Intervention de Bérangère Abba

Séance en hémicycle du jeudi 3 décembre 2020 à 15h00
Exclusion des étrangers en situation irrégulière du bénéfice de la tarification sociale dans les transports — Présentation

Bérangère Abba, secrétaire d'état chargée de la biodiversité :

Certains d'entre vous escomptent des économies de cette mesure qui a déjà été mise en place, avant d'être annulée par le tribunal administratif de Paris : votre exposé des motifs l'estime à 43 millions d'euros pour la seule région Île-de-France. Il semble d'abord que ces données sont obsolètes, Île-de-France Mobilités appliquant actuellement une tarification sociale à hauteur de 50 % et non de 75 %.

Par ailleurs, vos calculs présupposent que tous ceux qui bénéficient actuellement de la réduction tarifaire achèteraient un titre de transport à plein tarif si on les privait de cette réduction, ce qui n'est pas non plus établi. Malgré les demandes du Gouvernement, et celles que vous avez formulées en commission, madame la rapporteure, Île-de-France Mobilités n'a pas précisé le nombre de personnes bénéficiant de l'AME aujourd'hui détentrices d'un abonnement à tarification sociale. Il paraît donc difficile d'évaluer réellement l'impact d'une telle mesure sur le budget de cette autorité organisatrice de la mobilité.

Les fragilités juridiques demeurent également. Je m'arrêterai plus spécifiquement sur l'une d'entre elles. Votre texte tend à permettre une distinction de tarification sur la base de la présentation d'un document aux guichets, ce qui ferait porter à l'agent la responsabilité d'évaluer la fiabilité du document d'identité, donc la régularité du séjour. Une telle modification présente – vous le savez – un risque constitutionnel, compte tenu de la jurisprudence exigeante du Conseil constitutionnel sur les contrôles d'identité. Comment donner au contrôleur la possibilité de s'assurer de la régularité du séjour ?

Étant donné notre attachement, que vous connaissez, au dialogue et à la co-construction de ces politiques publiques ainsi qu'à l'idée qu'unis dans la diversité, nous sommes plus riches, je ne peux que vous faire part de mon étonnement de voir que ces dispositions font fi de tout débat entre les collectivités, de toute réalité territoriale, de toute consultation locale. D'ailleurs, elles ne se bornent pas à donner à l'AOM la possibilité de ne plus octroyer cette réduction : elles interdisent et elles imposent. Or, si les associations d'élus et les collectivités territoriales n'ont pas saisi le ministère des transports depuis que vous avez ouvert le débat, ces dispositions interrogent. Je souligne que les services de l'État n'ont pas non plus été contactés par Île-de-France Mobilités pour lever certains doutes. Nous l'avons dit : nous n'avons pas eu de réponses pour apaiser ceux qui ont déjà été formulés dans cet hémicycle.

En l'état, donc, et au vu de toutes les incertitudes qui planent toujours sur ce texte et sur son objectif réel, je préfère garder une note de solidarité et d'humanisme. Dans ces conditions, le Gouvernement exprimera un avis défavorable sur cette proposition de loi.

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