Intervention de Albane Gaillot

Séance en hémicycle du mardi 8 décembre 2020 à 15h00
Parquet européen et justice pénale spécialisée — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaAlbane Gaillot :

Nous estimons que la convention judiciaire d'intérêt public en matière environnementale peut être positive pour accélérer les réparations écologiques. Il conviendra toutefois d'en évaluer l'efficacité. Nous saluons la création de juridictions spécialisées en matière d'atteinte à l'environnement. Elles devraient permettre d'orienter les contentieux pénal et civil vers des magistrats formés et expérimentés sur les questions environnementales. Ces pôles régionaux spécialisés sont une vraie chance de faire enfin appliquer le droit de l'environnement, à l'heure où les signaux de l'urgence climatique et de l'érosion de la biodiversité sont toujours plus prégnants. Je m'inquiète toutefois que cette mutation s'opère à moyens constants, comme l'indique l'étude d'impact. Nous ne pourrons accroître l'effectivité de la justice environnementale sans y accorder davantage de moyens.

Permettez-moi de revenir, mes chers collègues, sur le problème de compétence des tribunaux en matière d'action relative au devoir de vigilance des entreprises. Mon collègue Matthieu Orphelin comptait défendre un amendement visant à transférer les compétences en matière de devoir de vigilance à un ou plusieurs tribunaux judiciaires spécialement désignés plutôt que de conserver l'incertitude existante entre la compétence du tribunal judiciaire et celle du tribunal de commerce, afin d'accroître l'efficacité de la justice environnementale. Nous trouvons inadmissible que cet amendement, fruit d'un travail conjoint effectué après l'examen en commission des lois avec le garde des sceaux et Dominique Potier, rapporteur de la loi du 27 mars 2017 relative au devoir de vigilance des sociétés mères et des entreprises donneuses d'ordre, ait été déclaré irrecevable pour cause de cavalier législatif, alors que le devoir de vigilance est intrinsèquement lié au droit à un environnement sain.

Pour rappel, depuis 2017, la loi sur le devoir de vigilance impose aux sociétés mères et aux grandes entreprises donneuses d'ordre la mise en place d'un plan de vigilance. Ce plan doit permettre d'identifier les risques résultant de leurs activités et de prévenir les atteintes graves à l'environnement, mais aussi aux droits humains, aux libertés fondamentales, à la santé et à la sécurité des personnes.

Les premières actions judiciaires en cours soulignent toutefois que le contentieux environnemental est à chaque fois le coeur du problème dont découlent d'autres atteintes, aux droits humains notamment.

Les impacts environnementaux visés par les premiers contentieux sont d'ailleurs considérables : déforestation en Amazonie – je pense à Casino – , destruction de terres agricoles en Ouganda ou engagement climatique insuffisant de Total. En outre, la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme manifeste la forte interdépendance existant entre les droits de l'homme et le droit de l'environnement, en s'appuyant notamment sur l'article 2 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, qui reconnaît le droit à la vie et sur son article 8, qui reconnaît le droit au respect de la vie privée et familiale. Tous ces éléments montrent que les liens, même indirects, sont bien réels.

Ce projet de loi représentait une formidable opportunité pour améliorer l'application du devoir de vigilance. Monsieur le garde des sceaux, nous comptons sur vous pour continuer à travailler collectivement et trouver une solution rapide pour l'inclure dans la loi. Comptez sur nous pour continuer de nous battre pour mettre les entreprises face à leurs responsabilités et pour défendre le droit à un environnement sain, en inscrivant cette disposition dans un prochain projet de loi. Nous ferons ce grand pas en avant pour l'application du devoir de vigilance que les autres pays nous envient. Parce que ce projet de loi représente un premier pas vers une meilleure effectivité de la justice environnementale, le collectif « Écologie, démocratie, solidarité » votera pour son adoption.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Cette législature étant désormais achevée, les commentaires sont désactivés.
Vous pouvez commenter les travaux des nouveaux députés sur le NosDéputés.fr de la législature en cours.