Intervention de Sylvie Bouchet Bellecourt

Séance en hémicycle du vendredi 30 octobre 2020 à 15h00
Mise sur le marché de produits phytopharmaceutiques en cas de danger sanitaire pour les betteraves sucrières — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaSylvie Bouchet Bellecourt :

Nous nous apprêtons à nous prononcer sur le projet de loi relatif aux conditions de mise sur le marché de certains produits phytopharmaceutiques en cas de danger sanitaire pour les betteraves sucrières, grâce au succès de la commission mixte paritaire, qui a abouti à un accord entre les deux chambres. J'en profite pour remercier mon collègue Julien Dive pour son remarquable travail sur le sujet.

Certes, les concessions sont toujours trop nombreuses et trop importantes pour celui qui en fait, mais j'estime que cet accord est bon, car il est raisonnable et exigeant.

Raisonnable, car il rappelle à tous que, pour assurer une transition agroécologique, il ne faut pas oublier le mot « transition ». Aujourd'hui, les surfaces betteravières françaises ne représentent que 2 % des surfaces agricoles cultivées, ce qui implique que le projet de loi ne signera pas le retour général des néonicotinoïdes dans notre pays. C'est un fait. Que ce soit clair, nous sommes tous ici d'accord pour mettre fin à l'utilisation des NNI. Nous avons entendu cette demande forte des Français.

Toutefois, mettre fin du jour au lendemain à l'utilisation d'un produit dont tout un pan de la filière betteravière dépend me semble dangereux. Les agriculteurs, qui en ont fait l'amère expérience cette année à la suite de la décision politique prise en 2016, le savent. L'écologie de défiance, qui vise à tout interdire sans se soucier des répercussions directes dans les territoires, n'est pas celle que le groupe Les Républicains entend défendre. Nous lui préférons l'écologie de la confiance avec les professionnels concernés. Cela est nécessaire, car le traumatisme de la jaunisse ne doit pas conduire nos agriculteurs à cesser cette culture.

Oui, la perte de rendement n'est pas homogène dans le territoire français. Elle se situe entre 15 % et 20 % si l'on inclut les zones non touchées et atteint jusqu'à 60 % dans certains territoires franciliens, tant dans les parcelles conventionnelles que dans les parcelles biologiques. Le risque est grand, car plus de 45 000 emplois directs, hors planteurs, sont menacés. Je pense à la sucrerie indépendante Ouvré de Souppes-sur-Loing, à celle de Nangis et à tant d'autres en France. Ne pas entendre la détresse actuelle du monde paysan reviendrait à signer l'un des plus grands plans sociaux de l'agriculture.

Ne nous y trompons pas : accuser les agriculteurs, déjà en grande difficulté économique et sociale, de détruire sciemment la biodiversité, n'est en rien reconnaître le monde agricole. Parce que leur métier est également leur passion, les agriculteurs sont les premiers concernés par la préservation de la biodiversité dans les territoires. Malheureusement, le temps politique passe plus vite que celui dont disposent les professionnels pour préparer les sols et récolter leur dû : je le déplore. J'avais eu l'occasion de le dire durant les débats : ceux qui nous nourrissent sont en train de mourir.

Monsieur le ministre, je profite de cette tribune pour vous alerter sur les risques sociaux auxquels feront face les agriculteurs dans les prochains mois. L'omerta autour du milieu agricole reste trop importante lorsqu'il s'agit de faire face aux difficultés de trésorerie. Nous devons être vigilants afin de déceler rapidement les situations qui pourraient devenir dramatiques.

Face à l'agribashing permanent, la solution trouvée dans le projet de loi montre l'exigence à laquelle la représentation nationale soumet la filière. En effet, il n'est pas question de lui donner un blanc-seing : la transition s'achèvera en 2023.

Nous attendons une accélération puissante et déterminée de la recherche et du développement d'alternatives, de manière à offrir à la filière betteravière des armes pour mener sa transition. Tout doit être fait pour éviter que nous n'importions du sucre produit on ne sait où et sans respect des normes environnementales que l'on demande aux agriculteurs français de respecter. La pression est aujourd'hui sur les épaules des semenciers : il ne tient qu'à eux et à eux seuls d'accentuer leurs efforts pour maintenir la filière sucrière française parmi les plus performantes d'Europe.

Exigeant, le projet de loi instaure un conseil de surveillance, chargé de donner un avis sur les possibles dérogations. Celles-ci seront effectives au plus tard en décembre, pour laisser le temps aux industriels de produire les semences nécessaires aux semis de masse. Elles seront accordées sous conditions strictes et dans un délai court. Vous pouvez compter sur notre vigilance : nous suivrons attentivement les avancées à ce sujet.

Pour toutes ces raisons, le groupe Les Républicains votera en faveur de ce texte.

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