Intervention de Hubert Wulfranc

Séance en hémicycle du jeudi 3 décembre 2020 à 9h00
Prééminence des lois de la république — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaHubert Wulfranc :

Nos collègues du groupe Les Républicains proposent de compléter l'article 1er de notre Constitution par les mots : « Nul individu ou nul groupe ne peut se prévaloir de son origine ou de sa religion pour s'exonérer du respect de la règle commune. » On ne peut qu'approuver le sens de cette phrase, puisque c'est là la condition sine qua non pour que chacun puisse vivre sereinement au sein de la République. C'est même l'objectif premier de son instauration lors de la Révolution française.

La déclaration des droits de l'homme et du citoyen a force constitutionnelle, et l'énonce clairement dans son article 3 – « Le principe de toute Souveraineté réside essentiellement dans la Nation. Nul corps, nul individu ne peut exercer d'autorité qui n'en émane expressément » – comme dans son article 10 – « Nul ne doit être inquiété pour ses opinions, même religieuses, pourvu que leur manifestation ne trouble pas l'ordre public établi par la Loi » – , comme vous l'avez rappelé, monsieur le garde des sceaux. Mais ce texte n'est pas le seul qui garantisse ces principes : la Constitution elle-même le fait déjà. Son article 3 dispose : « La souveraineté nationale appartient au peuple qui l'exerce par ses représentants et par la voie du référendum. Aucune section du peuple ni aucun individu ne peut s'en attribuer l'exercice. » C'est sur ces fondements que le Conseil constitutionnel, dans sa décision de 2004 relative au traité établissant une Constitution pour l'Europe, écrivait que « les dispositions de l'article 1er de la Constitution aux termes desquelles la France est une République laïque [… ] interdisent à quiconque de se prévaloir de ses croyances religieuses pour s'affranchir des règles communes régissant les relations entre collectivités publiques et particuliers ».

Il n'y a donc selon nous aucun besoin de surcharger notre Constitution en y ajoutant des principes déjà garantis. Cette disposition ne donnerait aucun outil supplémentaire aux personnes qui, sur le terrain, doivent gérer les revendications des uns et des autres.

Le modèle français est en effet très différent de celui des sociétés anglo-saxonnes. Nous devons impérativement le conserver ; nous ne souhaitons pas une société dans laquelle chacun vit dans son quartier en fonction de son origine, avec chacun ses restaurants, ses clubs de sport, ses lieux de sociabilisation. Mais, pour ce faire, il ne faut pas abandonner les services publics sur des pans entiers de nos territoires ; il faut donner les moyens à notre école de remplir son rôle émancipateur ; il ne faut pas condamner des millions de personnes à la précarité. Si nous laissons l'anomie sociale se développer, il y aura un repli communautaire, car la communauté rassurera.

Démocratique, sociale, laïque, la République lie indissociablement ces trois principes. Mettre du contenu derrière le mot de République, voilà l'enjeu.

Concernant les partis et groupements politiques, vous nous proposez d'ajouter à l'article 4 de la Constitution une obligation de respect de la laïcité. Mais on ne fait pas la loi pour interdire les partis qui ne nous conviennent pas. La limite, là encore, existe déjà : comme tous les citoyens, les membres d'un parti politique s'exposent à des sanctions pénales dès lors qu'il y a provocation à la discrimination, à la haine, à la violence. Là encore, la réponse doit être politique.

Enfin, nous devrons chacun prendre nos responsabilités, très prochainement, lors du débat sur le projet de loi « confortant les principes républicains ». Il y a là matière à préciser les règles de notre pacte républicain. Nous serons de ce débat.

Pour toutes ces raisons, le groupe GDR votera contre cette proposition de loi constitutionnelle.

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