Intervention de Didier Paris

Séance en hémicycle du mardi 8 décembre 2020 à 15h00
Parquet européen et justice pénale spécialisée — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaDidier Paris :

merci, monsieur Lassalle – , raison pour laquelle six pays ne l'ont pas accepté – certains par tradition, comme la Grande-Bretagne, l'Irlande, la Suède ou le Danemark, d'autres, comme la Pologne ou la Hongrie, par refus politique des mesures de contrôle ou d'intégration.

Il pose de nouveau la question de l'indépendance – encore relative – du parquet à la française, et celle, politiquement plus difficile, de la poursuite, après le mandat d'arrêt européen en 2013 et Eurojust, de cette intégration transnationale, notamment dans des domaines comme le terrorisme ou les infractions financières, qui dépassent largement les frontières de nos États. Il peut faire craindre, enfin, une protection insuffisante des libertés individuelles.

La vérité, comme l'indique Mireille Delmas-Marty, que personne ne soupçonnera de faiblesse en matière de protection des libertés, est que loin de menacer la souveraineté des États membres, le nouveau parquet européen contribue à une harmonisation de leurs justices respectives.

Le système repose sur un office central, où siège Frédéric Baab en tant que procureur représentant la France et qui est dirigé par la procureure générale roumaine Laura Codruta Kövesi, dont nous connaissons les qualités. Il se compose d'une chambre permanente et de procureurs européens délégués.

À ce stade, le parquet européen ne protège que les intérêts budgétaires de l'Europe, les fraudes aux fonds structurels – nous savons parfaitement qu'elles existent – et à la TVA transfrontalière. Ce bloc de procureurs dirige les enquêtes, décide des poursuites et renvoie en jugement devant les juridictions des États membres et non devant une juridiction européenne.

La difficulté était évidemment de concilier l'indépendance des procureurs avec les législations très différentes des vingt-deux États qui ont signé cette convention. Les Luxembourgeois et les Espagnols ont fait un choix sensiblement identique au nôtre, tandis que les Belges se sont montrés beaucoup plus frileux, optant pour un système très dépendant des autorités nationales, d'où des risques réels de conflit positif.

Nous avons su imaginer un système politiquement intelligent permettant d'intégrer la fonction du juge d'instruction, caractéristique de notre modèle français – seuls quatre pays sont dotés d'un tel organe – dont les fonctions seront exercées par un procureur européen délégué qui conservera sa totale indépendance.

La préservation des libertés individuelles est garantie. Si, en France, le procureur peut mettre en examen, placer sous statut de témoin assisté et procéder à tous les actes d'investigation selon les règles d'enquête préliminaire de flagrance, voire de l'instruction, il ne peut prendre aucune mesure de sûreté comme l'assignation à résidence avec bracelet électronique, la détention provisoire ou la délivrance d'un mandat d'arrêt. Il ne peut pas non plus attenter à la vie privée en ayant recours à la géolocalisation, à la perquisition sans assentiment, aux écoutes ou à toutes les techniques spéciales d'enquête, sans l'intervention du juge du siège français – en l'espèce, le juge des libertés et de la détention.

Le deuxième volet principal du texte concerne la justice pénale environnementale. En attendant une loi de fond, il amorce politiquement la traduction des enjeux de la protection de l'environnement et de la biodiversité, selon les récents éclairages fournis par la convention citoyenne pour le climat ainsi que par le rapport « Une justice pour l'environnement ».

Il répond aux règles de l'État de droit européen en étendant à l'environnement le dispositif de la CJIP, déjà à l'oeuvre dans les domaines douaniers et fiscaux où il a montré son efficacité pleine et entière.

Il améliore la répression contre les infractions environnementales les plus graves, qui sont aussi les plus complexes et les plus techniques, grâce à la spécialisation de juridictions spécialisées dans chaque cour d'appel. Ces pôles régionaux spécialisés, indispensables si l'on veut atteindre nos objectifs de lutte contre le banditisme environnemental, pour reprendre les termes de M. le ministre, ont été complétés lors des débats en commission par un dispositif identique en matière civile ; nous y rajoutons les OPJ environnementaux.

Il s'agit donc d'un projet de loi novateur, pragmatique, qui constitue un levier puissant de la construction européenne, à laquelle nous tenons, et traduit notre volonté politique de lutter fermement contre les atteintes à l'environnement et à la biodiversité. Ce sont des raisons amplement suffisantes pour que le groupe La République en marche le soutienne pleinement et sans réserve.

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