Intervention de Aina Kuric

Séance en hémicycle du jeudi 26 novembre 2020 à 15h00
Intégration des objectifs de développement durable dans le processus législatif — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaAina Kuric :

Plus de pauvreté, plus de faim, santé et bien-être, éducation de qualité, égalité entre les sexes, accès à l'eau, énergie propre et accessible, travail décent et croissance économique, industrie, innovation et infrastructures, réduction des inégalités, villes et communes durables, consommation et production responsables, lutte contre le changement climatique, vie aquatique, vie terrestre, paix, justice et institutions efficaces, partenariat pour la réalisation des objectifs : je vous présente aujourd'hui, chers collègues, une proposition de résolution visant à donner toute leur place aux objectifs de développement durable que je viens de citer, et j'invite le Gouvernement à faire évoluer la Constitution afin que les propositions et amendements formulés par le Parlement répondent à l'un de ces dix-sept objectifs.

En 2015, la France s'est fortement engagée lorsque le Gouvernement de l'époque a signé les objectifs de développement durable, les ODD, occultés par la grande publicité donnée aux accords de Paris. C'est donc discrètement que 193 États ont décidé de se donner quinze ans pour mener une transition juste en luttant contre toutes les discriminations ou inégalités et en garantissant les mêmes droits, chances et libertés à toutes et à tous ; quinze ans pour transformer nos modèles de société par la sobriété carbone et l'économie des ressources naturelles ; pour agir en faveur du climat, de la planète et de sa biodiversité ; pour s'appuyer sur l'éducation et la formation tout au long de la vie ; pour permettre l'évolution des comportements vers des modes de vie adaptés au monde à construire et au défi du développement durable ; pour agir pour la santé et le bien-être de toutes et tous, notamment grâce à une alimentation et une agriculture saines et durables ; pour rendre effective la participation citoyenne à l'atteinte des ODD et concrétiser la transformation des pratiques à travers le renforcement de l'expérimentation et de l'innovation territoriales ; enfin, pour oeuvrer en faveur de la transformation durable des sociétés, de la paix et de la solidarité.

Les politiques que nous promouvons doivent s'inscrire dans une dynamique globale, car la vie ne s'arrête pas à nos frontières et il est évident qu'aux crises mondiales, les solutions ne peuvent être que globales. La crise du covid-19 nous rappelle que nous sommes loin d'être invulnérables ; elle nous a aussi poussés à adapter notre fonctionnement, à voir le monde autrement, à l'interpréter autrement et à innover. Nous pouvons dès à présent choisir la manière dont nous voulons le construire et la direction que nous voulons lui donner. Il est temps de répondre à la question : quel monde voulons-nous transmettre aux générations futures ?

Nous, législateur, avons la possibilité de définir la trajectoire que nous entendons donner aux politiques publiques par les lois que nous votons. Cette trajectoire, cette boussole, ce doit être le développement durable. Cette notion a déjà une valeur constitutionnelle puisqu'elle a été intégrée en 2004 dans la Charte de l'environnement, composante du bloc de constitutionnalité. Le développement durable y est défini comme « les choix destinés à répondre aux besoins du présent [qui] ne doivent pas compromettre la capacité des générations futures et des autres peuples à satisfaire leurs propres besoins ». La Charte proclame ainsi que « les politiques publiques doivent promouvoir un développement durable. À cet effet, elles concilient la protection et la mise en valeur de l'environnement, le développement économique et le progrès social. » La Constitution nous demande donc déjà de prendre en compte le développement durable lors de l'élaboration de nos politiques publiques. Aujourd'hui, je propose de matérialiser cette volonté, de la rendre concrète. Les objectifs de développement durable doivent servir de cadre ; il ne doit pas être possible de les ignorer. Extraire les objectifs de développement durable des engagements pris en 2015 pour leur donner une valeur constitutionnelle permettrait de les pérenniser sans qu'aucune échéance ne leur soit appliquée ou opposée.

Pouvons-nous systématiquement porter une attention particulière aux objectifs de développement durable lorsque nous légiférons ? D'une certaine façon, nous le faisons déjà : les combats que nous menons contre la pauvreté, pour une meilleure alimentation, pour l'accès de tous à une éducation de qualité, pour que chacun travaille dans des conditions dignes ou encore pour l'égalité entre les femmes et les hommes animent et transcendent les politiques publiques que nous soutenons. L'idée serait d'identifier ces objectifs dans nos amendements et dans nos textes afin de mettre en lumière la société à laquelle nous aspirons, qui sera l'héritage des générations futures. Le monde d'avant contre le monde d'après, cela n'existe pas : il n'y a qu'un seul monde, celui que nous partageons tous et que nous construisons aujourd'hui. Chers collègues, soyez rassurés, il ne sera jamais question de restreindre l'action parlementaire, bien au contraire. Il s'agit de permettre au Parlement de se saisir pleinement d'enjeux majeurs qui sont déjà au coeur des préoccupations de nos concitoyens et de la classe politique. Les collectivités utilisent déjà les objectifs de développement durable comme des indicateurs de bonne santé de leur territoire ; encourageons-les dans leur action et ne restons pas sur le côté, spectateurs de collectifs et de conventions de citoyens qui oeuvrent en ce moment même pour atteindre ces objectifs.

Je me présente devant vous avec une proposition de résolution, et non avec une proposition de loi constitutionnelle, parce que c'est ensemble que nous devons ouvrir la voie à l'aboutissement d'un tel projet. Je lance au Gouvernement un appel à prendre ensemble nos responsabilités.

Les travaux sur la place des ODD dans la construction des politiques publiques avancent. Je tiens à saluer le travail du groupe d'études sur les objectifs de développement durable coprésidé par nos collègues Jennifer De Temmerman et Dominique Potier, qui ont en toujours défendu la dimension universelle et prônent, pour les citer, « une feuille de route globale ».

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