Intervention de Lionel Causse

Séance en hémicycle du jeudi 3 décembre 2020 à 15h00
Exclusion des étrangers en situation irrégulière du bénéfice de la tarification sociale dans les transports — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaLionel Causse :

Cette proposition de loi, examinée dans le cadre de la niche parlementaire du groupe Les Républicains, vise à subordonner le bénéfice de la tarification sociale dans les transports en commun à la régularité du séjour des bénéficiaires en France.

Elle fait suite au débat parlementaire qui a eu lieu dans le cadre de l'examen de la LOM et à la décision du 25 janvier 2018 du tribunal administratif de Paris, cette juridiction estimant que le code des transports ne subordonne « le bénéfice de la réduction tarifaire qu'à une seule condition de ressources, et non à une condition de régularité du séjour en France ».

Dans un rapport de 2016, le défenseur des droits a par ailleurs rappelé que le droit au travail fait partie des « droits fondamentaux des étrangers en France ».

Enfin, les enfants des étrangers en situation irrégulière ont également le droit d'être scolarisés. La suppression de la tarification sociale dans les transports risque de mettre en péril l'accès effectif au droit de se loger, d'être soigné, de chercher un emploi ou de voir ses enfants scolarisés.

La proposition de loi met en péril l'accès des étrangers en situation irrégulière à un certain nombre de droits sociaux qui leur sont pourtant garantis par l'État. L'étude d'impact, qui aurait dû porter aussi bien sur les finances d'Île-de-France Mobilités que sur celles des associations d'aide aux étrangers en situation irrégulière qui, par transfert de charges, supporteraient le coût de la suppression de la réduction tarifaire, n'a pas été réalisée.

Les données financières justifiant le texte sont par ailleurs incomplètes voire obsolètes ; elles datent de 2016 et sont donc antérieures au changement de tarification opéré par la région Île-de-France. Aussi, la perte de recettes liée à la réduction tarifaire de 50 %, perte évaluée à 43 millions d'euros dans l'exposé des motifs, occulte le gain financier pour Île-de-France Mobilités, qui correspond au même montant : 43 millions, c'est ce que paient effectivement les étrangers en situation irrégulière. En outre, ces chiffres impliquent que toutes les personnes concernées ont fait la demande de réduction, ce qui n'est pas le cas.

Les questions sous-jacentes à l'attribution de l'AME et au traitement des étrangers en situation irrégulière ne peuvent faire l'objet d'une proposition de loi à article unique, débattue lors d'une niche. L'importance et la complexité du sujet ne permettent pas d'en discuter dans ce contexte législatif.

Le groupe La République en marche défend une approche humaine, pragmatique et sociale du traitement des étrangers en situation irrégulière présents sur le territoire français. Au contraire, la mesure proposée par le groupe Les Républicains paraît peu adaptée à la crise sanitaire et économique actuelle, en ce qu'elle cible une population dont la vulnérabilité s'est accentuée au cours des derniers mois.

S'agissant de la méthode, une seule audition a été organisée, celle du directeur général et du chef du département tarification d'Île-de-France Mobilités, établissement rattaché au conseil régional d'Île-de-France ; aucune association d'aide aux étrangers en situation irrégulière n'a été reçue, alors que celles-ci seraient affectées par l'adoption d'une telle proposition de loi. Il est donc nécessaire de les recevoir avant d'envisager tout changement législatif.

Pour l'ensemble de ces raisons, le groupe La République en marche est défavorable à la proposition de loi.

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