Intervention de Philippe Latombe

Séance en hémicycle du mardi 8 décembre 2020 à 15h00
Parquet européen et justice pénale spécialisée — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPhilippe Latombe :

Certains contentieux pénaux présentent, en raison de leur nature ou de leur gravité, une spécificité particulière qui justifie qu'ils fassent l'objet de règles de procédure adaptées, faisant intervenir des magistrats ou des juridictions spécialisées.

C'est le cas des infractions pénales portant atteinte aux intérêts financiers de l'Union européenne, pour lesquelles a été créé un parquet européen dans le cadre du mécanisme de coopération renforcée, à l'article 86 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne.

Celui-ci doit avoir pour mission de rechercher, de poursuivre et de renvoyer en jugement les auteurs des infractions portant atteinte aux intérêts financiers de l'Union, au titre de la directive 20171371 du Parlement européen et du Conseil, ainsi que des infractions qui leur sont indissociablement liées.

Les vingt-deux procureurs européens, dont le magistrat Frédéric Baab pour la France, ont été nommés le 22 juillet 2020. Les conditions d'emploi des procureurs européens délégués ont été fixées le 29 septembre dernier. Le Gouvernement a d'ailleurs déposé un amendement en commission des lois pour tenir compte de ces conditions.

De manière générale, ce projet de loi entend adapter la législation française – code de procédure pénale, code de l'organisation judiciaire et code des douanes – à la création du parquet européen. L'article 4 renforce l'efficacité de la justice pénale spécialisée, en donnant notamment au parquet spécialisé le pouvoir de faire prévaloir l'exercice de sa compétence lorsque plusieurs parquets peuvent être compétents. L'article 5 confie au procureur de la République antiterroriste la compétence d'exécution des demandes d'entraide judiciaire émanant de la Cour pénale internationale. L'article 7 renforce les compétences du parquet national financier. L'article 8, enfin, institue une convention judiciaire d'intérêt public en matière environnementale et crée, dans le ressort de chaque cour d'appel, un tribunal judiciaire chargé du traitement des délits complexes du code de l'environnement.

Le titre III du projet de loi entend aussi tirer, dans le code de procédure pénale, les conséquences de plusieurs décisions du Conseil constitutionnel et d'une jurisprudence de la Cour de cassation. Il vise également à corriger des malfaçons issues de la loi du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice.

Chers collègues, ce texte visant à la création d'un parquet européen est, pour le groupe du Mouvement démocrate et démocrates apparentés, une nécessité pour lutter contre la criminalité financière et protéger l'argent des contribuables européens. Il était attendu depuis longtemps, et j'ai une pensée particulière pour Laurence Vichnievsky, qui, le 1er octobre 1996, avait, alors magistrate, participé à l'appel de Genève en faveur d'une relance de la question de la création d'un procureur européen.

Cette évolution, bien loin de constituer un pas important vers une Europe plus intégrée, comme ont pu le craindre certains États membres par le passé, illustre la capacité des États membres à adopter une approche européenne unifiée pour lutter contre les crimes qui affectent les intérêts financiers de l'Union.

Il est plus que jamais essentiel de rendre la justice dans un domaine où l'impunité est fréquente et où les pertes sont élevées, tant pour l'Union européenne que pour les budgets nationaux. Le parquet européen prend la forme que la France souhaitait, à savoir une institution à la fois européenne par sa compétence et nationale par son exercice effectif. L'ancien directeur des affaires criminelles et des grâces, Robert Gelli, l'a dit il y quelques semaines : « Nous connaissons un moment historique ! C'est la première fois depuis bien longtemps que l'on crée une nouvelle institution européenne. Le parquet européen aura pour mission de poursuivre les atteintes aux intérêts financiers de l'Union, autrement dit les fraudes aux impôts des citoyens européens. Il ne s'agit plus d'une simple lutte administrative, mais judiciaire, avec un procureur indépendant européen qui aura le pouvoir d'enquêter sur tout le territoire de l'Union européenne et de poursuivre tous ceux qui seront impliqués dans des affaires qui relèvent de sa compétence.

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