Intervention de Jean-Paul Dufrègne

Séance en hémicycle du vendredi 30 octobre 2020 à 15h00
Projet de loi de finances pour 2021 — Défense ; anciens combattants mémoire et liens avec la nation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Paul Dufrègne, rapporteur spécial de la commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire :

La mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la nation », dont je suis le rapporteur spécial, finance les actions de reconnaissance en faveur du monde combattant, les politiques de renforcement du lien entre l'armée et la nation et l'indemnisation des victimes des persécutions antisémites et des actes de barbarie commis pendant la seconde guerre mondiale.

Je tiens d'abord à saluer certaines avancées en ce qui concerne la jeunesse, notamment la hausse satisfaisante de la cible d'incorporation du service militaire volontaire. Par ailleurs, les crédits dévolus à la politique de la mémoire augmentent nettement. Cette hausse bénéficie principalement à l'aménagement et à la rénovation des sépultures de guerre et des hauts lieux de la mémoire nationale en France – je pense notamment au camp de concentration de Struthof – , en Algérie et au Maroc. Je ne peux que me féliciter de cet effort important qui permettra de conserver ces lieux de transmission dans un état décent.

Cependant, cette année encore, les crédits de la mission sont en diminution d'environ 3 %. Ils sont désormais inférieurs à 2,1 milliards d'euros. Si cette chute est pour partie la conséquence de la diminution du nombre de bénéficiaires de la retraite du combattant et de la pension militaire d'invalidité, les économies réalisées auraient dû servir, même partiellement, à renforcer les actions en faveur du monde combattant. Je déplore que cela ne soit pas le cas. La déception est d'autant plus forte que le monde combattant a été durement éprouvé par la crise sanitaire en 2020, d'une part parce que ceux qui le font vivre sont souvent des personnes d'un certain âge, d'autre part, parce que l'annulation prolongée des commémorations traditionnelles – hors format numérique ou en groupes restreints – a mis un coup d'arrêt brutal au travail de transmission mené par les anciens combattants et a fait disparaître des moments essentiels de la vie sociale.

Pour 2021, plus encore qu'auparavant, les attentes des anciens combattants et de leurs familles sont fortes et légitimes : or la seule mesure de revalorisation prévue cette année consiste en l'abaissement du seuil d'invalidité nécessaire à l'obtention de la majoration de la pension de réversion du conjoint survivant d'un grand invalide de guerre. Le dispositif ne devrait pas concerner plus de 197 personnes et son coût, probablement surévalué puisqu'il suppose qu'à tout grand invalide de guerre survivrait un conjoint, ne dépassera pas 1 million d'euros. Cette mesure, qui était attendue, manque d'ambition. Aussi proposerai-je un amendement d'appel visant à étendre le nombre de ses bénéficiaires.

J'ajoute que cette amélioration ne saurait, à elle seule, masquer la faiblesse d'engagement du budget 2021, plus particulièrement en ce qui concerne la retraite du combattant. Alors que la dernière revalorisation remonte à 2017 et que les crédits dédiés à cette action sont en baisse de 15,5 millions d'euros, il n'est pas compréhensible que la faible somme perçue chaque année par un ancien combattant reste plafonnée. Je proposerai donc un amendement visant à l'augmenter d'un point d'indice, pour un coût inférieur de 6 millions d'euros aux économies réalisées sur cette seule action.

Je note également une revendication montante à laquelle il serait souhaitable de donner suite. Elle concerne la demi-part fiscale supplémentaire attribuée aux anciens combattants et à leur veuve. L'extension de cette demi-part aux veuves âgées de plus de 74 ans d'un bénéficiaire de la retraite du combattant décédé avant son soixante-quatorzième anniversaire, prévue par la loi de finances pour 2020, entrera en vigueur le 1er janvier 2021. Cependant, les veuves dont le mari titulaire de la carte du combattant est décédé avant l'âge de 65 ans, c'est-à-dire avant d'avoir pu bénéficier de la retraite du combattant, ne pourront toujours pas demander cette demi-part supplémentaire. Cette inégalité de traitement n'est pas acceptable et il sera nécessaire, dans la continuité des propositions que j'ai formulées l'an dernier, de faire disparaître la double peine dont sont affligés les conjoints survivants d'anciens combattants précocement disparus.

Enfin, si les crédits de l'Office national des anciens combattants et des victimes de guerre – ONAC-VG – sont en augmentation, celle-ci n'est qu'apparente, après une année 2020 qui avait donné lieu à un important prélèvement. Par ailleurs, la trésorerie de l'ONAC-VG participera cette année aux actions en faveur des harkis et des rapatriés pour plus de 2 millions d'euros. Certes, les réserves actuelles de l'Office le permettent, mais sa mise à contribution ne pourra se poursuivre éternellement sans que cela entraîne des effets délétères sur la proximité avec ses ressortissants. En effet, si l'ONAC-VG se réorganise pour s'adapter à la baisse du nombre de ses ressortissants, il doit conserver un maillage territorial satisfaisant et assurer une présence suffisante dans ses antennes départementales. Ses missions sont toujours aussi essentielles, à l'image de l'accompagnement des pupilles de la nation, dont le nombre est malheureusement en augmentation du fait des attentats terroristes qui frappent la République depuis plusieurs années, et l'ont frappée encore très récemment.

Pour toutes ces raisons, et malgré l'avis favorable de la commission des finances, j'émets des réserves à l'adoption du budget peu ambitieux de la mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la nation » dans les termes du projet de loi de finances pour 2021.

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