Intervention de Emmanuelle Ménard

Séance en hémicycle du jeudi 3 décembre 2020 à 21h00
Développement raisonnable de l'éolien — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaEmmanuelle Ménard :

Une nouvelle fois, je suis heureuse de prendre la parole à ce stade de la discussion, car les amendements de suppression déposés par la majorité vont probablement faire leur oeuvre en limitant fortement les débats, ce qui, pour des questions d'une telle importance, me semble tout à fait regrettable. Permettez-moi donc d'exprimer ici mes craintes concernant l'énergie éolienne – des craintes classiques, qui rejoignent les préoccupations fréquemment exprimées par les Français au vu des modifications majeures de nos paysages et de notre patrimoine liées au développement de cette filière et à ses effets sur les habitats naturels, la faune et la flore.

Je ne résiste pas, ici, à évoquer les conséquences de l'éolien sur les populations de chauves-souris. Cette question peut sembler accessoire ou marginale. Pourtant, le caractère essentiel des chauves-souris dans la lutte contre les ravageurs de la vigne est démontré depuis maintenant plusieurs années. Vous comprendrez donc pourquoi j'y suis sensible. Les chauves-souris sont, en effet, friandes de petits papillons, insectes et autres nuisibles, véritables bêtes noires du vigneron, qui étaient jusqu'alors exclusivement combattues à l'aide de produits chimiques. Il serait donc totalement paradoxal, en autorisant l'installation d'éoliennes sous prétexte de produire de l'énergie propre, de fragiliser, voire de détruire la population de chiroptères – qui sont d'ailleurs protégés – sur les sites retenus, obligeant ainsi les viticulteurs à utiliser davantage de pesticides pour leurs cultures.

Ces inquiétudes concernent également le bras de fer qui s'engage presque systématiquement entre associations de riverains, élus locaux et promoteurs des projets autour des programmes d'installation de parcs éoliens. Lorsque ces derniers font l'unanimité contre eux, ils devraient être automatiquement retoqués pour respecter la volonté de la population locale, lorsque cette dernière estime que l'implantation d'éoliennes n'est pas souhaitable.

Mon appréhension s'étend aussi à la fin de vie des éoliennes, qui constitue évidemment un enjeu très important. À l'heure actuelle, les textes réglementaires ne prévoient qu'une excavation partielle des fondations des éoliennes en fin d'exploitation. Ces fondations représentaient, à la fin 2018, environ 7 millions de tonnes de béton armé dans les sols français. Il est donc particulièrement nécessaire d'imposer leur démantèlement total en fin d'exploitation, en prévoyant une remise en état des terrains par des terres comparables à celles existant à proximité du site. Cette obligation correspond à une demande des associations de protection de l'environnement. Lors de son audition devant l'Assemblée nationale dans le cadre de la commission d'enquête sur l'impact économique, industriel et environnemental des énergies renouvelables, M. Lhermitte, vice-président de France énergie éolienne, avait reconnu que se conformer à cette obligation supplémentaire ne serait pas très coûteux.

D'autre part, les textes réglementaires prévoient seulement la valorisation ou l'élimination des déchets de démolition et de démantèlement, au lieu d'inciter les exploitants à trouver une solution de recyclage des déchets, dont certains, comme les pâles, posent des difficultés en raison de leur nature composite.

Il faut en outre, comme d'autres l'ont rappelé avant moi, s'inquiéter du coût exorbitant de cette filière. Je rappelle que la Commission de régulation de l'énergie a évalué à 9 milliards d'euros le montant des dépenses publiques effectuées depuis 2001 au titre du soutien à l'éolien terrestre, à 23 milliards celui des dépenses publiques engagées, mais non exécutées, au titre du soutien à cette même filière et à 12 milliards les dépenses à souscrire pour respecter les objectifs de développement de l'éolien terrestre inscrit dans le projet de programmation pluriannuelle de l'énergie. Ces dépenses de soutien ne se justifient pas : ces fonds devraient plutôt être alloués à la politique de rénovation énergétique des logements.

En conclusion, je me contenterai de citer le Président de la République qui, en janvier dernier, à Pau, estimait que « le consensus sur l'éolien est en train de nettement s'affaiblir dans notre pays » et rappelait qu'« on ne peut pas imposer l'éolien d'en haut ». Tout est dit.

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