Intervention de Marie-France Lorho

Séance en hémicycle du mardi 6 octobre 2020 à 15h00
Encadrement de l'image des enfants sur les plateformes en ligne — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMarie-France Lorho :

Voici une proposition de loi consensuelle. Elle vient en effet encadrer les très nombreuses vidéos qui fleurissent sur les réseaux sociaux et qui mettent en scène des mineurs, parfois en bas âge. Activités sportives, défis à relever, ou encore scènes de vie privées, ces films, le plus souvent réalisés par les parents eux-mêmes, sont mis en ligne sur des plateformes comme YouTube, Instagram, TikTok ou Twitch et peuvent atteindre des millions de vues.

Alors, oui, cette proposition de loi, qui entend combler un vide juridique, est la bienvenue car l'intérêt de l'enfant doit être l'unique boussole du législateur lorsqu'il est appelé à réfléchir sur cette période si cruciale de la vie. Les sénateurs ne s'y sont pas trompés puisqu'ils ont adopté, à l'unanimité, le 25 juin dernier, une version qui vise à aller un peu plus loin dans la protection de nos enfants.

Elle permettra de responsabiliser non seulement les parents, en leur donnant un cadre juridique plus clair sur ce qu'ils peuvent mettre en ligne et dans quelles conditions, mais aussi les plateformes qui diffusent lesdites vidéos ainsi que les annonceurs qui ont recours aux enfants pour promouvoir des produits. Les activités en ligne mettant en scène des enfants de moins de seize ans devront notamment être soumises à une autorisation préalable auprès de la commission des enfants du spectacle. Et c'est tant mieux.

Le champ de la saisine judiciaire pouvant être effectuée par l'autorité administrative a été étendu. Ne sont plus seulement concernés les producteurs professionnels mais également les vidéos effectuées dans un cadre semi-professionnel dès lors que les représentants légaux de l'enfant auraient manqué à leur obligation de déclaration de leur activité.

La responsabilité des annonceurs a également été clarifiée et renforcée, ce qui ne pourra qu'assurer une meilleure protection des enfants dont l'image est commercialement exploitée sur les plateformes en ligne.

Les améliorations de cette proposition de loi sont d'autant plus essentielles que, bien souvent, les familles assimilent ces activités à du loisir et du divertissement pour leurs enfants. Cela peut être vrai dans certains cas, mais lorsque l'existence d'une rétribution financière, parfois d'un lien de subordination ou d'une prestation de travail peut être établie, le travail déguisé n'est pas loin. Dès lors, les règles du droit du travail s'appliquent. Toute dérogation à l'interdiction du travail des enfants, personne n'en disconviendra, doit être mûrement pesée et réfléchie. Tout retour en arrière en ce domaine serait inacceptable.

Depuis les grandes enquêtes sanitaires du docteur Louis-René Villermé et la loi du 22 mars 1841 limitant le travail des enfants dans les grandes manufactures, le chemin pour interdire le travail des enfants dans notre pays fut long. Il a fallu quasiment un siècle et plusieurs dizaines de mesures d'application règlementaires pour que soit enfin mis un terme à l'insupportable exploitation des enfants dans les filatures, les mines, les fabriques et tout autre type d'établissement industriel.

En définitive, malgré la plus ou moins bonne volonté du législateur, une loi n'est rien si elle n'est pas appliquée. Et pour qu'elle soit appliquée, il faut bien souvent que les mentalités aient déjà changé.

Cette proposition de loi répond à des situations nouvelles mais au-delà de la protection juridique et économique des enfants, nous pouvons légitimement nous poser des questions sur l'omniprésence des écrans et la mise en scène de la vie des enfants. Je finirai donc logiquement mon intervention en évoquant le droit à l'oubli qui me paraît ici primordial. C'est une bonne chose que de permettre qu'il soit mis en oeuvre de façon élargie et la plus souple possible afin d'éviter les « zones grises ».

Bien évidemment, je voterai ce texte, comme chaque fois qu'il s'agit de renforcer la protection de l'intérêt supérieur de l'enfant.

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