Intervention de Jean-Baptiste Moreau

Séance en hémicycle du vendredi 30 octobre 2020 à 15h00
Mise sur le marché de produits phytopharmaceutiques en cas de danger sanitaire pour les betteraves sucrières — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Baptiste Moreau :

La commission mixte paritaire s'est réunie hier matin pour trouver un accord sur la version du texte relatif aux conditions de mise sur le marché de certains produits phytopharmaceutiques en cas de danger sanitaire pour les betteraves sucrières. Celle-ci a été conclusive, ce dont nous pouvons nous féliciter. Cela témoigne du consensus des parlementaires sur l'importance que revêtent ce projet de loi et cette dérogation pour la filière betteravière sucrière. Cela montre l'importance d'agir pour sauver la filière et de prendre des mesures pour la sauvegarde de notre souveraineté alimentaire nationale.

Le choix que nous avions fait dans cet hémicycle le 7 octobre dernier sur l'autorisation de dérogations répondait à deux impératifs : la préservation de notre souveraineté alimentaire, la transition agroécologique nécessaire et impérative.

Non, il ne s'agit pas d'une réintroduction des néonicotinoïdes ! Pour rappel, 90 % des usages préalables resteront interdits. Non, il ne s'agit pas non plus d'une porte ouverte vers davantage de dérogations, puisque le texte les circonscrit aux seules betteraves sucrières.

L'esprit du texte que nous avions défendu ici il y a quelques semaines a été préservé, ce dont nous pouvons nous réjouir. Comme dans la version votée par l'Assemblée, les dérogations d'utilisation de produits phytopharmaceutiques ne seront possibles que sur décision commune des ministères de l'agriculture et de la transition écologique. Le comité d'évaluation des avancées de la filière a, lui aussi, été conservé. Comme nous l'avons voté ici, la dérogation sera circonscrite à la seule betterave sucrière, sans aucune autre dérogation possible, et limitée dans le temps, jusqu'en 2023. Seul l'enrobage des semences sera possible, à l'exclusion de toute pulvérisation. Le semis, la plantation et la replantation de végétaux attractifs d'insectes pollinisateurs seront temporairement interdits après l'emploi de ces semences.

Ces derniers jours, nous avons entendu des propos minimisant l'impact de la jaunisse sur les cultures betteravières et prenant avec légèreté la perte des exploitants. Qui peut se réjouir, ou du moins s'estimer « rassuré », de la perte de « seulement 10 % à 20 % » des rendements ? Comment pouvons-nous décider de rester immobiles face à la détresse d'une filière ? Ce que nous ne produirons plus, nous l'importerons ! Est-ce vraiment cela que nous voulons ?

Au moment où la France se reconfine, la préservation de nos richesses et de nos champions nationaux est essentielle. Au 20 octobre dernier, à titre d'exemple et selon les chiffres issus du délégué interministériel de la filière betterave-sucre-alcool, certaines pertes pouvaient atteindre de 70 % à 80 %. J'entends déjà les voix de ceux qui contesteraient ces chiffres : certes, la situation n'est pas homogène dans l'ensemble du territoire, mais devons-nous prendre la question du côté du « moins grave » ? À titre d'exemple, en Seine-et-Marne, l'écart de production la moyenne des cinq dernières années et 2020 traduit une perte de 62 % pour les parcelles non irriguées et de 37 % pour les parcelles irriguées.

Afin de préserver nos producteurs des pays extérieurs à l'Union européenne et des normes qui y sont applicables, la commission mixte paritaire a conservé l'article proposé par le Sénat habilitant le pouvoir exécutif à suspendre ou à fixer des conditions particulières à l'introduction, l'importation et la mise sur le marché en France de denrées alimentaires ou de produits agricoles contenant des substances interdites sur notre sol. Cet article se situe dans la droite ligne de ce que j'avais fait voter, en tant que rapporteur, à l'article 44 de la loi du 30 octobre 2018 dite ÉGALIM. Cet article interdit l'importation, la circulation et la vente des produits qui ne respectent pas nos normes de production. Nos concitoyens, qui sont aussi des consommateurs, ont des exigences nouvelles vis-à-vis des agriculteurs et des produits qu'ils souhaitent consommer.

Les agriculteurs utilisent les produits phytosanitaires non par plaisir, mais pour protéger leurs productions, dont le coût doit leur permettre de faire face à la concurrence. Si l'on impose de nouvelles normes aux agriculteurs, il ne peut y avoir de concurrence libre et non faussée sans interdiction de la commercialisation de produits qui ne respectent pas scrupuleusement ces normes. C'est d'ailleurs ce que nous allons proposer prochainement dans une proposition de résolution européenne, travaillée au sein de la majorité et avec des députes du groupe Les Républicains, notamment Julien Dive et Fabrice Brun. Il faut que l'article 44 s'applique réellement au niveau européen et devienne la règle incontournable de l'ensemble de nos négociations commerciales internationales, grâce aux contrôles très stricts qui seront mis en place. Cette garantie est essentielle pour les agriculteurs. Il faut harmoniser nos normes de production à l'échelle européenne : le récent accord que vous avez obtenu, monsieur le ministre, dans la négociation de la politique agricole commune s'inscrit tout à fait dans cette exigence.

C'est pour assurer la nécessaire préservation de notre souveraineté agricole et alimentaire, et pour accompagner les agriculteurs dans la transition écologique sans en rester au stade de l'incantation qui ne mène nulle part, que le groupe La République en marche votera ce texte.

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