-elle pas son droit à l'autorisation temporaire d'utilisation, la fameuse ATU française ? La FDA – Food and Drug Administration – américaine a fait connaître publiquement l'efficacité et la sûreté du vaccin à ARN de Pfizer, de même que la Grande-Bretagne et le Canada. Notre bureaucratie d'État comprend-elle que nous traversons la crise sanitaire la plus grave depuis quatre-vingts ans et que chaque jour perdu provoque des drames supplémentaires ? Monsieur le Premier ministre, enjambons les lourdeurs administratives et soyons dans l'action !

La France se prépare à l'arrivée des vaccins et ce nouveau chantier s'apparente aux travaux d'Hercule. Quelles sont les conditions d'une campagne vaccinale réussie ? Il vous faut relever un défi de production à l'échelle nationale, ainsi qu'un défi logistique en termes de transport, de stockage, de conservation réfrigérée et de distribution dans tous les territoires, régions, départements et communes. Contrairement à 2010, nous ne pouvons plus nous appuyer sur l'EPRUS – Établissement de préparation et de réponse aux urgences sanitaires – , qui gérait tous les stocks.

Un autre défi, et non des moindres, consiste à savoir qui inoculera le vaccin en deux doses, à trois semaines d'intervalle. Vous savez combien le vaccin H1N1 a été boudé ; je me souviens que seuls 8,5 % des Français l'avaient accepté en 2009, malgré une campagne de grande ampleur – on en faisait trop, paraît-il.

Ce que l'on a retenu, c'est que pour être efficace, il vous faut résoudre ce chantier complexe. Après la bataille et les couacs concernant les masques, puis les tests, l'État n'a plus le droit à l'erreur. Comment allez-vous organiser la lutte contre la défiance et le déni du risque, pour ne pas perdre la bataille de la vaccination ? En 2009, l'État avait commandé 94 millions de doses de vaccin contre le H1N1 auprès de quatre entreprises françaises, pour vacciner 47 millions de citoyens. On a vu malheureusement le résultat : en France, on craint plus le vaccin que la maladie. Or vous avez prévu 200 millions de doses, soit la vaccination de 100 millions de personnes. Pourquoi ces chiffres ? Quel est le calendrier ? Vous avez prévu de mobiliser tous les professionnels de santé ; or ils se souviennent de la campagne de 2009. Quelle sera l'organisation des cabinets de médecine, des pharmacies, des infirmiers ? Quelle sera la tarification spécifique qui leur incombera ? Ce sont les questions qu'ils se posent : ne tardez plus à leur répondre.

Pour terminer, parlons de votre stratégie concernant les publics prioritaires. Combien de Français seront vaccinés en mars et combien en juin ? En priorité, il faut protéger tous les professionnels, soldats de première ligne face à la pandémie, soignants de tous statuts – public et privé, en établissement comme en libéral – , ce qui correspond à environ 1,4 million de personnes. Dans le même temps est envisagée la vaste campagne de vaccination des citoyens qui souffrent d'affections de longue durée, donc de maladies chroniques, ou qui présentent des risques de comorbidité, y compris les personnes âgées en EHPAD. Prenons exemple sur l'Allemagne ! Mais attention, la faiblesse des doses et des stocks risque de nous emmener très loin dans cette vaccination.

Monsieur le Premier ministre, pour conclure, je vous dis : chiche ! Le groupe Les Républicains veut la réussite de la vaccination.

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